Réflexion de Lamennais - Livre 3, chapitre 56
Il est étrange qu'il faille sans cesse redire à l'homme: Pense à ton âme, le temps fuit: l'éternité s'avance: demain, aujourd'hui peut-être, elle aura commencé pour toi. Et cependant il est vrai que, si on ne lui rappelait à chaque heure cette vérité formidable, à chaque heure il l'oublierait, tant est puissante la fascination du monde sur cette créature tombée.
Réveillez-vous, sortez de votre sommeil, ne différez pas davantage le soin de l'unique chose nécessaire; hâtez-vous de mettre la main à l'uvre, tandis que le jour luit encore: la nuit vient pendant laquelle nul ne peut travailler; nuit terrible, nuit désolante, nuit qui n'aura jamais d'aurore ! Quittez, quittez sans perdre un instant, la voie large de la perdition, pour entrer dans la voie étroite de la vie. Combattez avec courage les penchants de la nature inclinée au mal, renoncez à vous-même, et portez votre croix.
Dans la Croix est la force, l'espérance, le salut. Heureux donc celui qui ne sait, comme l'Apôtre, que Jésus et Jésus crucifié ! Il entendra au dernier jour cette parole d'éternelle joie: Venez, le béni de mon Père, posséder le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. Mais les contempteurs de la Croix, mais ceux qui se seront recherchés eux-mêmes, un autre sort leur est réservé: Dieu a dans sa main une coupe pleine d'un vin mélangé; il la verse ici et là, et la lie ne s'épuise point et tous les pécheurs de la terre le boiront.