Réflexion de Lamennais - Livre 3, chapitre 8
Dieu se montre, dans l'Ecriture, plein d'une immense compassion pour les fautes, si on peut dire, purement humaines. Mais il est sans pitié pour l'orgueil, principe de tout mal, pour l'orgueil qui est le crime propre de l'Ange rebelle, et qui s'attaque directement au souverain Etre.
Il a dit: Je suis Jéhovah, c'est mon nom, je ne donnerai point ma gloire à un autre. Or tout orgueil tend, par essence, à s'égaler à Dieu, à se faire Dieu. Désordre tel, que non seulement on n'en conçoit pas de plus grand, mais qu'on hésiterait à le croire possible, s'il n'était sans cesse présent sous nos yeux, et si l'on n'en sentait pas le germe en soi-même. Ainsi voyez comme Dieu le foudroie: et d'abord cette ironie qui glace l'âme d'un effroi surnaturel: Voici qu'Adam est devenu comme l'un de nous; Adam, jeté nu, avec son péché, sur une terre maudite ! Adam qui venait d'entendre cette parole: Tu mourras de mort : Ses enfants imitent son crime, leur orgueil s'élève sans mesure.
Alors l'Esprit divin: Comment es-tu tombé, toi qui te levais comme l'astre du matin, qui disais en ton cur: Je monterai dans les cieux, je poserai mon trône au dessus des étoiles, et je serai semblable au Très-Haut ? Voilà que tu seras traîné aux enfers, dans la profondeur du lac: on se baissera pour te voir. Lisez dans l'Evangile les effroyables malédictions prononcées contre les Pharisiens superbes, tandis que celui qui s'abaisse est à l'instant justifié. Une femme pleure aux pieds de Jésus, elle s'humilie de ses fautes, elle n'ose presque en solliciter le pardon, son silence seul supplie. Le Sauveur, ému, la console: Beaucoup de péchés lui seront remis, parce qu'elle a beaucoup aimé. Mais l'orgueil n'aime point: c'est encore là un de ses caractères et comme le type infernal. Il est le père de la haine, de l'envie, de la violence, de la fausse sécurité et de l'endurcissement. Sorti de l'abîme, il s'y replonge: le reste est le mystère de l'éternelle justice.
O Dieu, ayez pitié de votre pauvre créature! Le front dans la poussière, je m'anéantis devant vous. Je sens, je confesse ma misère, ma corruption profonde, ma désolante impuissance et tout ce qui à jamais me séparerait de vous, si votre grande miséricorde ne venait à mon secours par le don gratuit de la grâce. Daignez, daignez la répandre en mon âme. Ne m'abandonnez pas, Seigneur: sauvez-moi, ou je vais périr. O Dieu, ayez pitié de votre pauvre créature.