Réflexion de Lamennais - Livre 4, chapitre 2
L'apôtre saint Jean, ravi en esprit dans la Jérusalem céleste, vit, au milieu du trône de Dieu, un agneau comme égorgé, et autour de lui les sept esprits que Dieu envoie par toute la terre, et vingt-quatre vieillards; et ces vieillards se prosternèrent devant l'Agneau, tenant dans leurs mains des harpes et des coupes pleines de parfums, qui sont les prières des Saints, et ils chantaient un cantique nouveau à la louange de Celui qui a été mis à mort, et qui nous a rachetés pour Dieu, de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation: et des myriades d'Anges élevaient leurs voix, et disaient: l'Agneau qui a été égorgé, est digne de recevoir puissance, dignité, sagesse, force, honneur, gloire et bénédiction ! Et toutes les créatures qui sont dans le ciel, sur la terre, et dans la mer, et tout ce qui est dans ces lieux, disaient: A Celui qui est assis sur le trône de l'Agneau, bénédiction, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles !
Voici maintenant un autre spectacle. Ce même Agneau qui reçoit, sur le trône éternel, l'adoration des Anges et des Saints, et qu'environne toute la gloire des cieux, vient à nous plein de douceur, et, voilé sous les apparences d'un peu de pain, il se donne à ses pauvres créatures, pour sanctifier notre âme, pour la nourrir, et notre corps même, par l'union substantielle de sa chair à notre chair, de son sang à notre sang: s'incarnant, si on peut le dire, de nouveau en chacun de nous, et y accomplissant, d'une manière incompréhensible, en se communiquant à nous selon tout ce qu'il est, le grand sacrifice de la Croix.
O Christ ! Fils du Dieu vivant, que vos voies sont merveilleuses ! Et qui m'en développera le mystère impénétrable ? Si je monte jusqu'au ciel, je vous y vois dans le sein du Père tout éclatant de sa splendeur. Si je redescend sur la terre, je vous y vois dans le sein de l'homme pécheur, indigent, misérable: attiré en quelque sorte, et fixé par l'amour, aux deux termes extrêmes de ce qui peut être conçu dans l'infini de la grandeur et dans l'infini de la bassesse. Et comme si ce n'était pas assez de venir à cet être déchu quand il vous désire, quand il vous appelle, vous l'appelez vous-même le premier, vous l'appelez vous-même avec instance, vous lui dites: Venez, venez à moi, vous tous qui souffrez, et je vous soulagerai: venez, j'ai désiré d'un grand désir de manger cette Pâque avec vous.
C'en est trop, Seigneur, c'en est trop, souvenez-vous qui vous êtes: ou plutôt, faites mon Dieu que je ne l'oublie jamais, et que je m'approche de vous comme les Anges eux-mêmes s'en approchent, en tremblant de respect, avec un cur rempli du sentiment de son indignité, pénétré de vos miséricordes, et embrasé de ce même amour inépuisable, immense, éternel, qui vous porte à descendre jusqu'à lui !