9 juin
Bouquet spirituel: «Celui qui est fidèle dans les petites choses, le sera aussi dans les grandes.» Lc 16, 10
BSE ANNA-MARIA TAÏGI
Épouse et mère, Tertiaire trinitaire
(1769-1837)
Née à Sienne, Anna-Maria Gianetti suivit son père à Rome où des revers de fortune l'avait contraint d'aller se fixer. La petite passa à peine deux ans à l'école où elle n'apprit qu'à lire. Ses parents faisaient retomber leur amertume sur leur fillette, mais l'angélique pauvrette redoublait de douceur envers eux.
Anna-Maria entra très tôt en service afin d'aider ses parents. Elle grandissait, pieuse, travailleuse et coquette, prenant plaisir à se parer. Domenico, qui travaillait au jour le jour au palais Chigi, homme honnête, rude et prompt à la colère, offrit de l'épouser; Anna-Maria accepta sa proposition de mariage.
Dans les premiers temps de son ménage, elle conserva ses habitudes mondaines, aimant à fréquenter le théâtre des marionnettes et à porter des colliers de verroterie. Après trois ans de cette vie ainsi partagée entre l'amour de Dieu et l'amour du monde, Anna-Maria se confessa au Père Angelo de l'Ordre des Servites, se convertit totalement et, avec l'assentiment de son mari, elle se fit recevoir dans le Tiers-Ordre des Trinitaires. Domenico ne demandait qu'une chose: que la maison soit bien tenue et paisible!
Or, les parents d'Anna-Maria vinrent partager la vie du jeune foyer. Depuis leur arrivée, les scènes de criailleries qu'elle apaise de son mieux se répètent tous les jours, car sa mère acariâtre cherche sans cesse querelle à son gendre qui s'emporte facilement. Atténuant les heurts le mieux possible, elle s'empresse auprès de son époux trop vif qui jette le dîner par terre avec la table quand un plat lui déplaît. Après la mort de sa mère, son père vit aux dépens de sa fille et multiplie disputes sur disputes. Lorsque la lèpre l'atteint, la bienheureuse Anna-Maria le soigne tendrement et l'aide à mourir chrétiennement.
Pour leurs sept enfants, la maison risquait de devenir un enfer, mais la bienheureuse demeurait si surnaturellement douce, que Domenico affirmera que c'était un vrai paradis chez lui, et que l'ordre et la propreté régnaient partout dans son pauvre gîte. Anna-Maria se levait de grand matin pour se rendre à l'église, et communiait tous les jours. Lorsqu'un membre de la famille était malade, pour ne donner à personne l'occasion de se plaindre et de murmurer, elle se privait de la messe et de la communion. Pour suppléer à cette privation involontaire, elle se recueillait pendant les moments libres de la journée.
La bienheureuse Anna-Maria Taïgi tenait ses enfants toujours occupés. Après le souper, la famille récitait le rosaire et lisait une courte vie du Saint du jour, puis les enfants se mettaient au lit après avoir reçu la bénédiction. Le dimanche, ils visitaient les malades à l'hôpital. Sa tendresse maternelle ne l'empêchait pas d'appliquer fermement les sanctions méritées, telles la verge ou le jeûne. Ses enfants profitèrent avantageusement de cette éducation si équilibrée et devinrent vite l'honneur de leur vertueuse mère et le modèle de leurs camarades.
Sa délicatesse envers les humbles était exquise. Elle nourrissait sa servante mieux qu'elle-même; à une qui cassait la vaisselle par maladresse, elle disait gentiment: «Il faut bien faire gagner la vie aux fabricants de faïence.»
Lors de sa réception comme membre du Tiers-Ordre de la Sainte Trinité, la bienheureuse s'était offerte comme victime expiatrice pour les péchés du monde. En retour de cette généreuse offrande, Dieu lui accorda la vision permanente d'un globe ou soleil lumineux dans lequel elle lisait les besoins des âmes, l'état des pécheurs et les périls de l'Église.
Ce phénomène extraordinaire dura quarante-sept-ans. Surprise au milieu de ses occupations domestiques par les ravissements et les extases, Anna-Maria s'efforçait vainement de s'y soustraire. Grâce à elle, les malades avertis de leur fin prochaine mouraient saintement. Comme le sort des défunts lui était révélé, sa compassion pour eux lui inspirait de multiplier ses pénitences afin de libérer au plus tôt ces pauvres âmes qui venaient la remercier de leur délivrance.
Bien que la bienheureuse Anna-Maria Taïgi souhaitait ardemment rester ignorée de tous, une foule de visiteurs composée de pauvres, de princes, de prêtres, d'évêques, du pape même, accourait pour demander conseil à sa sagesse inspirée. Simple et humble, elle répondait tout bonnement en se dérobant aux louanges, refusant toujours le plus petit cadeau.
Or, celle qui répandait ainsi la sérénité et la lumière autour d'elle, fut privée de consolation spirituelle pendant vingt ans, et éprouvait le sentiment très net d'être reléguée en enfer. Pendant sept mois, les angoisses et les ténèbres de son âme s'étant accrues, Anna-Maria Taïgi expérimenta une véritable agonie, n'en continuant pas moins à diriger sa maison comme si de rien n'était.
Malgré ses doigts devenus si douloureux, elle cousait beaucoup afin d'assurer le pain quotidien de la maisonnée. La femme du gouverneur de Savoie qui avait obtenu tant de grâces par les prières de la servante de Dieu, voulut lui donner une forte somme d'argent, mais la bienheureuse la refusa catégoriquement.
Le Lundi-Saint, dans une extase, Anna-Maria apprit qu'elle mourrait le Vendredi-Saint. Après avoir béni tous les siens, et les avoir remercié, elle rendit l'âme dans un cri de bonheur et de délivrance. Il semble que Dieu ait voulu montrer dans la personne de cette admirable bienheureuse, la possibilité d'allier des vertus éminentes et des dons surnaturels exceptionnels à la fidélité aux devoirs les plus humbles et les plus matériels de la vie commune. Le pape Benoît XV béatifia Anna-Maria Taïgi, le 30 mai 1920.
Tiré de Marteau de Langle de Cary, 1959, tome II, p. 338-342 F.E.C. Edition 1932, pp. 201 - Résumé O. D. M.
SAINT PRIME et SAINT FÉLICIEN
Frères, Martyrs
(286)
Saint Prime et saint Félicien, appelés, déjà vieux, du paganisme à la foi, se montrèrent dignes de cette grâce par une vie toute de zèle et de charité. Ils furent de ces chrétiens intrépides qui encourageaient les martyrs devant les tribunaux et dans les supplices, nourrissaient les pauvres, faisaient du bien à tous. Après les avoir longtemps préservés dans leurs saintes audaces, le Seigneur ne voulut pas les priver davantage de la gloire du martyre, objet de leurs aspirations. Sous l'empereur Dioclétien, la persécution devint plus générale et le paganisme fit un dernier effort pour étouffer la religion du Christ dans le sang et le carnage.
Il y avait trente ans que Prime et Félicien bravaient la cruauté des tyrans, quand les prêtres des idoles déclarèrent que leurs dieux irrités ne voulaient plus rendre d'oracles jusqu'à ce que les deux chrétiens Prime et Félicien eussent sacrifié, ou bien eussent reçu le châtiment qu'ils méritaient. Ils sont aussitôt arrêtés, chargés de fers et amenés devant l'empereur.
Prime avait quatre-vingt-dix ans; il répondit aux menaces du tyran, en lui déclarant qu'il n'y avait pas d'autre Dieu que le Dieu des chrétiens, ni d'autre religion que la leur, et que par conséquent ils étaient prêts à subir la mort plutôt que de trahir leur foi. On les frappa d'abord avec des fouets; puis bientôt on déchira leur corps par lambeaux avec des tenailles. Les affreuses plaies furent guéries miraculeusement par Jésus-Christ. Quelques jours après, nouvelles tortures et nouveau triomphe; on fit pleuvoir sur leur chair une grêle de coups de fouets armés de plomb; pendant ce supplice, ils chantaient les louanges du Seigneur.
Félicien, âgé lui-même de quatre-vingts ans, sut, comme son frère, résister à toutes les tentations et prêcha la foi et le salut à son cruel persécuteur; mais il fut cloué par les mains et les pieds à un poteau, où on le laissa trois jours entiers sans nourriture; au bout de ces trois jours, rafraîchi et nourri par les Anges, il parut aussi sain que s'il n'avait pas souffert.
Quant à Prime, on chercha à lui faire croire que son frère avait enfin sacrifié aux idoles: mais il se moqua du juge menteur et lui dit que Félicien était, en prison, heureux comme en Paradis. Cette réponse lui valut des coups de bâtons et le supplice des torches ardentes: "Grâces soient à Vous, ô Jésus-Christ, puisque, dans mes tourments, je ne ressens aucune douleur." Livrés ensuite aux lions et aux ours, les deux frères les virent venir se coucher à leurs pieds. Enfin le tyran leur fit trancher la tête, le 9 juin de l'an 280.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950.