Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'Homme et l'Univers.
par Louis-Claude de Saint-Martin
XX
II se présente ici une question importante ; savoir quels sont les moyens sensibles que l'Agent universel a dû employer pour présenter visiblement l'unité de ses vertus à l'Univers, au milieu des temps et au centre de toutes les immensités temporelles, universelles et particulières. Mais je dirai peu de chose sur cet objet ; car on n'a pas oublié qu'aucune vertu supérieure, qu'aucune pensée ne vient auprès de l'homme sans se condenser pour ainsi dire, et s'unir aux couleurs sensibles région que nous habitons observant toutefois qu'elles suivent les Lois terrestres sans être commandées, qu'elles les dirigent et les perfectionnent, au lieu d'être liées et resserrées par leurs actions passives. On n'a pas oublié non plus quelle est la dignité de la forme de l'homme ; ainsi il suffit de savoir que l'Agent universel a dû suivre la loi commune à tous les Agents qui se sont manifestés ; ajoutons cependant que de même que par sa Nature Divine il a rassemblé en lui les vertus intellectuelles de tous les Agent l'avaient précédé, de même sa forme corporelle a du renfermer toutes les vertus subdivisées et contenues dans tous les corps de l'Univers. Ajoutons encore que s'il est vrai, selon l'ouvrage déjà cité, que le premier homme terrestre n'ait eu de mère, puisque avant ce premier homme terrestre nul corps humain matériel n'avait existé ; il fallait que celui qui pouvait seul rendre la lumière à sa postérité, n'eut point de père ; et cela ne surprendra pas, si l'on pénètre dans la connaissance du Principe qui forma primitivement ces corps. Enfin le premier homme ayant placé le mal à côté du bien, il fallait que l'Etre régénérateur plaçat bien à côté du mal, afin de balancer le poids et l'action du crime et de compléter les termes de la portion. Or la matière à laquelle l'homme s'est uni criminellement, n'est-elle pas la source de l'erreur des pâtiments qu'il éprouve ? Ne le tient-elle pas comme enchaîné parmi les substances qui lui présentent l'ordre sensible, tous les signes de la réalité, tandis qu'elles n'en ont aucune pour son Etre pensant Régénérateur universel, en s'unissant volontairement et purement à une forme sensible, doit donc avoir fait le type opposé ; c'est-à-dire qu'il a dû présenter aux yeux de la matière, tous les indices de la défectuosité, de la fragilité dont elle est susceptible, sans qu'aucune des sources de cette corruption ait pu atteindre jusqu'à lui. En un mot, si la matière avait charmé l'homme, et avait subjugué les yeux de son esprit, il fallait que le Régénérateur universel charmât la matière, et qu'il en démontrât le néant, en faisant régner devant elle le vrai, le pur, l'immuable. Ainsi il ne s'est montré sur la terre, conformément à ces lois, que pour peindre à l'homme sa propre situation, et pour lui tracer l'histoire entière de son Etre ; c'est-à-dire, que si le Régénérateur a dû présenter à l'homme le tableau de son état mixte et dégradé, il doit aussi lui avoir manifesté celui de son état simple et glorieux ; et pour cet effet il faut que la mort ait opéré en lui, devant les hommes, une séparation visible des deux substances qui nous composent, afin que par cette visible analogie, nous ne puissions douter que ce qui forme aujourd'hui cet impur amalgame, est l'union d'un Principe supérieur et sublime, à un principe terrestre et corruptible. « En un mot, il fallait que l'hiéroglyphe s'effaçât pour que la langue parût ; car nous avons vu que l'hiéroglyphe a été antérieur aux langues ; et c'est ce qui pourrait faire dire que tous les Elus précédents n'étaient que des hiéroglyphes dont l'Elu universel était la langue. C'est pour cela qu'il y avait deux alphabets, puisqu'il fallait qu'il sût deux langues ; celle des Elus précédents et la sienne. Les nombres de ces deux alphabets sont faciles à connaître, puisqu'ils sont le double du nombre de l'homme : et le nombre de l'homme se trouve à la fois pour son élection, pour son terme et pour son progrès dans cent quarante cinq mille huit cent soixante-sept. » II fallait en même temps que cette séparation visible s'opérât par un moyen violent, pour rappeler à l'homme que ce fut un moyen violent qui unit autrefois son Etre intellectuel avec le sang. II fallait de plus que cette séparation fût volontaire, puisque la première union l'avait été. Il ne fallait pas cependant que la Victime volontaire s'immolât elle-même ; puisque alors elle n'eût plus été irréprochable, et le sacrifice eût été sans effet. Il fallait aussi que ceux qui immolaient cette Victime, ne la connussent point pour ce qu'elle était, parce qu'ils ne l'auraient pas immolée. Recueillons-nous ici, contemplons l'universalité des vertus Divines opposées à l'universalité des désordres qui avaient souillé toutes les classes des Etres ; considérons l'unité des biens effaçant l'unité des maux, en supportant et annulant à la fois tous leurs efforts enfonçons-nous dans cet abîme de sagesse et d'amour, où la Victime généreuse se sacrifie elle-même sans crime, et où les aveugles sacrificateurs, en détruisant son enveloppe apparente, mettent à découvert l'unique modèle de l'ordre et de la pureté, et extraient, sans le savoir, un électre universel. Car les bienfaits dont cet Agent est l'organe et le dépositaire, n'ont dû se borner ni aux lieux où il a paru, ni aux hommes qu'il s'était choisis, ni même à tous ceux qui existaient alors sur la terre : en communiquant ses dons à ses Elus, il ne leur avait donné que le germe de l'uvre, il devait ensuite le développer, et l'opérer en grand dans toutes les régions que les suites du crime avaient atteintes, c'est-à-dire, dans toutes les classes des Etres, puisqu'il n'y en avait aucune qui n'en eût été ébranlée. Ainsi les corps et les Eléments, exposés par la faiblesse et par le crime de l'homme, à la contr'action, qui tend sans cesse à déranger leurs lois, ont dû recevoir par celui qui venait tout régénérer, des préservatifs propres à les conserver dans l'harmonie qui les constitue, et à éloigner les actions destructives. Enfin ils ont dû être préparés par là, à voir rendre encore sur eux les droits de l'homme et plus puissants et plus manifestes. Et si le fer, étant maintenu dans la direction propre à l'aimant, peut acquérir une partie des qualités magnétiques, devrions-nous être surpris que des hommes qui auraient suivi constamment le sentier des vertus de l'Agent universel, se fussent remplis de ces mêmes vertus, et que brûlant de zèle et de confiance, ils eussent calmé les vents et les flots, arrêté l'effet du venin des vipères, rendu l'action aux paralytiques, guéri les maladies, et même arraché des victimes à la mort. Cette influence universelle sur la terre et sur les éléments a dû nous être marquée par quelques signes sensibles, de la part de celui qui venait la régénérer comme lors de la sortie d'Egypte, parurent visiblement les indices d'un secours et d'une vertu supérieure, par ce sang appliqué sur les trois différentes parties des portes des Hébreux. Or les signes de l'uvre que le Régénérateur opérait invisiblement sur l'Univers, ont dû se trouver dans les lois de la décomposition de son propre corps, puisque son corps renfermait les Principes les plus purs et les plus actifs de la Nature. Il a dû manifester trois actes successifs de purification, opérés par les trois substances pures de sa forme matérielle en dissolution sur les trois éléments terrestres qui ont servi de principes à tous les corps éléments que le crime avait infectés, et par eux toute la Nature : éléments qui avaient été souillés de nouveau par les prévarications des premières postérités de l'homme, et dont les Elus précédents, quelques virtuels qu'ils fussent, n'avaient pu compléter la purification. En effet, l'unité ternaire qui avait tout produit, ne pouvait tout rétablir que par le même nombre : mais avec cette différence, qu'agissant alors sur les choses composées elle ne pouvait procéder que par des actions distinctes ; au lieu que dans l'origine, opérant sur les principes mêmes, elle avait tout produit dans un seul fait. Après avoir régénéré les trois bases fondamentales de la Nature, il fallait régénérer les vertus qui lui servent de mobiles et de réaction : il fallait rendre à tous ces mobiles invisibles, l'activité qu'ils avaient perdue par la criminelle négligence de l'homme, qui chargé de présider à leur harmonie, en avait laissé altérer la pureté et la justesse ; ou plutôt il fallait détruire tous les obstacles que le crime de l'homme avait laissé naître près de ces mobiles, et dans toutes les parties de l'Univers. Ce sont là ces barrières terribles que toute sa postérité doit franchir avant de rentrer dans le séjour de la lumière ; ce sont là ces différentes suspensions qui se présentent à la pensée comme inévitables pour l'homme, après qu'il sera séparé de sa forme sensible. C'est donc sur ces barrières invisibles que le Réparateur a dû étendre ses vertus. Par le droit dont il était dépositaire, il a pu en faciliter tellement l'accès, que tous ceux qui y étaient arrêtés depuis l'origine du désordre, et tous ceux qui n'en avaient point encore approché, se fortifiant de ces mêmes vertus, pussent aujourd'hui surmonter ces obstacles sans péril, comme portant de nouveau sur eux le même caractère, et le même nom qui devait autrefois leur faire ouvrir toutes les enceintes, et leur procurer, au milieu des plus terribles malfaiteurs, le respect et la sécurité. « Les vertus de ces mobiles supérieurs sont retracées et mises sensiblement en action par les sept Astres Planétaires. Ce sont elles dont il est question, dans l'ouvrage déjà cité, sous l'allégorie de sept arbres, et de l'échelle géographique de l'homme. Elles sont les organes du nombre quaternaire, dont la force et l'existence sont démontrées par les quatre espèces d'astres qui composent la région céleste, savoir les Planètes, les Satellites, les Comètes et les étoiles fixes. » « Comme telles, elles sont du plus grand prix, pour l'homme. Ce sont là en effet ces colonnes puissantes qui devaient lui servir de rempart, et qui ont été pour lui l'obstacle le plus redoutable, jusqu'à ce qu'une main bienfaisante soit venue l'aider à le vaincre. Ce sont là les sept portes de la science, qui ne peuvent être ouvertes que par celui qui possède la double clef quaternaire. Ce sont là les sept dons qui depuis le crime ont été retirés aux hommes, et qui néanmoins circulant sans cesse autour de nous, sans que nous en jouissions, ont fait dire que le Juste même péchait sept fois par jour, selon la vraie définition du mot Péché ; c'est par ce nombre que les murs de Jéricho furent renversés ; c'est par ce nombre que fut guérie la lèpre de Naaman. Ce sont enfin les sept types de ces sept actions que les Traditions hébraïques nous représentent comme ayant dirigé et complété l'origine des choses ; et comme devant, pendant leur durée, servir de colonnes au Temple que l'homme aurait dû occuper dans l'univers. » « Car, depuis le crime, ces sept Types demeuraient comme sans action, attendant celui qui devait les ranimer. Dès qu'il a paru, ils ont repris la vie ; et se reproduisant dans leurs propres vertus, comme Dieu même, ils ont dès lors manifesté leur acte sensible. La première puissance de cette manifestation étant désignée par le nombre quarante-neuf, c'était sept semaines ou quarante-neuf jours après la consommation de l'uvre que ces dons visibles devaient se répandre ; parce que c'était alors que devait s'ouvrir cette cinquantième porte de laquelle tous les esclaves attendaient leur délivrance, et qui se rouvrira de nouveau à la fin des temps pour ceux qui, selon Daniel, auront le bonheur d'attendre, et de parvenir jusqu'à treize cent trente-cinq jours. » N'était-il pas également nécessaire que celui qui devait verser ces dons sur la terre, parcourût l'espace qui la sépare du premier Auteur des Etres ; qu'après avoir purifié les sept canaux, par lesquels toutes les vertus doivent couler dans le temps, il allât prendre sur l'Autel d'or, le pain de proposition qui est sans cesse placée devant l'Eternel, et que le transportant dans toutes les régions de l'Univers, il le distribuât non seulement aux hommes qui depuis le commencement des siècles avaient traversé l'habitation terrestre que nous occupons, mais à ceux mêmes qui existaient corporellement sur ce théâtre d'expiation, attendu qu'ils étaient tous encore dans la disette de leur véritable nourriture. D'ailleurs, nous ne pouvons nous dispenser de convenir que c'est par une parole que ce grand acte devait se produire ; puisque si nous n'avons pas d'autre instrument pour manifester nos idées, il résulte que l'Etre principe dont nous sommes le signe et la représentation, ne pouvait également nous apprendre que par la parole, les desseins sacrés qu'il avait eus sur nous dès l'instant de notre existence, et que l'homme avait méprisés ; par conséquent, s'il devait nous manifester au milieu des temps une unité de parole, il devait donc nous manifester de nouveau la profondeur de toutes ses pensées, et nous mettre à portée de recouvrer le secret même de la sagesse et de toutes ses vertus. Or voici quelle est la progression de la manifestation de ses puissances. L'Univers matériel est l'expression de sa parole physique, les Lois et les trésors de la première Alliance de l'Etre principe avec la postérité de l'homme sont l'expression de sa parole spirituelle : le grand uvre opéré par la seconde Alliance est l'expression de sa parole divine. Il paraîtrait en même temps nécessaire que ce grand uvre se couronnât sur la terre par la multiplication des langues. Les premières postérités de l'homme, en s'abandonnant à des excès criminels envers la vérité, avaient subi pour leur punition cette terrible confusion des langues, qui avait rendu tous les individus et tous les peuples étrangers les uns aux autres. Les remèdes de la Sagesse suprême se proportionnant toujours à nos maux, devaient donc prendre la plus favorable pour nous, qui étaient de multiplier les dons des langues dans ceux qu'elle chargerait d'annoncer ces vertus et de les manifester sur la terre. Car au moyen de cette multiplication des langues, ils devraient se trouver à portée de faire parvenir les remèdes partout où le mal aurait gagné, et de rappeler à l'union, à l'intelligence et à la vie, tous ceux que le crime aurait livrés à la dispersion, aux ténèbres et à la mort : c'est-à-dire, qu'ils pouvaient par cette multiplication des langues, rassembler et réunir tous ceux que la confusion des langues avait séparés. Vérité profonde, instructive pour ceux qui ne sont point étrangers aux rayons de la lumière, et qui sont assez heureux pour contempler quelquefois avec confiance, les voies et les fruits de la Sagesse ! Enfin, si nous ne pouvons ici-bas connaître les choses que par leurs signes, et non pas leurs Principes ; si dans une circonstance si importante, les desseins de cette Sagesse en faveur de l'homme, devaient être exprimés d'une manière qui fût à couvert de toute équivoque, il fallait que pour signes sensibles, elle prit des langues de feu. Voilà comment les vertus Divines étant toujours invisiblement liées les unes aux autres, auront pu disposer de nouveau l'Univers pour l'homme, et rétablir en même temps l'homme dans ses droits sur l'Univers. C'est alors que l'uvre universelle temporelle est accomplie ; car le Réparateur ne pouvait ramener le calme dans l'Univers, il ne pouvait régénérer la vie dans l'âme de l'homme, sans rendre la paix et la félicité aux Etres d'une autre classe, à ces Etres supérieurs au temps par leurs fonctions primitives, mais qui, par zèle pour le règne de la vérité, se trouvaient en aspect du désordre depuis son origine, tandis qu'ils n'étaient faits que pour contempler à jamais le spectacle vivifiant de la perfection et de l'ordre. Car, si la dégradation de l'homme leur a fait, pour ainsi dire, exercer des fonctions étrangères à leur véritable emploi, l'acte qui a dû être opéré pour sa réhabilitation, leur rend l'espoir de leurs premières jouissances, qui sont de voir régner partout la régularité, la justesse et l'unité. Il est temps de l'avouer ; la principale vérité que cette époque universelle temporelle pût découvrir à l'homme c'était de lui apprendre le véritable usage de cette bienfaisance que tous les Peuples ont pratiquée dès qu'ils ont été hors de l'état de nature brute, mais qui étant encore séparée, de l'état de la loi d'intelligence, se bornait à des actes d'humanité, au soulagement des besoins du corps et aux devoirs de l'hospitalité. Lorsque l'exercice de cette vertu commença à se perfectionner, elle enseigna toujours à l'homme les mêmes devoirs, mais elle lui apprit aussi à rendre à ses semblables d'autres services. Elle lui fit comprendre qu'il est comptable envers eux de toutes les vertus qui sont en lui, puisqu'elles ne lui ont été données que par la Sagesse suprême, que comme une voie de réaction, pour faire sortir à leur tour les vertus qui sont en eux ; qu'ainsi, pour une uvre aussi sublime, la tâche de l'homme lui présente des devoirs très rigoureux, puisqu'il ne peut rester au-dessous de lui-même sans porter préjudice à ses semblables, puisqu'enfin une seule de ses faiblesses doit coûter aux autres une vertu. Mais en s'unissant à l'Intelligence qui a dû se découvrir lors de la grande époque, cette bienfaisance devient encore plus éminente, en ce qu'elle tient à l'action immédiate du premier de tous les Principes avec laquelle notre nature nous appelle à concourir. L'ardeur de son amour pour nous, fait qu'il détache de lui, pour ainsi dire, des Vertus sans nombre, et des Puissances aussi pures, aussi actives que lui-même. En les détachant, il les expose, si l'on peut se servir de ces expressions, à la nudité, au froid, à la faim, et à toutes les souffrances de la région temporelle ; et comme il ne les détache que pour nous, que pour les faire parvenir jusque dans nous, nous ne pouvons jamais mieux l'honorer nous ne pouvons jamais exercer l'hospitalité plus à son gré, ni plus avantageusement pour nous, qu'en mettant à couvert ceux qu'il nous envoie, mais qui sont dehors et qui ne demandent qu'à entrer ; qu'en vêtissant ceux qui se dépouillent pour nous ; qu'en donnant à manger et à boire à ceux qui souffrent la faim, la soif, la pauvreté la plus entière, pour venir se nourrir, se désaltérer, se réchauffer, se revêtir de l'homme, si l'on peut parler ainsi ; ou plutôt pour le revivifier lui-même, et transvaser leur propre sang jusque dans ses veines. Serait-ce une chose inadmissible, que le Réparateur universel eût choisi une substance matérielle pour la faire servir de base à ses vertus spirituelles Divines, et que la faisant entrer dans le culte qu'il aurait établi elle reçût de lui une virtualité qu'elle n'aurait pas par sa nature ? Cette idée est d'autant plus vraisemblable que d'après la connaissance que nous avons de l'homme il peut transmettre ses faibles vertus, à telle substance qu'il juge à propos ; ce qui dans le physique, comme dans le moral, a été malheureusement la source d'un grand nombre d'illusions sur la terre. « La plus favorable de toutes les substances de la nature corporelle que le Réparateur eût pu employer dans le Culte qu'il venait établir, c'est le froment. Outre ses qualités particulières qui le rendent propre à la nourriture de l'homme il porte dans la langue Hébraïque le nom de bar qui exprime aussi la pureté, la purification, et sa racine barar ou barah signifie un choix, une élection, d'ou sont dérivés bérith, alliance, et barouch, bénédiction. D'ailleurs, ce n'est pas en vain que, suivant les Traditions Juives, le pain, le froment, la fleur de farine paraissent si souvent employés, soit dans les Sacrifices, soit dans les alliances des hommes avec les Etres supérieurs, soit dans la préparation que les Hébreux subissaient pour se disposer à leurs Fêtes ; et mille preuves tirées de l'ordre temporel peuvent justifier tout ce que nous venons de dire en faveur de cette substance.» « Le vin était aussi du nombre de celles que la loi religieuse des Hébreux leur prescrivait d'employer dans leurs cérémonies saintes. II n'offre pas cependant des propriétés aussi étendues, ni aussi salutaires que le froment ; et la vigne démontre même par des signes matériels que son nombre est opposé à la pureté. Mais le Régénérateur universel a dû nécessairement employer le vin dans son culte, parce qu'il est le type du sang dans lequel nous sommes renfermés ; qui comme l'iniquité doit être consommé et disparaître, afin de nous montrer quelles sont les conditions que la justice exige pour que les traces de notre privation soient effacées. » Si des hommes séduits par les lueurs spécieuses de leur jugement, étaient choqués de voir que des substances matérielles tiennent en effet leur place dans le culte établi par le Réparateur universel ; s'il regardaient en conséquence ce culte, et le sacrifice qui s'y doit opérer, comme absolument figuratifs, et comme une simple apparence, ils seraient visiblement dans l'erreur : parce que dès lors ce sacrifice serait nul, et par cela même inutile aux Etres vrais pour lesquels il doit être offert. D'un autre côté, si l'esprit de l'homme voulant contempler les droits de cet acte efficace et réel, ne les cherchait que parmi les nombres passifs, n'y aurait-il pas à craindre qu'il ne trouvât alors que l'apparence de la réalité, au lieu de la réalité même ? Ne perdrait-il pas de vue les fruits essentiels de ce culte qui doit rétablir tous les nombres dans leur ordre naturel, afin que nous nous voyons à la fois, dans le même acte, se manifester la sublimité des nombres vrais, disparaître la nullité des nombres passifs et rectifier l'irrégularité des nombres faux : c'est-à-dire que dans cet acte, la plénitude des nombres doit se déployer devant l'homme, pour effacer la difformité qui résulte de leur séparation. Enfin y aurait-il du danger à croire que dans cet acte à la fois corporel, spirituel et divin, dans cet acte qui ne tend qu'à délivrer l'homme de tout ce qui est sang et matière, tout dût être ESPRIT DE VIE comme celui qui l'a institué et qui vivifie, et comme l'homme qui doit y participer ? Mais s'il est certain que ce Culte doit exister sur la terre, c'est à ceux qui en sont les dépositaires à prononcer. Bornons-nous à reconnaître que toutes les autres parties d'un Culte qui n'est qu'ESPRIT ET VIE, doivent tendre à nous éclairer dans nos ténèbres. Il faut qu'elles soient comme une interprétation sensible des plus grandes vérités que l'homme puisse connaître, et qui lui sont vraiment analogues. Il faut que ce culte considéré dans ses temps, dans son nombre, dans ses diverses cérémonies, soit comme un cercle d'actions vivantes où l'homme intelligent et non prévenu puisse trouver la représentation caractéristique des lois de tous les Etres, de tous les âges, de tous les faits ; c'est-à-dire, que l'homme doit pouvoir y reconnaître non seulement sa propre histoire depuis sa primitive origine, jusqu'à sa réunion future avec son Principe ; non seulement celle de la nature entière, et de tous les Agents physiques et intellectuels qui la composent et qui la dirigent, mais encore celle de la main féconde qui rassemble sans cesse sous nos yeux les traits les plus saillants et les plus propres à l'explication de la vraie nature de notre Etre. Voilà quels doivent être les signes sensibles des dons que le Réparateur universel a apportés sur la terre ; voilà le tableau abrégé de tout ce qu'il a dû opérer, afin que les hommes fussent liés à lui par l'unité d'action, comme il est lié par l'unité d'essence avec la Divinité. C'est assez détailler les pouvoirs de l'Agent universel, c'est assez montrer les droits qu'il doit avoir à la confiance de l'homme : il nous suffit de pouvoir, par les seules lumières naturelles, reconnaître combien il était nécessaire que nous eussions un pareil type devant les yeux. Ce serait être imprudent et offenser cet Agent que de prétendre l'annoncer plus clairement, puisque pour le faire avec une véritable efficacité, il a fallu qu'il parût lui-même. D'ailleurs, fixer plus longtemps les yeux des hommes sur ces recherches profondes, ce serait paraître exclure les personnes simples et sans études, des privilèges qui ont été accordés à toute la postérité humaine. L'homme, dont le cur brûlant consume sans cesse les plantes sauvages et malsaines dont il est environné ; l'homme qui regarde l'Agent dont il reçoit la pensée, comme un Etre de jalousie qui s'afflige lorsqu'on aime quelque chose qui n'est pas lui ; l'homme qui en s'immolant perpétuellement lui-même, est toujours humble et tremblant devant Dieu, parce que le secret de Dieu ne se révèle qu'à ceux qui le craignent ; l'homme simple qui suit avec fidélité et confiance les Préceptes que l'Agent universel doit avoir enseignés, et qui viennent d'une source trop bienfaisante pour conduire à l'illusion et au néant. Tel est celui qui peut prétendre à entrer dans le conseil de paix ; d'autant que la science la plus élevée qui se puisse acquérir est un édifice frêle et chancelant, lorsqu'elle ne repose pas sur toutes ces bases qui en seront toujours le plus ferme appui. Car enfin si l'homme dirigeait ses vues vers l'Electre universel, et qu'il se réchauffât à la chaleur d'un seul de ses rayons, il serait bien plus pur, plus lumineux, plus grand qu'il ne pourrait jamais le devenir par les discours et les raisonnements de tous les Sages de la terre. D'ailleurs, s'il est des vérités qu'on doive divulguer, il en est beaucoup aussi qu'on doit taire, et l'expérience s'unit à la raison pour engager à la réserve, en montrant les maux inévitables qui, dans tous les temps, sont provenus de la publicité. Parmi les Institutions savantes et religieuses les plus célèbres qui aient existé, il n'en est aucune qui n'ait couvert la Science du voile des mystères. Prenons-en pour exemple le Judaïsme et le Christianisme. Les Traditions Juives nous apprennent comment fut puni le Roi Ezéchias, pour avoir montré ses trésors aux Ambassadeurs de Babylone : et nous voyons par les anciens Rites chrétiens, par la Lettre d'Innocent I à l'Evêque Decentius, et par les écrits de Basile de Césarée, que le Christianisme possède des choses de grande force et de grand poids, qui ne sont point et ne sauraient jamais êtres écrites. Tant que ces choses qui ne sauraient jamais s'écrire ne furent connues que de ceux qui devaient en être les dépositaires, le Christianisme jouit de la paix ; mais quand les Empereurs Romains, fatigués de persécuter les Chrétiens, désirèrent d'être initiés à leurs mystères ; quand les Maîtres des Peuples mirent le pied dans le Sanctuaire, et voulurent porter sur les objets les plus sacrés du Culte des yeux qui n'y étaient pas préparés ; lorsqu'ils firent du Christianisme une Religion d'Etat, et qu'ils ne la considèrent que comme un ressort politique ; lorsque leurs Sujets furent forcés de se faire Chrétiens, et que l'on se vit ainsi dans le cas d'admettre sans examen tous ceux qui se présentaient ; alors naquirent les incertitudes, les doctrines opposées, les hérésies. L'obscurcissement devint presque universel sur tous les objets de la Doctrine et du Culte, parce que les plus sublimes vérités du Christianisme ne pouvaient être bien connues que d'un petit nombre de Fidèles, et que ceux qui ne faisaient que les entrevoir étaient exposés à des interprétations fausses et contradictoires. C'est ce qui arriva sous Constantin, surnommé le Grand. Aussi à peine eut-il adopté le Christianisme, que les Conciles généraux commencèrent, et ce temps peut être regardé comme la première époque de la décadence des vertus et des lumières parmi les Chrétiens. A l'exemple de Constantin, ses successeurs désirant d'étendre le Christianisme, employèrent les privilèges et les grâces afin de lui procurer des Prosélytes. Mais ceux qu'ils devaient à de tels moyens, voyaient moins la Religion à laquelle on les appelait, que les faveurs du Prince et les attraits de l'ambition. De leur côté, les Chefs spirituels eux-mêmes, pour s'attirer de nouveaux appuis, favorisèrent les désirs et les passions des Princes ; et s'alliant chaque jour au temporel, ils s'éloignèrent de plus en plus de leur pureté primitive : en sorte que les uns christianisant le civil et le politique, les autres civilisant le Christianisme, il se forma de ce mélange un monstre, dont chacun des membres étant sans aucun rapport, il n'en put résulter que des effets discordants. Les Sophistes des différentes Ecoles, qui furent admis au Christianisme, augmentèrent encore le désordre, en mêlant à cette Religion simple et sublime, une foule de questions vaines et abstraites, qui au lieu de l'union et des lumières ne produisirent que la division et les ténèbres. Les Temples du Dieu de paix furent convertis en Ecoles scientifiques, où les différents Partis disputèrent avec plus de violence que ne l'avaient fait les philosophes sous les portiques d'Athènes et de Rome. Leurs disputes étaient d'autant plus dangereuses qu'elles nuisaient aux choses à cause des mots ; car le grand nombre ne savait pas que la vraie science a une langue qui lui est particulière, et qu'elle ne peut s'exprimer avec évidence que par ces propres caractères et par des emblèmes ineffables. Dans cette confusion, la clef de la science ne cessa pas d'être à la portée des Ministres des Autels, comme dans un centre d'unité qu'elle ne doit jamais abandonner : mais la plupart d'entre eux ne s'en servaient point pour pénétrer dans le sanctuaire : ils empêchaient même l'homme de désir d'en approcher, de peur qu'il n'aperçût leur ignorance ; et ils défendaient de chercher à connaître les mystères du Royaume de Dieu, quoique selon les Traditions mêmes des Chrétiens, le Royaume de Dieu soit dans le cur de l'homme, et que dans tous les temps la Sagesse l'ait pressé d'étudier son cur. Ceux des Chefs spirituels qui se préservèrent de la corruption, gémissant sur les égarements de la multitude, s'efforçaient par l'enseignement et l'exemple, de conserver chez les hommes le zèle, les vertus et l'amour de la vérité. Mais ce fut en vain qu'ils s'élevèrent contre les abus, le monstre qui avait déjà reçu la naissance, était trop favorable aux désirs ambitieux de ses Partisans, pour qu'ils ne prissent pas soin de le fortifier. Jeune encore sous les premiers Empereurs Grecs, quoiqu'il annonçât déjà sa fierté, il ne porta pendant quelques siècles que des coups faibles et peu éclatants ; telles furent les légères entreprises de Symmaque contre l'Empereur Anastase. Mais ayant atteint l'âge où il pouvait déployer sa férocité, les premiers Empereurs Français lui en facilitèrent les moyens. Le père de Charlemagne avait vu le pape à ses pieds, pour le supplier de le défendre contre les Lombards, et d'avance, le Prince avait reçu le Sacre de sa main, en récompense des services qu'il allait lui rendre. Ce commerce bizarre ne tarda pas d'avoir les suites les plus étranges. Ceux qui d'abord n'avaient fait que joindre une cérémonie pieuse, aux droits politiques d'un Souverain, prétendirent bientôt lui avoir donné ces mêmes droits, bientôt en être les dépositaires, bientôt enfin pouvoir, quand il leur plairait, les retirer à ceux à qui ils se persuadaient de les avoir donnés. Aussi le fils de ce Charlemagne, dont le Père avait vu le Pape à ses pieds, non seulement fut aux pieds du Pape, mais fut même, au milieu d'une assemblée de ses propres Sujets, déposé par l'Evêque Ebbon. Seconde époque, dans laquelle les égarements vinrent de la part des Chefs spirituels. Dès que ce torrent eut rompu ses digues, il n'est point de désordre, qu'on n'en vit naître ; l'ambition et le despotisme se couvrant alors du voile de la Religion, firent couler plus de sang en dix siècles que les hordes des Barbares n'en avaient répandu depuis la naissance du Christianisme, et pour frémir d'horreur, il né faut qu'ouvrir l'histoire de Comnène à Constentinople, des Philippe en France, des Frédéric en Allemagne, des Suinthila en Espagne, des Henri et Edouard en Angleterre. Cependant le moment arriva où les yeux devaient commencer à s'ouvrir. Quand les Chefs du Christianisme se furent confondus avec le Temple et le Tabernacle, tandis qu'ils n'en devaient être que les colonnes ; quand ils voulurent sanctifier leur ignorance ; quand ils eurent porté l'extravagance jusqu'à lancer des décrets qui défendaient aux Souverains anathématisés de remporter des victoires, et jusqu'à interdire aux Anges par les mêmes décrets de recevoir les âmes de ceux qu'ils avaient proscrits ; quand enfin il s'éleva plusieurs prétendants à la Tiare, qu'on les vit s'anathématiser réciproquement et se livrer des batailles sanglantes jusque dans les Temples des Chrétiens 1; les Peuples étonnés se demandèrent si ces têtes pouvaient encore être sacrées, étant couvertes d'anathèmes, et ils se permirent de laisser reposer leur enthousiasme pour y substituer la réflexion. Mais dans ces temps malheureux où le sacré et le profane étaient confondus, où la dispute était la seule science du Christianisme public, où les Clercs n'étaient jugés dignes des fonctions de l'Autel, qu'après avoir passé par les frivoles épreuves d'une scholastique barbare, les réflexions des Peuples pouvaient-elles être susceptibles de justesse et de maturité ? Ces hommes grossiers, voyant les désordres de ceux qui professaient les dogmes sacrés, ne se contentèrent pas de douter des Maîtres, ils portèrent l'imprudence jusqu'à suspecter les dogmes mêmes, et à force de les considérer dans cet esprit de défiance, ils crurent y voir des difficultés insolubles. Troisième époque, dans laquelle les égarements vinrent de la part des membres. De là les différentes Sectes qu'on a vu naître, depuis trois ou quatre siècles dans le sein du Christianisme ; lesquelles à leur tour servant de prétexte à l'ambition, en ont été mutuellement les instruments et les victimes. Mais des malheurs d'un autre genre se sont mêlés à ces erreurs, d'autant qu'on a vu à la fois, la croyance des choses vraies, et la crédulité criminelle confondues, et proscrites par des sentences barbares, ce qui enhardi, les Ouvriers mauvais, et fait taire de plus en plus les Ouvriers légitimes. Alors ceux des Chefs spirituels qui avaient conservé le dépôt dans sa pureté, n'auraient pas été entendus, s'ils avaient voulu diriger la pensée de l'homme vers la hauteur de ce Sacerdoce ineffable qui l'approche de la Divinité ; et s'il eussent voulu l'engager à la recherche des sciences Divines en repliant son action sur lui-même, et en se dépouillant de tout ce qui est étranger à son Etre pour se présenter tout entier avec un désir pur aux rayons de l'intelligence. Aussi les controverses passionnées et sanglantes des derniers siècles n'ont-elles produit que des systèmes absurdes et des opinions plus hardies encore que celles qui avaient déjà égaré les hommes depuis la naissance du Christianisme. Car les Observateurs révoltés de la diversité et de l'opposition des idées sur les Dogmes les plus essentiels, attaquèrent la base même de l'Institution chrétienne, et ne tardèrent pas à la rejeter, l'ayant confondue avec l'édifice monstrueux que l'orgueil et l'ignorance avaient élevé dans son sein. Que devait-on attendre d'eux, après qu'ils eurent porté ce coup à la seule Religion qui ait présenté aux hommes le caractère frappant de s'être répandue, sans avoir jamais plié devant les Peuples conquérants ; d'avoir vaincu non des Nations grossières et barbares, comme on l'a vu de la Religion de Mahomet, mais des Nations savantes et policées ; de les avoir vaincues, non par les armes, mais par les seuls charmes de sa douce Philosophie. Des Observateurs qui avaient ainsi méconnu la base du Christianisme, ne pouvait pas porter un jugement plus favorable des autres Religions ; en sorte que n'apercevant plus aucun lien entre l'homme et son Principe invisible, ils l'en crurent tellement séparé que nulle Institution religieuse ne pouvait l'en rapprocher. Quatrième époque de dégradation, dans laquelle l'homme devenant Déiste, ne s'est trouvé qu'à un pas de sa ruine. Les progrès de l'erreur ne se sont point arrêtés là ; il s'est présenté de nouveaux Observateurs qui pour se tirer de la confusion que le Déisme avait répandue sur les sciences religieuses, ont enseigné des opinions encore plus destructives. Non seulement ils ont dit que les Instituteurs du Christianisme et de toutes les Religions étaient ignorants, trompeurs, ennemis même de la morale qu'ils professaient ; que leurs Dogmes étaient nuls et contradictoires, dès qu'ils étaient contredits ; enfin que la base sur laquelle ces Dogmes s'appuyaient était imaginaire, et que par conséquent l'homme n'avait aucun rapport avec les vertus supérieures : mais ils ont été jusqu'à douter de sa nature immatérielle. Ils ont accompli par là cette menace faite aux Hébreux, que s'ils négligeaient leur loi, ils finiraient bientôt par tomber dans un tel degré de misère et d'abandon, qu'ils ne croiraient plus à leur propre vie. Enfin ils ont été conduits par là à nier l'existence même du Principe de toutes les existences, puisque nier la nature immatérielle d'une production telle que l'homme c'est nier la nature immatérielle de son Principe générateur. Cinquième et dernière époque de dégradation, où l'homme n'étant plus que ténèbres, est au-dessous de l'insecte même. C'est de ce système funeste que sont provenus tous les déraisonnements philosophiques qui ont régné dans ces derniers temps. Les premières postérités avaient péché par l'action, en voulant égaler Dieu par leurs propres vertus ; les dernières pèchent par nullité, en croyant qu'il n'y a dans l'homme ni action ni vertus. C'est de là qu'est venu le délire d'un Athée moderne, qui écrivant contre la Divinité, a cru en démontrer le néant, en ce que, selon lui, si elle eût existé, elle aurait puni son audace. Ne pouvait-on pas lui répondre que la Divinité peut exister et ne pas punir des attaques impuissantes Que l'on doit plutôt croire que vraiment il ne l'a pas attaquée ? Que de vains écrits peuvent ne point allumer les foudres de sa colère ? Enfin qu'il n'était pas assez avancé pour élever sa voix jusqu'à elle, ni assez instruit pour proférer contre elle de véritables blasphèmes ? Nous avons vu quelle a été, depuis le commencement du Christianisme, la progression du désordre dans lequel les disputes scientifiques ont entraîné les hommes, et celui qu'à produit la trop facile publicité de choses qui ne peuvent être bien conçues par la multitude, ni cesser d'être secrètes sans qu'elles soient exposées à être mal comprises ou mal interprétées. Quelle est donc la route que l'esprit de l'homme doit prendre pour sortir de cet état désordonné et dévoué à l'incertitude ? C'est celle qu'il découvrirait presque sans effort, s'il tournait ses regards sur lui-même. Une considération attentive de notre Etre, nous instruirait sur la sublimité de notre origine : et sur notre dégradation : elle nous ferait reconnaître autour de nous et dans nous-mêmes, l'existence des vertus suprêmes de notre Principe ; elle nous convaincrait qu'il a été nécessaire que ces vertus supérieures se présentassent à l'homme visiblement sur la terre, pour le rappeler aux sublimes fonctions qu'il avait à remplir dans son origine ; elle nous démontrerait la nécessité d'un culte, afin que la présence de ces vertus ne fût point sans efficacité pour nous. Nous suivrions les traces de ces vérités dans toutes les Institutions religieuses ; et loin que la variété de ces Inscriptions dût nous faire douter de la base sur laquelle elles reposent, nous rectifierons par la connaissance de cette base, tout ce qu'elles peuvent avoir de défectueux ; c'est-à-dire, que nous rallierions dans notre pensée ces vérités éparses, mais impérissables, qui percent au travers de toutes les Doctrines et de toutes les Sectes de l'Univers. Nous élevant ainsi de vérités en vérités, avec le secours d'une réflexion simple, juste et naturelle, nous remonterions jusqu'à la hauteur d'un type unique et universel, d'où nous dominerions avec lui sur tous les Agents particuliers intellectuels et physiques qui lui furent subordonnés, parce qu'étant le flambeau vivant de toutes les pensées et de toutes les actions des Etres réguliers, il peut répandre à la fois la même lumière dans toutes les facultés de tous les hommes. Et c'est là cette brillante lumière que l'homme peut faire éclater en lui-même, parce qu'il est le mot de toutes les énigmes, la clef de toutes les Religions et l'explication de tous les mystères. Mais, oh homme ! lorsque tu seras arrivé à cet heureux terme, si tu es sage, tu garderas ta science dans ton cur.
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