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CHAPITRE III




PRUDENCE DE L'ÉGLISE



1.Nonobstant toutes les aspirations et prévenances du souffle chrétien en faveur les pauvres juifs, l'Église, en mère soucieuse de l'avenir des États chrétiens, ne retranche rien de ses anciennes mesures de précautions. - II. Sa prudence est même plus attentive à cause d'un autre motif : les Nations parvenues à leur âge mûr sont devenues suffisantes et arrogantes, et l'Église redoute pour elles qu'elles ne résolvent d'une manière purement civile la question de l'émancipation des juifs. - III. Enfin sa prudence reluit à propos des controverses sur la conversion future du peuple juif. Trait admirable de cette prudence dans l'Assemblée du clergé de France en 1785.



I



En face de cet intérêt, motivé ou exagéré, pour les restes d'Israël, de ces espérances, les unes très catholiques, les autres jansénistes ; en face, également, de cet apaisement survenu dans les populations par suite de l'esprit de maturité auquel est parvenu le genre humain que pense l'Église ? Quelle conduite tient-elle ? L'Église est très prudente.

Retranche-t-elle quelque chose de ses précautions à l'égard des juifs ? Modifie-t-elle ses règles anciennes ?

Pas le moins du monde, et elle a raison.

L'esprit de sagesse ne lui fait rien abandonner de ce que les Souverains Pontifes ou les saints Conciles ont décrété pour prévenir le danger d'envahissement. Tout ce que nous avons raconté de ses prévenances et de ses actes de miséricorde subsiste, mais également ses mesures de démarcation. Elle n'admet pas plus au XVIIIe siècle qu'au Xe, qu'un juif puisse entrer en possession ou en participation de ce qui est fonction essentielle dans la société chrétienne ; qu'un juif, par exemple, puisse tenir école pour des chrétiens, s'asseoir sur un siège de magistrat au-dessous d'un crucifix, contribuer à la confection des lois d'un État chrétien. Sa ligne de conduite est toujours la même ; les tolérer, les bien traiter, avoir compassion d'eux, mais à condition qu'ils restent entre eux, chez eux, et ne soient pas introduits au sein de la société chrétienne, parce qu'une fois dans son sein ils iraient bien vite à son cœur et en contrarieraient les fonctions normales. Son non possumus est toujours aussi énergique.

Mais alors, s'il en est ainsi, la question si complexe, si ardue, qui vient se poser au XVIIle siècle devant l'opinion : l'émancipation des juifs peut-elle se faire ? doit-elle se faire ? cette question-là n'est-elle pas toute résolue, par avance, dans un sens à peu près négatif ?

Mais alors aussi, ces développements successifs, majestueux, du souffle chrétien en bonté, en douceur, en miséricorde, dont nous nous sommes plu à suivre les orbes magnifiques à travers dix-huit siècles, ces développements-là, n'aboutissent-ils pas à des avenues de mirage et à des portes toujours fermées pour Israël ? En définitive, en quoi y a-t-il amélioration entre la situation des juifs au XVIIIe siècle et leur situation, par exemple, au XIIIe siècle ? N'est-ce pas toujours, de la part de l'Église, la même compassion stationnaire ?

Pas tout à fait.

D'abord, si elle ne peut transiger sur son non possumus à l'endroit de leur introduction au sein de la société chrétienne, elle est heureuse que, grâce à ses leçons, à ses conseils, les gouvernements et les populations aient renoncé aux vexations, aux duretés et aux violences dont les pauvres juifs ont été si souvent les victimes, sous ses yeux, et à son corps défendant.

Elle est heureuse qu'il y ait, avec eux, un échange de services circonspect, mais honorable.

Elle est heureuse aussi que l'on aide, avec des sentiments larges, au retour du peuple égaré et que les âmes ferventes pensent déjà à sa conversion future, et la préparent par leurs supplications et leurs sacrifices.

Elle serait heureuse enfin que cette idée de l'entrée des israélites dans la société fût accompagnée de leur entrée dans l'Église, que l'une ne se fit pas sans l'autre, et que l'on étudiât par des tâtonnements, en quelque sorte, de lumière et d'amour, les moyens de les réaliser simultanément.

Voilà, au XVIIIe siècle, les résultats obtenus, même pour les juifs, par le souffle de douceur et de bonté sorti de l'Évangile.

L'Église, en gardienne austère, ne quitte pas du regard les avenues de la société chrétienne, son œuvre patiente de tant de siècles. Sentinelle vigilante qui a reçu son mot d'ordre des deux Testaments, elle tient à l'écart les Hébreux, en ne permettant pas qu'on leur nuise ou qu'on les violente. S'inspirant du Cantique sacré dont elle est devenue héritière, elle veille à ce que les palissades demeurent en bon état :

Ils m'ont placé à la garde des vignes.

Prenez-nous les petits renards qui ravagent les vignes :

car notre vigne a fleuri (1).


La vigne en fleur, c'est la société chrétienne ;

L'Église veille à ce qu'on ne la détruise pas.



II



Sa prudence devient même plus attentive à cause d'un autre motif : les Nations catholiques, jusqu'ici si confiantes, commencent à se détourner de leur mère, danger dont les juifs peuvent profiter.

Ces dispositions inquiétantes des Nations catholiques, à quoi donc les attribuer ? Eu partie, à l'exemple qui leur a été donné par les Nations devenues protestantes, mais en partie aussi à leur suffisance propre, qui s'autorise de leur âge mûr. Il est manifeste, en effet, que parvenues au XVIIe siècle, les Nations de l'Europe ont franchi l'âge de la fougue et sont entrées dans une phase de maturité. Au point de vue des choses du temps, elles ont lieu d'être satisfaites, car elles présentent des magnificences incomparables. C'est le moment où l'Europe est à l'apogée de son intelligence et de ses forces. La langue qui se parle est celle de Bossuet, de Pascal, de Leibnitz, de Corneille. Le globe entier est découvert. Tous les pays ont entendu la bonne nouvelle de l'Évangile et vu passer les missionnaires de la paix et du royaume de Dieu, que l'Europe leur a envoyés. Le secret des forces de la nature est surpris par la découverte de la vapeur et de l'électricité : l'homme va en tirer des merveilles. Enfin l'ère des grandes richesses sociales semble venue par une liberté plus large pour chacun, par une égalité mieux répartie, par une fraternité universelle. Le groupe des peuples européens entre vraiment en possession de tout son génie, de toute sa fortune, de toute sa liberté : il peut s'appliquer ce que le grand Corneille fait dire à Auguste dans la tragédie de Cinna :

Je suis maître de moi, comme de l'univers.


Ah ! si à ce moment de leur histoire les Nations catholiques, bien loin de diminuer leur déférence envers leur sainte mère l'Église, eussent eu le bon esprit de s'y tenir et de l'augmenter, nul ne saurait dire les torrents de grâce et de félicité qui eussent, par leur intermédiaire, découlé sur le reste du genre humain : car Dieu ne demande que des canaux fidèles ! Hélas ! pourquoi faut-il que le contraire ait eu lieu, et que, pleines de suffisance à cause de leur âge mûr, elles aient cessé leurs rapports d'enfants avec la sainte Église !

À tout âge, on est enfant devant l'Église : les peuples comme les individus. À tout âge, on doit la consulter, l'écouter et baisser les yeux devant les Souverains Pontifes et les Évêques qui sont la bouche de l'Église. Il est doux de le faire, il est funeste de le cesser. N'est-ce pas pour les cheveux blancs comme pour le jeune âge, pour les peuples mûrs comme pour les peuples nouveaux que l'Église, chantée par Isaïe, prononce ces paroles attendrissantes dans les écrits de ce Prophète :

Écoutez-moi, vous que je porte dans mon sein, que je renferme dans mes entrailles je vous porterai encore jusqu'à la vieillesse, je vous porterai jusqu'aux cheveux blancs ; je vous ai créés, et je vous soutiendrai ; je vous porterai, et je vous sauverai (2).

Mais non ! sitôt qu'elles sont dans leur maturité, les Nations ne croient plus l'Église, et s'en croient, et leur suffisance enfante leur arrogance. Elles se montrent jalouses et défiantes dans la possession du domaine civil et dans l'exercice des droits nouveaux qu'elles rattachent pompeusement à leur âge de virilité. Le langage et les prétentions des Princes et des Parlements portent l'empreinte de cette hauteur. Dans la conduite, alors, de l'Église brillent, à côté de la fermeté pour les principes, le tact, la circonspection, la longanimité, la magnanimité dans les procédés et les arrangements, suave éclosion de sa vertu de prudence ! Elle demeure, alors qu'on la bafoue ; elle écoute en patience, alors qu'on la trompe ; elle accorde, mais en gémissant. Car c'est encore pour les peuples comme pour les individus que l'Apôtre des nations a fait entendre cette grave parole : Obéissez à vos conducteurs, et soyez-leur soumis ; afin que, veillant sur le bien de vos âmes, ils s'acquittent de ce devoir avec joie, et non en gémissant ; ce qui ne vous serait pas avantageux (3). L'Église gémit donc à cette époque, et c'est loin d'être avantageux aux Nations.

Aussi bien, voici un désavantage redoutable qui se prépare, et qui alarme l'Église. Pourvu que cette suffisance ne se montre pas, si la question die l'émancipation des juifs vient à se poser ! Pourvu que les Nations ne se mettent pas en tête de la résoudre toutes seules, et d'une manière purement civile ! Quels dangers il y aurait pour elles ! et quelle situation délicate, et pleine de gémissements, pour l'Église !

Dangers, parce que les Nations ne sont pas capables de résoudre, toutes seules, comme il conviendrait, cette grosse question, l'une des plus grosses dans l'histoire des siècles ;

Et si malheureusement elles la résolvent, quelle situation délicate pour l'Église, et quel appel à toute sa prudence ! Car, autrefois, ses Conciles avaient des séances où l'on s'occupait des juifs ; mais si la solution de la question doit être purement civile, les Conciles, à l'avenir, n'éviteront-ils pas d'en parler ? Les Papes, autrefois, donnaient des conseils aux Souverains sur la manière de traiter les juifs, de les protéger ou d'arrêter leur audace ; ne s'abstiendront-ils pas de conseiller ?

Ce serait le silence de l'Église, et le silence de l'Église comme celui de Dieu, n'est-ce pas la mort ? Seigneur, ne vous taisez jamais sur moi, de peur que si vous vous taisez, je ne devienne semblable à ceux qui descendent dans la fosse (4).

Ô moment critique ! Sainte Église de Dieu, mère des Nations chrétiennes, vos Nations se détournent de vous, mais vous, ne les laissez pas



III



Il y a encore, aux XVIIe et XVIIIe siècles, un autre aspect de la prudence de l'Église. Nous avons raconté, au chapitre précédent, les controverses qui se sont élevées sur la conversion des juifs, et les hypothèses qui se sont faites sur les circonstances qui précéderont ou accompagneront cette conversion :

L'Église a gardé la plus grande réserve.

On a dit avec beaucoup de justesse, sur la conduite des Souverains Pontifes vis-à-vis de la marche des événements : « Placés en face de deux mondes, le monde spirituel et le monde matériel, ouvriers propres de l'éternité, les Souverains Pontifes ont connu qu'ils n'avaient aucune action directe sur le temps, si ce n'est que tôt ou tard, par une combinaison de ressorts dont Dieu seul a le secret, les choses passagères doivent servir au triomphe des choses permanentes, et, malgré leur résistance opiniâtre, se jeter enfin palpitantes et vaincues dans les bras de la vérité. Le Saint-Siège a déjà vu plusieurs de ces moments solennels où le temps et l'éternité se rencontrent ; mais il en ignore les époques, et il ignore aussi les routes qui, dans la sphère indéterminée du possible, ramènent l'un à l'autre le fini et l'infini. C'est pourquoi le Saint-Siège n'appelle ni ne crée les événements ; il les reçoit de la main de Dieu qui les produit ou les permet, se bornant, lorsqu'ils sont accomplis, à se conduire envers eux avec les règles ordinaires de la sagesse chrétienne (5). » Cette prudence, qui ne s'est jamais démentie, est divine. La prudence, est une vertu reine ; elle rend les hommes puissants, dit Bossuet. Le Saint-Siège a toujours été puissant par cette sagesse à l'égard des événements, par cette patience envers le temps.

Aussi, toutes les controverses qui se sont élevées sur la conversion générale des juifs, toutes les explications de l'avenir, ont-elles trouvé le Saint-Siège et l'Église réservés. Cette réserve n'est pas de l'indifférence. Car, d'une main, la sainte Église tient les divines Écritures qui annoncent cette conversion ; et, de l'autre, elle s'apprête à bénir l'ancien peuple de Dieu qu'elle attend et pour lequel elle prie. Mais voilà tout. Le reste est le secret de Dieu. Les routes par lesquelles ils reviendront, et l'époque de ce retour, elle l'ignore. Et toutes les fois qu'on lui a présenté des aperçus qui s'autorisaient même des divines Écritures, l'Église est restée sur la réserve la plus grande, révérant les sept sceaux mystérieux que le lion de la tribu de Juda, seul, lève (6), et montrant qu'elle attend, pour tout ce qui est écrit dans la Bible sur la consommation des siècles, le sûr commentaire des événements (7).

Il y eut, à la fin du XVIIIe siècle, un trait significatif de cette prudence. Petit détail aujourd'hui ignoré, il nous a semblé être l'expression de la grave réserve de l'Église, soit par rapport aux événements de la consommation des siècles, soit par rapport à Israël et aux Nations à l'heure de cette consommation.

Devant l'Assemblée du clergé de France en 1785, alors que la question juive préoccupait déjà fortement l'opinion, Mgr de Noé, évêque de Lescar, devait prononcer un discours, préparé avec le plus grand soin (8). Le discours ne fut pas prononcé. Un des rares exemplaires qui est entre nos mains porte en tête cet avertissement : « Ce discours, quoique composé pour l'Assemblée du clergé en 1785, ne fut pas prononcé pour des raisons qu'il est inutile de rapporter (9). » Nous l'avons lu en entier. Il renferme de grandes beautés, de graves avertissements, présentés d'une manière saisissante, avec la hauteur de vues d'un prophète. Qu'on en juge par l'extrait suivant. C'est en 1785 que le noble évêque tient la plume, et, prévoyant les terribles événements qui se préparent, il dit : « J'ai comparé les crimes des anciens peuples avec les nôtres, et, voyant sur le soir le ciel en feu, je me suis dit que la journée du lendemain serait brûIante. Je me suis recueilli en moi-même ; j'ai endurci mon front comme le marbre, pour soutenir le choc des contradicteurs ; j'ai crié comme une sentinelle attentive qui a vu l'ennemi s'avancer ; j'élèverai la voix comme une trompette, pour annoncer au peuple le jour de la colère, et aux Chefs du peuple les approches de la calamité (10). »

Ce discours ne fut donc pas prononcé. L'Assemblée du clergé de France se le passa de mains en mains, l'admira, mais ne lui accorda pas l'autorité et le retentissement de la chaire chrétienne. Pour des raisons qu'il est inutile de rapporter, dit l'avertissement en tête de l'édition qui fut donnée en 1788.

Or, curieux de rechercher ces raisons dans le contexte même, nous en avons trouvé une première dans l'effroi qu'auraient certainement causé des pressentiments aussi lugubres ;

Mais nous en avons trouvé deux autres dans la prudence de l'Église ;

Prudence relative aux événements de la consommation des siècles : Mgr de Noë appartenait à l'école qui professait cette opinion hardie : qu'un avènement intermédiaire de Jésus-Christ, comme roi de toute la terre, aura lieu, avant son avènement final pour le jugement dernier ;

Et prudence, aussi, relative à Israël et aux Nations. Là, nous avons eu la preuve de la tendresse et de la délicatesse de l'Eglise pour ses chères Nations, malgré l'ingratitude de plusieurs. Le discours en effet met en constante opposition ces deux événements appuyés sur les Écritures : le châtiment des Nations et le rappel des juifs ; d'une part, l'ingratitude ; de l'autre, la consolation. Un pareil contraste, dans une telle assemblée, allait obtenir un retentissement officiel. C'était fort grave. Bossuet avait pu rappeler incidemment, dans un écrit particulier, les menaces du retranchement, Fénélon aussi, d'autres docteurs ou prédicateurs aussi. Mais ce qui était encore sans précédent, c'était une grande assemblée catholique comme celle du clergé de France, donnant du relief à ces menaces et s'associant à des paroles comme celles-ci : « Si mon cœur se réjouit dans l'attente d'un si grand bien (le rappel d'Israël), il retombe aussitôt dans la tristesse à la vue des maux qui doivent le précéder. C'est par une crise douloureuse que cette heureuse révolution doit s'opérer, c'est sur les débris des peuples retranchés que doit s'élever le nouveau peuple. Je vois des épreuves, des combats, un désert de sables arides, et peut-être une mer de sang, un déluge de feu menaçant une terre souillée, le bras de Dieu levé sur la gentilité coupable, je tremble.., et, comme le prophète Jonas, au moment d'annoncer des vérités fâcheuses à un grand peuple, je suis prêt à m'enfuir..(11) . »

L'assemblée épargna donc la fuite au noble évêque, en fuyant elle-même le discours. Elle fit bien. Elle évitait par là de montrer l'Église préparée à se consoler de l'ingratitude de telle ou de telle Nation par l'espérance du retour d'Israël. L'Église ne fera jamais cela. Ayant aimé les Nations, elle les aimera jusqu'à la fin. Si (ce qu'à Dieu ne plaise !) plusieurs devaient abandonner, mépriser et faire souffrir celle qui fut leur mère, l'Église restera mère, protectrice gardienne. Elle ne prendra jamais le parti d'Israël contre les Nations. Elle ne dira pas : Tels peuples m'abandonnent, mais Israël me revient. Lorsque Israël devra lui revenir, ce sera sans doute au milieu des douleurs, dans un enfantement laborieux ; mais si son cœur doit être consolé par cette naissance si longtemps attendue, ses bras se tendront toujours vers ses chères Nations, car la Gentilité fut son premier-né.



DEUXIÈME SECTION

LE SOUFFLE DU PHILOSOPHISME EN FAVEUR DES ISRAÉLITES

SOUFFLE DE TEMPÊTE.




CHAPITRE IV



PLAN D'UNE SOCIÉTÉ HUMANITAIRE

QUI DEVRA REMPLACER LA SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE ET ENGLOBER

TOUS LES HOMMES.



1. Pour bien juger en histoire, il faut tenir compte non seulement de la Providence, mais de l'Enfer. Au XVIIIe siècle, l'Enfer change de tactique à l'égard des restes de l'ancien peuple de Dieu. Jusqu'alors saccagés par lui, les juifs seront, à l'avenir, non seulement ménagés, mais glorifiés. Dans quel but ? - II. Premier essai de cette tactique par la propagande protestante ; mais inefficacité du protestantisme sur le peuple de l'ancienne Alliance. Pourquoi ? - III. Essai autrement redoutable par le souffle du philosophisme et de la philanthropie. Plan de l'Enfer remplacer la société chrétienne et dissoudre les restes d'Israël par la formation d'une nouvelle société, ni chrétienne, ni juive, mais purement humanitaire, qui englobera tous les hommes. - IV. Ce qu'était le philosophisme pour la réussite de ce plan. - V. Maximes à l'aide desquelles les hommes seront détachés de l'ancienne société, et attirés dans la nouvelle ; première maxime : toutes les religions sont bonnes ; seconde maxime : les juifs sont des hommes comme les autres.



I



Qui ne tient pas compte en histoire non seulement de la Providence, mais de l'Enfer, n'aura jamais que des vues indécises, et ne fournira que des explications incomplètes. Dieu et Satan se disputent le cœur de l'homme, chacun de nous le sait ; mais ils se disputent également la direction de la société, de ses développements et de ses phases. La première page de la Bible le révèle ; le Christ l'a rappelé à propos dc l'Église, les portes de l'Enfer ne prévaudront pas ; saint Paul le montre du doigt dans la prédication de l'Évangile, lorsqu'il écrit aux Thessaloniciens : Nous avons voulu aller vous trouver ; et moi, Paul, j'en ai eu le dessein plus d'une fois, mais Satan nous en a empêchés (12) ; et depuis lors l'histoire de ces dix-huit siècles laisse visiblement apercevoir, par-dessus nos querelles de cités, de pays, de nations, de races, le spectacle de ces deux forces géantes en combat : la malice infernale dévastant la société, et la grâce divine la réparant, la soutenant et la faisant toujours avancer (13).

Dans le IVe chapitre du IIe livre, nous avons montré les restes d'Israël en butte à l'acharnement de l'Enfer, malgré leur liaison avec les ténèbres depuis l'accomplissement du déicide. Massacres, fureurs populaires, ont été souvent inspirées par le noir abîme, pour se débarrasser d'un peuple tenu en réserve par la Providence pour de suprêmes miséricordes. Mais voici un virement de bord assez singulier :

Au XVIIIe siècle, l'Enfer change de tactique. Les restes d'Israël, jusqu'alors saccagés par lui, vont être ménagés, et même glorifiés. La considération et le respect du juif deviendront désormais son programme.

Dans quel but ? et d'où vient ce changement de tactique ?

La haine de l'Enfer est clairvoyante, elle a ses lueurs. L'Enfer a parfaitement conjecturé, à ce signe non équivoque du rayonnement de la Croix et de l'Évangile sous tous les cieux et sur toutes les plages, que la plénitude des Nations annoncées par saint Paul est en voie de s'accomplir, et que conséquemment le temps d'Israël est proche (14). Alors l'abîme a voulu prendre les devants. Ces restes inexterminables d'Israël, dont il n'a pu venir à bout par des massacres, il tâchera de les pervertir, de les rendre impropres aux desseins de Dieu par la corruption : de la sorte, leur conversion sera rendue impossible...

Tel apparaît manifestement son programme à la fin du XVIIIe siècle.

Deux grands courants d'idées et de ressources seront ses moyens d'exécution : le premier, la propagande protestante ; le second, le souffle du philosophisme.



II



Luther avait fort malmené les juifs. Par la plus étrange volte-face, le luthéranisme se met tout à coup en tête de les convertir. Des sociétés protestantes se fondent, se multiplient, riches et tenaces, pour distribuer le Nouveau Testament, traduit en hébreu, aux fils de Jacob sur tous les points du globe ; les navires de la puissante Albion voguent au service de cette propagande (15)

. Inutiles efforts, le vieux peuple à tête dure, plus tenace que les sociétés protestantes, ne se laisse pas entamer. De fait, il reste insensible aux bibles luthériennes. Le Protestantisme manie un cadavre et ne s'aperçoit pas qu'il n'a nulle puissance pour le ranimer. C'est comme si un pharisien du temps de Jésus s'était avisé de dire : Lazare, sors du tombeau ! Les bandelettes du Talmud ne tomberont, et le sépulcre ne s'animera qu'à la voix de la Vérité !

Aussi bien, il y a dans la Bible une parabole extrêmement touchante qui explique pourquoi les restes du peuple d'Israël ne peuvent devenir ni protestants, ni mahométans, ni sectateurs de n'importe quelle fausse religion : la parabole de l'épouse qui, punie parce quelle a été adultère, ne s'abandonne ensuite à personne. Le Seigneur dit dans le prophète Osée : Vous m'attendrez longtemps ; vous ne vous abandonnerez cependant à personne ; vous n'aurez point d'autres époux, et je vous attendrai aussi moi-même... (16)

Vous m'attendrez : c'est bien en effet le grand caractère des juifs, ils attendent. Rien ne change en eux cette disposition, ni les révolutions des empires, ni la diversité des mœurs des nations au milieu desquelles ils vivent : ils attendent !

Moi-même je vous attendrai, peuple incrédule et ingrat ! Je ne me lasserai point de vous conserver ; j'empêcherai vos familles de s'éteindre et de se confondre avec celles des Nations ; je supporterai votre obstination et votre haine contre le Messie et son Église, je vous laisserai la garde, de la lettre des Écritures et certains restes des pratiques légales, sans vous rétablir et sans vous détruire entièrement.

En effet, le peuple juif, fixé dans cet état d'attente, est un prodige. Car d'un côté il ressemble à une épouse visiblement abandonnée ; et de l'autre, il ne s'abandonne à personne. Il ne devient ni idolâtre ni sectateur des diverses superstitions des peuples. Une main supérieure l'empêche de tomber dans le gouffre de l'irréligion sans l'introduire néanmoins dans la religion véritable.

Retirez donc vos bibles, ô protestants : l'épouse qui attend est insensible à vos avances et à vos efforts ! Comment voulez-vous qu'Israël, qui ne comprend plus la véritable Bible qu'il porte en gardien austère entre ses mains, comprenne vos bibles à vous, falsifiées, tronquées et glacées !



III



Le second moyen employé par le génie du mal pour entamer les restes d'Israël et les rendre impropres aux desseins de Dieu devait être, avons-nous dit, le souffle du philosophisme. Ses résultats se montreront autrement redoutables que ceux de la propagande protestante, et jusqu'à un certain point efficaces. Voici en effet, pour l'observateur attentif, le plan de l'Enfer :

Désorganiser du même coup la société chrétienne et les croyances et mœurs juives, puis de cette double désorganisation faire sortir un état de choses où, religieusement parlant, il n'y ait plus ni chrétien ni juif, mais seulement des hommes débarrassés de la Divinité, et où, politiquement parlant, le chrétien soit devenu, sinon l'esclave, du moins l'inférieur, et le juif, le maître : tel est ce plan dont la réussite rendra impossible, à coup sûr, l'accomplissement des desseins de Dieu ; car comment supposer que les restes du peuple juif, corrompus dans leur foi, enivrés et comme perdus dans la puissance et la richesse, puissent jamais servir la cause du catholicisme qui, du reste, aura à peu près disparu.

Un pareil plan n'était plus seulement du machiavélisme, c'était du satanisme pur. L'Enfer pouvait seul en être l'auteur et se charger de l'exécution. À l'heure où nous tenons la plume, 1885, nous voyons se dérouler, de ce plan, les très sombres horizons et les grandes ligues funèbres. Mais au XVIIIe siècle il était comme dissimulé dans les orbes naissants du souffle philosophique et philanthropique. Il importe donc d'examiner et d'approfondir ce sinistre point de départ, ce souffle d'empoisonnement et de tempêtes.



IV



Qu'était-ce que le philosophisme ?

Un souffle de révolte, en tous points semblable à celui qu'avait su inspirer l'antique serpent, dans l'Éden.

Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal, tel avait été le souffle ou la suggestion du tentateur.

Mais à quel propos le serpent avait-il fait cette promesse ?

À propos du fruit d'un arbre qui sortait, comme tous les autres arbres, des mains du Créateur. Cet arbre, en lui-même, était bon, était très bon ; ce fruit, comme dit la Bible, était beau et agréable à la vue. Comment en eut-il été différemment ? Tout ce qui sort des mains de Dieu ne présente-t-il pas le cachet de sa bonté ? Lui-même, après que la création fut terminée, ne porta-t-il pas sur elle le jugement qui convenait : Cuncta erant valde bons (17), toutes choses étaient parfaitement bonnes ! le fruit de l'arbre de la science du bien et du mal, comme le reste (18).

La désobéissance, seule, en rendit l'usage pernicieux. Si Dieu tire le bien du mal, l'homme, hélas ! tire le mal du bien !

Ce fut donc à propos d'un excellent fruit du Créateur, dont l'usage avait été réservé, que la tentation eut lieu, et que le serpent trompa l'humanité.

Or, le philosophisme, nouveau souffle du serpent, procédera de la même manière, à propos des fruits du Christ et du Christianisme.

Quels sont ces fruits ?

Nous les avons déjà faits connaître : l'adoucissement des mœurs, la liberté de parvenir, la dignité et le respect de la personne humaine, la justice, l'égalité, la pitié, la miséricorde, la charité, en un mot cette magnifique floraison de devoirs et de droits, de vertus et de services, véritables fruits de lumière (19) que l'apôtre saint Paul annonçait comme devant être la production du christianisme, et que nous avons montrés, en effet, faisant leur éclosion sous les soins infatigables de l'Église catholique. Seulement, avons-nous ajouté, cette germination, cette fructification, s'est opérée graduellement, de siècle en siècle, comme il convient aux choses et aux institutions d'ici-bas, selon la loi de progrès qui est la loi même de l'humanité. Le Christ, eu apportant la liberté, la douceur, l'égalité, la fraternité, leur a commandé de mûrir, mais en même temps que le genre humain mûrirait lui-même. C'est l'idée mère que nous avons développée, notamment au premier chapitre du IIe livre et au premier du III.

Or, lorsque ces fruits du Christianisme semblent parvenus à leur maturité, et que l'âge mûr des Nations est arrivé, c'est alors que le philosophisme se présente et tient ce langage à l'Europe, et par l'Europe au reste du genre humain : Il y a longtemps que le Christianisme vous promet la liberté, vous promet l'égalité et la fraternité. Il ne vous les donne jamais ou ne vous en donne que les semblants. C'est moi qui vous les apporte. Mangez de mes fruits - et ces fruits étaient les propres fruits du Christ et du Christianisme, mais empoisonnés par le souffle du serpent - et vous serez comme des dieux, connaissant enfin la liberté et la fraternité.

Voilà comment le philosophisme ressemblait, en tous points, au premier souffle de révolte sorti de l'Éden : justement nommé le philosophisme, parce qu'il fut la révolte de la philosophie contre Jésus-Christ et son Église. Philosophisme veut dire amour de la sagesse. La sagesse des Nations de l'Europe, arrivées à leur âge mûr, se révolte orgueilleusement, et sera frappée de vertige. Leur philosophie devient alors le philosophisme. La philosophie est bonne ; le philosophisme, détestable.



V



Le but du philosophisme étant la formation d'une société nouvelle et universelle, de quelle manière s'y prendra-t-il pour détacher les hommes de l'ancienne société et les attirer dans la sienne ? II y arrivera, surtout à l'aide de deux maximes. Elles sont célèbres ; après un siècle, leur prestige n'a pas diminué.

« Toutes les religions sont bonnes, » ce fut la première. Jamais la tentation satanique ne revêtit forme plus captieuse, plus perfide. Cc qui m'amène à dire que le philosophisme procéda avec beaucoup plus d'adresse et d'astuce que le protestantisme. Luther avait voulu, lui aussi, fonder une société nouvelle et universelle ; il n'y réussit qu'imparfaitement. Le protestantisme, en effet, se débarrassa des dogmes et de l'autorité de l'Église avec fracas, en protestant par tous les moyens en son pouvoir ; le philosophisme s'en débarrassera sans fracas, sans bataille, par le dédain. Luther, moine fougueux et apostat, rappelle mieux Lucifer se dressant ouvertement contre Dieu ; le philosophisme rappelle mieux le serpent de l'Eden avec sa souplesse et ses captieuses insinuations.

« Toutes les religions sont bonnes. Ô hommes, pourquoi vous disputez-vous pour la religion, puisqu'elles sont toutes bonnes ? Tendez-vous la main. » Tel est donc l'accommodement que propose, au XVIIIe siècle le philosophisme, et par ce faux air de bonhomie il étonne, il subjugue. De cette bonhomie, et de l'admiration qu'elle excite, naît l'indifférentisme ou indifférence en matière de religion.

Si le philosophisme n'exclut aucune religion, il se garde bien de donner la préférence à l'une d'elles, et après avoir tendu la main à toutes, également à toutes il tourne le dos. « Arrangez-vous entre vous, mes chères religions, mais sans vous disputer, pour tout ce qui vous est venu d'un monde extra-humanitaire ; quant à moi, je ne m'occupe que de l'humanité ! » Ainsi s'exprimait le libéral et accommodant philosophisme, et son indifférence feinte était accompagnée d'un rire sarcastique.

Il est aisé de comprendre combien pareil système allait favoriser les juifs. Une voix - la même qui se fit entendre à l'oreille de la femme dans l'Éden, et à Jésus sur le pinacle du Temple - leur dira :

« N'avez-vous pas entendu ? toutes les religions sont bonnes ! Mais alors il n'y a plus de raison pour qu'on vous retienne à l'écart, à cause de votre religion, qui est bonne comme les autres, autant que les autres. Reprends donc courage, ô Israël ; le philosophisme est émancipateur comme Moïse ; prépare-toi pour demain à une nouvelle sortie d'Égypte (20) ! »

Ce n'est pas tout. En même temps que dans le domaine religieux le philosophisme établissait cette première maxime : toutes les religions son bonne, dans le domaine social il introduisait cette seconde : les juifs sont des hommes comme les autres, les nègres aussi, les sauvages aussi. La maxime sociale était le corollaire de la maxime religieuse. Dès là, en effet, qu'on n'admettait plus entre les religions ni infériorité ni supériorité, ni vérité ni fausseté, on ne devait plus, logiquemnent, maintenir entre les sectateurs de ces religions ni différences ni privilèges. Le philosophisme, en théorie, ne tenait compte que de l'humanité ; devenant en pratique la philanthropie, il ne tiendra compte que des aptitudes humaines ou naturelles pour ouvrir à n'importe qui toutes les avenues de la société.

Là encore, il est aisé de comprendre combien la nouvelle morale sociale allait favoriser les juifs. La même voix leur dira : « Puisque vous êtes des hommes comme les autres, entrez dans le lice. À vous, comme à n'importe qui, toutes les carrières, à vous aussi les honneurs et le pouvoir ! Dans un concours de course, le prix est au plus leste ; dans le nouvel ordre social, la palme, et surtout les avantages, seront aux plus intelligents et aux plus habiles. Réveille tes facultés, ô Israël ! »

En résumé, quel est le résultat que veut atteindre le philosophisme ? Celui ci : entraîner et pousser tous les hommes à former un nouvel ordre social où tous seront égaux et libres, sans qu'il soit tenu aucun compte, à l'avenir, de la dignité de chrétien. La dignité d'homme, uniquement la dignitë d'homme, telle sera la condition d'introduction dans la société nouvelle. « La dignité d'homme ! mais, à moi philosophisme, elle me paraît largement suffisante pour qu'on ait la facilité et le droit de se présenter dans les rangs de la société que je veux former. Je proclame que les avenues de cette société doivent être ouvertes à n'importe qui, pourvu qu'il fasse honneur à son nom d'homme, sans qu'il soit besoin d'examiner quelles sont ses croyances à quelque Révélation, ni quel est le Dieu qu'il adore. Des hommes dignes, voilà ce que je réclame, voilà ce que je cherche. À mes yeux, il n'y a plus ni dignité de chrétiens ni indignité de juifs. Qu'on fasse des hommes de tous les avilis, de tous les dégradés, et leur place est toute marquée dans ma société à moi ! »

Nous le répétons, un pareil plan ne pouvait sortir que de l'enfer, tant la compassion s'entrelace à la perfidie !

S'il réussit, la société chrétienne sera bien près de sa ruine : ruinée en effet dans l'esprit de foi auquel aura succédé un esprit libéral ou rationaliste, et ruinée également par les juifs qui auront pénétré dans son sein. D'autre part, les restes d'Israël seront, à leur tour, bien compromis : car cet esprit libéral les aura atteints et dissous comme les autres, et l'orgueil de la puissance achèvera la dissolution.

Sagesse divine dont les desseins de miséricorde sont étalés dans les Écritures, triomphe alors, si tu peux !




(1) Cantique des cantiques, chap.1, 3 ; chap. II, 15.

(2) Isaïe, chat. XLVI, 3, 4.

(3) SAINT PAUL, Epître aux Hébreux, chap. XIII, 17.

(4) PSAUMES, XXVII, I. - En effet quand Dieu parle, sa parole fait vivre ; elle a enfanté les mondes, et c'est en les approuvant continuellement, qu'il les soutient dans l'existence. Mais quand Dieu se tait sur un être, quand il ne le connaît plus, c'est la mort. c'est l'enfer.

(5) LACORDAIRE, lettre sur le Saint-Siège.

(6) Voici le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David, qui a obtenu par sa victoire le pouvoir d'ouvrir le livre et d'enlever les sept sceaux. Apocal., V, 5.

(7) C'est cette prudence qui a porté l'Église à défendre, sous peine d'excommunication, d'annoncer pour une époque déterminée la venue de l'Antéchrist ou le jour du jugement dernier. (CONC. LATERAN. V, sess. XI, constit. 1.)

(8) Mgr de Noé fut d'abord évêque de Lescar, petite ville située près de Pau, et siège épiscopal avant la Révolution française. Il fut ensuite évêque de Troyes, et mourut en 1801, nommé cardinal pendant sa dernière maladie.

(9) Mgr de Noé l'ayant confié à quelques amis, il s'en échappa des copies. Une édition fut donnée en 1788, avec l'en-tête dont nous parlons. Il fut réédité en 1818 avec d'autres œuvres du pieux prélat, chez Guitel, libraire à Paris, rue Jean-Jacques-Rousseau, n° 5.

(10) P. 39-40.

(11) P. 24.25.

(12) Quoniam voluimus venire ad vos : ego quidem Paulus, et semer, et iterum, sed impedivit nos Satanas. (I THESSAL., II, 18.)

(13) Bossuet dit : « Cet ange, par une audace inouïe, a voulu s'égaler à Dieu et se placer jusque dans son trône. Repoussé de sa main puissante et précipité dans l'abîme, il ne peut quitter le premier dessein de son audace démesurée ; il se déclare hautement le rival de Dieu. C'est ainsi que Tertullien l'appelle Æmulus Dei, le jaloux, le rival de Dieu. Il n'a pu occuper son trône, il veut lui enlever son bien. » (Sermon pour une profession, prêché le jour de l'Épiphanie.)

(14) « Je ne veux pas, mes frères, vous laisser ignorer ce mystère, qui est qu'une partie des Juifs est tombée dans, l'aveuglement, jusqu'à ce que la plénitude des Nations soit entrée. » Épît. aux Rom., chap. XI, 25.

(15) On peut lire, sur la formation des sociétés protestantes dans le but de convertir les juifs, MALO, histoire des juifs, chap. XXXVII.

(16) OSÉE, chap. II.

(17) Genèse, I, 31.

(18) Cette opinion, adoptée par la plupart des théologiens, a été vivement soutenue par saint Augustin, qui voulut ainsi ôter toute prise à l'erreur gnostico-manichéenne, laquelle fait de la matière la source et le siège du mal.

(19) Ephes., V, 9.

(20) « La philosophie du XVIIIe siècle servit encore plus efficacement la cause de la race israélite que ne l'avait fait la Réforme. » (Histoire des israélites, par THÉODORE REINACH (israélite), p. 287.)