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I
On ignore presque généralement de quelle manière les israélites sont entrés dans la société moderne, pour en devenir les membres. Les détails précis de cette entrée sont à peu près inconnus. On la rattache vague ment à la Révolution de 1789, et on s'en tient là. La nation française a eu la générosité de leur ouvrir les avenues de la société ; après quoi, elle ne s'est plus inquiétée des résultats. Quand on s'est aperçu que les juifs étaient citoyens, ils étaient déjà, en partie, les maîtres. La légèreté a donc engendré l'ignorance en une question d'une gravité exceptionnelle. L'orgueil, hélas ! y a, peut être, aussi sa part. Chose inconcevable, deux phénomènes gigantesques sont, depuis quelques années, devant tous les yeux : la prépondérance croissante de la race juive et la crise attristante des États chrétiens. Mais peu de personne songent à scruter les causes de ce contraste. II semble même qu'on craigne de les rechercher, de peur d'avoir à condamner des principes d'erreur devenus chers à une société superbe. Qu'il soit donc permis à un fils d'Israél, accueilli dans la cité de la lumière la sainte Église de Dieu, d'exposer, en cette matière, la vérité, toute la vérité; il aura soin de ne pas la séparer de la miséricorde, parce, qu'il en a eu besoin lui-même ! Veritatem dico, non mentior (1) . Rien n'a été négligé de notre part pour être en mesure de dire la vérité. Nous sommes allé aux sources. La divine Providence nous a fait découvrir des documents précieux originaux, complètement inédits. Vingt ans ont été consacrés à rassembler, et à les étudier en eux-mêmes et la clarté des événements contemporains. En livrant ces pages au public, nous apprendrons aux israélites eux-mêmes comment s'est accomplie leur entrée dans la société française et universelle.
Exposé de la vérité historique, ce livre aura, par cela même, pour fin première d'être un tribut de reconnaissance. Les israélites , aujourd'hui libres, paisibles et honorés, ne savent pas toute l'étendue des bienfaits dont ils sont redevables au bon roi Louis XVI qui, le premier, a préparé leur émancipation civile. Il nous est doux de penser que beaucoup de nobles cœurs parmi eux accueilleront avec surprise et bonheur la révélation des bienfaits du Roi.Mais ce livre aborde une autre explication : celle du mystérieux problème de l'élévation sociale du peuple d'Israël et des épreuves des Nations. L'étrange mouvement, dit révolutionnaire, qui en faisant monter les israélites faits descendre les Etats chrétiens, est étudié ici dans ses causes les plus secrètes. Tout esprit fourvoyé dans les idées du jour, s'il est loyal, comprendra, à propos de la question juive, ce qu'il n'avait peut-être pas soupçonné, savoir : quelle faute capitale, désastreuse, les Nations ont commise en se débarrassant de la maternelle, discrète et prudente coopération de l'Église catholique, et en substituant, à l'antique droit chrétien qui les mégissait , leurs fameux droits de l'homme. Elles-mêmes ont, alors, ouvert la brèche par, laquelle les juifs ont passé et sont devenus des souverains.Heureusement que dans son inépuisable miséricorde envers les sociétés comme à l'égard des individus, le Tout-Puissant tire le bien du mal. S'il a permis les fautes des Nations et l'entrée d'Israel dans la société civile, c'est évidemment , pour réaliser un ordre de choses plus parfait : car Dieu suit cette marche glorieuse qui consiste, dit excellemment saint Thomas d'Aquin, à aller sans cesse du moins parfait au plus parfait. Nations chrétiennes, qui, de vivantes que vous étiez, semblez mourir, peuple d'Israel, qui, de mort que tu étais. sembles revivre, dans la mort ou dans la vie, vous trouverez quelqu'un qui vous attend : le Christ de Dieu! Indéracinable pierre de l'angle, placée au centre des siècles et des mondes pour tout réunir, il harmonise les contrastes et rapproche les extrêmes : il vous réunira ! Aussi, est-ce pour Lui que nous avons écrit!
II
Lorsque les prophètes d'Israël, éclairés d'en haut sur la venue et les caractères du Messie, éclairés également sur l'aveuglement futur de leur nation, prononçaient leurs prophéties, ils étaient tellement inconsolables de l'infidélité qui se préparait, tellement remplis de patriotisme, qu'ils ne se séparaient pas de leur patrie coupable, et, quoique fidèles, quoiqu’éclairés et saints, ils disaient des paroles comme celles-ci : Nous attendions la lumière, et nous voilà dans les ténèbres. Nous allons comme les aveugles, en touchant les murailles ; nous marchons à tâtons, comme si nous étions sans yeux. Nous nous heurtions en plein midi; Nous sommes comme dans des antres obscurs, connue les morts. Nous rugissons tous comme des ours. Nous soupirons et gémissons comme des colombes. Nous espérions le salut, et le salut est bien loin de nous ; car nos iniquités se sont multipliées , et nos péchés portent témoignage contre nous ! (2). Que cette manière de dire est touchante ! Les saints prophètes d'Israel ne pouvaient se résoudre à séparer leur cause du reste de la nation ; inconsolables de son aveuglement et du malheur général, ils parlaient comme s'ils en faisaient partie !Imitant de bien loin, mais avec attendrissement, la piété de nos pères, nous nous sommes placés quelquefois, dans notre récit, au milieu de nos anciens coreligionnaires, principalement lorsqu'il s'agissait de déplorer leurs ténèbres ou de raconter leurs malheurs. L'humilité commandait à l'historien de disparaître ; la charité lui a fait prendre place à côté de ceux qu'il ne cessera d'aimer !Une ambition, due également à la divine charité, se décèlera dans ces pages : celle d'aider la réunion des cieux peuples de Dieu, du peuple catholique et du peuple israélite. Quelle ère de grandeur et de prospérité se lèverait sur le monde, si ces deux peuples pouvaient s'unir Eux seuls survivent à tous les changements ;«Tous deux ont semé la vérité, et c'est pourquoi ils sont immortels ; peuples prodigieux. ils tracent seuls une ligne splendide, un sillon lumineux dont on ne voit point le terme : sortis de Dieu, ils retournent à Dieu; sortis de l'éternité, ils retournent à l'éternité ; et dans leur mouvement rapide, dans leur course invincible, ils illuminent les espaces et ne poussent majestueusement derrière eux les vagues du temps (3). Quel dommage pour le genre humain qu'ils aient, jusqu'à ce jour, parcouru leur carrière, séparés l'un de l'autre. Le royaume de Dieu n'attend-il pas qu'ils se donnent enfin la main ? Après que, dans la mêlée des nations, tous les enseignements auront subi l'épreuve du feu, et que les religions intermédiaires auront succombé, il ne subsistera en face l'une de l'autre que la vérité totale et l'erreur totale, le christianisme et l'athéisme, Dieu seul et l'homme seul. Alors, aucun nuage ne s'interposant plus entre les cieux peuples choisis, entre le juif et le chrétien, entre le peuple du passé et le peuple de l'avenir, ils s'apercevront des extrémités de l'univers ; ils se regarderont fixement, et, s'étant reconnus, ils se mettront en marche comme deux géants pour s'embrasser (4) .» Nos pages portent dans leurs plis cette espérance. En songeant avec délices à cette union fraternelle, nous pensions dans notre cœur (5), et notre pensée aura certainement gardé quelque chose de ce passage au cœur. Puisse cette empreinte être un gage de plus que nous avons dit la vérité ! Car ce sont les préjugés, l'antipathie, la haine, qui faussent le jugement de l'historien. L'amour, qui agrandit le cœur, rend plus limpide le regard ! Il lui est permis de dire, en écrivant l'histoire de même qu'en soignant les plaies : L'amour a donné sa parole qu'il est aussi la vérité.
Lyon, le 15 décembre 1885.
(1) Saint Paul, 1ère Epître à Timothée, II, 7.
(2) Isaïe, chap. LIX.
(3) Œuvres de Donoso Cortès, t. II. p.512.
(4) Lacordaire, dixième conférence «sur l'Ecriture».
(5) Eccles., II, 3.