LA GENÈSE UNIVERSELLE VII. - L'ORDRE NOUVEAU « O habitante de Sion, sois dans l'allé-
La chair, c'est le suaire dont la justice divine enveloppe les humains, selon le désir d'Adam. Les créatures matérielles naissent par l'uvre de cette chair, jusqu'à ce, qu'un ordre nouveau vienne les délivrer. Dès l'instant où il exprima son choix, Adam vit sa liberté restreinte. Le fruit défendu de l'arbre du bien et du mal, c'est-à-dire de la connaissance des choses doubles, produisit son effet. L'Homme avait fait un pacte avec la chair. Ce pacte, il n'était pas en sonpouvoir de le renier ou de le déchirer. Avant toute autre loi, cette loi inférieure produisit en lui et autour de lui ses effets. Le déluge universel fut une conséquence directe de cette chute primitive, soumise à la loi d'accélération : « Donc, tout ce qui existait sur la terre fut exterminé, depuis les hommes jusqu'aux bêtes, jusqu'aux reptiles et aux oiseaux des cieux ; ils furent exterminés de dessus la terre. Noé demeura seul, ainsi que ce qui était avec lui dans l'arche ». (Gen. VII. 23). Le Créateur n'ayant pas détruit l'homme, il lui donna la loi de justice sur la chair ; mais comme personne ne hait sa propre chair, l'homme avait bien reçu, par cette loi, les moyens de nettoyer son sépulcre mais il était incapable d'en sortir par ses seuls efforts. La nécessité d'une aide puissante apparut à l'homme au moment même où il reconnut humblement son impuissance à rompre le cercle de fer du destin. Mais l'alliance avec son Sauveur n'était possible que par la Foi. C'est par elle - mieux encore que par la loi - que la créature accomplit la volonté divine et porte ainsi la Justice dans ses uvres. Mais, pour posséder la foi, l'âme doit s'alimenter du Verbe éternel qui crée cette foi en nous, lorsque nous nous sommes dépouillés de tout ce qui nous séparait de lui. En fait, ce sont donc l'humilité et la prière, l'appel de l'homme au Verbe, qui font descendre en lui la foi - réponse du Verbe. - Si la réponse tarde souvent, c'est que nous avons accumulé mille obstacles sur sa route. Renverser ces obstacles, telle est l'uvre que nous devons mener à bien. Aussi, la circoncision a-t-elle été ordonnée comme signe sensible de ce désir de retranchement des obstacles qui, en nous, barrent la route à l'influx divin. Par là, la justice marquait son pouvoir sur la chair. Ce signe était un rappel constant, pour l'âme qui aspirait à se rapprocher du divin Rédempteur, d'avoir à se détacher d'abord des choses périssables. C'est la lignée d'Abraham qui est choisie pour servir de support au nouvel état des choses. L'Éternel promet donc à son peuple qu'il « circoncisera son cur et le cur de sa postérité, afin qu'il aime l'Éternel son Dieu de tout son cur et de toute son âme, afin qu'il vive. » (Deut. XXX, 6). Adam et sa postérité portent, par la chair, le signe de leur condamnation. Abraham, en acceptant la loi de justice pour lui et les siens, adopte le signe de leur déférence à l'ordre divin. Il s'engage, en son nom propre et en celui de sa descendance, à supprimer tout obstacle à l'exercice virtuel de l'amour divin. Bien des siècles avant la promulgation de la loi écrite, cette observance eut son effet pour ceux d'entre les fils naturels ou spirituels d'Abraham qui voulurent s'élever, par la foi, à la connaissance de l'éternelle justice. Mais la loi n'efface rien ; elle n'est qu'un professeur qui fait connaître le mal et le remède. La circoncision est le signe du retranchement de ce que la loi nous apprend à éviter comme « péché ». Le signe n'efface non plus rien, il faut encore, après l'adhésion de la chair aux rites, l'adhésion de la volonté aux uvres. La foi, l'espérance et le sacrifice d'Abraham lui avaient obtenu le privilège de l'Alliance, dont le signe sanglant était sur sa chair. Mais ce qui était signe dans l'Ancienne Alliance devait devenir réalité plénière dans la Nouvelle. Dans l'Ancienne Alliance, nous voyons l'humanité divisée en deux catégories : celle qui subit la loi de Justice, celle qui accepte cette même loi. Dans la Nouvelle Alliance, c'est la loi de Grâce qui doit prévaloir, dès l'incarnation du Verbe Divin dans l'humanité. Le Christ est venu remplacer la loi de justice par la loi de Grâce, non par un ordre arbitraire, mais en prenant sur ses épaules le poids entier de cette justice et en s'y soumettant intégralement. En Lui et par Lui, la loi ancienne était donc accomplie. En lui substituant la loi nouvelle, Il a fait pénétrer dans le jeu du monde l'Amour qu'Adam avait fait disparaître et qu'aucune créature ne pouvait instaurer sur terre. C'est l'Amour qui a offert à l'immuable justice une Victime divinisée par le suprême sacrificateur qui l'offrait : Dieu tout amour. Car en Jésus nous trouvons, inséparablement unis, l'Autel, l'Holocauste et le Sacrificateur. C'est grâce à son sacrifice, à son mérite expiatoire, à la réalisation totale de sa loi : « que l'innocent s'offre pour payer la dette du coupable ! » que tous les humains peuvent être délivrés de leurs chaînes. C'est depuis qu'un innocent les a librement portées toutes, que ces chaînes ont perdu leur rigueur - jusque-là absolue. - Aussi est-ce, en nous soumettant à celui à qui tout pouvoir a été donné que nous pouvons espérer le salut. Selon sa parole : « Voici, je fais toutes choses nouvelles », le Christ a changé le signe de la nouvelle alliance, puisqu'il avait accompli la loi et les prophètes. La circoncision a fait place au baptême. En sa qualité de Précurseur, Jean ne pouvait en offrir qu'une préfiguration : « Je baptise d'eau, tandis que celui qui vient après moi, c'est lui qui donnera le vrai baptême, celui de l'Esprit. » L'eau de grâce lave les souillures extérieures, mais elle ne détruit pas la mauvaise racine et, sans le baptême de « feu », tout serait sans cesse à recommencer. Cette eau, qui se verse au nom de la divine Trinité, est suffisante pour que le péché originel ne soit plus imputé à celui qui la reçoit. Mais le véritable prêtre, le Prêtre Éternel, c'est Jésus-Christ qui a donné satisfaction à la justice de son Père ; il est le juge qui s'est revêtu de la nature humaine - hors le péché. - C'est en lui, c'est dans ses mérites, dans sa mort et dans son Esprit que nous devons de nouveau être baptisés, car c'est en partageant son calvaire et sa mort que le Christ nous ressuscite avec lui. Jésus connaît les faiblesses de la chair, s'étant soumis lui-même aux tentations. Aussi, quand la stricte justice condamne le pêcheur, c'est l'intercession de la divine Parole qui en suspend les effets, afin que ne soit pas éteint le lumignon qui rougeoie encore, ni brisé définitivement le roseau froissé. L'eau de grâce agit pour notre régénération, dans la mesure où nous nous soumettons à la volonté divine, où nous nous rendons perméables à ses opérations. Dans cette eau baptismale, réside un feu baptismal, la divine teinture qui transmue en nous ce qui est suffisamment purifié mais ne peut rien sur le caput mortuum, le vieil homme qui ne veut pas mourir - fut-ce pour renaître transfiguré. - C'est pourquoi le baptême est d'eau pour tous. Le feu interne que contient cette eau agit ou n'agit pas selon notre attitude et notre désir. L'apôtre Paul nous montre bien dans le baptême d'eau un signe du vrai baptême qui est de feu et d'Esprit : « Nous qui sommes morts au péché, comment y vivrions-nous encore ? ». Et, allant plus loin : « Est-ce que vous ignorez que, tant que nous sommes qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort ? ». C'est-à-dire que nous devons, comme le Christ, nous anéantir entièrement, pour que se manifeste la Gloire de son suprême sacrifice. C'est dans cette mise en agonie du vieil homme que l'Esprit du Christ efface d'un trait fulgurant l'arrêt de mort que nous portons tous. C'est ce chemin que Jésus nous indique en quelques mots d'une tragique simplicité : « Prenez votre croix et suivez-moi ! » Saint Paul nous fait comprendre qu'il nous faut avoir été d'abord ensevelis dans la mort du Christ, si nous voulons avoir part à sa résurrection. Certes, notre mort diffère en essence de celle du Christ. Elle est pour nous un châtiment nécessaire, alors que celle du divin Sacrifié est l'hommage rendu par une Victime infinie à une justice infinie. La mort est liée à la vie charnelle et tout ce qui prend vie dans ce monde doit nécessairement périr ; mais l'homme, en s'abandonnant au Verbe divin, en renonçant à l'exercice de sa volonté propre pour obéir au Rédempteur, meurt un peu chaque jour et c'est cette mort spirituelle qui compte. L'homme de désir meurt à tout ce qui a vicié ses facultés, son esprit, son âme. Tel est le Renoncement qui doit amener le dépouillement complet du vieil homme. C'est alors qu'il peut légitimement s'écrier avec l'apôtre Paul : « Ce n'est plus moi qui vis, mais Jésus vit en moi ! ». La circoncision était le signe de cette volonté de renoncement, le baptême est celui de la descente de l'Esprit du Christ en celui qui a renoncé à tout ce qui n'est pas le Christ. C'est là l'ordre nouveau qui doit sauver l'Humanité. C'est là la Loi Nouvelle, vivante à jamais dans les curs sanctifiés. L'Ancienne et la Nouvelle Alliance sont les deux phases nécessaires de l'uvre de régénération universelle : « Renonce au monde ! » dit Moïse, après Abraham. « Renonce à toi-même ! » ajoute Jésus. Car, que sert de renoncer au monde, si c'est l'orgueil, cette quintessence du mal, qui nous y incite ? Quelle place peut trouver en nous l'Amour divin, si l'amour de notre moi remplit notre âme ? C'est après ce double renoncement, que nous pouvons enfin entendre l'appel du Verbe « Celui qui a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive » L'entendre - et y répondre.
Madame D...
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