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LE CHEMIN DU RETOUR





     Saint Paul, dans une de ses épîtres, dit : « La Nature seule ne pouvait révéler Dieu aux hommes, et ils sont excusables de ne pas le comprendre », mais lorsque la science humaine est impuissante et que la raison épuisée s'arrête, alors la Foi ouvre ses ailes et l'amour trouve ce que la raison cherche et qui échappe à la science : C'est dans l'Esprit du Christ, c'est dans la Vérité que Dieu réside. La vie et le développement de l'intelligence c'est la parole ; le Verbe éternel, c'est Dieu.

     La véritable piété, c'est d'atténuer les conséquences de la faute originelle, de coopérer au relèvement de la Nature - cette nature qui n'avait pas été créée pour les affres de la souffrance, mais bien pour la joie et l'amour.

     L'homme créé « droit » s'est délibérément incliné vers la terre ; c'est à cette dégradation du chef-d'œuvre primitif qu'il faut porter remède. Une telle œuvre consiste à vaincre la nature, dans ce qu'elle a de fatal, et à y faire rayonner la Lumière du Verbe. C'est pourquoi les œuvres ainsi orientées acquièrent une double valeur, pour la terre et pour le Ciel.

     Nous pouvons participer à la vie divine par le baptême de l'Esprit, qui présuppose le renoncement à ce qui n'est pas Lui. C'est alors que le Christ peut nous enter sur l'olivier divin ; cette vie nouvelle éclose en nous, c'est la Grâce divine s'infusant dans la nature entière pour la transformer. Comme la vie naturelle, cette vie nouvelle a sa naissance et son développement, ses opérations propres et leurs entraves - nos chutes répétées. Pour vivre pleinement, il ne suffit point de n'être pas malade, il faut encore exercer ses facultés et agir. Il en est de même dans la vie surnaturelle.

     Pour arriver à la Vie, il faut se soumettre à la Loi Universelle ; pour connaître la Vérité, il faut suivre Jésus-Christ et être son disciple en triomphant des illusions de ce monde, des pièges de la vie élémentaire ; il faut implorer le secours du Ciel avec humilité et confiance, en se rappelant que la vie du divin modèle ne fut ici-bas qu'une agonie ininterrompue. C'est ainsi que le serviteur arrive à comprendre qu'il n'est pas plus que le Maître. Enfin, il faut mettre en pratique les paroles et les enseignements du Sauveur, car c'est à cette mise en pratique que se révèle la fidélité de notre amour.

     En rompant le pain symbolique, Jésus dit à ses disciples : « Faites ceci en mémoire de moi ! ». C'était leur donner à entendre « vous aussi, crucifiez en vous les éléments et offrez-vous en holocauste pour la pacification de la terre ». Les vrais amis du Christ, ceux qui mettent sa parole en action, ont une vie toute pétrie de sacrifices et d'immolations ; c'est par là qu'ils deviennent les ministres du Ciel dans ses rapports avec la terre, les intermédiaires, de la terre, dans ses rapports avec le Ciel. Tous les saints ont expérimenté qu'aimer c'est souffrir, monter, c'est s'immoler. Le divin Rédempteur a immolé, sur la croix, tout ce qui était en lui : ce ne sont pas des dons que Dieu veut pour s'unir à nous : c'est nous-mêmes.

     L'homme ne doit pas seulement connaître, mais aussi devenir ; il doit conquérir la force par la lutte et le renoncement et, pour qu'il possède la Vérité, il faut qu'elle devienne une partie de son être intime, car la Vérité ne s'apprend ni ne se donne : on la trouve en soi-même, comme on y trouve la vie divine. Le moi terrestre doit passer par la mort pour ressusciter, il doit subir l'engloutissement pour que puisse s'accomplir la seconde naissance ; mais la science divine est un gouffre qui ne rend au jour que les héroïques, les persévérants, les humbles : les vrais enfants de Dieu. Quant à l'homme faible ou pervers, il joue sa vie et sa raison en l'abordant.

     Pour conquérir sa liberté et pour vaincre son destin, l'homme doit être mis en contact avec les forces cachées de l'univers, il faut qu'il soit aidé pour atteindre la perception spirituelle directe ; pour pénétrer dans l'au-delà et s'y mouvoir sans danger, il faut, en effet, la maîtrise intérieure de soi-même, cette possession de nos âmes, par la patience, que nous recommande Jésus.

     Nos penchants nous portent vers la terre, mais notre désir central tourné vers le Ciel, nous place dans la main de Dieu qui nous attire à Lui, à condition que nous ne Substituions pas notre volonté à la Sienne. Le Ciel sur terre, c'est la pensée divine se révélant à notre esprit, l'amour divin se rendant sensible à notre âme, c'est, en nous, le désir de la Vérité rencontrant son objet, car le désir pur est attiré par l'Esprit, comme le fer pur est attiré par l'aimant.

     Aussi, y a-t-il dans la vie spirituelle un abandon de tout notre être à Dieu, un bonheur paisible que peut seul goûter celui qui en fait l'expérience. C'est surtout aux heures d'épreuve et de lassitude qu'on arrive à saisir en quoi consiste ce repos entre les bras de la divine Sollicitude, et l'abîme qui le sépare des circonstances extérieures : là, tout s'oublie et l'ouragan qui souffle à l'extérieur bat inutilement les murs du sanctuaire que réchauffe la flamme paisible de l'amour divin.

     Mais, pour se donner à Dieu, il faut savoir et vouloir ; il faut comprendre et, surtout, aimer ; alors l'abandon conduit à la béatitude, quoique cet abandon, ce détachement ne se confonde jamais avec l'inactivité. C'est, au contraire, la prodigieuse souplesse, l'activité libérée de l'intelligence humaine au sein de la vie spirituelle qui la baigne de toutes parts, l'éclaire et la revivifie - cette vie spirituelle qui est la Vie réelle. La vie spirituelle n'est pas un ralentissement, un affaiblissement des activités profondes de l'homme, mais, au contraire, une source d'énergie morale ; son objet, c'est de corriger, de rectifier, de purifier. L'homme spirituel se garde de soi-même, car si l'homme arrive à se vaincre, il triomphe aisément du reste et devient maître du monde, pourvu qu'il demeure dans l'humilité. Ceux qui n'ont pas le courage de s'évader d'eux-mêmes, de cet amour de soi qui est la racine de tous les maux, ceux-là demeurent dans leurs propres entraves, sans pouvoir s'élever au-dessus des contingences terrestres : « Recueillez vos sens » dit le prophète, et ce recueillement consiste en deux choses : travailler et lutter ! Le point central vers lequel tout converge, c'est la lutte perpétuelle du Bien et du Mal. Jamais la grâce de Dieu ne manque à celui qui passe sur la terre comme un voyageur, concentrant toutes ses forces pour arriver à son but, sans sedisperser dans les choses terrestres, les biens illusoires qui éparpillent les forces vives du cœur et font errer l'âme, sans boussole et sans direction.

     C'est à regret que la nature meurt à sa propre existence, elle répugne à se voir réfrénée ou vaincue ; elle fuit l'humiliation et la soumission, elle se résigne difficilement, en chacun de nous, à servir le prochain au lieu de s'en servir. Ce moteur inférieur travaille à son propre intérêt ; sa cupidité calcule d'avance les gains que pourront lui valoir les vicissitudes et les revers du prochain ; elle veut toujours amasser, toujours dominer. Qu'elle est prompte à recevoir et lente à donner ! Mais la grâce de Dieu est la force qui vient changer le cœur de l'homme, elle l'arrache de la terre pour le porter au ciel, et, plus la nature est domptée, plus la grâce se répand avec abondance, plus nous nous rapprochons du Créateur.

     La force divine améliore les lois de cette nature accessoire sans les détruire ; et ce perfectionnement consiste à corriger son tempérament et à former son caractère, avec le secours du Ciel ; car pour transformer l'homme charnel en homme spirituel, les facultés de l'être terrestre sont impuissantes ; c'est dans la chair que réside la force du mal, de cet égoïsme qui lutte contre la force de l'esprit humain et maîtrise son âme en la soumettant aux sens. Sans le secours de la force divine, il est impossible à l'homme de résister, car sa chair est soumise aux lois des sens bien plus qu'à la raison, qu'à cette étincelle céleste enfouie dans la cendre et environnée de ténèbres ; cependant cette raison peut encore distinguer le Bien du Mal, les erreurs de la vérité, mais affaiblie par les passions, elle ne peut pas faire tout le bien qu'elle voudrait, sans l'aide de la Providence.

     L'homme, résumé de l'univers, a en lui toutes les vies éparses : minérale, végétale, animale et intellectuelle ; c'est la vie de la nature ; mais à ces vies naturelles vient s'ajouter, par le baptême de l'Esprit, la vie surnaturelle ou la transformation de la nature inférieure en nature supérieure. Il n'y a pas de superposition de toutes ces vies dans l'homme, simplement la supérieure contient l'inférieure et doit la perfectionner sans l'anéantir ; mais si la vie inférieure peut agir sans la supérieure, celle-ci ne peut rien faire sans l'inférieure : l'homme peut végéter sans penser, mais il ne peut pas penser sans végéter.

     Tel le progrès du corps dans la vie de croissance, dans la vie spirituelle l'âme grandit en grâce et en vertus, à mesure que la force divine s'accroît en elle, unie à la volonté. La science divine est plus qu'un simple enseignement, c'est la création, la transformation d'une âme dans la Réalité ; c'est son éclosion sur le plan supérieur ; c'est son efflorescence dans le monde divin. On peut dire de l'Initiation véritable que c'est un entraînement graduel de tout l'être humain vers les sommets, d'où l'on peut dominer la vie ; c'est une refonte totale de l'être physique, moral et intellectuel de l'homme, par l'exercice simultané de la volonté, de l'intuition et du raisonnement ; grâce à la complète concordance de ces trois forces, l'homme peut développer ses facultés, jusqu'à des limites incalculables, car l'âme a des sens endormis que réveille l'Initiation ; mais le corps humain est une machine dont l'âme doit être le mécanicien, sous peine de devenir elle-même la machine du corps ; et si l'aveugle conduit l'aveugle, tous deux tombent dans la fosse, comme c'est le cas Pour la généralité des humains.
 
 

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