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CONCLUSION

LES VOIES DU RETOUR À DIEU






     Ceux qui cherchent Dieu par la science prennent le chemin le plus long et le plus fertile en mirages, car l'orgueil est la rançon presque inévitable du savoir. L'homme s'attache à sa science et, parce qu'il l'identifie à lui, elle ne saurait le conduire au Divin. Comme le faisait remarquer une mystique du siècle dernier, ce que nous possédons nous possède aussi.

     L'éclat des choses divines aveugle les « savants », qui prétendent définir Dieu et ses attributs d'une manière « rationnelle », - c'est-à-dire limitée.

     La sainteté, la marche réelle vers la Lumière suprême, ne sera jamais le fruit de conceptions subtiles sur les qualités de l'Être souverain.

     Le saint se fait petit, tout petit, il ne se targue pas de son intelligence, mais il cherche à aimer Dieu de tout son cœur en se soumettant à sa volonté et en accomplissant de son mieux le Commandement des commandements : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ; c'est par là que je vous connaîtrai comme miens. »

     La connaissance de la Vérité est liée à celle de notre propre essence, elle nécessite avant tout l'humilité et non l'orgueil, la simplicité et non cette fausse science qui puise ses éléments dans le monde clé la diversité et son attrait dans sa complexité.

     C'est pourquoi la sainteté est plus souvent l'apanage des simples et des humbles que celui des savants. C'est au cœur aimant et agissant que se révèle le Créateur, dans la mesure où ce cœur peut supporter cette révélation. Le savant dont le cœur est mort, ne saurait entrer en contact avec la Vie, dont il poursuit les reflets multiformes au sein des apparences.

     C'est un fait d'expérience que la constatation du peu de fruits spirituels que porte l'esprit de l'homme, fier de sa seule intelligence. Aucune spéculation philosophique n'a pu, à elle seule, rendre meilleur son auteur et les connaissances théoriques sont bien peu de chose, lorsqu'il s'agit d'entreprendre virilement le combat inlassable avec notre nature inférieure.

     Lorsque Dieu nous a prescrit ce que nous devions faire pour nous rapprocher de lui, il nous a dit : « Vous aimerez le Seigneur, votre Dieu, de tout votre cœur, de toute votre âme et de toutes vos forces. » Il ne nous a pas recommandé de le rechercher au moyen des facultés de notre cerveau, de notre raison, de notre imagination ou de tout autre procédé de source humaine.

     Pour ramener dans le domaine spirituel pour lequel nous avions été créés,- nos esprits égarés dans le monde sensible et matériel, la Divinité a permis l'institution des Cultes extérieurs.Quoique nous devions nous efforcer à l'adorer « en esprit et en vérité », c'est par un effet de son indulgente sagesse que le Voile du Temple a tamisé les clartés d'En-Haut, pour les accommoder à la faiblesse de notre vue. Tout ce que nous découvrons dans la nature nous parle des choses invisibles, des réalités célestes, de la puissance et de la majesté de Dieu. La vertu divine par excellence, l'Amour, s'est incarnée parmi nous. Toute une génération a pu voir et entendre le divin Sauveur, qui s'est sacrifié jusqu'à la mort de la croix pour nous racheter tous.

     Tous les êtres de la nature l'avaient reconnu et tressaillaient de joie à son approche. Seuls, les hommes - sauf un petit nombre - sont demeurés aveugles et insensibles.

     Le Christ et ses disciples se sont servis d'emblèmes et de similitudes avec les choses naturelles pour, de là, élever nos esprits et nos cœurs à la contemplation et à l'amour du Créateur.

     Déjà, Salomon nous avait audacieusement dépeint 1'union spirituelle de l'âme avec son Rédempteur, sous l'emblème de l'amour conjugal, dans le Cantique des Cantiques.

     Dieu a employé tous les moyens, afin que nous connaissions notre destination et marchions librement et joyeusement vers le but reconnu. « Qui m'aime, je l'aimerai aussi ; je me ferai connaître à lui ; mon Père l'aimera et nous ferons notre demeure en lui », nous dit Jésus (Jean XIV, 21, 23). Mais nulle part on ne trouve une semblable promesse pour les esprits chez lesquels la soif de savoir étouffe le devoir d'aimer et d'agir. Tout le monde n'est pas, en effet, apte aux spéculations intellectuelles, mais chacun, savant ou ignorant, riche ou pauvre, a un cœur et des sentiments, des activités profondes, des élans affectifs, qui s'exercent sur des objets bons ou mauvais, périssables ou éternels. Perpétuellement nous devons opter pour ceci ou pour cela. Le monde et son Prince nous offrent les fruits pernicieux de la nature inférieure, alors que la divine Providence nous sollicite vers les biens spirituels et nous offre les fruits merveilleux du Royaume des cieux.

     Épreuves, chutes, douleurs, tentations, relèvements se succèdent, jusqu'au moment où nous comprenons le sens de ces paroles : « entre dans la JOIE de ton Seigneur ».

     Petit à petit, nous arrivons à suivre les traces laissées par l'Agneau divin dans ce monde et nous apprenons expérimentalement ce que sont l'humilité, la charité, le renoncement, le sacrifice et la patience dans les épreuves. C'est alors que l'âme humble, ayant cessé de se révolter contre son Créateur, reçoit un rayon ardent de l'Esprit saint qui, en illuminant l'âme, consume tout ce qui est illusoire et ténébreux.

     Car il faut que l'âme soit vidée de toute impureté, pour que le courant spirituel pénètre jusque dans l'organisme de la créature pour la régénérer. Mais avant l'avènement de ce « règne de la joie », que de luttes et de traverses, que d'obstacles à surmonter - avec l'aide du Ciel…

     Certes, tous les êtres en marche vers la réintégration ne suivent pas la même voie, du moins au début, car, en arrivant au but, les voies se rejoignent.

     Les uns suivent la voie de la Charité, où domine le pur Amour, et dans laquelle l'âme, sans s'arrêter à aucune considération, se jette telle qu'elle est entre les bras du Sauveur, Pour qu'il dispose d'elle, aussi « lui est-il beaucoup pardonné, parce qu'elle a beaucoup aimé » (Luc, VII, 47). Telle fut l'attitude de Marie-Madeleine.

     D'autres suivent la voie de la simplicité et de la sincérité. Elle s'appelle aussi la voie du repentir. Telle fut la voie de Saint Pierre qui, après avoir renié Jésus, lui dit cependant : « Seigneur qui savez toutes choses, vous savez que je vous aime » (Jean XXI, 17).

     D'autres encore suivent la voie du sacrifice et du renoncement. C'est la voie difficile entre toutes pour les intellectuels. C'est celle de l'apôtre Paul : « O, Seigneur ! Que voulez-vous que je fasse ? ». Et persévérant dans sa mission, il brave tout le reste. Juif de naissance, disciple des Pharisiens, fort imbus de leur science et de leur dignité, il avait été un des plus ardents ennemis du Christ, qui avait osé battre en brèche l'enseignement de ses maîtres. Après sa conversion, il fut cruellement persécuté par ces sectaires, qui ne voulaient voir en lui qu'un renégat et se voyaient lésés par lui dans leur honneur et surtout dans leurs intérêts : « Qui est-ce qui nous séparera, dit Saint Paul, de l'amour de Jésus-Christ ? Je suis assuré que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni les choses présentes, ni les futures, ni la violence, ni tout ce qu'il y a de plus haut ou de plus profond, ni aucune créature ne pourra nous séparer de l'Amour de Dieu en Jésus-Christ notre Seigneur. » (Rom. VIII, 35, 38, 39).

     Elles sont aussi nombreuses qu'imprévisibles les voies de régénération, pour les hommes de bonne volonté ; l'Esprit agit dès qu'il rencontre chez la créature quelques sentiments vrais de noblesse et de pureté. Tout le ciel travaille pour que l'homme, sorte triomphant du combat constitué par cette vie terrestre.

     Pour terminer sur ce sujet, citons encore la voie des âmes douées d'innocence, de docilité et de simplicité, qui se laissent conduire et gouverner par Dieu, comme de petits enfants et qui traitent avec indifférence les biens de ce monde.

     Ceux qui suivent cette voie, ce sont les êtres dépourvus de la malice de Lucifer, ceux que les hommes nomment les « imbéciles » et l'Évangile les « simples d'esprit ». L'admirable petite Armelle Nicolas a manifesté ce cas de créature simplette qui passe en voyageur sur cette terre. Paysanne et servante, tout chez Armelle respirait le pur amour de Dieu. Son cœur, son esprit, ses actions, ses paroles, tout cela se rapportait à son divin Maître Jésus ; aussi son entourage n'a pas manqué de la désigner sous le nom de « pauvre idiote », cependant que l'Esprit faisait subir à la petite servante les plus merveilleuses de ses opérations : « O mon Amour et mon Tout ! Qui eût jamais pensé voir ce cœur dans l'état qu'il est maintenant ? » (Vie de la bonne Armelle, Liv. 1, chap. 26).

     Dieu a pour nous un cœur de Père, mais que nous sommes loins d'avoir pour Lui des cœurs de fils ! Puisons tous notre force en Jésus, c'est le vrai moyen de nous guérir de nos maladies d'orgueil, d'égoïsme et de tous nos vices ; car l'Amour pur les transformera en vertus. Détachons-nous des éléments et restons calmes et soumis dans notre indigence apparente ; c'est dans le Christ et dans sa croix qu'il faut nous réfugier, pour que notre victoire soit complète, et que le Règne de Dieu s'établisse « sur la terre comme au Ciel ».

     Car alors seulement l'Humanité vivra dans la splendeur du Beau, du Bien et du Vrai.

     Mais, que sont les paroles humaines ? Que celui qui comprend ces choses se mette à l'œuvre sans retard, comme nous y convie le divin Maître, car jamais la moisson n'a été si vaste et jamais il n'y a eu si peu d'ouvriers !
 
 

Sathonay-Camp, 19 Avril 1933.