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L'HOMME RÉEL



     La Genèse de Moyse raconte à la fois la vie universelle de l'Âme humaine dans l'Éternité et sa vie individuelle dans le Temps, entre le Bien et le Mal ; elle nous montre l'œuvre initiale de chaque cellule Adamique, touchée dans ses droits par la chute. Chaque homme doit recouvrer ses dons primitifs, par une nouvelle naissance ; c'est-à-dire que, fille du Ciel, l'Âme immortelle de l'homme doit s'immerger dans la Lumière divine qui est le sein de sa Mère céleste. Mais Moyse souligne bien que si la descente de l'homme dans les éléments est libre et même facile, il n'en est pas ainsi de son évolution, c'est là que le grand Législateur signale que : « Dieu promet un Sauveur. » Alors, « si l'homme ouvre son cœur par le désir, l'effort, l'abnégation, s'il tend vers l'Unité et la perfection divine, il permet l'entrée en lui de toutes les inspirations, de toutes les « vertus », de tous les secours d'en haut, il monte dans la lumière, il reçoit le pain des anges et se rapproche du Christ » (1).

     Or, l'homme qui reçoit la connaissance, constate bien vite qu'il y a en lui une fausse personnalité, un Kaïn, un esprit d'égoïsme qui fait que toute prière, tout hommage, adressés par cet homme animal à l'Être suprême sont rigoureusement repoussés ; car Dieu est Amour ! Aussi le premier acte de l'homme de désir est de sacrifier ce moi inférieur et funeste, en se replaçant sous la Loi Universelle, pour se délivrer et aider au bien de tous.

     La Monade éternelle, avant de devenir ce qu'elle est dans l'être humain, a dû traverser tous les règnes de la nature, toute l'échelle des êtres, en développant graduellement son individualité, (ou l'Homme réel), marquée du sceau de Dieu, par d'innombrables existences. C'est insensiblement que l'incarnation de cette divine Psyché s'est produite ; c'est en traversant les sphères des facultés divines, qui forment dans leur ensemble les instruments de toute création ; instruments que chaque homme, chaque humanité doit traverser dans un double mouvement : involution et évolution. Ce grand septénaire qui embrasse tout ne vibre pas seulement dans les sept couleurs de l'arc-en-ciel, dans les sept notes de la musique, il se manifeste aussi dans la constitution de l'homme, qui est triple dans son essence, mais septuple par son évolution.

     Tous les Livres sacrés des peuples, toutes les mythologies de la terre font mention des instruments cosmogoniques, toujours les mêmes, quoique les noms changent : pour l'Inde ce sont les sept Devas ; pour la Perse les sept Amshapands ; les sept Anges de la Chaldée ; les sept Archanges de l'Apocalypse (E. Schuré). Ce sont aussi les Sephiroths de la Kabbale, la représentation du Ternaire sacré mise à part, et c'est l'échelle de Jacob.

     Dans sa descente l'Âme humaine ne réfléchit pas, ne pense pas, elle se laisse vivre en s'enivrant de Lumière et d'Harmonie ; cependant de plus en plus elle se matérialise et acquiert un nouveau sens corporel dans chaque échelon que cette âme descend ; son énergie vitale augmente, mais insensiblement, elle perd son sens spirituel. « Tout ce que l'homme apprend dans ce monde, l'Âme le sait avant son incarnation terrestre » (Zohar). Et, en reprenant son corps toujours le même, c'est par un cri d'effroi que cette belle Psyché signale sa naissance en ce monde (nous pourrions dire plus exactement sa mort) ; car jusqu'alors, cette Personnalité était revêtue des corps vaporeux ; elle possédait des facultés de perception puissantes et subtiles ; tandis que voici son corps éthéré absorbé par un corps animal et cette chair dont il est recouvert annihile les facultés célestes, en jouant le rôle du lac de Léthé tout est nuit profonde dans cette maison et le magnifique passé de cette admirable Unité est aboli. Cette fille du Ciel reste bien la source de vie de l'homme terrestre, mais elle est refoulée, enterrée, pour ainsi dire, par cette horrible personnalité, que prête à tout être qui entre dans son royaume l'esprit de ce monde.

     Ah, il est dur le combat que livre l'homme de désir pour dégager sa conscience et vaincre ses sens, cette animalité qui l'enlise ! C'est contre toutes les forces de la nature inférieure qu'il lui faut lutter ; c'est aussi et surtout contre l'intrus, qui est lui-même, cet égoïsme qui se substitue à l'Amour, en lui constituant un véritable tombeau. Il n'y a pas d'évolution en masse autre que celle apportée par chaque homme régénéré sur cette humanité, qui est comme le prolongement du corps de chacun de ces hommes sanctifiés. Tout être humain peut et doit reconquérir ses dons primitifs dans la divine Lumière ; et, c'est à chaque homme de sacrifier sa fausse personnalité, seul moyen d'obtenir l'influx du Moi supérieur dans son cœur, pour l'accomplissement de sa mission : la sabbathisation de la terre, la descente, sur ce sol ingrat, de cette Paix promise par le Christ. C'est par le cœur de l'être humain que les êtres inférieurs peuvent arriver à concevoir le divin, dont l'homme doit leur réfléchir la lumière.

     Mais il arrive trop souvent qu'un amour immodéré de la matière s'empare de l'être humain, alors, de plus en plus, il s'enfonce dans ce gouffre élémentaire où règnent l'illusion et le mensonge ; et plus il descend, plus longue et plus pénible sera sa réascension : il lui faudra subir de nombreuses et fatales incarnations, jusqu'à ce qu'il reprenne conscience de sa source divine et de l'état lamentable où il se trouve.

     Un peu au-dessus de l'homme, existe tout un monde de Lumière et de sainteté ; c'est là l'Humanité du Christ ou l'Univers Vivant que nous appelons l'Au-delà. Toutes ces âmes libérées constituent, pour les humains, une véritable Providence. Dès que nous demandons du secours, avec un vif et sincère désir d'être délivrés de toutes ces misères, de toutes ces souffrances qui nous accablent, les Disciples de Jésus sont toujours prêts à nous venir en aide : « Vous qui souffrez, venez à moi, je vous soulagerai » a dit le divin Maître.

     Sous l'influence des rayons d'Amour l'âme se sent revivre, elle se sent revivifiée et soutenue en proportion de sa bonne volonté et s'éveille à la Vie, divine : la lumineuse Psyché reprend enfin conscience de son origine. Nourrie de son véritable aliment, de la divine Parole, elle sent s'épanouir en elle ses facultés célestes, lent développement en harmonie avec celui des capacités réceptives de l'entendement humain. Mais, orienté vers la Vérité, l'être se transforme, sa sensibilité s'affine et devient intelligence ; le flambeau de sa conscience s'allume et, devant cette lumière, la fausse personnalité s'éclipse. Le triomphe du Moi spirituel s'affirme en même temps que son indépendance du corps et de la matière : détaché des éléments, il reprend possession du libre exercice de son intelligence céleste et de sa volonté, soumise aussitôt à la Volonté suprême. C'est ainsi que l'homme récupère la conscience et la connaissance du divin et qu'il redevient fils de Dieu, capable de comprendre sa mission et de s'en acquitter. Concourir à la Sabbathisation universelle, telle était la tâche immense que Moyse rêvait de faire accomplir à son peuple. Par l'exécution des Lois célestes, qu'il connaissait parfaitement, le Prophète voyait déjà les fils de Sein à la tête de l'évolution terrestre et de toute l'humanité. Mais, il leur manquait la « robe nuptiale », c'est-à-dire l'Amour divin que, seul, le Christ a manifesté.

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(1) Dr Marc Haven ; Le corps, le cœur de l'Homme et l'Esprit.