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NOBLESSE ET DÉCHÉANCE DE l'HOMME





     L'esprit de l'homme, loin de communier avec son Créateur, se rallie à la folie, à l'illusion et à l'égoïsme. Il devient, par cela même, son propre ennemi et l'ennemi de tous ses frères ; c'est pourquoi l'humanité pleure, souffre et meurt.

     La Loi divine a été publiée par toute la terre. Les sages et les prophètes des temps les plus reculés, chez toutes les nations, en arrivent tous à des conclusions identiques quant au fond, quoique différentes par la forme, sur les vérités éternelles.

     Au sujet de l'homme, tous les livres sacrés disent qu'il est « le couronnement de la création, le résumé de la série des êtres, révélant ainsi toute la pensée divine. L'harmonie de ses organes et la perfection de sa forme font de l'homme l'effigie vivante de l'âme universelle. Il condense toutes les lois de l'évolution et toute la nature dans son corps ; il doit la dominer, cette nature, et s'élever au-dessus d'elle, pour entrer par la conscience et par la liberté dans le royaume infini de l'Esprit. »(1).

     En un mot, l'homme doit développer l'image de Dieu pour refléter sa gloire et sa lumière ; mais loin de travailler à cette belle destination, l'homme, telle une planète ténébreuse, se trouve dans l'ombre et la mort.

     Jamais l'âme humaine n'a eu un sentiment plus profond de sa détresse, de sa misère et surtout de la nullité de sa vie présente. Quand donc l'homme prendra-t-il conscience de l'état navrant où il se trouve ? Quand cessera-t-il de se laisser séduire par les biens de ce monde qui font de ce vainqueur futur l'esclave d'aujourd'hui ?

     Répétons que la vie temporelle est, en soi, un non-être, que son existence apparente n'est due qu'à la poursuite de la vie qui toujours échappe à l'homme terrestre. En sortant des mains de la nature, l'homme a l'instinct de l'égoïsme et, par le développement de ses passions, il descend au-dessous de lui-même et devient une brute, un être dégradé. De plus, la Société, par la crainte de ses châtiments en fait un lâche et un hypocrite.

     Certes, les morales, les religions, font bien des tentatives pour lui inculquer l'amour du beau, du bien et du vrai. Mais, le développement de cet attrait dépend de la Grâce : prises à la lettre, les religions enterrent le germe divin, de sorte qu'en dernière analyse, l'homme terrestre « n'est plus qu'un cadavre tourmenté » (2).

     C'est par notre « moi », notre être temporel, que l'esprit du mal pénètre dans notre univers, de sorte que ce « moi » qui est tout pour nous, n'est cependant qu'un instrument de souffrance et de mort, parce qu'il devient lui-même l'ardeur cupide et le principe des passions, sous l'influence de l'esprit impur.

     L'homme terrestre, la créature désignée pour être la chair et le sang mus par la volonté de l'homme, n'a rien à faire avec le Royaume de Dieu : cet homme animal n'est que le masque des productions dévastatrices de ce monde. Sur cette terre où nous végétons, tout existe, mais c'est toujours l'abîme qui triomphe car c'est toujours le moi, l'égoïsme qui domine.

     Le Sauveur des hommes n'avait guère confiance dans les sages de ce monde ; il faisait peu de différence entre eux et les ignorants ou les pécheurs. Le plus grand auxyeux de Jésus était celui qui reconnaissait sa faiblesse, et le plus petit celui qui se croyait juste. Et, le monde est encore aujourd'hui ce qu'il était alors. Et tant que durera la révolte des humains contre la Loi Universelle, la création des éléments de souffrance et de mort restera le partage de l'Humanité.

     Lorsque le Verbe humain, affranchi des intérêts égoïstes, s'unira à la Parole divine, l'intelligence sauvera le monde ; mais pour le renouvellement de toutes choses, il faut combattre ; il faut se détacher des ombres et des liens qui empêchent la marche en avant dans la science divine ; il faut surtout se détacher des doctrines. Le royaume de Dieu, c'est le royaume de la vie, de la vérité, de la lumière et de la liberté ; le Créateur a donné aux hommes la soif de l'intelligence, pour les abreuver de l'éternelle vérité ; mais ces hommes ferment les yeux, se concentrant tous sur leur moi, au lieu de regarder le soleil divin, qui frappe le regard de tous. En Dieu, il n'y a ni ombre ni mystère ; les ombres sont dans l'homme et les mystères viennent de la faiblesse de son esprit rebelle.

     Pour sa sanctification, chaque homme doit suivre les paroles de l'Éternel à Job : « rentrer en harmonie dans la famille divine ; se dégager de l'ombre, de l'ignorance ; délivrer les anges déchus et aimer les petits, c'est-à-dire l'humanité souffrante. » Toujours il y aura des déshérités parmi les hommes, malgré les lois humaines et les gouvernements socialistes, communistes ou autres, car le soulagement apporté à la misère d'autrui est le seul bien que nous puissions faire ; c'est là le fil d'Ariane, tendu à l'homme, dans son labyrinthe, pour qu'il se rattache à la Loi Universelle.

     La vie rayonne sur la mort, l'esprit du Christ et de ses disciples reste sur la terre, mais la Vérité se donne au chercheur, à l'homme de désir, qui peut avoir l'explication de phénomènes étranges que les savants de ce monde trouvent plus commode de nier. Le véritable remède pour tous, c'est d'atteindre à la vie et à la nature divines, car lorsqu'elles sont manifestées en nous, nous avons atteint le port du bonheur éternel. C'est l'Esprit de Dieu en nous, qui fait germer la vie divine ; et l'unique voie de la science divine, c'est l'Évangile que nous délaissons trop aussi son esprit reste, pour nous, au fond du texte cependant que Jésus en se montrant à nous nous a aussi montré son Père. Mais pour atteindre le Créateur, il faut modifier notre nature, qui est belle, mais pleine de mort et de corruption ; c'est par le sacrifice qu'elle s'élève et devient divine, car le surnaturel n'est que le naturel exalté, divinisé par le sacrifice ; et, l'esprit de sacrifice, c'est l'esprit de Jésus. C'est lui qui constitue le titre à l'immortalité. Comme l'Univers, l'organisme de l'homme est une merveille de précision et d'harmonie dans lequel se pratiquent des miracles de réaction, de création céleste, lorsque l'esprit qui le régit est l'amour divin ; c'est notre nature qui est le berceau mystérieux, en même temps que le principe d'où s'élève l'Élohim ou la Puissance qui commande la lumière. Et quand l'esprit de Dieu souffle sur la poussière, le néant que nous sommes, il en fait sortir son image. Notre âme alors peut réfléchir sa lumière et sa gloire ; elle peut participer à cette lumière et atteindre Dieu, puisque la lumière fait partie de sa vie. Le Royaume de Dieu, c'est la Vérité, c'est l'Amour, et pour le trouver il faut savoir aimer, il faut être soumis à la loi divine. Pour être un véritable consolateur de nos frères et en avoir la puissance, il faut souffrir et travailler avec eux ; et avant d'aimer l'Infini, il faut ; apprendre à aimer infiniment ceux qui sont près de nous ; c'est là « aimer Dieu dans ses œuvres ». L'Humanité n'a qu'un corps et qu'une âme, elle vit partout où ses membres travaillent et souffrent, et l'homme qui n'est pas sensible au bonheur ou à la peine des autres est indigne d'en faire partie.

     Pour qu'arrive la communion universelle des hommes, l'esprit d'amour doit triompher dans l'Humanité ; c'est en ranimant cet esprit que le monde sera sauvé.
 
 

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(1) E. Schuré, « Les Grands initiés »
(2) L. M. Latour.