LA MORT ET LA VIE
  
  
« Souviens-toi donc de ton
« Créateur pendant les jours de
« ta jeunesse, avant que les
« jours mauvais ne viennent,
« avant que ton soleil, ta lune et
« tes étoiles s'obscurcissent. »
(Lodoïk).

  
  

     De même que le Monde interne spirituel a en soi une vie intelligente dans l'effluve de la science divine, où sont compris les anges et les âmes, de même aussi le monde externe possède une vie intelligente qui évolue dans les puissances émanées du monde spirituel ; mais pour se rendre sensibles, ces puissances ont dû s'incarner dans un principe matériel et cette inqualification a eu pour effet de séparer les deux principes : externe et interne. Mais le principe interne est animé d'un constant désir pour son revêtement temporel, qui est l'esprit de ce monde ; et cet esprit, contenu lui-même dans les quatre éléments, dont il est entouré spirituellement, aspire de toutes ses forces après son Époux ; or, ces deux désirs constituent l'Archée de notre vie actuelle.

     La cause du visible ou les quatre éléments proviennent du Principe interne, ils ne forment eux-mêmes qu'un principe unique et chacun désire l'autre en cherchant leur source l'un dans l'autre, cependant que ce Principe interne est distinct en eux, car les quatre éléments ne sont que des qualités de l'élément différentié de sorte qu'il existe entre eux une grande angoisse et un désir ardent de rentrer dans le Principe unique, car là est leur félicité et leur repos. Aussi, L'Écriture dit : « Toutes les créatures désirent et se tourmentent à côté de nous, pour être délivrées de la vanité à laquelle elles sont soumises malgré elles. »

     La souffrance, le sacrifice est donc la base de notre Univers, échafaudé par la Miséricorde divine, dans le but de permettre à l'homme d'expérimenter le principe de son choix, et de s'en retirer triomphant. Rien n'est réel de cette vie externe ; elle n'est que figurative et animale ; la seule vie dont cet homme était capable après sa chute.

     Tout ce que nous pouvons voir dans ce monde n'est que la prison ou l'absence des Êtres et des Vertus célestes. La Nature a pour objet de contenir et d'absorber le désordre, et tous ses corps sont destinés à servir d'enveloppe et de barrière au mal, aussi la pourriture est leur commun terme. Le corps humain lui-même est une digue aux mauvais désirs de l'être moral.

     Cette vie, ne remontant pas au-delà de l'établissement de l'ordre mixte physique, n'a pas le pouvoir d'en présenter le résultat dans son mode d'existence et d'action, pas plus que de porter son esprit au-delà du point où elle est établie, c'est-à-dire au-delà du monde stellaire ou astral. Il n'est pas donné à l'homme, par ses seules facultés naturelles, de voir ni de contempler un Principe supérieur, à moins qu'il ne soit de nouveau engendré dans ce Principe : « En vérité, je vous dis, si vous ne naissez de nouveau, vous ne verrez point le royaume de Dieu »

     Et si nous nous demandons où se trouve ce royaume de Dieu, et où se trouve l'enfer, ne cherchons ni en bas, ni en haut, car c'est au centre même de la gloire et de la magnificence de Dieu que la Colère, sollicitée par la volonté humaine, fait son explosion. La Colère et l'Amour ne sont jamais divisés « Dieu n'est Qu'Un ». Il est amour et il est colère et tout vit et se meut en Dieu dans l'Amour ou dans la colère, selon la volonté agissante ; carc'est la volonté qui fait la nature des choses en l'homme. La vie et la mort, fondées sur la nature inaltérable des choses, ne sont que le résultat nécessaire des lois immuables, opérantes et indépendantes de toutes discussions des hommes à leur égard ; aussi aucun moyen dans l'Univers, indépendamment de l'action de ces lois, ne peut ni perdre, ni sauver l'homme. Pour participer à la vie ou à la mort, c'est une question de volonté que l'homme doit soumettre à l'un ou à l'autre des principes qui le constituent ; c'est de leur propre germe que la vie et la mort naissent en nous, déterminées l'une ou l'autre, par la puissance de notre choix. Tout consiste d'être vivant ou d'être mort. Nous sommes « vivants » lorsque c'est l'Amour, l'Esprit de Dieu qui vit et opère dans notre âme ; mais si notre volonté et notre désir se tournent vers ce monde et ses illusions, nous sommes « morts », car c'est l'esprit de la colère, c'est le justicier du Dieu jaloux qui est opérant en nous.

     L'homme est une noble image de l'Univers, qui a son principe en lui, mais, comme il est enfoui dans la matière, l'esprit de ce monde dote son intelligence de facultés ayant pour mission de lui rendre la Vérité indigeste ou de la transformer en erreur ; telles les portes ou astres de cet Univers, qui laissent bien pénétrer les vertus célestes, cependant que leur puissance constrictive, centralisant même l'essence divine, transforme ces vertus afin qu'elles nous parviennent changées en vertus infernales. Or, nous avons vu plus haut que l'esprit de ce monde n'est que l'enveloppe et l'instrument du monde interne spirituel ; de même l'esprit de l'homme terrestre n'est que l'enveloppe de la véritable intelligence de la science divine, nous ne devons donc pas nous fier à la sagacité de cet esprit. La raison humaine n'est que la constellation externe du microcosme. Elle nous égare au lieu de nous ramener à l'Unité de Dieu. En nous détournant du Principe unique de toute réalité, au moyen duquel nous pouvions posséder les vraies richesses, nous sommes devenus pauvres, infirmes et corruptibles, fruits naturels du principe d'illusion que nous avons choisi. C'est pourquoi le divin Rédempteur est venu parmi nous pour nous montrer le chemin de l'abnégation pour tout ce qui concerne les choses de ce monde. Il a brisé les portes de notre prison et frayé un chemin jusqu'au séjour ineffable. C'est par l'exemple, que la divine Victime nous a instruits. Il nous a montré que c'est de notre propre mouvement, consciemment et volontairement, que nous devons renoncer à ce principe de vie basse, d'égoïsme, à cet amour-propre : cet affreux amour de soi qui retient l'homme dans l'abîme ; c'est là la seule victime qui doit disparaître, pour que règne l'amour universel, notre véritable Patrie. Oh, combien il est douloureux de constater sur quels obstacles se brise la voix Divine à laquelle reste sourde notre pauvre nature. Tout est muet autour de nous, cependant que l'Esprit et la voix de Dieu devraient tout animer !.... Et cette douleur s'accroît d'observer que l'homme lui-même étouffe l'appel Divin, par sa parole confuse et vaine.

     L'esprit humain doit donc s'abandonner à l'intelligence divine afin que se manifeste le Principe interne, qui produira, en l'homme, un véritable germe spirituel, conforme à la Divinité et où se manifestera l'Esprit Saint, qui le ressuscitera à l'Amour, à la Vie ; tandis qu'en restant sous la domination de l'esprit de ce monde, le « Père du mensonge », nous héritons fatalement de la mort.

      Toujours l'inférieur désire le supérieur ; la terre est affamée de l'esprit de ce monde et cette faim se manifeste par la consommation des corps, pour que l'esprit, séparé sans cesse de la matière, soit restitué à la substance ignée, principe de la vie.

     C'est par cette faim que l'Archée inférieure de la terre attire l'Archée supérieure, principe subtil de la constellation, et qu'elles s'interpénètrent. De cette inqualification se produit la croissance des végétaux et l'accroissement des métaux ; c'est ainsi que la force inférieure de la terre manifeste sa joie d'avoir goûté et assimilé son principe. C'est une continuelle communion qui se fait entre le ciel et la terre, à laquelle la Puissance divine coopère par le principe des êtres.

     Le dur martyre que supportent les chères petites âmes qui sont la base du visible, ne cesse que dans le repos de la Nature et dans la mort physique des créatures. C'est alors qu'elles se retrempent dans la félicité et qu'elles reprennent courage pour leur pénible tâche. Or, ce combat, cette pénible séparation, l'état de guerre constante entre les esprits du Bien et du Mal, l'homme peut les faire cesser en lui dès cette vie. C'est ce repos, que les Livres Saints nomment la Mort spirituelle ; et, en conduisant l'homme dans sa véritable Patrie, cette mort a pour effet aussi d'immortaliser toutes ces petites âmes et de les rendre au bonheur à la joie.

     Le corps de l'homme est semé grossier, élémentaire, mais il possède une vertu subtile, qui doit reproduire une propriété substantielle transparente et cristalline, d'une idéale beauté, rendue sensible par Jésus-Christ sur le Thabor. La terre aussi possède cette même vertu ; et, comme le corps de l'homme, elle doit se transformer et devenir cristalline pour que la lumière divine brille dans tous les êtres : rien ne se détruit, mais tout se transforme. En créant cet Univers, le but du Dieu d'Amour a été de nous voir remporter l'admirable victoire que constitue cette transformation. C'est là le septième jour de la Genèse de Moïse, c'est le Sabbat, le repos ; c'est enfin le triomphe du Bien sûr le Mal et la félicité éternelle de l'Humanité.

     À la fin de ce monde les quatre éléments, le soleil, la lune et les étoiles disparaîtront et avec eux la lutte pour le triomphe. Fatalement cette fin arrive chaque jour, à chaque instant pour la généralité des humains, qui vivent de cette vie instinctive, comme nos frères inférieurs du règne animal ; alors l'homme externe, image de l'Archée inférieure de la terre disparaît ; mais l'homme réel, spirituel, qui devait croître dans cette force inférieure, tel l'or dans la profondeur de la terre, cet homme reste avec les vivants, partageant leur vie, leur joie et leur peine ; c'est ce qu'on appelle la communion des âmes ; et c'est aussi la seule réincarnation qui vaille ce nom.

     Tout l'avoir spirituel de celui qui disparaît se déverse dans celui de sa famille, de ceux qui l'ont aimé et qui ont collaboré avec lui. Alors, suivant la valeur de l'être invisible, la caste qui hérite de lui augmente plus ou moins son trésor spirituel, le seul réel et vivant.

     Lorsque le disparu est un Disciple de Christ, il élève aussi la Nature et spiritualise la matière, par la résurrection anticipée de son corps physique, il participe ainsi à l'évolution de la Terre.

     Le ciel qui est la manifestation éternelle de la lumière Divine, ainsi que l'enfer, produit de l'erreur et du mensonge, sont partout présents sur cette terre. Pour les bons, les justes, le ciel est partout même dans l'abîme ; quant aux méchants, ils traînent l'enfer avec eux, même dans le ciel. Et quelle que soit la place qu'occupe l'âme des morts, toujours le méchant souffre et fait souffrir ; tandis que l'homme bon sème l'amour, la concorde et le bonheur ; cela explique les grands changements que l'on remarque dans le caractère des parents ou amis du disparu.