Avant Propos et Dédicaces


Lille, ce 22 Mars 1891
Éminentissime Seigneur
Le bienheureux auteur de ce livre eut son berceau dans votre diocèse.
L'éditeur appartient à votre ville archiépiscopale.
Le commentateur est bien redevable envers Votre Éminence pour les encouragements que, jeune étudiant au Collège Romain, il recevait voici presque trente ans, de l'Auditeur de Rôle pour la France.

Comment donc ce « Traité de la dévotion à la Sainte Vierge ne réclamerait-il pas votre haute bienveillance?

Daigne Votre Éminence en agréer l'hommage et celui de mes très humbles et très respectueux sentiments

               CHANOINE JULES DIDIOT
                                       (A S. EM. MGR LE CARDINAL Archevêque de Rennes.)

Rennes, le 30 Avril 1891.
Cher Monsieur le Chanoine,

M. Caillière, éditeur à Rennes, m'a remis en son temps la lettre que vous avez bien voulu m'adresser par son intermédiaire etj'ai besoin de compter sur les sentiments que vous m'y exprimez en termes si obligeants, pour espérer que vous me pardonnerez le retard de cette réponse. Ma vie est une chose sans nom ; mon pauvre temps est au pillage, et ne suffit pas à l'inexorable continuité d'obligations de toute sorte qui ne me laissent pas un moment.

Combien pourtant ne me tardait-il pas de vous féliciter et de vous remercier de la réédition de l'écrit du bienheureux Montfort sur la Dévotion à la Sainte Vierge ! Le R. P. Cartier a dû, à l'époque, vous dire quelle avait été ma satisfaction d'apprendre que, parmi tant d'autres labeurs, vous consentiez à entreprendre ce travail.

Travail nécessaire, et pour lequel nul n'avait davantage qualité et autorité: car, s'il était extrêmement souhaitable que la piété publique fût mise à même de se nourrir de la riche substance de ce petit livre, il était indispensable qu'un maître en doctrine éclaircît et précisât la pensée du bienheureux. C'est ce que vous-même d'ailleurs expliquez parfaitement dans une préface que j'ai lue avec un vif intérêt.

Ce n'est donc point de «bienveillance » qu'il peut s'agir de ma part, mais de reconnaissance pour cette publication qui sera à l'honneur de la très sainte Vierge, glorieuse au bienheureux Montfort, et utile aux âmes.

Le volume se présente , du reste, de la manière la plus flatteuse aux yeux; et l'éditeur, qui m'en a remis un très bel exemplaire, a droit à des éloges.

Veuillez agréer Monsieur le Chanoine, avec mes excuses et
mes remerciements , l'assurance de mon très religieux et affectueux
dévouement en Notre Seigneur.

                    C H -P H ., cardinal PLACE,
                        Archevêque de Rennes.
(A. M . Le CHANOINE. JULES DIDIOT, À LILLE.)

Préface

I



    Entre le concile de Trente et la révolution française, Dieu a donné à notre patrie trois groupes de saints personnages destinés à le glorifier avec éclat et à sauver une multitude d'âmes, à l'encontre des efforts désespérés que faisaient le protestantisme, le jansénisme et le philosophisme, pour ébranler ses droits et pour ruiner son Église.

Le premier de ces groupes fut principalement formé de saint François de Sales, si français d'âme et de ministère, du cardinal de Bérulle et de son successeur Charles de Condren. Le deuxième se composa surtout de saint Vincent de Paul, des fondateurs de Saint-Sulpice, Olier et Tronson, de l'oratorien Bourgoing, du zélé Bourdoise et du baron de Renty. Le troisième gravita autour de M. de Bernières-Louvigny, du vénérable Eudes, du pieux archidiacre Boudon : et le bienheureux Louis-Marie Grignion de Montfort, (1) héritier de leurs traditions saintes, les transmit, enrichies et fécondées, aux hommes de foi et de courage qui soutinrent, pendant le dix-huitième siècle, l'édifice incessamment miné de l'Église de France.

Le caractère de ces trois groupes n'est pas sans différences. Si le premier agit spécialement sur les hautes classes sociales, pour les sanctifier d'abord et les employer ensuite au soulagement des misères spirituelles et corporelles du peuple ; si le second agit de préférence sur le clergé tant séculier que régulier, pour le bien former ou pour le réformer ; le dernier agit directement sur le peuple, afin de le faire entrer aussi dans les voies de l'ascétisme et de la perfection.

Déjà saint François de Sales, saint Vincent de Paul et Olier, avec leurs émules et leurs coopérateurs, avaient largement usé du puissant moyen de salut que Dieu a mis dans la dévotion à Marie. Eudes et Boudon avaient grandement développé, celui-là, le culte du saint Coeur de Marie, celui-ci, la pratique du saint esclavage de Marie. Mais nul d'entre eux n'égala le zèle, l'enthousiasme, les efforts prodigieux, les merveilleux succès de Montfort, dans la prédication du saint rosaire et de la parfaite consécration à Jésus par Marie. Pour lui trouver des rivaux dans cet apostolat extraordinaire, il faut descendre jusqu'à saint Alphonse de Liguori, ou remonter à saint Dominique, à saint Pierre Damien, à saint Anselme et à saint Bernard.

Doctrinalement, c'est de M. de Bernières, de M. Boudon et de M. Tronson qu'il procède : leurs idées, leurs sentiments, souvent leurs formules, se retrouvent sur ses lèvres ou sous sa plume, mais avec une force, une profondeur et une clarté cent fois plus grandes. C'est que le mystérieux charbon d'Isaïe, celui qui fait les saints et les prophètes, a embrasé son coeur et enflammé sa bouche. II ne peut, sans des transports de piété, de confiance et de filial amour, parler ou écrire de sa Mère du ciel, de son Jésus crucifié. De même que dans ses fameux calvaires, dans celui de Pont-Château surtout, au diocèse de Nantes, il lui faut des rosaires de dimensions colossales, des rosaires de sapins et de cyprès, plantés en allées circulaires de trois ou quatre cents pieds, avec des grains énormes soutenus par des colonnes ou suspendus aux murs d'une chapelle, ainsi, dans ses sermons et ses écrits à la gloire de Marie, le grandiose, l'immense, presque l'étrange, se réunissent pour accomplir ce voeu qu'il a si souvent répété:

Que n'ai-je une voix de tonnerre,
Afin de chanter en tous lieux
Que les plus heureux de la terre
Sont ceux qui La servent le mieux
II


    Cette appréciation générale des oeuvres du bienheureux Montfort convient particulièrement à son Traité de la dévotion à la sainte Vierge, le plus célèbre de tous ses écrits,quoiqu'il ne soit pas depuis fort longtemps publié, et le plus considérable, quoiqu'il ne dépasse pas les proportions d'un petit livre de piété. Mais, sous ce modeste format, que d'élévation et d'ampleur, quelle vigueur de pensée et quel charme de sentiment !

Louis-Marie, nous n'en pouvons douter, le composa dans les dernières années de sa courte vie. Il était né le 31janvier 1673 ; il avait été ordonné prêtre le 5 juin 1700, et il devait mourir le 28 avril 1716, après une longue série de missions. Or, parlant en ce Traité du véritable serviteur de Marie, et constatant combien il était rare : « C'est afin, dit-il, qu'il ne soit plus si rare, que j'ai mis la plume à la main pour écrire sur le papier ce que j'ai enseigné en public et en particulier dans mes missions, pendant bien des années ». Ce langage suppose qu'il donnait des missions depuis un grand nombre d'années déjà, depuis quatorze ou quinze peut-être, et qu'il touchait à la fin de sa carrière apostolique.

Le premier de ses biographes, le sulpicien Grandet, dont le travail parut dès 1724, rapporte qu'il « composa en trois jours un livre sur les avantages de l'esclavage » des pieux chrétiens envers Marie. Le Traité de la dévotion à la sainte Vierge, si ce n'est pas lui qui est formellement désigné dans ces paroles de Grandet, ne parait guère avoir coûté plus de temps à son auteur. La visible rapidité de sa rédaction s'explique assez par ce fait, qu'il reproduisait simplement l'enseignement oral et quotidien de nombreuses années. Elle explique à son tour certaines imperfections de style, auxquelles nous nous sommes bien gardé de vouloir remédier, et quelques erreurs dans des noms propres ou des citations, quelques légères omissions de mots aussi, qu'il nous a été facile de corriger. Ces négligences, loin de diminuer la valeur de l'ouvrage, ont plutôt le mérite de nous montrer, dans toute sa spontanéité, l'âme énergique et douce, ardente et naïve, éloquente et simple, de l'incomparable missionnaire.
 
 

Il n'a même pas pris la peine ou trouvé le temps de chercher un titre à son livre. L'autographe, (2) tel qu'il est écrit dans un acte officiel de la Cour Romaine en date du 7-12 Mai 1853, commence tout uniment ainsi : « C'est par la très sainte Vierge Marie que Jésus-Christ est venu en ce monde ». Çà et là quelques sous-titres, indiquant les idées principales, nous ont permis de dessiner plus nettement qu'on ne l'avait encore fait le plan du livre, d'en accentuer les divisions et d'en perfectionner la table.

Après une introduction le bienheureux montre la corrélation du règne de Jésus-Christ avec celui de la très sainte Vierge, il traite, dans une 1repartie, de la dévotion générale à Marie, de son excellence, de sa nécessité, de ses différentes formes, bonnes ou mauvaises ; puis, dans une 2e partie, de la meilleure de ces formes, qui est la parfaite consécration à Jésus par Marie, des motifs qui doivent y porter les fidèles, de l'exemple prophétique qu'on en trouve dans l'histoire biblique de Rébecca et de Jacob, des effets admirables qu'on en peut attendre, des pratiques extérieures et intérieures qui s'y rattachent, et particulièrement de la sainte communion reçue dans l'esprit de cette excellente dévotion. An cours de l'ouvrage, mention est faite d'une consécration de soi-même à Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, par les mains de Marie,(3) et nous la reproduisons en appendice.

L'écriture de Montfort est ordinairement très lisible, et n'a pas dû offrir beaucoup de difficultés an premier éditeur.
Cependant quelques formes anciennes de lettres, une orthographe souvent différente de la nôtre, une ponctuation régulière sans doute, mais parfois insuffisante à faire ressortir distinctement la pensée de l'auteur, ont été cause de quelques évidentes erreurs de copie dont nous avons dégagé le texte.

Quant à le modifier pour le rendre plus clair et plus agréable, ou pour ménager en certains lecteurs une délicatesse moins intelligente qu'exigeante, nous n'avons pu y consentir. Si en deux ou trois endroits un changement s'est imposé pour de plus sérieuses raisons, nous en avons averti dans les notes. La simplicité, la rudesse, la rusticité même de l'expression, surtout quand il s'agit de peindre les misères et les vices de l'homme, sont manifestement choses voulues par Montfort. Son livre n'est peut-être pas fait pour être lu en public ; mais, tel que nous le donnons, il nous parait pouvoir toujours être lu en particulier, et avec complète édification. Ni les saintes Écritures ni les Pères de l'Église n'ont poussé trop loin les adoucissements si volontiers réclamés par le pécheur et par le péché : Montfort s'en souvenait.

Et comment ne s'en serait-il pas souvenu, lui qui ne cessait de remplir son âme et de nourrir sa parole des énergies divines de la Bible et de la Tradition catholique ? Non seulement il a une foule de passages où d'expressions empruntées à ces sources sacrées ; mais il en a vraiment tiré toute la substance de sa pensée et de son style, de sorte qu'il nous serait comme impossible de signaler dans le détail toutes les allusions qu'il y fait. D'ailleurs notre oeuvre n'est pas d'érudition mais d'édification. Nous nous sommes donc contenté de traduire en note les citations latines qu'il n'avait point traduites lui-même. Quant aux références ou renvois, nous avons laissé subsister ceux qu'il a jugé bon d'indiquer ; mais nous n'en avons pas ajouté d'autres, ne voulant pas être plus minutieux que lui ; nos lecteurs ecclésiastiques n'auront d'ailleurs nulle peine à combler cette petite lacune, s'ils le veulent et si ç'en est une.
 


III



   Après la mort du bienheureux, la doctrine de son précieux manuscrit fut très fidèlement prêchée par ses successeurs, jusqu'à la révolution impie et sanguinaire à laquelle leur prédication de presque un siècle opposa, on le peut dire, cette héroïque armée vendéenne qui eût sauvé nos institutions chrétiennes si elle-même n'eût jamais été que purement et simplement chrétienne.

Mais, si la doctrine avait été maintenue, l'apôtre avait été poursuivi jusque dans sa tombe par les haines et les railleries du jansénisme et du philosophisme ; et son écrit sur la Dévotion à la sainte Vierge était demeuré dans l'ombre d'une modeste bibliothèque à Saint-Laurent-sur-Sèvre, sans pouvoir arriver au grand jour de la publicité. La révolution qui le fit enfouir, avec d'autres, dans une pauvre ferme de la Vendée, n'en dispersa pourtant point les feuilles volantes : il revint complet et toujours en ordre, mais ignoré et méconnu, aux mains de ses légitimes possesseurs ; et il reprit, pendant une quarantaine d'années encore, sa place obscure an milieu d'un amas de « livres tronqués ».
Ces cent vingt-six ans de persécution contre l'auteur et le livre n'étaient-ils pas prédits dans celui-ci même, A la fin de la première partie, en ces termes ? « je prévois bien des bêtes frémissantes qui viennent en furie pour déchirer ce petit écrit et celui dont le Saint-Esprit s'est servi pour l'écrire ; ou du moins pour l'envelopper dans le silence d'un coffre afin qu'il ne paraisse point; ils attaqueront même et persécuteront ceux et celles qui le liront et réduiront en pratique. Mais n'importe ! mais tant mieux ! Cette vue m'encourage et me fait espérer un grand succès, c'est-à-dire, un grand escadron de braves et vaillants soldats de Jésus et de Marie, de l'un et de l'autre sexe, pour combattre le monde, le diable et la nature corrompue, dans les temps périlleux qui vont arriver plus que jamais. Qui legit, intelligat. Qui potest capere, capiat. » (4) Ces deux testes de l'Écriture : « Que celui qui lit, comprenne ! Que celui qui peut comprendre, comprenne ! » ont précisément un caractère prophétique auquel on ne peut se méprendre ; et nous ne saurions personnellement douter que le bienheureux, affirmant d'abord avoir obéi à la grâce du Saint-Esprit en composant « ce petit écrit », n'ait eu la prescience des vicissitudes par lesquelles il devait passer.

Quoi qu'il en soit, en 1842, quand déjà le « siècle de Marie. » plusieurs fois entrevu comme prochain par Montfort, s'avançait vers la date glorieuse du 8 décembre 1854 où devait être dogmatiquement définie l'Immaculée Conception de Marie; quand aussi, en vertu d'une commission apostolique, le procès de révision des écrits de Louis-Marie Grignion allait commencer devant le tribunal épiscopal de Lugon, un missionnaire de Saint-Laurent feuilletait, en vue d'un sermon à faire, le manuscrit si longtemps « enveloppé dans le silence d'un coffre »; et soudain il le reconnaissait et le faisait reconnaître, par son supérieur et par nombre de témoins, pour l'oeuvre autographe du vénérable fondateur de la Compagnie de Marie ; la cour épiscopale de Lugon l'homologuait immédiatement comme tel, le transmettait à Rome dès la même année; et Rome, dans son décret de 1853, le recevait pour absolument authentique.

A peine avait-il été retrouvé, qu'un pieux directeur du grand séminaire de Lugon, M. Auguste Grillard, plus tard missionnaire de Saint-Laurent et employé au procès de béatification, publiait ce très intéressant manuscrit, avec une approbation de l'évêque de Lugon datée du 18 décembre 1842. La conscience extrêmement délicate de l'éditeur ; le soin qu'il prit, dans sa préface, de justifier « certaines expressions », « certains tours de phrases qu'ou n'eût pu changer sans nuire an caractère propre de ce traité » ; enfin la comparaison que nous avons soigneusement faite de son édition avec les suivantes, nous en garantissent pleinement l'exactitude, sauf peut-être en ces points très rares et très peu importants dont nous avons parlé plus haut.

C'est ce texte primitif, soumis en autographe au jugement du Saint Siège et par lui approuvé, que nous avons fidèlement suivi nous-même ; non seulement parce qu'il rend exactement la pensée du bienheureux, nécessairement voilée, parfois même altérée, par les corrections apportées à chaque page sinon à chaque alinéa des éditions les plus récentes mais principalement parce que c'est le seul dont l'autorité pontificale ait vérifié puis sanctionné l'orthodoxie.
 


IV



   L'ordre de recueillir les écrits de Montfort avait été donné par la sacrée Congrégation des Rites dès l'an 1841. Plus d'un admirateur du saint apôtre de l'esclavage de Jésus en Marie redoutait la comparution de sa doctrine au tribunal de l'Église. L'examen en fut effectivement très sérieux, voire même laborieux. Les théologiens chargés de le faire montrèrent de l'opposition à certains passages ; et la Congrégation ordonna, en 1851, de communiquer leurs rapports aux postulateurs de la cause afin d'y répondre. Ces réponses ne parurent pas décisives, et en 1852 la Congrégation prescrivit de soumettre la question à un théologien plus habile que les premiers ; sa censure obligea les postulateurs à des études plus approfondies qui, cette fois, aboutirent à la victoire constatée par le décret d'approbation en date du 7-12 mai 1853.

Les principales difficultés venaient certainement de ce que le vénérable Louis-Marie semblait croire à un second avènement du Rédempteur par l'intermédiaire de Marie; et de ce qu'il se donnait lui-même comme le prophète d'une dévotion à la fois nouvelle et ancienne, sans laquelle le règne complet de Jésus-Christ ne pouvait s'établir ici-bas, ni la sainteté de l'Église s'y développer entièrement. Il paraissait encore exagérer le rôle de Marie, faisant d'elle une médiatrice indispensable, et voulant faire de nous des esclaves enchaîné à son empire, contrairement aux décrets de l'Église qui, à la fin du dix-septième siècle, avait proscrit les confréries formées en vue de cet esclavage, et leurs livres, leurs symboles, leurs pratiques. À ces objections capitales s'en ajoutaient d'autres moins importantes, tirées de passages d'apparence tant soit peu janséniste ou quiétiste.

   Le Siège apostolique a néanmoins déclaré que les ouvrages de Montfort ne contenaient rien qui dût interrompre son procès de béatification, rien par conséquent d'opposé à la foi, à la morale, à l'autorité de l'Église ; et au jour marqué par la Providence, le 21 novembre 1886, un décret de béatification a solennellement glorifié le grand serviteur de Marie et Marie elle-même en lui.

   Cependant les difficultés signalées par les théologiens de la Congrégation des Rites pourraient encore embarrasser quelques lecteurs, et peut-être favoriser, dans certains esprits peu éclairés et peu solides, quelques légères déviations de doctrine ou de pratique. D'ailleurs les décrets pontificaux de béatification, et même de canonisation, ne définissent jamais que les enseignements et les exemples d'un bienheureux ou d'un saint soient les plus conformes de tons à la direction du saint Siège. Même après ces décrets, il est loisible et louable de chercher encore à se mieux rapprocher de l'idéal du vrai et du bien.

   C'est pourquoi de graves et pieux personnages nous ont instamment prié d'ajouter des notes ou commentaires au Traité de la dévotion à la sainte Vierge. Nous aurions cru manquer de reconnaissance envers Marie, de piété envers Louis-Marie de Montfort, de zèle pour les âmes, de déférence pour le clergé, si nous avions refusé cette tâche. Nous avons donc essayé d'élucider, dans une sorte de commentaire perpétuel qu'on trouvera à la fin de ce volume, tout ce que la doctrine et le langage de notre bienheureux présentent d'obscur ou d'extraordinaire. Là, nous expliquons et nous justifions ce qui doit l'être ; là, nous fixons la véritable pensée de l'auteur sur plusieurs points délicats ; là aussi nous proposons, avec une respectueuse franchise, les quelques modifications grâce auxquelles son système de dévotion serait entièrement, croyons-nous, dans le pur esprit de l'Église romaine et de la sainte théologie.

   Le bienheureux Louis-Marie, qui n'avait point imposé de titre à son ouvrage, l'appelait seulement un traité, un petit écrit. Comment le nommerait-il aujourd'hui ? Nous pensons que par modestie, par réserve, surtout par obéissance au Siège apostolique, il l'intitulerait simplement Traité de la dévotion à la sainte Vierge: et c'est le titre que nous adoptons pour cette nouvelle édition, en la déposant avec admiration et amour sur son tombeau glorieux, aux pieds de sa reine et de sa mère, MARIE.
 

Faculté de Théologie de Lille,
2 Février 1891.                              Dr JULES DIDIOT.
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1 ) Nous écrivons son nom de la manière dont il l'écrivait lui-même
2 ) Un in-4° de 158 pages, de 24 lignes, environ à la page.
3 ) Elle se trouve, d'après l'acte officiel déjà cité, dans le manuscrit de l'Amour de la divine Sagesse, qui est également de notre bienheureux auteur.
4 ) Page 93-94 de la présente édition.