Les premiers pèlerins

 

Le lundi, vers le soir, une lumière extraordinaire remplit le Bocenno, et auréola particulièrement la statue miraculeuse : plusieurs personnes en furent témoins aussi bien que Nicolazic ; et elles entendirent le bruit d'une multitude en marche qui envahissait le Bocenno.

Il n'y avait là, réellement, aucune foule ; mais cette rumeur était un présage.

 

Le lendemain, au même endroit, on entendit le même bruit ; mais cette fois, c'était une réalité.

Les pèlerins arrivaient en foule, et non seulement des localités les plus voisines, mais des régions les plus lointaines.

Qui avait pu les prévenir ? « La renommée des merveilles arrivées depuis peu avait, ce semble, été portée sur l'aile des vents jusqu'en Basse-Bretagne, en des lieux si éloignés que l'on crut que la seule inspiration de Dieu les avait pu avertir... »

Quelques-uns même remarquaient qu'ils étaient partis de chez eux le jour même où la statue avait été découverte.

Et ces pèlerins ne venaient pas en curieux, ils priaient et ils faisaient des offrandes.

Les pièces de monnaie et les pièces d'argent gisaient pêle-mêle au pied de la statue recouverte d'un linge blanc.

François Le Bléavec alla prendre chez lui un escabeau et un plat d'étain qu'il plaça près du fossé pour recevoir les offrandes.

Cependant, la nouvelle de cette manifestation populaire ne tarda pas à arriver jusqu'au bourg. Quand le Recteur apprit ce qui se passait à Ker-Anna, il entra dans une violente indignation ; et, sur-le-champ, il dépêcha dom Le Thominec pour mettre fin à ce scandale.

Le vicaire arrive tout en colère ; il va droit à la statue, et la renverse dans le fossé ; puis, se retournant vers l'escabeau, il fait voler d'un coup de pied le plat d'étain avec tout ce qu'il renferme. Alors il interpelle vivement Nicolazic, et lui reproche d'avoir provoqué un tel attroupement. Après quoi, il signifie à tous les pèlerins de s'en retourner chez eux, menaçant en particulier ceux de Pluneret d'excommunication. « Aucun prêtre, leur dit-il, ne vous donnera l'absolution, si vous ne rentrez immédiatement chez vous, ou si vous avez l'audace de revenir ici !... »

Cette sortie violente produisit une grosse émotion sur les gens de la paroisse. .

Quant à Nicolazic, aucune marque de mécontentement ne parut sur son visage ; il ne répliqua rien, et se mit tranquillement à ramasser les offrandes éparpillées sur le sol : c'était la première mise de fonds pour la future chapelle.

Les jours suivants, il y eut encore grande affluence de pèlerins, et leur nombre augmentait sans cesse.