III

LE BÂTISSEUR

 

Son esprit d’initiative

 

Sainte Anne avait donné une double investiture à Nicolazic.

Elle lui avait commandé d'aller trouver son recteur pour l'informer que le moment était venu de relever la chapelle du Bocenno.

Elle avait ajouté : C'est vous qui en prendrez soin.

Du jour où elle lui a donné l'assurance que Dieu pourvoirait à tout, et que, d'autre part, l'Évêque l'a autorisé à commencer les travaux, un autre homme se révèle en Nicolazic. Désormais aucun obstacle ne l'arrêtera, ni le dur labeur qu'il s'impose, ni la diversité des occupations qu'il assume, ni les railleries des personnages qui le critiquent, ni la nécessité de négliger ses propres intérêts. Il ira toujours de l'avant avec un entrain qui fera la stupéfaction de tous ceux qui le connaissent.

 

Assurément l'entreprise est bien au-dessus des moyens d'un simple paysan, qui ne sait ni lire ni écrire, et qui ne parle que le breton.

Mais Dieu, qui lui a assigné une fonction exceptionnelle, saura lui donner en même temps d'exceptionnelles qualités pour les remplir. Et ainsi va se manifester d'une façon éclatante la transformation du laboureur illettré en homme supérieur.

Nicolazic fut à la fois le trésorier de l'entreprise et le directeur des travaux.

Il s'était chargé du soin de recueillir les offrandes ; et, à voir son abord si doux et si agréable, son empressement à rendre service, son désintéressement personnel, en l'entendant exposer ses projets et son désir d'élever à la gloire de sainte Anne « une église grande comme une cathédrale », les pèlerins se sentaient gagnés, et leur générosité s'ouvrait spontanément pour venir à son aide.

Toutes les offrandes étaient scrupuleusement réservées pour l'œuvre. Et, malgré l'insistance de certains pèlerins, il ne voulut jamais garder pour lui-même ni pour sa famille les dons qu'on lui proposait.

Mais pour réaliser son projet, il ne pouvait compter uniquement sur les ressources offertes par les pèlerins, quelque généreuses qu'elles fussent.

Il sut créer dans toutes les paroisses d'alentour un concours merveilleux de bonnes volontés qui dura jusqu'à la fin des travaux ; et grâce à son initiative, sainte Anne acquit « un droit de corvée » à quatre lieues à la ronde « sans autre paiement que celui de la récompense qu'attendaient ces braves gens dans le paradis. »