Après le départ du Maître
par Phaneg (écrit vers 1930)
Avant-propos (1)
(1) Bien qu'il convienne, à cause de notre ignorance réelle, de laisser dans le vague ces deux expressions: âme et esprit, il y a cependant intérêt à dire que dans ces pages, le mot esprit (spiritus) est employé pour désigner l'Étincelle Incréée de la Vie Éternelle, en qui se réfugie notre conscience, notre personne vraie. Le mot âme (anima), est pris dans son acception étymologique de force animatrice, c'est la vie matérielle, une partie du double des occultistes; enfin, le mot corps (corpus) est usité dans le sens ordinaire du mot: ce qui supporte et manifeste la vie. Je m'excuse ici également des répétitions (inévitables, lorsqu'il s'agit d'un récit écrit à l'orientale) et elles sont très nombreuses.
Les quatre Évangiles sont suivis d'un récit intitulé: "Les Actes des Apôtres", dans lequel on peut découvrir, sous certaines conditions, de grandes et décisives lumières.
De nombreux commentaires ont été écrits sur ce petit livre. La plupart sont des recherches d'exégèse, des discussions philosophiques, des essais théologiques, protestants ou catholiques; quelques-uns, "très rares", sont d'inspiration purement mystique.
Aucun auteur, à ma connaissance, ne s'est placé au point de vue spécial qui sera développé dans ce travail. Ma foi est celle-ci: les douze Apôtres, par la réception de l'Esprit Saint, avaient pour ainsi dire repris, avec leur pays spirituel, le contact interrompu par leur naissance sur la terre.
Ils furent en un éclair littéralement transformés dans leurs corps, leurs fluides, leur magnétisme, leur mental, depuis leur Esprit jusqu'à la cellule la plus grossière de leurs corps; leur vie centrale vint baigner sans obstacles et pénétrer leur conscience matérielle. Leurs organismes physiques, même, acquirent certaines particularités du corps glorieux; ils reçurent le don des langues et tous les pouvoirs des hommes régénérés.
Ce profond mystère n'est pas suffisamment examiné; il ne s'impose pas avec assez de force à notre intelligence, parce qu'il ne peut être prouvé par des raisonnements. C'est cependant un fait que notre coeur peut admettre. Voyez: pendant la mission de leur Maître, en sa présence, ils ne furent en apparence, ces Êtres mystérieux, que de pauvres gens très humbles et très ordinaires. Parfois, seulement. leur conscience était illuminée directement, mais le voile retombait bientôt et, souvent, Jésus les appela: " esprits obtus ". Puis, aussitôt, après la Pentecôte, nons trouvons en eux des "surhommes", doués de pouvoirs plus étendus que les plus forts adeptes, puisqu'ils ont, de plus qu'eux, le droit d'écrire sur le Livre de Vie, d'effacer les fautes des hommes et de les préparer à recevoir du Père la liberté définitive.
C'est cela que nous devons comprendre, et dès lors, la moindre de leurs actions, la moindre de leurs paroles, quelle importance ne prendront-elles pas pour nous!
Ainsi leur vie, leurs enseignements, leurs luttes, seront vraiment, pour l'humble disciple du Christ, le reflet très pur de la vie, de l'enseignement, des paroles et des actions du Maître toujours présent.
Nous admettons donc, sans peine, que si le livre des "Actes" n'a pas l'importance définitive, absolue, de l'Évangile, il n'en renferme pas moins de très grandes leçons, si nous savons en discerner les surnaturelles lumières. Ce qu'ont dit ou fait les Amis directs du Sauveur aussitôt après son départ, n'est-ce pas, en effet, l'Évangile réalisé pour la première fois et se répandant dans le monde? N'est-ce pas une première matérialisation de la loi qui est maintenant la nôtre?
Ces pages sont destinées surtout, nous verrons pourquoi, à ceux qui ont connu, ou connaîtront d'une manière positive, quelqu'un des amis de Dieu, vivant actuellement, et dans l'avenir sur la terre.
Avec quelle émotion ceux-là pourront comprendre un peu l'état d'âme des douze après le départ de Celui dont ils avaient reconnu l'identité véritable!
Ah! pour un sommeil de quelques instants dans la barque flottant sur les eaux tumultueuses, comme leurs coeurs furent troublés! Et maintenant, les voici seuls, à part quelques rares visites de leur Ami!
Seuls, livrés à eux-mêmes, guettés par le Prince de ce monde, attaqués ouvertement par son frère le Destin!
Mais, ils ne sont plus les mêmes: le rayonnement de la Vie Éternelle s'est visiblement manifesté et a pénétré tout leur Être. Les voici désormais plus forts que le monde. Ils vont vivre, agissant, voyageant, instruisant, guérissant, se donnant à tous sans arrêt, sans repos, sans réserve, murmurant: "Nous sommes des hommes comme vous, non des dieux!"
C'est là, en vérité, l'exemple que devaient suivre et qu'ont suivi, en effet, au cours des siècles, les vrais disciples, les adorateurs du Père, en esprit et en vérité.
On voit que je n'écris pas pour ceux en qui seul le mental vit et règne, mais pour les petits et les humbles, qui ont commencé de répondre à l'appel du Maître; et qui, las de se nourrir des reflets du Soleil de vérité, veulent tenter d'en recevoir les rayons directs.
C'est donc à ce point de vue très spécial que je me place; c'est un effort tout à fait particulier que je demande au lecteur; une orientation nouvelle. Il a déjà compris, j'en suis sûr, que ces pages, en évitant toute critique, ne renfermeront aucune étude historique, théologique ou philosophique; il sait qu'il n'y trouvera pas des armes pour ou contre le catholicisme ou le protestantisme; des discussions sur des possibilités d'erreurs. Non, mon but est à la fois plus simple et plus difficile à atteindre.
Il est bien évident, en effet, que je ne pourrai donner aucune preuve de mes affirmations; c'est au-dessus de la Nature, vers la Vie créatrice, qu'il conviendra d'orienter notre effort, notre conscience, si nous voulons conquérir définitivement le plus possible de la surnaturelle et centrale lumière qui brille à chaque mot en ce mystérieux récit; dans les actes, les paroles de ceux qui fuirent les premiers, les plus chers amis de Jésus: ses témoins.
Que notre lecteur tâche donc de se simplifier le plus possible, un instant, dans sa vie agitée; qu'il oublie ses épreuves, ses doutes, ses craintes, qu'il s'efforce de redevenir une heure semblable à un enfant, qu'il fasse un peu de silence en lui-même et qu'il écoute: une voix, tout à fait différente des voix ordinaires, pourra peut-être se faire entendre.
Il comprendra que le mental est, en l'homme, déformateur de toute notion étrangère à son domaine; que, s'il constitue un appui indispensable pour notre conscience pendant la veille, il est aussi un obstacle immense à la Lumière dont il se peut que soit pénétré notre coeur.
Il reconnaîtra que s'il examine une créature: pierre, plante, animal ou homme, à la seule lumière intellectuelle, il n'en percevra jamais que l'extérieur. Tant que la Vie n'aura agi en lui que sur ses nerfs, son raisonnement ou son cerveau, sa conscience enregistrera seulement des reflets, non des réalités.
Le centre véritable de toute créature (sa vie réelle), ne sera pas perçu et lui demeurera étranger. Au contraire, dès que son cerveau sera capable de refléter les notions vivantes reçues par ce qui en lui est de même nature que la vie centrale des êtres; dès qu'après un long travail, cette vie intérieure aura fini par pénétrer peu à peu les cellules cérébrales, de façon à les changer en leur esprit, puis en leur matière même, il enregistrera sans peine des vibrations émanées du Centre vivant de chaque créature proposée à son étude.
Il pourra, peu à peu, comprendre la différence immense qui existe entre sa méthode primitive et cette merveilleuse harmonisation qui se fera alors naturellement entre lui et la Création.
S'il prend entre ses mains, avec, en son coeur une prière, le livre des Évangiles et des Actes des Apôtres du Christ, s'il ferme les yeux aux spectacles de la vie extérieure, et les ouvre aux merveilleux rayonnements de la paisible et resplendissante Lumière qui est, en lui, le reflet de la vie éternelle du Père; s'il sait arrêter toute tendance franche ou sournoise du raisonnement destructeur, les tableaux évoqués par le livre, les actes, les paroles, les enseignements des Disciples, lui apparaîtront en leur vie secrète, intense, centrale, universelle: il en découvrira l'Ange; un silencieux colloque s'établira entre son coeur enfin vivant, et cette créature spirituelle qui lui révélera le mystère caché sous la froide enveloppe matérielle des mots. Un jour viendra où sa conscience pourra, même pendant la veille, refléter quelque chose de la lumière entrevue et ce sera une notion, imparfaite encore, mais réelle. Son étude sera vivante alors et il désirera qu'elle le devienne plus encore en la réalisant par l'action.
Son esprit communiera avec ces êtres bien au-dessus de la terre, qui furent les premiers amis du Christ; son coeur recevra de cette communion une nourriture tout à fait spéciale, sa vie en sera transformée, et l'heure bénie de sa rencontre terrestre avec un Ami secret de Jésus en sera avancée.
Voilà le lecteur que je souhaite: pour lui, j'ai écrit ces pages. à lui je pense en les écrivant, c'est lui que j'appelle à travers l'espace, lui enfin qui viendra, peut-être, si le Ciel bénit mon effort.
Pour les autres, je leur demande seulement de ne pas rejeter, a priori, cette étude. Certes, je n'espère pas qu'ils admettent sans preuve mes affirmations... Refuseront-ils pourtant de laisser ces idées, qui pour eux ne sont pas véritables, séjourner un peu en leur âme? Peut-être les y retrouveront-ils un jour avec étonnement et avec joie ??