Chapitre VII
En ce temps-là naquit Moïse, qui était parfaitement beau. Il fut nourri trois mois dans la maison de son pète; alors on l'exposa, et il fut recueilli par la fille de Pharaon, qui l'éleva pour l'adopter. Moïse fut donc instruit dans toute la sagesse des Égyptiens et il devint puissant en paroles et en oeuvres. À l'âge de quarante ans, il eut le désir d'aller voir ses fières, les enfants d'Israël, et, témoin d'une injustice faite à l'un d'eux, il prit sa défense et le vengea, en frappant l'Égyptien qui le maltraitait. Il pensait que ses fières comprendrait que Dieu se servirait de lui pour les délivrer, mais ils ne le comprirent pas. Le lendemain, ayant rencontré deux d'entre eux qui se battaient, il les exhorta à vivre en paix et leur dit: "Israélites, vous êtes frères, pourquoi vous querellez-vous?" Alors l'agresseur le repoussa, en lui disant: "Qui t'a établi chef et juge sur nous? Veux-tu me tuer, comme hier tu tuas l'Égyptien?" Cette parole fut cause que Moïse s'enfuit; il alla demeurer au pays de Madian, où il eut deux fils.
Quarante ans après, un ange du Seigneur lui apparut dans un buisson ardent, au désert du mont Sina. À la vue de ce prodige, Moïse fut frappé d'étonnement et, comme il s'approchait pour l'examiner avec attention, il entendit la voix du Seigneur qui lui dit: "Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob." Et Moïse, tremblant, n'osait lever les yeux. Alors le Seigneur lui dit:"Délie la chaussure de tes pieds, car le lieu où tu es est une terre sainte. J'ai considéré l'oppression de mon peuple en Égypte, j'ai entendu ses gémissements et je suis descendu pour le délivrer; pars donc, je t'envoie en Égypte." Ce Moïse qu'ils avaient repoussé en lui disant:"Qui t'a établi chef et juge?" fut le chef et le libérateur que Dieu leur envoya par l'ange qui lui était apparu dans le buisson. C'est lui qui les délivra et qui fit pendant quarante ans des prodiges et des miracles en Égypte, dans la mer Rouge et dans le désert. C'est ce Moïse qui a dit aux enfants d'Israël: "Le Seigneur votre Dieu vous suscitera d'entre vos frères un prophète comme moi, vous l'écouterez." C'est lui qui, pendant que le peuple était assemblé dans le désert, servit de médiateur entre nos pères et l'ange qui lui parlait sur le mon Sina; c'est lui qui a reçu les paroles de vie pour nous les transmettre. Mais nos pères ne voulurent point lui obéir; ils le rejetèrent, et leurs coeurs se tournèrent du côté de I'Égypte. "Fais-nous, dirent-ils à Aaron, des dieux qui marchent devant nous; car, pour ce Moïse qui nous a fait sortir d'Égypte, nous ne savons ce qu'il est devenu." Ils se firent alors un veau et ils offrirent un sacrifice à cette idole, se réjouissant dans cet ouvrage de leurs mains. C'est pourquoi Dieu, s'étant détourné, les abandonna au culte de l'armée du ciel, selon ces paroles du livre des prophètes: "Peuple d'Israël, est-ce à moi que tu as offert durant quarante ans tes victimes et tes sacrifices dans le désert? Non, tu as porté le tabernacle de Moloch et l'étoile de ton dieu Remphlan, idoles que tu as faites pour les adorer; aussi je te transporterai jusqu'au delà de Babylone." Nos pères eurent avec eux au désert le tabernacle du témoignage, construit d'après l'ordre de Dieu sur le modèle que Moïse avait vu; et leurs enfants, l'ayant reçu, le portèrent, sous la conduite de Josué, au pays des nations que Dieu chassa de devant eux jusqu'au temps de David. David trouva grâce devant Dieu et lui demanda la permission de bâtir une demeure au Dieu de Jacob. Néanmoins ce fut Salomon qui lui bâtit un temple. Mais le Très-Haut n'habite point dans les temples faits par la main des hommes, selon ces paroles du prophète: "Le ciel est mon trône, et la terre est mon marche-pied." "Quelle maison me bâtiriez-vous? dit le Seigneur, et dans quel lieu fixeriez-vous mon séjour? N'est-ce pas ma main qui a fait toutes choses? Gens indociles, incirconcis de coeur et d'oreilles, vous résistez toujours au Saint-Esprit et vous êtes en tout semblables à vos pères. Quel est le prophète que vos pères n'ont pas persécuté? Ils ont même tué ceux qui leur prédisaient l'avènement du juste, de ce juste que vous venez de trahir et dont vous avez été les meurtriers. Vous aviez reçu la loi par le ministère des anges et vous ne l'avez point observée."
Quand les juifs entendirent ces paroles, ils furent transportés de rage et ils grinçaient des dents contre lui. Mais Étienne, animé de l'Esprit Saint, leva les yeux vers le ciel, vit la gloire de Dieu et Jésus à sa droite, et s'écria: "Voici, je vois les cieux ouverts et le Fils de l'homme à la droite de Dieu." Alors les juifs, poussant de grands cris, se bouchèrent les oreilles et tous ensemble se jetèrent sur lui; puis, l'ayant traîné hors de la ville, ils le lapidèrent. Les témoins avaient déposé leurs manteaux aux pieds d'un jeune homme nommé Saul. Pendant qu'on le lapidait, Étienne priait et disait: "Seigneur Jésus, reçois mon esprit." Et s'étant mis à genoux, il s'écria à haute voix: "Seigneur, ne leur impute point ce péché." En achevant ces mots, il expira. Or Saul avait consenti à la mort d'Étienne.
COMMENTAIRE
Nous voyons, en effet, en examinant attentivement, par les lumières du coeur, la conduite d'Étienne, qu'il place tout d'abord les Esprits de ses auditeurs, plutôt que leur mental, dans le milieu de Vérité, que leur cerveau admet; puis, dès qu'il les sent attentifs, il les met brusquement en présence d'une vérité nouvelle: plus de formes extérieures, plus de matière."Le Père veut être adoré en Esprit." Il leur reproche ensuite nettement de n'avoir su comprendre que la lettre de leur loi, et de résister au Saint-Esprit, c'est-à-dire à l'action directe du Ciel sur leurs coeurs: "La Loi vraie, vous l'avez reçue par le ministère des Anges mais vous ne l'avez ni comprise, ni observée; vous avez tué le Juste, comme vos pères ont exécuté ceux qui prédisaient Sa Venue, vous n'avez fait, depuis ce moment, aucun progrès réel."
Puis, au milieu de leurs cris de rage, mettant en oeuvre les pouvoirs reçus des Apôtres, Étienne pénètre, en pleine conscience, dans la Vie Centrale du Monde, dans le Surnaturel Divin, où l'incessante Activité du Verbe devient perceptible. Il contemple cette Gloire, dont Jésus parle dans Sa dernière prière; son Acte ultime, avant le martyre, est ainsi de montrer aux hommes le Vrai Chemin: d'un côté, la Loi, reflet incompris de la Volonté de Dieu, les Baptêmes d'Eau, les rituels humains, indispensables bien longtemps; de l'autre, la Splendeur de la Vraie Vie, les Sacrements Spirituels, donnant accès, non plus à un des multiples paradis artificiels et momentanés que l'Humanité s'est formés, mais dans le Royaume même du Père, où Jésus donnera à Ses Enfants la Vie Éternelle.
Ainsi compris, l'exemple d'Étienne, tout illuminé du Saint-Esprit, s'opposant aux membres du Sanhédrin, nous fait bien saisir les raisons pour lesquelles les Enfants isolés du Christ ont éprouvé, de tous temps, de grandes difficultés, dans leurs rapports avec les Églises officielles, et cela, depuis l'heure sainte où le Ciel descendit sur la terre, où la Vie Absolue fut manifestée dans le relatif, sous la forme pure de Jésus.
"Le Très-Haut n'habite pas dans les temples faits par la main des hommes", avait dit le prophète. "Le Ciel est Son Trône, et la terre Son marchepied." Et Jésus: "L'heure vient où les vrais adorateurs de Mon Père l'adoreront en Esprit et en Vérité."
Cependant, l'opposition de l'Église Invisible du Christ à Ses Églises visibles ne doit pas scandaliser, car elle n'est qu'apparente et ne durera qu'un temps. Il réunira, un jour, dans Son Amour, Ses deux Églises Souffrante et Triomphante, et il n'y aura plus qu'un seul troupeau.
Mais il est très certain que jusqu'ici, et sauf exceptions particulières, les Églises visibles du Christ peuvent distribuer uniquement les sacrements d'eau, agissant sur le corps et tout au plus sur les fluides; l'Église Intérieure a reçu, au contraire, de Jésus le pouvoir d'atteindre l'Esprit lui-même des créatures, et de lui donner les sacrements de feu, c'est-à-dire spirituels.
Or, le"petit enfant", que Jésus demandait de lui amener, quand Il était sur la terre, et qu'il prie encore Son Père de Lui donner actuellement, sera forcément toujours suspect aux officiels. Cela est, du reste, naturel, et cette remarque ne dissimule aucune critique contre une religion quelle qu'elle soit, ni contre ses prêtres. C'est une simple constatation. Ainsi, seuls, les très rares Amis cachés de Dieu ont vraiment les paroles de Vie Éternelle et sont les réceptacles d'un rayon de l'Esprit-Saint. Seuls, ils peuvent conférer les sacrements de l'Esprit. En acceptant leur mission terrestre, ils savaient qu'ils lutteraient par le fait même contre le Prince de ce monde et Mammon, mais ils avaient accepté le combat. Inconnus et cachés, nul mieux qu'eux ne pourrait répéter textuellement ce que disait Étienne au souverain sacrificateur: "Vous résistez toujours à l'Esprit-Saint, semblables à vos pères, vous n'avez pas changé et vous seriez capables de persécuter ceux qui viennent vous parler de la loi pure et des vrais enseignements du Christ, que vous ne comprenez pas, parce vous les discutez au lieu de les aimer."
Mais passons... Comme Étienne, les disciples inconnus du Christ Libérateur sauront supporter, en pardonnant, les injures, le mépris et la haine. Le martyre a bien des formes, et s'il va rarement de nos jours jusqu'à la prison ou la mort, il peut néanmoins se produire dans d'autres plans que le plan matériel, et le disciple pourrait être amené à donner, pour ses frères, plus que sa vie. La mort est peu de chose pour le mystique arrivé à un certain degré: il devra plutôt faire ses efforts pour ne pas la désirer et pour avoir seulement la force de s'harmoniser étroitement avec la volonté de Dieu.
Pour nous, pauvres débutants dans la voie étroite, tout en prenant conscience de la très grande élévation d'Étienne; tout en fixant les yeux sur sa splendeur spirituelle; tout en nous nous rendant compte de notre néant auprès de lui; soyons certains que nous suivons le même chemin et le même Ami surnaturel.
C'est Lui qui a conduit nos maîtres, après des siècles d'efforts ininterrompus, jusqu'aux trônes de gloire qu'ils occupent aujourd'hui. C'est Lui encore qui, si nous savons le vouloir, le désirer plutôt avec assez de force et de constance, nous amènera quelque jour jusqu'à son coeur universel.
Comme Étienne, comme Philippe, comme les sept, soyons prêts à tout souffrir pour notre foi, dès que le Ciel nous aura jugés assez forts.
Soyons disposés à pardonner comme eux à tous les serviteurs du Mal, à toutes les douleurs que notre Maître aura laissé parvenir jusqu'à nous.