LE SAINT-ESPRIT(1)
Une causerie sur ce sujet peut sembler, à priori, inutile ; il est bien évident, en effet, qu'il me sera impossible de vous dire quoique ce soit d'absolu, sur cet Être inaccessible, inconcevable, et que le silence seul peut honorer dignement. Cependant Jésus nous a laissé quelques paroles directes sur l'Esprit-Saint. Elles peuvent, si nous savons percevoir leur sens intérieur, mettre en mouvement certains de nos centres vivants, plus spécialement en communication avec le rayonnement de nos âmes et, par lui, avec notre Esprit. Lorsqu'en été, nous nous promenons par une de ces journées sans tache, où le soleil rayonne, où il n'y a pas un nuage au ciel, où la chaleur, la lumière sont exactement ce qu'elles doivent être pour que notre bien-être soit complet, nous ressentons une joie inexprimable, et cependant, nous sommes incapables de comprendre ni le soleil, ni la vie qui circule dans la nature. Il se produit quelque chose d'analogue lorsque notre matière est assez pure pour s'ouvrir au rayonnement de l'Esprit-Saint, et plus cette purification augmentera, plus nous pourrons avancer dans la connaissance intérieure de ce qu'Il est. On admet en général que le Père a régné tout d'abord sur la terre ; ce fut une période de sévérité, de rigueur. Puis, le Fils est venu Lui-Même nous apprendre les mots de pardon et d'amour. Enfin, de nos jours commencerait le règne de l'Esprit. Je ne crois pas que cette conception soit à retenir. Il est préférable de penser que seul, en dehors de toute idée de temps et d'espace, l'Esprit est. En Lui, nous avons admis pour des facilités théologiques, trois mouvements, du reste incompréhensibles, auxquels on a donné les noms de Père, Fils et Saint-Esprit (2). Il me semble donc plus juste de croire qu'il n'y pas eu trois actions séparées, mais seulement trois compréhensions différentes ou manifestations successives d'une même force dans le monde. Pendant ce qu'on appelle le « règne du Père », l'humanité à l'état embryonnaire, n'a pu percevoir que la crainte et la justice, et cela seul, du reste, pouvait lui être utile. Puis, à l'heure voulue, l'Esprit revêt la forme humaine, et apprend à tous l'Amour, le Pardon, la Miséricorde, l'existence du Royaume, et les conditions nécessaires pour y parvenir. Pendant tout le moyen-âge, les hommes semblent revenir aux idées de terreur. Jésus n'apparaît plus que comme un juge, et, heureusement, la Vierge, par de nombreuses apparitions, vient rassurer les misérables humains, et les consoler. Enfin, de nos jours, ce sont les enseignements du Christ qui ont prévalu parmi les croyants. Mais allons-nous entrer, comme on le pense, dans une période qu'on pourrait appeler « le règne de l'Esprit » ? Je ne le crois pas. Les hommes sont en transformation continuelle ; chargés de purifier la matière qui leur est confiée, ils augmenteront peu à peu la sensibilité de leur coeur, et même, progressivement, de leur mental, qui finiront par s'unir. Je ne veux pas parler d'une sorte de Mystique rationnelle, mais Dieu permettra que, sous l'influence de la Charité, les centres spirituels de notre cerveau et leurs corps (les cellules) se purifient suffisamment pour participer aux lois du coeur. Notre raison même alors pourra comprendre quelques-uns des Mystères du Christianisme. Ce sera l'Aurore de la Foi et vraiment l'action de l'Esprit-Saint, dont le règne serait d'abord individuel et non collectif. Ce sera seulement aux derniers jours que la terre verra s'incarner une race d'hommes, dont le coeur et le cerveau seront unis, dont l'âme sera purifiée ; alors vraiment régnera et triomphera l'Esprit-Saint. C'est, je crois, ce qu'enseigne Jésus dans l'Évangile de Jean. Voyons maintenant les paroles directes du Christ, que l'Évangile nous a consacrées. Elles sont le corps, le support matériel des Lumières Spirituelles vivantes, auxquelles nous pouvons, si nous voulons, donner le nom d'« Anges ». Il faut donc que, par un effort intérieur, un élan de notre sensibilité, nous tentions de nous harmoniser avec ce que notre coeur peut recevoir de ces lumières particulières. L'Intention du Maître a été sûrement, en nous donnant ces enseignements sur l'Esprit, de nous aider à préparer en nous des centres de plus en plus, nombreux, des terrains de plus en plus fertiles, pour que puissent s'y développer quelques notions imparfaites, mais justes, sur l'Esprit. « Je prierai Mon Père, et Il vous enverra, un autre paraclet, qui restera avec vous éternellement, l'Esprit de Vérité que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne Le voit ni ne Le connaît mais vous, vous le connaîtrez, car Il restera auprès de vous, Il sera en vous. Il vous enseignera toutes choses, vous rappellera ce que je vous ai dit, et rendra témoignage de moi. » Ainsi, le Saint-Esprit ne viendra pas, très probablement, sur terre sous forme humaine. Il sera presque totalement en les coeurs humains purifiés, plus ou moins en nos coeurs à tous, au fur et à mesure que notre matière pourra en supporter le rayonnement, en tous ceux enfin qui auront approché des vrais disciples (3). « Je ne prie pas seulement pour vous », disait Jésus aux Apôtres, « mais pour ceux qui auront cru en Moi par votre enseignement. » Voilà ce qui nous donne un espoir indéracinable en notre bonheur futur, et nous sentons bien que, si nous sommes fidèles, si nous prenons soin de marcher sur les traces de notre Maître, un jour, Il permettra à nos âmes de jeter sur terre toute la matière à elles confiée, et désormais pure, comme le diamant. Alors se réalisera pour nous la divine promesse, renfermée dans l'Évangile. Nous sommes loin de cette heure, et je pense qu'elle n'est autre chose que la fleur de nos successifs efforts. Avant ce mariage de l'Agneau, avant ce triomphe, nos âmes et notre matière auront souvent tressailli sous quelque rayon véritable de l'Esprit-Saint, longue préparation à notre joie. Nous comprenons aussi que c'est Lui, L'Esprit Pur, qui nous donnera peu à peu la compréhension de plus en plus profonde des paroles du Christ. Car pour les comprendre, il faut que notre mental soit guéri de ses fâcheuses tendances à tout déformer des notions Éternelles. Et c'est le Saint-Esprit qui est déjà, qui sera surtout le grand guérisseur. - Il est venu dans le passé, Il vient à chaque heure, à chaque minute, à chaque seconde, Il vient, et nous apprend tout ce que nous pouvons supporter de la Vérité. C'est à Lui que nous devons notre foi actuelle, notre compréhension si simplifiée et si profonde des Lois du Christianisme. Il ne change rien à ce que Jésus nous a dit, mais Il complétera en profondeur cet enseignement, et surtout Il l'incorporera, pour ainsi dire, à notre être, pour préparer notre nouvelle naissance. Enfin, le Divin Paraclet témoignera du Fils. Il sera, en effet, un témoin du Christ, puisqu'Il viendra nous préparer à en comprendre davantage les secrets, et à devenir, nous aussi, des témoins. L'Esprit ne peut pas être sous deux formes à la fois sur terre, ou plutôt, une de ces actions se fait d'abord complètement avant que l'autre commence. De là la parole « Il est avantageux pour vous que je m'en aille ; autrement le Paraclet ne viendrait pas en vous. » Je ne veux pas parler ici clairement de certains mystères, dont tous, nous devons attendre la révélation intérieure. Mais l'Esprit peut naturellement, s'Il le veut, se faire représenter dans la matière par autant de formes humaines ou autres, qu'Il voudra. Ce que Jésus vient nous apprendre, c'est donc seulement que l'humanité ne recevra pas deux leçons à la fois et c'est tout. Le Christ nous enseigne quelque chose de la Vérité qu'Il est Lui-Même, et c'est Lui qui viendra successivement nous donner une compréhension de plus en plus parfaite de Ses enseignements. Voilà pourquoi une des formes de Son action sur les Apôtres a été le don des langues, qui a signifié en partie cela. Les trois travaux de l'Esprit, auxquels fait allusion Saint Jean au chapitre XVI : convaincre le monde du péché, de la justice du Christ et de Son pouvoir de juge, seront donc en réalité l'achèvement de Ses longs efforts pour éclairer les hommes. Ils pourront se terminer en ces jours, car alors la terre ne sera plus habitée que par une humanité longuement préparée en laquelle le coeur et le cerveau seront unis, humanité presque prête pour le triomphe total de l'Esprit. Enfin, l'Évangile nous donne encore par une phrase une indication du rôle de l'Esprit vis-à-vis de la Vierge. « Il viendra sur Toi », dit l'Ange.Mais ces paroles se réfèrent à de tels mystères, qu'il est préférable de n'y faire qu'une allusion discrète. Contentons-nous d'apercevoir ici en un éclair la grandeur spirituelle de Celle que l'humanité reconnaît comme Mère, sa Protectrice, sa Consolatrice, et son Espoir. Il en est de même du passage concernant la faute contre le Saint-Esprit, qui ne sera jamais pardonnée. Nous ne pouvons pas, actuellement, nous rendre coupable de cette faute, car nous ne connaissons pas l'Esprit. Vous le voyez, bien que toute parole soit vaine, nous n'avons pas, je pense, tout à fait perdu notre temps. Ainsi que je le disais en commençant, il me semble que nous n'avons pas fait de critique théologique. J'ai essayé de vous donner une impression de cette sorte de synthèse que je sens en moi. Nous avons prié ensemble, nous avons, par nos paroles, invoqué et appelé l'Esprit ; nous avons répété en nous-mêmes des paroles qui constituent la prière la plus belle et l'appel le plus complet : venez, venez, Saint-Esprit, Créateur. En réalité, tout mon coeur qui s'ouvrait, et qui recevait un peu de lumière s'est donné à vos coeurs. Nous n'avons pas fait autre chose que de dire : Venez, Esprit-Saint, soyez sans cesse en nous, et puis, vraiment, maintenant la conclusion nous apparaîtra aussi extrêmement curieuse de synthèse et d'ensemble : qu'il s'agisse de la prière, du Prêtre à l'Autel, ou du chrétien dans l'obscurité et le silence de sa chambre, qu'il s'agisse du savant, du travailleur, du sculpteur ou du musicien tendant vers leur idéal, enfin, qu'il s'agisse d'une vieille bonne femme dans une église, s'écriant : Sainte-Vierge, nous aurons la sensation qu'ils ne disent pas autre, chose que ce que je vous disais Esprit-Saint, venez, venez. PHANEG.
(1) Causerie faite à l'Entente Amicale Évangélique le Vendredi 2 Mai 1930. (2) La Science a également une trinité-base, essentiellement inconnue aussi : la matière, la force, le mouvement, qu'elle tend à confondre sous un seul nom : l'Énergie. |