CHAPITRE VII
COMMENT NOUS DEVONS TÉMOIGNER NOTRE DÉVOTION A SAINTE PHILOMÈNE
De même que le culte que nous devons à Dieu est avant tout l'adoration, c'est-à-dire l'abaissement, l'anéantissement de la créature devant le créateur, et que nous n'arrivons à l'action de grâces et à la prière qu'après l'extase d'un amour en quelque sorte désintéressé, de même, dans nos rapports avec les saints, notre premier devoir est de les honorer. Les saints méritent nos hommages, parce qu'ils occupent dans l'Église une place distinguée, et qu'ils sont devenus les amis privilégiés de Dieu.
Toutefois, il ne peut guère être ici question que d'une priorité logique. Nous ne voulons point dire qu'il faille s'abstenir d'invoquer un saint, de solliciter son secours dans une nécessité pressante, si l'on n'a pas eu l'occasion ou la pensée de lui rendre certains honneurs préalables. Non ; si nous avons quelque besoin, demandons, prions. La prière suppose nécessairement l'estime.
Nous nous ferons un devoir et un plaisir d'apporter notre tribut à l'autel de sainte Philomène, afin qu'il soit moins indigne d'elle ; nous entretiendrons de nos deniers l'huile de sa lampe ; nous ferons des guirlandes pour sa fête; nous chanterons ses louanges, et, élevant nos âmes vers la source de toute sainteté, nous adorerons la puissance et la bonté de Celui qui est admirable dans ses saints.
La pratique la plus solide et la moins usitée peut-être de notre dévotion envers les saints, est celle dont parle saint Augustin. Toutes les fois, dit-il, que nous honorons les martyrs, ne nous arrêtons pas à demander par leur intercession les biens temporels, mais rendons-nous dignes, en imitant leurs vertus, de la jouissance des biens éternels. Pour participer à leur joie, il faut partager leurs souffrances et suivre leurs exemples.
Sainte Philomène nous doit surtout servir de modèle par son courage et sa pureté. Pénétrons-nous bien des leçons qu'elle nous donne, et efforçons-nous de les réaliser nous-mêmes dans la pratique de notre vie.
En méditant sur le courage de la martyre, nous rougirons de notre faiblesse, et nous apprendrons à surmonter le respect humain. Que de chrétiens, que de jeunes personnes voudraient se séparer radicalement du monde, rompre avec ces plaisirs funestes où leur âme est toujours en danger ; demander plus souvent au sacrement de pénitence la direction et l'appui qui leur sont nécessaires ; puiser dans la réception plus fréquente de la sainte Eucharistie les forces qui leur manquent ! Et l'on n'ose point ! On craint d'être remarqué, d'être signalé. Jeunes filles chrétiennes, comparez votre faiblesse, votre lâcheté avec le généreux courage de sainte Philomène, et faites en sorte d'imiter un peu ses exemples.
Nous avons vu aussi en quelle estime elle tenait sa virginité, puisqu'elle lui sacrifia, je ne dirai pas la couronne d'impératrice, je ne dirai même pas sa vie, mais le repos, la gloire, le bonheur de ses parents ; et que, pour rester pure, elle résista, elle si douce et si tendre, aux prières et aux larmes de sa mère. Ah ! Elle comprenait bien le prix inestimable de cette belle vertu.
L'imitons-nous même de loin ! Nous savons que nous portons ce trésor dans des vases bien fragiles ; et cependant, au lieu de veiller à la garde de ses sens, de veiller sur son esprit et sur son cur, d'avoir sans cesse l'oeil ouvert sur les trames de l'ennemi, l'on va de soi-même au-devant du péril, on court à toutes les réunions mondaines, à toutes ces occasions de plaisir, dont un honnête païen aurait soigneusement écarté sa fille, heureux encore quand on n'essaie pas d'associer, dans une sacrilège union, le Dieu des anges avec le démon de l'impureté !
Non, cette union est aussi impossible qu'elle serait monstrueuse. Si nous voulons sincèrement le salut de notre âme, si nous voulons que nos communions ne nous soient pas un jour imputées à crime, ayons efficacement en honneur la vertu de chasteté. Soyons fidèles aux promesses de notre baptême, aux serments de notre première communion, et rompons franchement avec les uvres et les pompes de satan.
Mais, parce que notre faiblesse est très grande, et que, dans l'ordre du salut, nous ne pouvons rien par nous-mêmes, nous invoquons aussi les saints, afin d'obtenir de Dieu, par leur intercession les grâces qui nous sont nécessaires. L'invocation des saints, justifiée par l'usage de l'Église, pratiquée par les pieux fidèles, recommandée par les Pères et les docteurs, a été proclamée par le saint Concile de Trente une chose bonne et utile, pour obtenir les grâces de Dieu, par Jésus-Christ, son fils, Notre-Seigneur.
Nous nous adresserons donc à sainte Philomène dans nos différentes nécessités ; et puisque Dieu paraît ne pas mettre de bornes à sa puissance, nous n'en mettrons pas non plus à notre confiance, recourant à elle et demandant sa protection dans toutes nos misères, tant pour le corps que pour l'âme.