CHAPITRE II
 
CE QUE DOIT ÉTRE LE VÉRITABLE AMANT DE DIEU.
COMMENT IL FAUT SUPPORTER LES MAUVAIS
ET DISCERNER LES BONS.
 
 
Voici l'état parfait de ces vierges très sages

Qui donnent tout leur soin au culte des vertus 
Et furent légion dans le long cours des âges. 
Hélas ! trop oublieux de leurs parfaits ouvrages, 
On dit que parmi nous l'antique foi n'est plus 
Et Satan déchaîné nous abreuve d'outrages... 
Mais, béni soit le ciel ! de permettre aujourd'hui, 
Que le soleil d'amour à nos yeux ait relui, 
Pour que la sainteté de cette race pure 
Ne perde son éclat ; et que, par sa nature, 
Elle reflète au moins la splendeur du miroir 
Où tous les vrais amants de Dieu doivent se voir; 
Bien qu'ils n'aient pu garder cette forte culture 
Qui seule leur donnait leur superbe parure...

Voulez-vous contempler l'éternelle beauté ? 
En Votre sainte foi, demeurez toujours stable 
Adhérez à Dieu seul d'un amour délectable ; 
D'un coeur simple et sans fard aimez la vérité 
Faites-vous tout à tous, soumettez-vous sans cesse ; 
Parmi ceux que la haine ou la colère oppresse, 
Qui s'émeuvent soudain dans leur étrange orgueil, 
Et sont, pour le coeur simple, un dangereux écueil, 
Ceux qui font détester le jour qui les vit naître, 
Et détruisent la paix si tardive à paraître : 

Race rude et perfide en qui rien n'est humain 
Dont l'âme misérable agite un coeur d'airain 
Qui prend sa volonté pour son unique guide
Et pour seule raison l'entêtement stupide ; 

Qui ne veut se soumettre à nulle opinion, 
Mais est prompte à l'attaque, à l'indignation 
Et qui, n'écoutant pas les conseils de personne, 
Se trompe bien souvent et parfois déraisonne : 

Coeurs tout pleins d'amertume et débordants de fiel, 
Quoique l'on soit pour eux bienveillants et tout miel ; 
Qui se montrent méchants, envieux et colères, 
Et dans leur compagnie entretiennent les guerres. 
Bien qu'en leur propre sens ils demeurent très sûrs, 
On ne peut les compter au nombre des coeurs purs, 
Ils n'ont jamais connu le paradis des vierges, 
Qui, consumés d'amour, brûlent comme des cierges. 
Ceux qui patiemment supportent leur humeur 
Et se montrent pour eux toujours pleins de douceur, 
Seront bénis de Dieu... Mais voulez-vous apprendre 
A discerner le juste au milieu des pécheurs ? 

Pour, au fluide amoureux, enfin, se laisser prendre, 
Il faut en toute chose examiner ses moeurs ; 
Puisque la sainteté n'est qu'un don de Dieu même 
A l'âme de celui qui le sert et qui l'aime. 
Les contempteurs du monde et de ses Vanités 
Qui, méprisant, de cœur tant de futilités,
Veulent toujours monter vers les saintes collines, 
Où passent devant eux les visions divines, 
Ont pour soutien la grâce et suivent ses conseils
Ceux qui, pour la richesse et tous les riens pareils, 
N'éprouvent nul attrait, les jugeant méprisables, 
Pour vouer tout leur être, aux oeuvres charitables, 
Et régler la balance où le pire ennemi
Egale le parent et le meilleur ami ; 
Les vainqueurs de la chair et du sang qui bouillonne, 

En qui l'esprit subtil à la vertu, se donne 
Enfin, ceux dont la vie est toute charité 
Voilà les plus heureux de ce monde qui passe 
Car tout s'use, ici-bas, seul l'amour ne se lasse, 
Qui répand ses bienfaits sur toute adversité. 
Cet amour magnanime et plein de confiance, 
Qui sait mettre en Dieu seul toute son espérance, 
N'a point de vains soucis et ne se plaint jamais.

Dédaigneux des tourments il jouit désormais ; 
Et n'ambitionne point une fragile gloire 
De fausse sainteté... 
Car rien en sa mémoire, 
Ne saurait égaler la divine beauté. 
Il n'a pas d'habitude et des moeurs singulières ; 
Mais, fait les actions aux saints particulières ; 
Pratique les devoirs communs, universels, 
Et tous les Sacrements.que l' Eglise sa mère 
A ses fils bien aimés recommande et vénère : 
C'est la source de grâce et des dons éternels.