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DE LA FOI CHRÉTIENNE

INTRODUCTION



   Le traité de la foi chrétienne est, après celui des Quatre Tentations, le plus court des ouvrages écrits par Ruysbroeck. C'est une simple paraphrase du symbole de Nicée, qui se termine par une description assez longue du bonheur céleste et des tourments de l'enfer, après le jugement dernier. À cause de cette finale le traité est intitulé chez quelques auteurs : Le petit livre de la foi et du jugement ; d'autres le nomment : Traité de la foi, Traité de la foi orthodoxe, Traité des douze articles de la foi.


COMPOSITION ET DIFFUSION


   Dans la liste que Pomérius nous a laissée des ouvrages de Ruysbroeck, le petit traité dont nous parlons ici, occupe le cinquième rang entre le Livre des Quatre Tentations, qui suit la Pierre brillante, et celui du Tabernacle spirituel. Or, de l'étude très intéressante que le Père Reypens a faite sur le manuscrit A, il ressort clairement que cette liste suit l'ordre des traités, tel qu'il se trouvait d'abord dans le Codex type de Groenendael, dont nous avons parlé en l'introduction du volume précédent (1). Et pour autant que nous pouvons le constater, l'ordre des traités dans ce codex est aussi l'ordre chronologique, selon lequel notre auteur a composé ses ouvrages. Dans les introductions aux différents volumes nous avons pu placer la composition de la Pierre brillante aux environs de l'année 1336, celle du Tabernacle spirituel avant 1343. De sorte que c'est entre ces deux dates que Ruysbroeck a dû écrire les deux traités des Quatre Tentations et de La Foi, à l'époque où il était encore prêtre séculier et chapelain à Sainte-Gudule de Bruxelles, c'est-à-dire assistant d'un chanoine de cette église, et cela depuis déjà une vingtaine d'années.

   Cette conclusion est pleinement confirmée par le grand manuscrit de Groenendael, qui, selon le témoignage du manuscrit F, contenait pour la Foi chrétienne cette notice : Hunc librum edidit, idem dominus Jhoannes adhuc manens in seculo presbyter secularis.

   Quelques-uns ont pensé que nous avons peut-être affaire ici à un sermon de Ruysbroeck, qu'il aurait prononcé devant les fidèles à Bruxelles. Mais à cette époque les chapelains n'avaient pas charge d'âmes ; en général, c'était le curé seul qui était institué par le chapitre pour administrer les sacrements et faire entendre la parole de Dieu, ce qui d'ailleurs n'avait lieu que les jours de fêtes les plus solennelles Les autres clercs ne s'occupaient que de la célébration de la messe et de l'office divin, souvent à la place des chanoines qui possédaient le bénéfice (2). Si par exception ils étaient quelquefois chargés de la prédication, c'était plutôt dans les maisons de béguines que devant les fidèles, et il s'agirait par conséquent ici d'un sermon prononcé devant les béguines de Bruxelles. L'hypothèse n'est pas invraisemblable, car le traité ressemble bien un peu à un sermon, le seul d'ailleurs que l'on rencontre parmi tous les écrits de Ruysbroeck.

   Bien qu'il n'apparaisse pas que ce petit traité ait été traduit en latin avant Surius, il semble cependant avoir été assez connu et apprécié. Une dizaine des manuscrits, que M. de Vreese décrit, le contiennent, deux en extraits, et deux autres sous forme de traduction en dialecte de Cologne. Nous avons trouvé aussi une lettre de Gérard Groot, où il recommande, avec le De arte moriendi du Bienheureux Suso, la lecture du de Fide de Ruysbroeck (3).

   Enfin nous citons ici le témoignage de Surius, le traducteur des œuvres complètes de Ruysbroeck en latin, au XVIè siècle, qui dit à propos de ce livre : « Dans le petit traité de la foi et du jugement, il expose presque tout entier le symbole du Concile de Nicée, et une partie du symbole des Apôtres. Il y est véhément, et s'adapte à tous les fidèles, de quelque condition qu'ils soient. »


TEXTE ET TRADUCTION


   L'édition de David, sur laquelle toutes nos traductions ont été faites, nous fournit, pour le traité de La Foi, le texte du manuscrit D, contenant toutes les œuvres de Ruysbroeck, qui a été collationné avec plusieurs autres textes. C'est un manuscrit sur papier, dit M. de Vreese (4) , écrit en 1461, qui occupe à la Bibliothèque royale de Bruxelles les cotes 3416 3424. Il contient le traité de la Foi chrétienne aux folios 25c-29c, avec ce titre : Ci commence la foi faite en thiois bar messire jean Ruusbroec qui fut trieur à Groenendael en Brabant ; et à la fin est ajouté : Ci finit la foi de messire Jean Ruusbroec et a été bien et exactement corrigée.

   À la fin des œuvres de Ruysbroeck le copiste a ajouté plusieurs pages qui sont de lui-même, et où il nous apprend qu'il était moine de Groenendael, entré après la mort du maître, et qu'il s'était fait instruire dans la doctrine du mystique par ses disciples encore survivants. Il avait copié son livre sur le Codex de Groenendael, qui ne peut avoir été autre que le manuscrit A, dont la première partie est actuellement perdue. La copie a été faite avec un soin extrême, comme l'auteur le remarque lui-même, et le texte employé par David est ainsi tout-à-fait sûr.


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   Le petit traité est en grande partie une simple glose du symbole de Nicée, complété par celui des Apôtres, et faite surtout de textes empruntés à l'Écriture sainte. Il est précédé d'une petite introduction, dans laquelle Ruysbroeck appuie sur la nécessité de la foi pour être sauvé.

   La paraphrase est courte, surtout au début, et ne consiste d'abord que dans quelques mots. Mais plus Ruysbroeck avance, plus il développe son explication, en particulier pour les articles concernant la sainte Église, la communion des saints et la résurrection des morts. Le dernier : je crois à la vie éternelle, lui fournit l'occasion de parler longuement du bonheur céleste et des tourments de l'enfer, ce qui occupe toute la deuxième partie de son œuvre. Tout-à-fait théologique et exact - pour presque chaque assertion on pourrait donner une référence à un passage équivalent de saint Thomas - il peint avec les plus vives couleurs la béatitude éternelle et les peines de l'enfer. Les images qu'il emploie, sont souvent inspirées de l'Écriture sainte ; elles étaient bien aptes à faire impression et à inculquer la vérité. Quand il s'agit de l'enfer, il est particulièrement abondant, et des récits d'apparitions illustrent l'exposé.

   Le traité finit par une exhortation à choisir dès maintenant la société dans laquelle on veut vivre et mourir, et le souhait qu'au jugement divin nous puissions entendre le Christ nous inviter à prendre possession du royaume, qui a été préparé depuis le commencement du monde.



LA FOI CHRÉTIENNE

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PROLOGUE


Quiconque veut être sauvé et atteindre la vie éternelle, doit nécessairement posséder et garder jusqu'à la mort la foi chrétienne, puisque par la foi l'âme est attachée à Dieu et lui est unie comme l'épouse à son époux. La foi conduit l'âme à la confiance en Dieu et lui donne une bienheureuse connaissance de Dieu et des choses éternelles. Cette connaissance, commencée ici-bas, s'achèvera dans l'éternité, où, dans la clarté infinie, Dieu est contemplé face à face tel qu'il est. La foi chrétienne nous enseigne comment il nous faut vivre, et nous apprend ce que Dieu a fait pour nous par amour, et ce qu'il veut encore faire dans l'éternité. Aussi sans la vraie foi, nul ne peut-il vivre comme il faut, ni plaire à Dieu, ni enfin se sauver, quelques bonnes œuvres qu'il eût accomplies par ailleurs.


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   En premier lieu, la foi chrétienne nous apprend comment sans hésitation ni crainte chaque fidèle doit tenir d'un cœur sincère et libre, et confesser de bouche cette vérité : Je crois en un seul Dieu, Père tout-puissant, qui a fait le ciel et la terre, toutes les choses visibles et invisibles c'est-à-dire les choses matérielles ou corporelles, et les êtres spirituels, anges et âmes : tout a été créé et fait par Dieu de rien, sans matière préalable.

   Ensuite la foi nous dit : Je crois en Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, c'est-à-dire sans commencement, de toute éternité. Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non t'as tait ; une seule substance avec le Père, c'est-à-dire une seule nature indistincte avec lui. Par ce même Fils toutes choses ont été faites : car il est la sagesse du Père, en qui toutes choses vivent. Et bien qu'il y ait altérité et distinction de personnes, il est néanmoins une nature unique avec le Père. Et nous croyons que ce même Fils unique de Dieu est descendu des cieux pour nous autres hommes et pour notre salut. Il a assumé notre nature humaine, a été conçu du Saint-Esprit, c'est-à-dire par l'opération et la vertu du Saint-Esprit, est né de la vierge Marie et est devenu véritablement homme : car de même que l'âme et le corps font ensemble un seul homme, ainsi le Fils de Dieu et le fils de Marie ce n'est qu'un seul Christ. Pour notre salut il a souffert et enduré des peines, a été crucifié, est mort et a été enseveli, sous le juge qui était alors à Jérusalem et qui s'appelait Ponce Pilate. Et aussitôt son âme descendit aux enfers avec grande puissance et grande joie ; et dans sa vertu divine, il brisa les portes d'airain et les barres de fer pour délivrer les patriarches et les prophètes, qui avaient cru en lui et qui l'avaient attendu avec un grand désir. Il délivra encore tous ceux qui l'avaient servi fidèlement, depuis le commencement du monde, et étaient morts sans péché mortel ; mais nul autre ne fut délivré par lui. Car ceux qui n'aimaient pas Dieu et qui avaient été mauvais et infidèles comme les démons, devaient être laissés éternellement aux enfers, ainsi que le dit Abraham au riche avare, enseveli au plus profond de l'enfer, très loin en dessous de tous ceux qui appartenaient à Dieu. Le troisième jour le Christ se leva d'entre les morts, de sa propre vertu, ce que nul autre ne peut faire. C'est que son âme glorieuse et vivante était unie à Dieu aux limbes, tandis que son corps inanimé conservait la même union dans le sépulcre. Et lorsque l'âme et le corps se rejoignirent, il ressuscita glorieux - et beaucoup d'autres morts avec lui, - à la gloire de son Père et pour la glorification et la joie de tous les anges, de tous les saints et de tous les hommes de bien. À son humanité furent donnés pouvoir et honneur au ciel, sur la terre et aux enfers ; par lui aussi et en lui, la sainte Église possède tout son pouvoir. Et de même qu'en sa propre vertu, il ressuscita les morts, avant comme après sa résurrection, de même les saints, qui en reçurent de lui la puissance, tant dans le Nouveau que dans l'Ancien Testament, ressuscitèrent-ils des morts selon le corps ou selon l'esprit. Ensuite, le quarantième jour, il monta au ciel, c'est-à-dire, selon l'Apôtre, au-dessus de tous les cieux matériels, jusqu'aux cieux spirituels que sont les anges ; et même au-dessus de tous les anges dans le ciel caché, en cette sublimité impénétrable où il a été élevé bien au-dessus de tous les esprits. Ainsi selon son humanité il est assis à la droite de Dieu, son Père tout-Puissant. Non pas que Dieu le Père céleste puisse être assis ou debout, ou qu'il ait des mains : car il est esprit ; mais la glorieuse nature humaine du Christ a été élevée au-dessus de toute nature créée, dans la puissance la plus haute et dans la perfection la plus noble que Dieu ait produites. Puis, au dernier jour, il viendra en gloire et en vertu divine, avec les chœurs immenses de tous les anges et de tous les saints, pour juger les vivants et les morts, c'est-à-dire les bons et les méchants. Et jamais son règne n'aura de fin.

   Nous devons croire encore que le Père et le Fils ont envoyé le Saint-Esprit, leur amour mutuel, cinquante jours après la Résurrection de Notre-Seigneur. Les apôtres le reçurent et, avec lui, tant de force et de sagesse que depuis lors ils ne craignirent plus personne, mais par toute la terre enseignèrent et convertirent tous les hommes, qu'ils trouvèrent aptes au royaume de Dieu. En union donc avec la sainte Église, tout chrétien doit dire d'un cœur dévot et avec fierté dans ses paroles : Je crois au Saint-Esprit qui est Seigneur et qui vivifie. Il est, en effet, l'amour éternel du Père et du Fils, qui procède du Père et du Fils, et qui avec le Père et le Fils est adoré et honoré. Car les trois personnes sont un seul Dieu, une seule substance, dans l'unité de nature. Et comme le Verbe de Dieu est le Fils de Dieu, ainsi l'Amour de Dieu est le Saint-Esprit. Dès lors tout homme de bien qui aime Dieu, a le Saint-Esprit en lui, et toutes ses bonnes œuvres il les fait par le Saint-Esprit. C'est pourquoi notre symbole de foi dit que le Saint-Esprit parla par les Prophètes, à savoir dans l'Ancien Testament, avant la venue de Notre-Seigneur.

   Il nous faut croire aussi que le Saint-Esprit est un amour qui s'écoule et qui a rempli de tout bien le ciel et la terre. Grâce à cet amour la sainte Église est une et universelle par tout l'univers. Elle est dite apostolique, parce que le souverain prince saint Pierre et les autres apôtres l'ont fondée et basée sur une pierre inébranlable, Jésus-Christ. Il est le fondement, et nous sommes tous, comme le dit saint Pierre (5), des pierres vivantes dans le temple de Dieu, aussi longtemps que nous gardons la charité et la foi chrétienne La sainte Église, c'est l'assemblée de tous les fidèles. Par le Saint-Esprit, en effet, qui est lien d'amour, tous sont unis dans une seule foi, un seul baptême, et une seule économie de commandements et de sacrements. Aussi sous peine de devenir infidèle, nul ne peut-il rester en doute ou en erreur vis-à-vis de tel ou tel point que la sainte Église tient et confesse communément.

   La vraie foi, ornée de l'amour, est la joie la plus intime et la plus haute que je connaisse ici-bas. L'union de tous les fidèles est sainte, puisque tous ont été lavés du sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu'ils ont été oints de la grâce du Saint-Esprit, et sanctifiés par l'inhabitation de la sainte Trinité. L'unité de la sainte Église est comme l'arche de Noé : tous ceux qui demeurèrent hors de l'arche, durent périr ; de même en va-t-il pour tous ceux qui se séparent de l'unité et s'opposent en tel ou tel point à la sainte Église ou à la foi chrétienne, par fausse doctrine, fausse espérance, ou par hésitation et doute injustifié. Quiconque met son espoir et sa consolation en des pratiques de divination, dans les songes, la magie, l'invocation du démon ; tous ceux encore qui honorent, craignent ou aiment une créature quelconque au-dessus de Dieu, et qui ont plus de confiance et plus d'espoir en quelque créature qu'en Dieu, sont des membres séparés et corrompus, qui ne vivent plus dans l'unité de l'Église. Car de même que le corps vivifié par l'âme compte beaucoup de membres, ainsi le Christ et la sainte Église ont-ils une multitude de membres qui tous vivent par le Saint-Esprit. Et de même que l'homme par la bouche nourrit tous ses membres et que chaque membre est au service des autres, ainsi le Christ, et avec lui chaque homme vertueux, nourrit-il de ses bonnes œuvres tous les membres de la sainte Église. Les œuvres de tel saint ou de tel homme vertueux, certes, lui sont propres et personnelles quant à la gloire et quant à la récompense : néanmoins ces œuvres atteignent aussi tous les membres de la sainte Église, puisque tous les saints et tous les fidèles sont un en Notre Seigneur Jésus-Christ, et tous sont membres les uns des autres. Le Christ est le membre principal de la sainte Église ; il forme la tête et nous sommes ses membres, et la tête donne vie à tous les membres. Ceux donc qui n'ont pas en eux l'esprit et la vie du Christ, ne sont pas de ses membres : ce sont des membres séparés et morts.

   Voilà pourquoi les apôtres nous disent de croire encore à la communion des saints. Car de la façon que je viens de dire, Notre-Seigneur Jésus-Christ nourrit de son esprit et de sa vie les saints du ciel, les âmes du purgatoire et les hommes de bien sur la terre, tous selon leur état propre. Tous, en effet, forment une seule Église, la communion des saints, selon laquelle tous les biens sont communs. Et afin que personne ne demeure en dehors de cette communion sainte, le Saint-Esprit nous dit par les apôtres de croire à la rémission de tous nos péchés. Cette rémission se fait en premier lieu au baptême, où nous sommes baptisés et purifiés dans le sang de Notre-Seigneur, et rendus à la vie, grâce à sa mort sainte. Là sont pardonnées coulpe et peine de tous les péchés que l'homme a commis auparavant. Mais on ne peut recevoir le baptême plus d'une fois. Le Saint-Esprit ne veut pourtant pas nous perdre, si nous avons souillé par nos péchés le premier baptême. Un second baptême a été préparé pour tous les pécheurs qui regrettent leur péché, cherchent grâce et désirent rentrer dans la communion des saints et de la sainte chrétienté : tous ils sont baptisés dans le Saint-Esprit, c'est-à-dire dans la bonté débordante de Dieu, pour laquelle il ne peut y avoir de péchés trop grands ou trop nombreux, pourvu qu'on cherche sa grâce selon la droite règle établie dans la sainte Église.

   Suit l'article où, par la bouche des apôtres, le Saint-Esprit nous enseigne que nous devons moire attendre avec tous les saints la résurrection universelle de tous les corps, depuis le premier homme jusqu'au dernier : à savoir que chaque âme retrouvera son propre corps à elle, celui qu'elle portait et avec lequel elle vivait sur terre. Car Dieu qui peut tout, qui créa toutes choses de rien quant à la matière première et qui forma le corps d'Adam du limon de la terre, a bien pouvoir aussi de refaire notre corps de cette même poussière de terre, qui est venue de lui, fût-elle dispersée aux extrémités du monde. Il est équitable, en effet, et Dieu l'a vu de toute éternité, que les bons qui l'ont aimé et servi d'âme et de corps, soient récompensés dans l'âme et dans le corps. Il est bien juste aussi que les méchants soient punis et tourmentés de la même façon, puisqu'ils se sont mis au service du diable et du péché, sans vouloir durant toute leur vie se corriger ni se convertir. Ainsi au dernier jour, au jour du jugement, quand la trompette sonnera, tous les morts ressusciteront, nous dit saint Paul (6), et le Christ, le Fils de Dieu, descendra du ciel dans les airs avec tous les anges et les saints, en gloire et grande puissance. Ceci se passera près de Jérusalem, là où fut créé le premier homme et où, par sa sainte mort, le Christ répara autant qu'il était en lui, l'homme déchu. C'est là qu'il descendra, là qu'il fera entendre la voix de son commandement, en seigneur et juge souverain du monde entier : et de par sa puissance et son ordre, les corps de tous les hommes seront rétablis et ressusciteront en un instant, différents quant à l'ordre et à la récompense, mais tous égaux quant à l'âge, qui sera celui qu'avait Notre-Seigneur Jésus-Christ, lorsqu'il mourut pour nous. Un homme de cent ans et l'enfant d'une seule nuit auront un corps d'égale grandeur. Les bons qui ici-bas étaient boiteux, aveugles, paralysés ressusciteront intègres, avec tous leurs membres, sans tache ni souillure, glorieux comme le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ : mais pour les damnés il en sera tout autrement. Ainsi donc toute âme reprendra son propre corps et chacun viendra au jugement de Dieu avec son âme et son corps. Et comme dit le saint homme job (7), de nos yeux de chair nous verrons Dieu, ce qui s'entend de Notre-Seigneur Jésus-Christ selon son humanité, qui se manifestera à tous les hommes dans ce même corps dans lequel il vécut et est mort pour nous. Les bons verront sa face joyeuse et glorieuse : aux méchants par contre il se montrera terrible, en grande indignation et colère. Alors par la justice et la sagesse de Dieu qui voit clairement toutes choses, chacun recevra un jugement équitable, selon ses paroles et ses œuvres et tout ce qu'il aura jamais fait. Et ce jugement demeurera immuable : car les méchants seront éternellement condamnés et perdus, et les bons sauvés éternellement.

   Ensuite le Saint-Esprit nous apprend, par la bouche des apôtres, que nous devons croire à la vie éternelle. Cette vie, nous devons la désirer, et c'est pourquoi les apôtres et la sainte Église disent à la fin du symbole Amen, en signe que nous devons tous attendre et désirer la future béatitude que Dieu nous a promise : c'est là, en effet, la fin et la consommation de tout ce que nous croyons maintenant. Cette béatitude parfaite consiste en ceci, qu'après cet exil nous serons élevés, âme et corps, dans la gloire divine, et que nous verrons Dieu clairement, l'aimant et le possédant dans une fruition sans fin. Car au-dessus de toute chose notre récompense essentielle sera Dieu lui-même, en qui nous croyons et à qui nous nous confions par-dessus tout, et pour qui nous opérons toutes nos vertus. Et lorsque nous aurons acquis et que nous posséderons cette récompense, toutes choses seront consommées de la manière la plus haute et la plus noble. Car alors nous verrons Dieu éternellement, nous l'aimerons avec ardeur et nous lui rendrons grâces, le louant sans nous lasser jamais. Chaque saint aura sa récompense particulière, selon ses mérites et sa sainteté ; mais il aura aussi une récompense accidentelle, en relation avec la multitude des saints. Chacun, en effet, se réjouira de la béatitude de l'autre, comme de la sienne propre ; mais toutes les récompenses et les joies que chacun aura en lui-même et en tous les autres sont le secret de Dieu, qu'il ne révèle que selon son bon plaisir.

   Là nous posséderons sagesse, connaissant et sachant tout ce que nous voudrons. Là nous aurons toute puissance : car nous serons rois et enfants de Dieu, agissant en toute liberté. Notre richesse sera si grande, que nous en serons inondés et en aurons plus que nous ne pourrons en saisir ; beauté éternelle et impérissable, paix sans fin et inaltérable, richesses surabondantes, affluence de toute béatitude, de bonté et de jeunesse immortelle. Rien dès lors qui puisse donner tristesse, tout au contraire pour réjouir : allégresse et abondance de bonheur seront si grandes, si nombreuses et si profondes, qu'elles défieront tout calcul, toute mesure ou pensée, toute description ou manifestation quelconque. Ce sera au-delà de tout ce que nous pouvons penser ou souhaiter, dépassant tous désirs ou puissance d'imagination. C'est que Dieu lui-même, incompréhensible et infini veut être notre récompense, notre joie et notre allégresse Et il dit : « Bon et fidèle serviteur, entrez dans la joie de votre Seigneur (8)». Nous serons, en effet, comblés et déborderons de la gloire divine, et ainsi nous entrerons dans la joie de Notre-Seigneur, qui est sans mesure et sans fond. Et là flous nous perdrons, et resterons essentiellement dans une fruition éternelle. Et nous demeurerons en nous-mêmes, chacun à sa place et à son rang. Et dans le Christ Jésus nous serons élevés vers notre Père céleste dans une révérence et une louange éternelles. Au-dessus de nous, nous aurons la beauté du ciel, de la terre et de tous les éléments, avec la splendeur que leur aura donnée le dernier jour. Auprès de nous, seront dans la gloire les anges et les saints qui, avec nous, aimeront et loueront Dieu sans fin. Et nous aurons dans notre corps glorieux une âme vivante, ornée de toutes les vertus. Nos corps eux-mêmes seront sept fois plus clairs que le soleil et transparents comme le cristal ou le verre, si impassibles que ni le feu d'enfer, ni tous les glaives tranchants ne sauraient en aucune manière nous blesser ou nous nuire. L'agilité et la légèreté de notre corps seront telles, que notre âme pourra, en un instant, le mener où elle voudra de même sera-t-il si subtil, qu'un mur de métal épais de cent milles pourrait être traversé par lui comme le verre par un rayon de soleil. De nos yeux de chair, nous contemplerons Notre-Seigneur Jésus-Christ et sa glorieuse Mère, avec tous les saints, dans la splendeur corporelle dont j'ai parlé plus haut tandis que de nos yeux intérieurs, nous fixerons le miroir de la Sagesse, où brilleront et resplendiront toutes choses, qui ont jamais été aptes à nous réjouir. L'oreille extérieure percevra les mélodies célestes et les chants suaves des anges et des saints louant Dieu éternellement : mais c'est à l'oreille intérieure que résonnera la Parole, née au sein du Père, nous transmettant toute science et toute vérité. Le parfum très noble de l'Esprit divin, plus suave que tout baume ou toutes herbes odoriférantes, s'exhalera devant nous et nous ravira hors de nous-mêmes jusqu'en l'amour éternel de Dieu. Sa bonté infinie, plus douce que le miel, nous remplira de suavité, nourrira et pénétrera notre âme et notre corps, et de cette bonté sans mesure nous aurons toujours faim et soif. Sentir cette faim et cette soif sera cause d'une permanence et d'un renouvellement continu du goût céleste et de la nourriture divine et c'est la vie éternelle.

   Par l'amour nous saisirons l'amour, et l'amour nous saisira. Possédant Dieu, nous serons possédés par lui en unité, et jouissant de lui, nous nous reposerons avec lui dans la béatitude. Cette fruition sans mode et ce repos superessentiel constituent le plus haut sommet de la béatitude. On y est englouti dans la satiété au-dessus de toute faim, qui n'y peut pénétrer, car il n'y a plus là qu'unité. Là tous les esprits aimants s'endormiront dans la ténèbre superessentielle, toujours vivants néanmoins et éveillés à la lumière de gloire, chacun en particulier, à sa place et à son rang, avec toute la beauté et l'activité glorieuse dont je viens de vous parler.

   Que personne donc ne vous trompe, en parlant de fausse oisiveté, car ce que je vous dis maintenant est attesté par notre foi et par la sainte Écriture c'est une vérité éternelle. Nous aimerons et nous jouirons, nous agirons et nous reposerons, nous nous exercerons et posséderons, tout cela en même temps dans un éternel présent sans avant ni après. Et si l'on vous dit le contraire, n'y ajoutez pas foi. Nous pourrions encore énumérer les récompenses spéciales et l'éminente dignité des martyrs, des vierges et des docteurs ; mais nous laisserons cela, en ayant assez dit.

   Telle est la vie éternelle, la part de ceux qui, au jugement divin, se trouveront à la droite et entendront du Christ ces paroles : « Venez les bénis de mon Père, possé-dez le royaume qui vous a été préparé depuis le commencement du monde (9) » Puis se tournant à gauche, il dira à tous les infidèles et à ceux qui, depuis le commencement du monde jusqu'au dernier jour, seront morts en péché mortel : « Retirez-vous de moi, maudits, et allez au feu éternel, qui a été préparé pour le démon et pour ses anges (10) », c'est-à-dire pour Lucifer et pour tous les pécheurs, ainsi que pour tous les démons ; car le pécheur est l'envoyé du diable et son propre esclave, et non seulement esclave du démon, mais aussi esclave du péché, comme le Seigneur le dit lui-même (11).

   Alors le Christ montera avec ses anges et avec les justes dans la vie éternelle ; mais le démon avec les siens tombera dans le puits infernal, dans les tourments éternels de l'enfer. Et parce que les damnés ont péché dans leur vie contre un Dieu éternel et infini, et que leur volonté perverse avec la tache du péché demeure éternellement, la peine qui répond au péché est éternelle. Volontairement et sciemment ils ont repoussé d'eux la grâce divine, et ils ont préféré les choses temporelles aux choses éternelles. C'est parce qu'ils ont méprisé Dieu et ses grâces, qu'ils doivent être privés de lui pour toujours : car ce que l'homme vend volontairement et sciemment, et ce à quoi il renonce, il est juste qu'il en soit privé à jamais.

   La privation éternelle de Dieu et de toute béatitude constitue la peine du dam. Cette peine est spirituelle, et plus terrible qu'aucun mal qu'on puisse éprouver dans le corps. Les petits enfants qui meurent sans baptême avant d'être arrivés à l'âge de discernement, sont seulement privés de Dieu, à cause du péché originel, et ils n'ont pas d'autre peine. Pour ceux, au contraire, qui par leur propre volonté se détournent de Dieu, l'abandonnent et le méprisent, la privation éternelle de Dieu est la principale et la plus grande peine : mais puisqu'ils se sont tournés vers les créatures dans un amour désordonné contre l'honneur de Dieu, ils souffrent encore du feu éternel correspondant à cet amour désordonné. Que ce feu soit spirituel ou matériel, ou tous les deux (ce qui me semble plus probable), nous nous en remettons à Dieu : car Dieu est assez puissant pour faire brûler d'un feu matériel l'âme et le corps.

   Ensuite vient la troisième peine, qui est encore plus intérieure, et c'est le froid infernal sans fin. Car celui qui n'aime pas Dieu porte avec lui une grande froideur, et dans ce froid il doit éternellement périr. De même celui qui a un amour désordonné des créatures doit brûler, car il porte lui-même le feu qui est l'amour mauvais. Ceux qui viennent au jugement de Dieu, sans l'amour divin, auront l'intérieur de l'âme tremblant de froid infernal. Et ceux qui y apportent un amour désordonné et étranger brûleront dans l'âme et le corps d'un feu infernal. Ils auront des ténèbres intérieures à cause de leurs péchés, et ils seront privés de toute lumière extérieure en dehors de ce qu'il faut pour voir l'horrible aspect des démons et des corps en ce lieu immonde. Et le ver de la conscience ne mourra point, mais toujours il rongera et blâmera et témoignera qu'ils auraient pu mériter la vie éternelle, mais qu'à cause de leurs péchés et par leur propre faute, ils sont venus dans les tourments éternels. Dans leur grande angoisse ils gémiront et soupireront, non pas par regret ou par haine du péché, mais par l'horreur des peines éternelles. Sans cesse ils subiront la mort, et jamais ils ne mourront complètement : et de là vient que la peine infernale est appelée une mort éternelle : « et la mort les consumera », dit le prophète (12). Car de même que la gloire de Dieu nourrit les saints de joie, de même la peine infernale consume les damnés dans une tristesse éternelle. Il y aura là un désespoir sans fin car ils seront sûrs que la peine ne se terminera jamais.

   Comme maintenant les péchés sont multiples et de différentes espèces, une peine spéciale répondra à chacun des péchés : Ainsi ceux qui sont maintenant arrogants et superbes seront alors les plus bas placés, comme un escabeau pour les diables et les damnés. Car l'enfer est un cachot où s'exerce la justice divine et où toute chose sera vengée selon un juste jugement. Le ladre avare aura le cœur traversé et rempli de flammes brûlantes, comme d'argent et d'or incandescents et de métal fondu. La mort sera désirée, mais ne viendra pas. La haine mutuelle et l'envie de l'un contre l'autre seront là plus grandes que jamais elles ne furent dans ce monde ; cependant les damnés devront rester éternellement ensemble, comme une masse compacte qui bout dans une marmite. L'insolence, la colère et le courroux y seront si grands, que les damnés seront comme des chiens enragés, prêts à se déchirer et à s'entre-dévorer.

   Ils seront saisis d'une telle torpeur d'âme et de corps, que jamais plus ils ne pourront ni ne souhaiteront faire œuvre vertueuse quelconque. Leurs corps seront plus lourds et pesants que des meules, et sembleront liés et attachés par des chaînes de fer.
Ceux qui se seront adonnés à la gourmandise et à l'intempérance, oublieux de Dieu et esclaves des plaisirs de la bouche, s'ils meurent en cet état, recevront en nourriture et en breuvage du soufre et de la poix bouillante, qui feront couler de leurs membres une sueur infernale. Une goutte de cette sueur, tombant sur une statue de métal, suffirait à la mettre en fusion.

   Que je vous conte, à ce propos, un fait qui s'est passé dans un monastère, situé près du Rhin. Là vivaient trois moines gourmands, qui, avides de bonne chère, la cherchaient souvent hors du cloître. Deux d'entre eux moururent subitement et à l'improviste, l'un étouffé et l'autre noyé au bain. Le survivant vit un de ces malheureux lui apparaître et lui déclarer qu'il était damné. Comme il lui demandait quelle était sa peine, celui-ci laissa tomber de sa main une goutte de sueur sur un chandelier de bronze, qui fondit aussitôt comme graisse ou cire au feu. Et après que le damné eut disparu, il laissa après lui puanteur si grande que les moines durent quitter le monastère pour trois jours. Celui à qui est arrivé ce fait abandonna son cloître, pour se faire frère mineur, et celui qui me l'a raconté est devenu frère prêcheur.

   Je pourrais vous dire encore un autre exemple, touchant le sort réservé à ceux qui vivent et meurent dans le désordre, sans avoir pu ni s'en repentir, ni s'en confesser. Mais il est mieux de taire ces choses peu édifiantes. Qu'il vous suffise de savoir, en toute certitude, que la mesure des tourments correspondra à celle des jouissances que l'on aura recherchées, en opposition avec la loi divine et les préceptes de la sainte Église. Les membres qui auront servi à rendre esclave du démon, seront plus particulièrement punis et tourmentés. Car c'est la main puissante de la justice divine, qui dirige les vengeances du feu infernal, et proportionne les châtiments aux crimes de chacun. Jamais ne s'éteindra ni ne diminuera ce feu éternel, les damnés étant incapables de faire, ni même de désirer aucune œuvre bonne.

   C'est pourquoi Notre-Seigneur ordonne, dans l'Évangile de saint Matthieu (13), pour celui qui vient au festin sans la robe nuptiale, c'est-à-dire qui se présente au jugement divin sans la charité, qu'on lui lie les mains et les pieds, et qu'on le jette dans les ténèbres extérieures, dans l'éternel oubli, loin de toute joie et de toute grâce. Là seront, dit le Seigneur, des pleurs et des grincements de dents, le chant infernal, qui doit durer éternellement. Rugissements et hurlements des démons et des damnés, spectacles horribles, telle peut être la vision de l'enfer, de ce puits de feu éternel, où il n'y aura que gémissements, tressaillements de douleur, grincements de dents, obscurité et fumée opaque, larmes et cris d'angoisse. La vue des démons et des visages ravagés par le feu, les injures, les mépris, la chaleur desséchante, la soif mortelle, tout cela s'unira à l'absolu dépouillement de tout bien, pour tourmenter, dans la prison d'enfer, les misérables damnés, liés de chaînes, suffoqués par les vapeurs de soufre et la puanteur, dévorés de crainte, de honte, et d'amère tristesse, rongés à jamais par le ver de la conscience, par la haine et l'envie, par la fureur et le regret sans remède d'être éternellement privés de la contemplation de la face divine.

   Telle est la peine infernale. Au jour du jugement, l'enfer engloutira tous les damnés, d'où qu'ils viennent, et avec eux toutes les immondices et toute la puanteur du monde. Puis il se fermera par en haut, pour que nul homme ni démon n'en puisse sortir. Ils seront là maintenus, comme par un couvercle de chaudière, et la justice de Dieu, ainsi que leur propre malice, les y fera bouillir et se consumer à jamais et sans fin.

   À vous tous donc, qui êtes encore dans le temps de la grâce, je dis de choisir et de vous approprier dès maintenant la société où vous voulez vivre et mourir. Si la gloire de Dieu ne suffit pas à vous attirer, qu'au moins la crainte de l'enfer vous fasse trembler, vous préserve du péché, et vous engage dans la vertu. Tout ce que je vous ai enseigné est de foi chrétienne, confirmé par les paroles et la doctrine des saints : c'est la vérité éternelle.

   Priez Dieu que nous gardions la foi chrétienne et que nous soyons si ornés de vertus, qu'au jugement divin nous puissions entendre les paroles du Christ : « Venez les bénis de mon Père, possédez le royaume, qui vous est préparé depuis le commencement du monde. » Puissions-nous le recevoir du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen.



(1) Tijdschrift voor Nederlandsche Taal- en Letterkunde, Deel XLII, afl, I, pp.47-71.
(2) Cf. R. P. REYPENS, dans son ouvrage Ruusbroec, p. 75. Ruysbroeck lui-même revient quelquefois sur la coutume des anciens chanoines qui possédaient un bénéfice, de faire célébrer en leur nom le service divin par un pauvre clerc, à qui ils payaient l'entretien. Cf. chap. CXXIII.
(3) Bibliothèque royale de La Haye : manuscrit 78J55. Lettre 55 à Joh. ten Water, f° 245. Lege capitulum : de arte moriendi, sive de morte quod habetur in horologio sapientiae .... Lege rogo libellum de fide Ruesbroecs.
(4) DE VREESE. Handschriften van Ruusbroec, t. I, PP. 21 et suiv.
(5) I PETR., II, 5.
(6) Cf. COR., xv, 52.
(7) Cf. JOB, XIX, 26-27.
(8) MATTH., XXV, 21.
(9) MATTH., XXV, 34.
(10) ID., XXV, 41.
(11) Cf. JOA., VIII, 34.
(12) PS. XLVIII, 15.
(13) MATTH., XXII, 13.

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