CHAPITRE II

AYANT QUITTÉ SA MÈRE, IL SE REND AUPRÈS
D'UN VÉNÉRABLE CHANOINE.

    Or, à sa onzième année, ayant abandonné secrètement sa mère qui l'aimait tendrement, sous l'inspiration du St-Esprit qui le préparait déjà à son rôle sublime, il parvint par hasard à la demeure d'un vénérable chanoine, qui était son parent. Celui-ci l'ayant reçu avec bonté, le mit dans les écoles pour y apprendre les lettres. Après s'être adonné, pendant près de quatre ans à ces études, le religieux enfant, imitant St-Benoît, se résolut à vaquer plutôt à l'acquisition de la science divine, qui enseigne à régler pieusement la vie et les moeurs, qu'à celle de la science humaine, qui enorgueillit outre mesure, et excite le désir des honneurs, des pompes et des vanités du monde. Et il n'agit pas ainsi sans l'opération du St-Esprit, qui, dès sa plus tendre jeunesse, se préparait déjà dans son coeur un temple digne de lui. Et,
bien qu'il eût à peine jeté solidement les premiers fondements de la grammaire, cependant il jouit divinement, dans la suite, d'une si grande perspicacité intellectuelle, qu'il surpassa, non seulement les Dialecticiens et les Philosophes, mais aussi beaucoup de Théologiens ; à tel point que, très rares sont ceux qui peuvent approfondir parfaitement tous ses écrits. Et, ce qui peut être un argument décisif en faveur de son irradiation surnaturelle, c'est qu'il fut instruit abondamment de tout ce qu'il pouvait connaître, de ce qui importe dans la science humaine ; et, bien mieux encore, de beaucoup de choses qu'on ne peut savoir sans le secours d'en haut. Ce qui paraîtra incroyable à ceux qui ne savent pas, manque d'esprit, de foi, la manière dont l'action de Dieu se manifesta autrefois dans ses premiers
Saints, Prophètes ou Apôtres, (qui avaient certes l'esprit inculte et borné), selon les paroles du divin Evangéliste Jean : Son onction vous instruira de toutes choses. (1) Mais c'est assez parler sur ce sujet.

    Cependant le jeune saint, progressant merveilleusement devant Dieu et devant les hommes par la sainteté de vie, ne put se cacher de sa mère. Celle-ci étant venue pour le voir à Bruxelles, comme cependant elle ne pouvait jouir de sa société et de sa fréquentation, rentra dans un couvent de religieuses, afin de profiter au moins quelquefois de sa présence. Or, quand la pieuse femme eut la faculté d'entendre chaque jour de nouveaux récits de sa sainte vie et de ses conseils, elle ne soupira plus autant après sa présence corporelle, plus réjouie, selon l'esprit de sa sainte manière de vivre, que selon l'attrait de la chair, quand même elle eût pu avoir quotidiennement la consolation de sa présence. Et cela n'est pas étonnant ; puisque le Saint-Esprit, par les liens d'un chaste amour, unit de telle sorte les coeurs de ses fidèles amis, que, bien qu'ils soient séparés corporellement, ils s'unissent toutefois spirituellement, et éprouvent intérieurement les charmes de cette union.

(1) Unctio ejus docebit vos de omnibus. 1. Jean. 2.