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Vie de saint Ambroise de Milan

Le nom d'Aurelius Ambrosius évoque en général aujourd'hui l'évêque qui a converti et baptisé Augustin. Mais si son importance en tant que théologien et pour l'Église a toujours été vue par rapport à Augustin,  saint Ambroise de Milan  n'en est pas moins essentiel pour l'histoire occidentale, qui le reconnaît à part entière : avec Augustin, Jérôme et le pape Grégoire le Grand,  saint Ambroise de Milan  est l'un des «quatre grands docteurs d'Occident ».

Les humanistes appréciaient à ce point son oeuvre qu'elle a été parmi les premières - aux côtés de Cicéron, de Lactance (le « Cicéron chrétien »), d'Augustin et de Jérôme - à être éditée et souvent rééditée à bref intervalle, après la découverte de l'imprimerie.

Les conciles du Moyen Âge - comme aussi Thomas d'Aquin et Luther - le citent constamment comme un des témoins éprouvés de l'orthodoxie ecclésiale. Par ailleurs,  saint Ambroise de Milan , qui a bien connu la théologie orientale, a exercé en Orient une influence dont peu d'autres Pères de l'Église latine peuvent se prévaloir. Ses écrits n'ont pas tardé à être traduits en grec et ont été intégrés dans des florilèges.

Par ses origines, sa formation et sa carrière professionnelle, le curriculum vitae de saint Ambroise de Milan  - comme celui des « trois grands Cappadociens » - est typiquement celui de nombre d'évêques du IVème siècle.

Saint Ambroise de Milan est issu d'une famille appartenant à la noblesse romaine (les Auréliens, comme son nom pourrait le laisser supposer ?), chrétienne depuis plusieurs générations, qui pouvait s'enorgueillir de compter parmi ses membres de nombreux hauts fonctionnaires de l'État, ainsi que la martyre Soteris. Son père était en fonction dans la capitale provinciale de Trèves, comme praefectus praetorio Galliarum : il était donc le plus haut fonctionnaire impérial de la Gaule, avec pleins pouvoirs judiciaires.

C'est là que saint Ambroise de Milan est né, probablement vers 339.
Conformément aux habitudes de l'époque, il ne reçut pas le baptême, mais resta catéchumène jusqu'à l'âge adulte. Après la mort prématurée de son père, sa mère retourna avec ses trois enfants à Rome, où  saint Ambroise de Milan , après la première instruction reçue à Trèves, bénéficia de la solide formation en philosophie, en rhétorique et en littérature, qui était celle des milieux distingués et cultivés de son temps.

Cette formation qui le préparait au service (juridique) de l'État, se reflète un peu partout dans ses écrits. Cette formation comportait aussi l'apprentissage de la langue grecque que  saint Ambroise de Milan parlait couramment, tandis qu'Augustin, quelques années plus tard seulement, ne l'apprendra qu'à contrecoeur et avec difficulté (Confessions I, 14, 23).

En considérant les trois Pères de l'Église, Ambroise, Augustin et Léon le Grand, on constate, en effet, à quel point la connaissance de la langue grecque, qui était jusque-là le koïné dialectos, s'est perdue dans la partie occidentale de l'Empire romain en l'espace d'un siècle : Ambroise était bilingue, Augustin ne connaissait que des rudiments de grec et Léon, qui ne maîtrisait absolument plus cette langue, avait besoin de traducteurs dans les pourparlers à l'occasion du concile de Chalcédoine (451).

Conformément à sa formation et à la tradition familiale,  saint Ambroise de Milan  entra au service de l'État, où ses capacités évidentes lui valurent une carrière rapide :  saint Ambroise de Milan  fut d'abord advocatus au tribunal de la préfecture de Sirmium puis conseiller de Probus, le préfet de l'endroit, et dès 370, c'est-à-dire à l'âge de trente ans à peine, gouverneur consulaire de la province d'ÉmilieLigurie, à Milan. Comme tel,  saint Ambroise de Milan était aussi responsable du maintien de l'ordre public, fortement menacé lors de l'élection du successeur de l'évêque (arien) de la ville, Auxence, la fraction arienne et la fraction nicéenne de la communauté ne parvenant pas à s'entendre sur un candidat commun.  saint Ambroise de Milan  - comme le rapporte Paulin, son secrétaire et biographe (Vita 6) - se précipite personnellement dans la cathédrale pour aplanir le différend. Un enfant se serait soudain écrié : «Ambroise évêque ! », et tous se seraient spontanément mis d'accord, « dans une unanimité merveilleuse et incroyable », pour faire d'Ambroise le nouvel évêque de la ville. Mais Ambroise lui-même aurait hésité à accepter cette fonction, et il aurait cherché à y échapper. C'est seulement après la ratification par l'empereur Valentinien Ier qu'il en aurait pris son parti.
Le récit de l'élection merveilleuse d'Ambroise et de ses hésitations comporte des traits typiques, et on retrouve des éléments semblables dans les Vies d'Augustin, de Martin de Tours et d'autres évêques de l'Église ancienne.

Lors de l'intervention du gouverneur, apprécié de tous, capable et probablement aussi conciliant, les partis en conflit ont vu en lui le candidat idéal pour un compromis. Sa famille et ses propres convictions en faisaient, il est vrai, un nicéen, mais encore catéchumène,  saint Ambroise de Milan  n'était lié à aucun des deux partis, et on pouvait donc supposer qu'il se montrerait diplomate - ce que la suite des événements confirmera effectivement.  saint Ambroise de Milan , de son côté, avait de bonnes raisons d'hésiter à accepter cette fonction : il ne l'ambitionnait pas.  saint Ambroise de Milan avait, certes, l'expérience d'un homme d'Etat, mais il n'avait aucune expérience pastorale ni théologique.

Saint Ambroise de Milan n'était même pas baptisé, ce qui non seulement attisait son sentiment d'indignité personnelle, mais posait aussi des problèmes de droit ecclésiastique. Il fallait d'abord vérifier si l'acclamation spontanée du peuple exprimait une volonté qui résisterait à l'épreuve du temps. Et il fallait enfin s'assurer de la position de l'empereur dans sa politique ecclésiastique. C'est seulement au terme de toutes ces réflexions que  saint Ambroise de Milan  reçut le baptême - selon sa volonté expresse, de la main d'un évêque nicéen - et, le 7 décembre 373 (traditionnellement en 374), la consécration épiscopale. Paulin ( Vita 9) rapporte qu'après le baptême il a reçu successivement, en l'espace de quelques jours, toutes les ordinations ecclésiastiques, ce qui va à l'encontre de la théologie et de la pratique des ordinations dans l'Eglise ancienne.

Il est donc possible que cette précision ne corresponde pas à la réalité, d'autant plus que Paulin lui-même n'en parle que par ouï-dire (fertur omnia ecclesiastica officia implesse).

Saint Ambroise de Milan qui, selon ses propres termes, « commence à apprendre plutôt qu'à enseigner » (De officiis ministrorum I, 1, 4), s'instruit en théologie auprès du prêtre milanais, Simplicianus, qui lui succédera à sa mort, en 397. Ce prêtre s'était déjà signalé en 355 en convertissant au christianisme le rhéteur et philosophe célèbre Marius Victorinus, comme il le raconta lui-même à Augustin (Confessions VIII), contribuant ainsi à la conversion de ce dernier.

Saint Ambroise de Milan répond aux attentes pastorales de sa communauté et ne tarde pas à réconcilier les partis opposés dans le clergé et dans le peuple, bien que lui-même suive une politique ecclésiastique fidèle à Nicée. Quand il sera question, plus tard, de controverses, il ne s'agira pas de controverses au sein de la communauté, mais de controverses entre l'évêque et la cour impériale, où le clergé et le peuple soutiennent saint Ambroise de Milan unanimement.
 

Deux épisodes célèbres révèlent l'exacerbation des tensions. Le premier concerne le conflit autour de l'autel de Victoire et le ferme refus de saint Ambroise de Milan de laisser aux ariens une église à Milan. Après la mort de l'empereur Valentinien Ier (375),qui avait mené une politique religieuse de neutralité en Occident, saint Ambroise de Milan avait réussi à influencer l'empereur Gratien dans le sens de Nicée.
 

Saint Ambroise de Milan rédigea même pour lui un traité contre l'arianisme, De fide ad Gratianum et le premier traité de l'Église d'Occident sur le Saint-Esprit, qui suit de près Didyme d'Alexandrie, Basile et Athanase. L'empereur Constantin avait déjà fait enlever de la curie sénatoriale de Rome l'autel de la déesse Victoire, signe cultuel du fondement de la domination romaine sur le monde, mais l'empereur Julien l'Apostat l'avait rétabli. En 382, Gratien l'avait à nouveau fait enlever, mais à sa mort, en 383, dans la guerre contre l'usurpateur Maxime, le Sénat romain envoya une délégation sous la conduite de son pontifex maior, Quintus Aurelius Symmachus, demandant à la cour impériale de Milan de remettre l'autel en place. Avec des arguments très convaincants, dans la ligne de la conviction ancestrale de la prospérité de Rome reposant sur la protection divine, ils réclamaient de la part de l'Etat une tolérance idéologique sans limites de tous les cultes.

Saint Ambroise de Milan  ne pouvait cependant pas accepter cette proposition et il exposa ses raisons dans un écrit contradictoire rédigé en toute hâte : pour sa propre prospérité, l'État ne pouvait pas laisser coexister également la vérité et l'erreur, et l'empereur ne pouvait pas être chrétien à titre personnel et se révéler autre dans l'exercice de sa fonction.

Saint Ambroise de Milan  récusait, certes, le recours à la violence pour imposer la vérité et, en 385,  saint Ambroise de Milan avait vivement protesté contre l'exécution de l'hérétique Priscillianus, à Trèves, mais une « séparation de l'Église et de l'État » telle que nous la connaissons à l'époque moderne restait inimaginable pour lui. L'État, et donc l'empereur en personne, ne pouvait reconnaître que la seule vraie religion et il lui revenait de l'encourager, notamment par la confession de Nicée.
 

La seconde controverse, quelques années après, fut bien plus publique et plus spectaculaire.

Les synodes d'Aquilée et de Constantinople (381) avaient réglé en principe la question de l'arianisme en Orient et en Occident, mais les conséquences pratiques s'en feront sentir jusque tard dans le Ve siècle. Justine, l'influente mère de Valentinien II, l'empereur d'Occident, encore bien jeune, et avec elle un certain nombre des gens de cour (Goths) restèrent ariens et réclamèrent, en 385, à l'approche de Pâques, la cession de la petite église située en dehors de la ville, la Basilica Portiana, pour y célébrer leur culte.

Le 23 janvier 386 fut édictée une loi, sans doute destinée à briser la résistance de saint Ambroise de Milan  : elle réclamait la tolérance à l'égard des ariens, leur reconnaissant le droit de tenir des réunions. La cour impériale en profita pour réclamer une nouvelle fois la cession d'une église à Milan, cette fois-ci non plus la petite Basilica Portiana, à l'extérieur de la ville, mais la Basilica nova, plus grande, à l'intérieur de la ville.  saint Ambroise de Milan  se montra à nouveau intraitable, ce qui conduisit à des mesures coercitives - nous en avons le récit de la plume même de saint Ambroise de Milan , dans sa Lettre XX à sa soeur Marcellina.

Le dimanche des Rameaux, la Basilica Portiana fut confisquée, mais la communauté qui y était réunie n'évacua pas l'église. Des soldats cernèrent la basilique, dans laquelle  saint Ambroise de Milan  célébrait, mais ni lui ni sa communauté ne quittèrent l'église et ils y passèrent plusieurs jours et plusieurs nuits. Cependant la cour impériale ne souhaitant pas entrer en conflit armé avec la population et l'enthousiasme inébranlable de la communauté s'étant communiqué aux soldats, on leva le siège le Jeudi saint ou le Vendredi saint.

Ces deux scènes montrent combien  saint Ambroise de Milan  avait réussi à recréer l'unité dans cette communauté tellement déchirée au moment de son élection, et aussi combien  saint Ambroise de Milan  était déterminé dans ses convictions en matière de foi et de droits ecclésiastiques, ne cédant pas d'un pouce.

Mais, plus profondément, elles inaugurent en Occident une évolution des relations entre l'Église et l'État, diamétralement opposée à ce qui se passait dans l'empire d'Orient. Tandis qu'en Orient les structures ecclésiastiques se coulaient assez étroitement dans celles de l'empire, et que personne ne contestait à l'empereur le droit d'intervenir dans les affaires de l'Église, on assiste, en Occident, à une séparation des compétences : le bien de l'État et sa propre confession font, certes, un devoir à l'empereur de protéger et de favoriser l'unique vraie religion, mais les questions de foi et les affaires intérieures de l'Église relevaient de la seule décision des autorités ecclésiastiques.
 

Un troisième événement célèbre, quelques années plus tard, paraît à première vue refléter cette situation nouvelle : la pénitence ecclésiastique infligée à Théodose. Le commandant en chef militaire de l'Illyrie avait été tué en 390, dans le cirque de Thessalonique, par une foule surexcitée. Théodose, sous l'emprise de la colère, ordonna le châtiment exemplaire des coupables, ce qui se traduisit par un bain de sang dans le cirque de Thessalonique, où les soldats se vengèrent en exterminant sept mille personnes. Théodose revint sur sa décision, mais c'était trop tard. Pour  saint Ambroise de Milan , l'empereur s'était rendu coupable du péché mortel de meurtre : une lettre écrite de sa main le somma de se soumettre à la pénitence prescrite par l'Église. Théodose accepta, fréquenta quelque temps l'église en pénitent, et fut réconcilié, après avoir publiquement reconnu sa faute devant la communauté (probablement le jour de Noël 390). Ni  saint Ambroise de Milan , ni l'empereur n'y ont cependant vu un acte politique, mais bien un acte disciplinaire intra-ecclésial, qui n'a pas terni leurs relations, que nous ne sommes donc pas autorisés à interpréter comme un premier signe de la suprématie de l'Église sur l'État, et qui reste un acte pastoral.

En dépit de sa remarquable efficacité en matière de politique ecclésiastique, dont témoignent notamment ces événements, la vie quotidienne pendant les vingt-quatre années de l'épiscopat de  saint Ambroise de Milan  était, en effet, essentiellement faite d'activités pastorales, comme le montrent ses écrits.
 

Non seulement il célébrait quotidiennement la sainte messe (qui est ainsi appelée pour la première fois dans sa Lettre XX, 4), mais aussi, à la façon de nos heures canoniales actuelles, des cultes de la parole, avec chants et lectures, répartis tout au long de la journée, et même la nuit. Les dimanches et jours de fête, et tous les jours pendant le temps de préparation des candidats au baptême, il prononçait des homélies d'une force de conviction si simple qu'elles attiraient même Augustin, pourtant particulièrement critique (Confessions VI, 3-4).

S'y ajoutaierit l'examen des candidats au baptême, qui affluaient dans l'Eglise toujours plus nombreux - pas toujours par pure conviction de foi -, le souci de la pénitence, de la réconciliation et du mariage chrétien, ainsi que celui d'organiser au mieux les oeuvres caritatives au sein de la communauté : assistance aux pauvres, aux malades et aux prisonniers, l'exercice de la justice publique, la protection juridique des plus démunis et les interventions pour obtenir une éventuelle grâce pour les condamnés à mort.

Au vu de cette énorme charge de travail, on peut s'étonner que  saint Ambroise de Milan  ait trouvé le temps de rédiger ses oeuvres, même si elles sont toutes le fruit de son activité pastorale.
Augustin rapporte, désappointé : « Pas moyen de lui poser comme j'aurais voulu les questions que je voulais. Des files compactes de gens embesognés, des chérifs auxquels il rendait service, me barraient l'accès de son audience et de son entretien. Lui arrivait-il d'être sans eux un bout de temps, alors il restaurait son corps par les aliments indispensables et son esprit par la lecture (...) défense à toute personne d'entrer et l'usage étant de ne pas lui annoncer les arrivants » (Confessions VI, 3, 3).

Selon le témoignage d'Augustin,  saint Ambroise de Milan  est le premier homme de l'Antiquité, à notre connaissance, à avoir dérogé à la lecture à haute voix, seule méthode utilisée à l'époque, pour se contenter de parcourir les pages des yeux.

Une mosaïque du Ve siècle, dans la chapelle San Vittore in Ciel d'Oro de la basilique ambrosienne de Milan, nous a laissé un portrait d'Ambroise qui pourrait bien être proche de la réalité : un ascète maigre, sérieux, les cheveux coupés court et une grande barbe, revêtu d'une longue tunique et d'un simple manteau. Après sa consécration épiscopale, il avait fait don de ses biens - comme Basile le Grand - à l'Église et aux pauvres, et en dehors des dimanches et jours de fête,  saint Ambroise de Milan  ne prenait qu'un repas, « pour pouvoir suivre le Seigneur Jésus, comme un pauvre soldat, avec un paquetage léger » (Vita 38).  saint Ambroise de Milan  est mort le Samedi saint (4 avril) 397 et  saint Ambroise de Milan  a été enterré le lendemain près de la tombe des martyrs Gervais et Protais, dont  saint Ambroise de Milan avait retrouvé dans des circonstances miraculeuses les ossements oubliés le 17 juin 386, et que saint Ambroise de Milan  avait fait transférer le 19 juin dans la basilique épiscopale (Vita 14).  saint Ambroise de Milan  repose aujourd'hui dans ses vêtements épiscopaux entre les deux saints, dans une châsse vitrée, dans la crypte de la basilique.
 
 

1. L'OEUVRE EXÉGÉTIQUE  de Saint AMBROISE
 

L'importante oeuvre exégétique de saint Ambroise de Milan  est surtout faite de ses Homélies, qu'il a lui-même retravaillées, complétées et publiées. Mais des vingt commentaires conservés, un seul, mais le plus important, porte sur le Nouveau Testament : l'Expositio Evangelü secundum Lucam. Tous les autres portent sur l'Ancien Testament, ce qui révèle bien ses centres d'intérêt et sa compréhension de la Bible, qui a évolué avec les années, il est vrai.

Au début  saint Ambroise de Milan  était tellement influencé par Philon d'Alexandrie qu'on l'a surnommé le Philo Christianus ; ses ouvrages De paradiso, De Cain et Abel, De Noe et De Abraham pourraient à ce point être pris pour des extraits de Philon que l'on a même essayé de reconstruire des textes de Philon perdus ou endommagés, à partir de saint Ambroise de Milan . Ses autres maîtres furent Origène, puis Basile le Grand, surtout dans l'exégèse des six jours de la création.

Dans la ligne de ses modèles alexandrins,  saint Ambroise de Milan  faisait un grand usage de l'interprétation allégorique et typologique. Comme l'a montré Viktor Hahn,  saint Ambroise de Milan  ne l'appliquait cependant pas mécaniquement, mais elle est la méthode appropriée pour sa compréhension de l'unité de l'histoire du salut des deux Testaments.

Dans ses oeuvres tardives, les idées néoplatoniciennes, l'explication morale-parénétique et spirituelle-pastorale gagnent du terrain. Par sa vaste connaissance et son adaptation des Pères grecs,  saint Ambroise de Milan est devenu, après Hilaire de Poitiers, le plus grand propagateur de la théologie grecque en Occident, mais cela marque aussi ses limites, précisément dans l'explication de l'Écriture. Pour le Nouveau Testament, en effet, les grands modèles lui font défaut, ce qui explique sans doute pour une bonne part l'intérêt moindre qu'il a porté au Nouveau Testament, dans l'exégèse duquel  saint Ambroise de Milan  s'intéressait davantage aussi au sens littéral.
 

2. LES ÉCRITS CATÉCHÉTIQUES  de Saint AMBROISE

L'instruction des nombreux candidats au baptême et néophytes dont se chargea  saint Ambroise de Milan  - selon Paulin, après sa mort, cinq évêques suffiront à peine à la remplacer ( vita 38) - donna lieu à trois écrits importants, qui nous permettent de nous faire une idée assez précise de la pratique liturgique de Milan, ainsi que des grands principes de la théologie de saint Ambroise de Milan  : Explanatio symboli, De sacramentis et De mysteriis.

Si l'authenticité du De mysteriis n'a jamais été remise en question, celle des deux autres textes a donné lieu à de longues discussions, mais elle est généralement reconnue aujourd'hui. Les doutes sont nés de la forme des deux ouvrages, qui sont les transcriptions sténographiques de quelques heures d'instruction, d'où un style moins travaillé, un ordre moins systématique et des répétitions.

L'Explanatio symboli a été prononcée dans le cadre d'une réunion de traditio symboli, avant le baptême ; les autres catéchèses, plus tardives, bien que nous ne puissions les situer précisément, datent probablement des dernières années de la vie de saint Ambroise de Milan.

Dès le début, l'Explanatio symboli se réfere à sa place'liturgique, après les scrutins et après les exorcismes, au moment de la traditio symboli qui, à Milan, avait lieu le dimanche des Rameaux, dans le baptistère de la basilique, après renvoi des catéchumènes de la célébration eucharistique de la communauté [1]. Elle explique ensuite les concepts de symbolum et de sa traduction latine conlatio comme signifiant une compilation des formules de foi brèves par l'assemblée des apôtres [2]. Le Symbolum était ensuite récité, mais à cause de la discipline de l'arcane, il n'était pas retranscrit. Les explications qui suivent permettent cependant de reconstruire le texte : il ne s'agit pas de la confession de Nicée, mais de celle de l'Église de Rome, comme Ambroise en témoigne ailleurs (Symb. 4, 7). Après une introduction générale sur la foi orthodoxe en Dieu, contre les hérésies des sabelliens et des ariens [3-4], Ambroise suit le Symbolum verset par verset (mais seuls le début et la fin sont retranscrits par écrit), avec de courtes explications [5-8] et il explique pourquoi il ne faut pas le transcrire : pour que les croyants le connaissent par coeur et le méditent quotidiennement, et pour que les catéchumènes, voire les hérétiques, n'en fassent pas un mauvais usage [9].
Le De sacramentis et le De mysterüs traitent tous deux en détail des rites de la célébration du baptême et de l'eucharistie, qu'ils expliquent pratiquement, pièce par pièce, selon leur signification dans l'histoire du salut et leur sens spirituel (mystique) ; les cinquième et sixième catéchèses du De sacramentis expliquent le Notre Père et la priére quotidienne. Tandis que le De sacramentis représente manifestement la transcription de l'instruction, sans correction, le De mysterüs soit a fait l'objet d'une rédaction ultérieure, soit, comme le croient Bernard Botte et Josef Schmitz, n'a été conçu que par écrit.
 

3. LES HYMNES  de Saint AMBROISE

Hilaire de Poitiers avait déjà composé les premiers hymnes latins de l'Église, mais il n'avait pas réussi à leur donner place dans le chant populaire.  Il fut le premier à les rendre populaires et à en faire des éléments constitutifs de la liturgie. Ces deux auteurs jetant précisément un pont, au Ive siècle, entre les Églises d'Orient et d'Occident, il se peut que, outre la tradition de la poésie latine, ils se soient inspirés de modèles orientaux. Augustin en témoigne dans ses Confessions (IX, 7, 15), où il rapporte que, lors du siège des églises, pendant le carême 386, « pour empêcher que le peuple abattu ne séchât d'ennui, fut institué, à la mode orientale, le chant des hymnes et des cantiques. L'usage s'en est maintenu depuis ce temps jusqu'à aujourd'hui et il a été suivi en maints endroits, voire presque partout, imité de ton troupeau dans le reste du monde ». Cette remarque d'Augustin est toujours valable aujourd'hui. Ambroise est devenu le père du chant hymnique latin et ses chants représentent toujours une part importante de la prière des heures de l'Église. Il ne doit sans doute pas seulement son succès rapide et décisif à l'enthousiasme extraordinaire des commencements, mais aussi aux contenus populaires et aux images qui parlent au coeur, qui se rapportent aux heures du jour, aux fêtes, aux activités liturgiques et spirituelles, à la rencontre mystique de Dieu, etc., à la légèreté de la versification (tétramère iambique, mètre toujours le plus utilisé dans les hymnes latins) et aux mélodies, qu'il a composées lui-même. Ses Hymnes avaient tant de succès et étaient si faciles à comprendre que les croyants ne tardèrent pas à en composer à son exemple, ainsi qu'il le rapporte lui-même (Sermo contra Auxentium 34).
Mais cette facilité même explique combien il est difficile de déterminer quels sont les hymnes authentiques parmi tous les chants dits « ambrosiens ». Quatre seulement sont indubitablement de lui, qui se trouvent explicitement attestés dans les écrits d'Augustin.

Place actuelle dans la liturgie
Aeterne rerum conditor
Deus creator omnium
Iam surgit hora tertia Intende qui regis Israel
1 `e et 3e semaines, dimanche, Laudes Fête des anges gardiens, 2 octobre, office des lectures
1 `e et 3e semaines, dimanche Les vepres Temps pascal, tierce.

On lui en attribue quatorze autres :
Aeterna Christi munera Agnes beatea virginis Amore Christi nobilis Apostolorum passio Apostolorum supparem Grates tibi jesu novas
Fête des martyrs, laudes Sainte Agnès, 21 janv., laudes
Pierre et Paul, 29 juin, laudes
 

Hic est dies verus Dei Iesu corona virginum Illuminans Altissimus Nunc sancte nobis Spiritus
Rector potens verax Deus
Rerum Deus tenax vigor
Splendor paternae gloriae ~ctor Nabor Felix pü
345
Temps de Pâques
Fête des vierges, secondes vêpres
Temps ordinaire et temps de Noël, tierce
Temps ordinaire et temps de Noël, sexte
Temps ordinaire et temps de Noël, none
1e et 3e Sem., lundl, laudeS
L'Hymne ambrosienne, c'est-à-dire le Te Deum, et l'Exsultet ne sont certainement pas d'Ambroise.
 

Éditions des oeuvres complètes de saint Ambroise

- Patrologie Latine, t. 14-17.
- PLS I, p. 569-620.
- Opera omnia, 21 vol., Milan-Rome, 1978-1989 [texte, trad. italienne et commentaire].

Oeuvres particulières de saint Ambroise

- De fide
- De paenitentia, La Pénitence,     = SC 179, 1971
- De spirito sancto
- De incarnatione
- Epistulae
- Vie d'Ambroise
 

Les écrits exégétiques de saint Ambroise

Exameron,
De paradiso,
De Cain et Abel
De Abraham,
De Isaac vel anima,
De bono mortis,
- De Iacob et vita beata,
De Ioseph,
De patriarchis,
De fuga saeculi,
De interpellatione Iob et David,
De apologia prophetae David,
Apologia David altera,
De Helia et ieiunio,
De Nabuthae,
De Tobia. -
Expositio evangelii secundum Lucam,
Expositio de psalmo CXVIII,
Expositio super psalmos XII,
- De apologia prophetae David,  = SC 239, 1977 [texte, trad. française et commentaire].

Traductions françaises
Sur saint Luc, = SC 45, 1971 ; SC 52, 1976.
- Apologie de David,  = SC 239, 1977.

Apologie de David
Des sacrements. Des mystères. Explication du symbole
Hymnes
La Pénitence
Traité sur l'Évangile de saint Luc, I
Traité sur l'Évangile de saint Luc, II

Les Ecrits catéchétiques  de saint Ambroise

Des sacrements
Des mystères
Explication du symbole = SC 25 bis, 1994

Les Hymnes  de saint Ambroise

Édition FONTAINE (J.), Paris, 1992, (texte, trad. française et commentaire].

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