LETTRE LVIII
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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

LETTRE LVIII. (Au commencement de l'année 401.)

 

Saint Augustin exprime avec émotion et profondeur toute la joie que lui ont causée les exemples de foi et de courage donné par Pammachius au milieu de ses gens d'Hippone; il désirerait que les sénateurs catholiques, qui sont dans la même situation que Pammachius, en fissent autant.

AUGUSTIN A L'EXCELLENT ET ILLUSTRE SEIGNEUR PAMMACHIUS (1), SON FILS TRÈS-CHER DANS LES ENTRAILLES DU CHRIST.

 

1. Vos bonnes oeuvres, qui germent par la grâce du Christ, vous ont fait pleinement connaître, aimer et honorer de nous, dans ses membres. Si chaque jour je voyais votre visage, je ne vous connaîtrais pas mieux que je ne vous connais après avoir vu, dans la splendeur d'un seul acte de votre vie, votre homme intérieur, beau de paix et brillant de vérité; j'ai regardé et j'ai connu, j'ai connu et j'ai aimé; c'est à lui que je parle, à lui que j'écris, à cet ami bien-aimé qui, son corps absent, s'est rendu présent à moi. Et pourtant nous étions déjà ensemble, nous vivions unis sous tan même chef; si vous n'aviez pas pris racine dans sa charité, l'unité catholique ne vous serait pas aussi chère, vous n'adresseriez pas de tels discours à vos fermiers d'Afrique, établis au milieu de la Numidie consulaire, dans cette contrée même d'où s'est levée la fureur des donatistes, vous n'auriez pas enflammé leurs âmes de cette ferveur qui les a fait s'attacher aussitôt à vos exemples, pensant bien qu'un homme comme vous ne pouvait suivre un sentiment qu'après en avoir reconnu la vérité; vous ne les auriez pas remués au point de les faire marcher sous un même chef, malgré les longues distances qui les séparent de vous, et au point de les compter éternellement avec vous parmi les membres de Celui par les commandements de qui ils vous servent pour un temps.

2. C'est par ce fait que je vous ai connu et c'est pourquoi je vous embrasse ; dans le tressaillement de ma joie, je vous félicite en Notre-Seigneur Jésus-Christ et je vous envoie cette , lettre comme une preuve de mon amour pour votes; je ne puis rien faire de plus. Mais ne prenez pas ceci, je vous prie, pour la mesure de tout mon amour; après avoir lu cette

 

1. C'est le sénateur romain Pammachius , gendre de Paula, mari de Pauline, ami de saint Jérome.

 

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lettre, allez au delà par un mouvement invisible de l'âme, allez par la pensée jusqu'au plus profond de mon cœur, et voyez ce qui s'y passe pour vous; le sanctuaire de la charité s'ouvrira à l'oeil de la charité; c'est ce sanctuaire que nous fermons aux bruyantes frivolités du monde quand nous y adorons Dieu; c'est là (lue vous verrez toutes les douceurs de ma joie pour une oeuvre aussi bonne que la vôtre; je ne puis ni les dire avec la langue ni les exprimer en vous écrivant; chaudes et brûlantes, elles se confondent avec le sacrifice de louanges que j'offre à Celui par l'inspiration de qui vous avez pu le faire. Dieu soit loué de son ineffable don (1) !

3. O qu’il y a de sénateurs comme vous, et comme vous enfants de la sainte Église; que nous voudrions voir faire en Afrique ce qui de votre part nous a tant réjoui ! Il serait dangereux de les exhorter, il y a sécurité à vous féliciter. Car peut-être ne feraient-ils rien ; et les ennemis de l'Église, comme s'ils noirs avaient vaincus dans leur esprit, s'en prévaudraient habilement pour séduire les faibles. Mais vous, par ce que vous avez déjà fait, vous avez confondu ces ennemis de l'Église en délivrant les faibles. Aussi me semble-t-il suffire que vous lisiez cette lettre à ceux du sénat que vous pouvez aborder avec la confiance de l'amitié et avec la liberté autorisée par une foi commune. Ils verront par votre exemple qu'on peut faire en Afrique ce que peut-être ils négligent d'entreprendre parce qu'ils le croient impossible. Je n'ai rien voulu vous dire des piéges que préparent les hérétiques dans les tourments de leurs coeurs, car j'ai ri de leur prétention de pouvoir quelque chose sur une âme comme la vôtre, qui appartient au Christ. Cependant vous entendrez raconter tout cela à mes frères, que je recommande beaucoup à votre Excellence; pardonnez à leurs craintes, mêmes vaines, dans cette grande affaire du salut inopiné de tant d'hommes, qui est votre ouvrage, et dont se réjouit l'Église catholique notre mère.

 

1. II Cor. IX, 15.

   

 

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