LETTRE CCXXI
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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

LETTRE CCXXI. (Année 427.)

 

Quodvultdeus, de sainte mémoire, alors diacre, et qui occupa plus tard le siége de Carthage, demande à saint Augustin un travail où soient brièvement marquées les erreurs de chaque hérésie et les réponses des catholiques.

 

QUODVULTDEUS, DIACRE A SON VÉNÉRABLE SEIGNEUR ET BIENHEUREUX PÈRE AUGUSTIN, ÉVÊQUE.

 

1. J'ai appréhendé longtemps, et j'ai bien souvent remis ce que j'ose aujourd'hui : mais j'y suis décidé surtout par la bonté de votre béatitude, à laquelle tous rendent hommage. En songeant à cette bonté si connue, j'ai craint que, devant Dieu, il n'y eût de l'orgueil à ne pas demander, de la négligence à ne pas chercher, de la paresse à ne pas frapper à la porte. Je crois qu'ici ma bonne volonté pourrait suffire, lors même que ma démarche serait sans fruit; mais je sais avec certitude que votre pieuse intelligence , tout entière au Christ, est non-seulement prête à ouvrir à tous ceux qui le veulent la porte des vérités divines dont une grâce céleste vous donne les clefs, mais encore qu'elle s'adresse aux hommes de mauvaise volonté pour les déterminer à entrer. Je n'aurai donc garde de retenir longtemps votre révérence par des discours inutiles, et je vous dirai brièvement le but de ma prière.

2. J'ai reconnu par moi-même qu'il y a des

 

1. Prov. IX, 8.

 

ignorants dans le clergé de cette grande ville (1), et votre sainteté jugera si ce que je désire ne serait pas profitable à tous les ecclésiastiques. Malgré mon indignité, je désire l'obtenir par le privilège de tous ceux qui cherchent à s'éclairer de vos travaux, vénérable seigneur et bienheureux père. Je demande donc à votre béatitude de vouloir bien nous dire quelles ont été, depuis l'établissement du christianisme, les hérésies, et en quoi ont consisté ou consistent encore leurs erreurs, ce qu'elles ont pensé ou pensent encore contre l'Église catholique , sur la foi , sur la Trinité, le baptême, la pénitence, Jésus-Christ homme, Jésus-Christ Dieu, la résurrection, le Nouveau et l'Ancien Testament, et tous les points sur lesquels chacune de ces hérésies se sépare de la vérité; quelles sont celles qui ont le baptême et celles qui ne l'ont pas, quelles sont celles après lesquelles l'Église baptise, sans rebaptiser, et ce que l'Église répond à chacune d'elles par la loi, l'autorité et la raison.

3. Je ne suis pas assez sot, croyez-le, pour ne pas voir qu'il faudrait beaucoup de gros volumes pour un travail détaillé et complet. Ce n'est pas ce que je demande; d'ailleurs je ne doute pas que cela n'ait été fait plus d'une fois ; mais j'ose vous prier de nous marquer brièvement et sommairement les opinions de chaque hérésie et de nous exposer, dans une mesure qui suffise à notre instruction, quelle est la doctrine de l'Église catholique contre chacune de ces erreurs. Ce serait comme un abrégé de tous nos auteurs sur ces matières; si quelqu'un voulait connaître plus au long les objections, ou s'il ne se trouvait pas assez convaincu, on le renverrait aux grands et magnifiques travaux qui ont approfondi ces questions et surtout à ceux de votre révérence. Mais je pense qu'une indication de ce genre suffirait aux savants et aux ignorants, à ceux qui ont du loisir et à ceux qui n'en ont pas, à tous les clercs, quels que soient leurs rangs dans l'Église ; car celui qui a beaucoup lu se souvient à l'aide de peu de mots; celui qui sait peu s'instruit dans des abrégés et y apprend ce qu'il faut penser ou éviter, ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Peut-être même, si je ne me trompe pas, ce petit ouvrage ne serait-il pas déplacé au milieu de vos autres travaux admirables pour confondre la malignité et les mensonges des calomniateurs. L'erreur, dans le vaste champ de ses agressions, rencontre de tous côtés d'infranchissables barrières, et la vérité lui lance toutes sortes de traits; mais un petit livre comme celui que je désire serait une espèce de javelot dont les ennemis de la vérité sentiraient les atteintes multipliées : ils n'oseraient plus exhaler leur souffle de mort.

4. Je vois que je vous suis incommode ; vous avez mieux à penser et de plus grandes choses à faire, sans compter le poids de votre sainte vieillesse et de vos infirmités. Mais, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui vous a si volontiers fait part de sa sagesse, je demande que vous accordiez

 

1. Carthage.

 

cette grâce aux ecclésiastiques ignorants, vous qui vous reconnaissez « redevable aux savants et aux simples (1), » et qui aurez le droit de dire : « Voyez que je n'ai pas travaillé pour moi seul, mais pour tous ceux qui aiment la vérité (2). » Je pourrais encore vous adresser les instantes prières de beaucoup d'autres et me présenter à vous, entouré d'ignorants comme moi; mais j'aime mieux écouter votre réponse que de vous obliger à me lire plus longtemps.

 

 

1. Rom. I, 14. — 2. Ecclés. XXIV, 47; XXXIII, 18.

 

 

 

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