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LES RÉTRACTATIONS

LA REVUE DES OUVRAGES DE SAINT AUGUSTIN PAR LUI-MÊME

 

DEUX LIVRES.  

L’auteur de la traduction des deux livres des Rétractations est M. Henry de Riancey.

  LES RÉTRACTATIONS

LA REVUE DES OUVRAGES DE SAINT AUGUSTIN PAR LUI-MÊME

PRÉFACE.

LES RÉTRACTATIONS

LIVRE PREMIER

RÉVISION DES LIVRES ÉCRITS AVANT LA PROMOTION A L’ÉPISCOPAT.

CHAPITRE PREMIER.

CONTRE LES ACADÉMICIENS. — TROIS LIVRES.

CHAPITRE II.

DE LA VIE BIENHEUREUSE. — UN LIVRE.

CHAPITRE III.

DE L’ORDRE. — DEUX LIVRES.

CHAPITRE IV.

LES DEUX LIVRES DES SOLILOQUES.

CHAPITRE V.

DE L’IMMORTALITÉ DE L’ÂME. — UN LIVRE.

CHAPITRE VI.

LIVRES DES ARTS LIBÉRAUX.

CHAPITRE VII.

DES MOEURS DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE ET DES MOEURS DES MANICHÉENS. — DEUX LIVRES.

CHAPITRE VIII.

DE LA GRANDEUR DE L’ÂME.

CHAPITRE IX.

DU LIBRE ARBITRE. — TROIS LIVRES.

CHAPITRE X.

DE LA GENÈSE CONTRE LES MANICHÉENS. — DEUX LIVRES.

CHAPITRE XI.

LES SIX LIVRES DE LA MUSIQUE.

CHAPITRE XII.

DU MAÎTRE. — UN LIVRE.

CHAPITRE XIII.

DE LA VRAIE RELIGION. — UN LIVRE.

CHAPITRE XIV.

DE L’UTILITÉ DE LA FOI. — UN LIVRE A HONORAT.

CHAPITRE XV.

DES DEUX ÂMES, CONTRE LES MANICHÉENS. — UN LIVRE.

CHAPITRE XVI.

ACTES CONTRE FORTUNAT, MANICHÉEN. — UN LIVRE.

CHAPITRE XVII.

DE LA FOI ET DU SYMBOLE. — UN LIVRE.

CHAPITRE XVIII.

COMMENTAIRE LITTÉRAL SUR LA GENÈSE. — UN LIVRE INCOMPLET.

CHAPITRE XIX.

DU SERMON SUR LA MONTAGNE. — DEUX LIVRES.

CHAPITRE XX.

CANTIQUE CONTRE LE PARTI DE DONAT.

CHAPITRE XXI.

CONTRE LA LETTRE DE L’HÉRÉTIQUE DONAT. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXII.

CONTRE ADIMANTE, DISCIPLE DE MANÈS. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXIII.

EXPOSITION DE QUELQUES PROPOSITIONS TIRÉES DE L’ÉPÎTRE DE SAINT PAUL AUX ROMAINS.

CHAPITRE XXIV.

EXPOSITION DE L’ÉPÎTRE AUX GALATES. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXV.

EXPOSITION COMMENCÉE DE L’ÉPÎTRE AUX ROMAINS.— UN LIVRE.

CHAPITRE XXVI.

DE QUATRE-VINGT-TROIS QUESTIONS DIVERSES. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXVII.

SUR LE MENSONGE. — UN LIVRE.

LIVRE SECOND

REVISION DES OUVRAGES ÉCRITS PENDANT L’ÉPISCOPAT.

CHAPITRE PREMIER.

LES DEUX LIVRES A SIMPLICIEN.

CHAPITRE II.

CONTRE LA LETTRE APPELÉE DU FONDEMENT. — UN LIVRE.

CHAPITRE III.

DU COMBAT CHRÉTIEN. — UN LIVRE.

CHAPITRE IV.

DE LA DOCTRINE CHRÉTIENNE. — QUATRE LIVRES.

CHAPITRE V.

CONTRE LE PARTI DONATISTE. — DEUX LIVRES.

CHAPITRE VI.

LES TREIZE LIVRES DES CONFESSIONS.

CHAPITRE VII.

CONTRE FAUSTUS, MANICHÉEN. — TRENTE-TROIS LIVRES.

CHAPITRE VIII.

CONTRE FÉLIX, MANICHÉEN. — DEUX LIVRES.

CHAPITRE IX.

DE LA NATURE DU BIEN. — UN LIVRE.

CHAPITRE X.

CONTRE SECUNDINUS, MANICHÉEN. — UN LIVRE.

CHAPITRE XI.

CONTRE HILAIRE. — UN LIVRE.

CHAPITRE XII

QUESTIONS ÉVANGÉLIQUES. — DEUX LIVRES.

CHAPITRE XIII.

ANNOTATIONS AU LIVRE DE JOB. — UN LIVRE.

CHAPITRE XIV.

LE CATÉCHISME DES IGNORANTS — UN LIVRE.

CHAPITRE XV.

DE LA TRINITÉ. — QUINZE LIVRES.

CHAPITRE XVI.

DE LA CONCORDE DES ÉVANGÉLISTES. —QUATRE LIVRES.

CHAPITRE XVII.

CONTRE LA LETTRÉ DE PARMENIEN.— TROIS LIVRES.

CHAPITRE XVIII.

DU BAPTÊME. — SEPT LIVRES.

CHAPITRE XIX.

CONTRE LES ÉCRITS DONATISTES APPORTÉS PAR CENTURIUS. — UN LIVRE.

CHAPITRE XX.

SUR LES DEMANDES DE JANVIER. — DEUX LIVRES.

CHAPITRE XXI.

DU TRAVAIL DES MOINES. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXII.

DU BIEN CONJUGAL. — UN LIVRE

CHAPITRE XXIII.

DE LA SAINTE VIRGINITÉ. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXIV.

DE LA GENÈSE AU SENS LITTÉRAL. — DOUZE LIVRES.

CHAPITRE XXV.

CONTRE LES LETTRES DE PÉTILIEN. — TROIS LIVRES.

CHAPITRE XXVI.

A CRESCONIUS, GRAMMAIRIEN, DU PARTI DE DONAT. — QUATRE LIVRES.

CHAPITRE XXVII.

PREUVES ET TÉMOIGNAGES CONTRE LES DONATISTES. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXVIII.

CONTRE UN DONATISTE INCONNU. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXIX.

AVERTISSEMENT AUX DONATISTES, SUR LES MAXIMIANISTES. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXX.

DE LA DIVINATION DES DÉMONS. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXXI.

EXPOSITION DE SIX QUESTIONS CONTRE LES PAÏENS.

CHAPITRE XXXII.

EXPOSITION DE L’ÉPÎTRE DE SAINT JACQUES AUX DOUZE TRIBUS.

CHAPITRE XXXIII.

DES PEINES ET DE LA RÉMISSION DES PÉCHÉS, AINSI QUE DU BAPTEME DES PETITS ENFANTS. — TROIS LIVRES A MARCELLIN.

CHAPITRE XXXIV.

D’UN SEUL BAPTÊME, A CONSTANTIN CONTRE PÉTILIEN. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXXV.

DES MAXIMIANISTES CONTRE LES DONATISTES. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXXVI.

DE LA GRACE DU NOUVEAU TESTAMENT, A HONORAT. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXXVII.

DE L’ESPRIT ET DE LA LETTRE, A MARCELLIN. —                 UN LIVRE.

CHAPITRE XXXVIII.

DE LA FOI ET DES OEUVRES. — UN LIVRE.

CHAPITRE XXXIX.

ABRÉGÉ DE LA CONFÉRENCE AVEC LES DONATISTES. — TROIS LIVRES.

CHAPITRE XL.

CONTRE LES DONATISTES, APRÈS LA CONFÉRENCE. — UN LIVRE.

CHAPITRE XLI.

DE LA VUE DE DIEU. — UN LIVRE.

CHAPITRE XLII.

DE LA NATURE ET DE LA GRACE. — UN LIVRE.

CHAPITRE XLIII.

DE LA CITÉ DE DIEU. — VINGT-DEUX LIVRES.

CHAPITRE XLIV.

A OROSE, CONTRE LES PRISCILLIANISTES ET LES ORIGÉNISTES. — UN LIVRE.

CHAPITRE XLV.

DEUX LIVRES A JÉROME, PRÊTRE, L’UN SUR L’ORIGINE DE L’AME, L’AUTRE SUR UN PASSAGE DE SAINT JACQUES.

CHAPITRE XLVI.

A ÉMÉRITE, ÉVÊQUE DES DONATISTES, APRÈS NOTRE CONFÉRENCE. — UN LIVRE.

CHAPITRE XLVII.

DES ACTES DU PROCÈS DE PÉLAGE. — UN LIVRE.

CHAPITRE XLVIII.

DU CHÂTIMENT DES DONATISTES. — UN LIVRE.

CHAPITRE XLIX.

DE LA PRÉSENCE DE DIEU, A DARDANUS. — UN LIVRE.

CHAPITRE L.

CONTRE PÉLAGE ET CÉLESTE, SUR LA GRÂCE DII JÉSUS-CHRIST ET SUR LE PÉCHÉ ORIGINEL, À ALBINA, PINIANUS ET MÉLANIE. — DEUX LIVRES.

CHAPITRE LI.

ACTES DE LA CONFÉRENCE AVEC ÉMÉRITE, DONATISTE. — UN LIVRE.

CHAPITRE LII.

CONTRE LE DISCOURS DES ARIENS. — UN LIVRE.

CHAPITRE LIII.

DU MARIAGE ET DE LA CONCUPISCENCE, AU COMTE VALÈRE. — DEUX LIVRES.

CHAPITRE LIV.

SEPT LIVRES DE LOCUTIONS.

CHAPITRE LV.

SEPT LIVRES DE QUESTIONS.

CHAPITRE LVI.

DE L’ÂME ET DE SON ORIGINE.. QUATRE LIVRES.

CHAPITRE LVII.

A POLLENTIUS, SUR LES MARIAGES ADULTÈRES. — DEUX LIVRES.

CHAPITRE LVIII.

CONTRE UN ADVERSAIRE DE LA LOI ET DES PROPHÈTES. — DEUX LIVRES.

CHAPITRE LIX.

CONTRE GAUDENCE, ÉVÉQUE DES DONATISTES. — DEUX LIVRES.

CHAPITRE LX.

CONTRE LE MENSONGE. — UN LIVRE.

CHAPITRE LXI.

CONTRE DEUX LETTRES DES PÉLAGIENS. — QUATRE LIVRES.

CHAPITRE LXII.

SIX LIVRES CONTRE JULIEN.

CHAPITRE LXIII.

A LAURENTIUS, SUR LA FOI, L’ESPÉRANCE ET LA CHARITÉ. — UN LIVRE.

CHAPITRE LXIV.

A L’ÉVÊQUE PAULIN, DU SOIN A PRENDRE DES MORTS. — UN LIVRE.

CHAPITRE LXV.

DES HUIT QUESTIONS DE DULCITIUS. —  UN LIVRE.

CHAPITRE LXVI.

A VALENTIN ET A SES MOINES, SUR LA GRÂCE ET LE LIBRE ARBITRE. — UN LIVRE.

CHAPITRE LXVII.

AUX MÊMES, SUR LA RÉPRIMANDE ET LA GRÂCE. — UN LIVRE.

 

 

PRÉFACE.

 

1. J’entreprends enfin, avec l’aide de Dieu, l’accomplissement d’un dessein auquel je songeais depuis longtemps et que je ne veux plus différer. Je vais faire la révision de tout ce que j’ai écrit, livres, lettres ou traités; je vais soumettre mes oeuvres à une critique sévère, et ce qui m’y déplaît, à des annotations qui vaudront une censure.

Oserait-on avoir l’imprudence de me reprendre, parce que je reprends moi-même mes erreurs? Si l’on me dit que je n’aurais pas dû écrire ce qui était de nature à me déplaire plus tard, on aura raison, et je suis de cet avis; ce qu’on reproche justement à mes oeuvres, je le leur reproche moi-même. Et je n’aurais rien à corriger si j’avais dit ce qu’il fallait dire.

2. Aussi bien, que chacun pense de mon entreprise ce qu’il voudra; pour moi il m’importe d’avoir pris en considération, même ici, cette maxime de l’Apôtre: « Si nous nous jugions nous-mêmes, le Seigneur ne nous jugerait point 1. » D’ailleurs, il est dit : « A parler beaucoup on ne saurait éviter de pécher 2; » et cette parole m’épouvante. Non pas parce que j’ai beaucoup écrit, ou parce que beaucoup de paroles que j’ai prononcées ont été conservées par écrit, bien que je ne les aie pas dictées (loin de moi cependant, de réputer paroles inutiles tout ce qui se dit de nécessaire, quels que soient le nombre et la longueur des discours) : mais ce qui me fait trembler devant cette sentence de 1’Ecriture, c’est que dans le grand nombre de mes dissertations on peut recueillir beaucoup de paroles qui, si elles ne sont pas erronées, peuvent cependant paraître inutiles ou même le sont réellement. Quel est donc le serviteur fidèle du Christ qui ne s’alarme pas quand il l’entend déclarer : « Toute parole oiseuse que l’homme aura prononcée, il en rendra compte au jour du jugement 3? »Ce qui faisait dire à son apôtre saint Jacques:

 

1. I Cor. XI. 31. — 2. Prov. X, 19. — 3. Matth. XII, 36.

 

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« Que tout homme soit prompt à écouter, mais lent à parler 1. » Et ailleurs : « N’aspirez pas à devenir plusieurs maîtres, mes frères, sachant que vous vous chargez d’un jugement plus sévère. En effet nous commettons tous beaucoup de fautes. Si quelqu’un ne pèche pas en parole, c’est un homme parfait 2. » Quant à moi, je ne m’arroge point cette perfection, aujourd’hui que je suis un vieillard; encore moiras eussé-je pu y prétendre, quand j’étais un jeune homme et que j’ai commencé à écrire ou à parler en public; d’autant plus que, partout où je me trouvais et où il fallait s’adresser au peuple, il m’était très-rarement permis de me taire et d’écouter les autres, et, par conséquent d’être « prompt à écouter et lent à parler. » Il  me reste donc à me juger moi-même en face du Maître unique dont je voudrais éviter le jugement sur mes offenses. Or, j’estime qu’il y a plusieurs maîtres quand plusieurs ont entre eux des sentiments divers et même contraires. Mais quand ils disent tous la même chose et qu’ils disent vrai, ils ne cessent pas d’avoir pour maître unique le seul et vrai Maître. Et s’ils pèchent, ce n’est pas lors-

 

1. Jacq. I, 19. — 2. Ibid. III, 1, 2.

 

 

qu’ils parlent beaucoup d’après lui, mais lorsqu’ils y ajoutent du leur. Car alors ils tombent du débordement de la parole dans le débordement de l’erreur.

3. J’ai tenu aussi à écrire ces observations, afin de les mettre dans les mains de ceux à qui je ne puis reprendre, pour les corriger, les copies de ce que j’ai publié. Je ne passe pas sous silence les livres que j’ai composés, n’étant encore que catéchumène, mais ayant déjà abandonné mes espérances terrestres, quoique j’eusse gardé encore la vanité des lettres humaines; car ils sont parvenus à la connaissance de ceux qui les lisent ou les copient; et on les consulte avec quelque utilité si on pardonne à leurs défauts, ou du moins si, ne leur pardonnant pas, on ne s’attache pas à leurs erreurs. Ainsi donc, si on me lit, qu’on veuille bien ne pas m’imiter dans mes fautes, mais dans mon désir de correction et de progrès. Ce progrès, on le remarquera peut-être dans mes opuscules, si l’on consent à les parcourir dans l’ordre où ils ont été écrits. Je ferai, dans le présent ouvrage, tout ce qui dépendra de moi pour que cet ordre soit bien connu.

 

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LES RÉTRACTATIONS

 

LIVRE PREMIER

RÉVISION DES LIVRES ÉCRITS AVANT LA PROMOTION A L’ÉPISCOPAT.

 

CHAPITRE PREMIER.

CONTRE LES ACADÉMICIENS. — TROIS LIVRES.

 

1. Lors donc que j’eus abandonné tout ce que j’avais acquis ou tout ce que je souhaitais d’acquérir des biens qu’on désire dans ce monde, et que je me fus entièrement voué aux libres loisirs de la vie chrétienne, bien que je ne fusse pas encore baptisé, j’écrivis d’abord contre ou sur les Académiciens. Leurs arguments inspirent à plusieurs le désespoir de la vérité; ils éloignent le sage de donner son adhésion à aucune réalité, et de considérer quoi que ce soit comme certain et manifeste; car d’après eux tout est incertitude et obscurité. J’avais été ébranlé par ces arguments et je voulais les détruire en leur opposant des raisons aussi fortes que possible. Par la miséricorde et l’assistance de Dieu, j’y parvins.

2. Mais dans ces trois livres, je regrette d’avoir si souvent nommé la Fortune 1 ; non pas sans doute que j’aie voulu par ce nom entendre quelque divinité, mais seulement le cours fortuit des événements se manifestant dans les biens et les maux, soit au dedans, soit au dehors de nous. De là en effet viennent ces mots : «par hasard, peut-être, accidentellement,  d’aventure, fortuitement; » mots dont nulle religion ne défend de se servir, mais qui tous doivent se rapporter à la Providence divine. Je

 

1. Liv. I, C. I, n. 1 et 7.

 

ne m’en suis pas tu, du reste, puisque j’ai dit:

« Peut-être ce que nous appelons vulgairement la fortune est-il le gouvernement d’un ordre caché, et ce que nous nommons le hasard n’est-il autre chose que l’effet d’une cause secrète et d’une raison inconnue. » Je l’ai dit; et pourtant je me repens d’avoir employé là le mot de fortune, quand je vois des hommes assujettis à la fâcheuse habitude de dire au lieu de : « Dieu l’a voulu, » « la fortune l’a voulu. » En cet autre passage : « Il a été établi soit par nos mérites, soit par une nécessité de nature, qu’une âme de création divine, mais attachée aux choses mortelles, ne pourrait jamais arriver au port de la philosophie 1; » je devais ou ne rien dire de l’une et de l’autre de ces deux alternatives, parce que sans cela le sens pouvait être complet; ou bien me borner à dire: « par nos mérites, » ce qui est vrai de la misère qu’Adam nous a

léguée; et il ne fallait pas ajouter : « soit par une nécessité de nature, » puisque cette dure

nécessité de notre nature vient à bon droit de l’iniquité antérieure et originelle. De même

aussi dans cette phrase : « Il ne faut rendre aucun culte, il faut au contraire renoncer absolument à tout ce qui se voit par les regards mortels, à tout ce qui s’atteint par les sens 2, » j’aurais dû ajouter: « tout ce qui  s’atteint par les sens de ce corps mortel; » car il            y a aussi un sens intérieur et spirituel. Mais

 

1. Ibid. — 2. Ibid. n. 3.

 

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je parlais alors à la manière de ceux qui n’appliquent le mot sens qu’au corps et qui ne jugent sensibles que les choses corporelles. Aussi partout où je me suis exprimé ainsi, l’équivoque n’a pas été assez évitée, excepté pour ceux qui sont habitués à cette locution. Ailleurs j’ai dit: « Ne pensez-vous pas que vivre heureusement, ce n’est rien autre que de vivre selon ce qu’il y a de meilleur dans l’homme? » Et voulant expliquer ces paroles : « ce qu’il y à de meilleur dans l’homme, » j’ai ajouté un peu plus loin : « Qui pourrait douter qu’il n’y a rien de meilleur dans l’homme que cette partie de son âme à la domination de laquelle il convient que tout ce qui est dans l’homme obéisse? Or, cette partie, afin que vous n’en demandiez pas une autre définition, c’est l’esprit, la raison 1. » Cela est vrai, car de tout ce qui appartient à la nature humaine, rien n’est meilleur en elle que la raison et l’esprit. Mais quiconque veut vivre heureusement, ne doit pas vivre seulement selon la raison; car il vivrait selon l’homme, tandis que, pour pouvoir atteindre à la béatitude, c’est selon Dieu qu’il doit vivre. Pour arriver à cette béatitude, notre âme ne se doit pas contenter d’elle-même, elle se doit soumettre à Dieu. Répondant ensuite à mon interlocuteur, je lui disais: « Vous ne vous trompez pas absolument ici; que ce soit d’un heureux présage pour la suite, je vous le souhaite volontiers 2. » Quoique je me sois servi de ce terme, non pas sérieusement, mais en jouant, je ne voudrais pas en user. Car je ne sache pas avoir lu le mot de présage (omen) dans nos saintes Ecritures ni dans les oeuvres d’aucun auteur ecclésiastique; cependant c’est de là que vient le mot d’abomination qui se rencontre souvent dans les saintes Lettres.

3. Au second livre, c’est une fable ridicule et extravagante que celle de la philocalie et de la philosophie qui sont soeurs et nées d’un même père 4. En effet, ou ce qu’on nomme philocalie ne s’entend que de pures bagatelles; elle n’est, dès lors, en aucune façon soeur de la philosophie; ou bien si ce mot a quelque valeur parce qu’il signifie traduit en latin « l’amour du beau, » et qu’il y a une vraie et

 

1. Liv. I, C. II, n. 5.— 2. Ibid. C. IV, n. 11.

2. II y est cependant une fois au Livre III de, Rois, XX, 33. Mais saint Augustin ne l’avait pas peut-être dans la version dont il se servait, ou bien, comme il est question des Païens, il pensait que l’usage d’un mot profane n’était pas digne d’approbation.

Liv. II, C. III n. 7.

 

suprême beauté dans la sagesse, la philocalie et la philosophie ne sont dans la sphère incorporelle et supérieure qu’une seule et même chose; elles ne peuvent donc aucunement être deux soeurs.

Ailleurs, en traitant de l’âme, j’ai avancé « qu’elle doit retourner plus sûrement dans le  ciel 1. » Plus sûrement aussi aurais-je dû dire qu’elle doit aller plutôt que retourner; et cela à cause de ceux qui pensent que les âmes humaines tombées on chassées du ciel par suite de leurs péchés, sont précipitées dans ces corps 2. Mais je n’ai pas hésité à dire au ciel, comme si j’eusse dit à Dieu qui en est l’auteur et le créateur; de même que saint Cyprien n’a pas balancé à écrire: « Notre corps étant de la terre et notre âme venant du ciel, nous sommes nous-mêmes terre et, ciel.» Aussi est-il écrit dans l’Ecclésiaste: « L’esprit retourne à Dieu qui l’a donné 4. » Ce qui se doit entendre sans déroger à la parole de l’Apôtre: « Ceux qui ne sont pas encore nés n’ont rien « fait de bien ni de mal 5. » Donc il ne peut y avoir de doute : Dieu lui-même est une certaine région originelle de la béatitude de l’âme; Dieu qui l’a, non pas engendrée de lui-même, mais formée de rien comme il a formé le corps de terre. Quant à ce qui regarde l’origine de l’âme et la manière dont elle se trouve dans le corps, vient-elle de celui qui le premier a été créé et fait âme vivante; en est-il créé une pour chaque homme? Je l’ignorais alors et je ne le sais point encore aujourd’hui.

4. Dans le troisième livre j’ai dit : « Si vous me demandez mon sentiment, je crois que  le souverain bien de l’homme est dans la raison 6.» J’aurais dit avec plus de vérité en Dieu. C’est de Dieu en effet que pour être heureuse la raison doit jouir comme de son souverain bien. Il me déplaît aussi d’avoir écrit: « On peut jurer par tout ce qui est divin 7. » De même quand j’ai dit des Académiciens qu’ils « connaissaient la vérité et qu’ils donnaient à ce qui lui ressemble le nom de vraisemblance, » et que j’ai taxé de fausse cette vraisemblance à laquelle ils croyaient, j’ai eu tort et pour deux motifs: d’abord parce qu’il n’est pas exact que ce qui a quelque

 

1. Liv. II, C. IX,  n. 22.

2. ce sont les Platoniciens qui professaient cette doctrine, comme on le peut voir dans la Cité de Dieu, livre XCI, ch. 26.

3. S. Cyp. liv. de l’Oraison dominicale.

4. Eccl. XII, 7. — 5. Ep. aux Rom. C. IX, 11. — 6. Liv. III, C. XII, n. 27. — 7. Ibid. C. XVI, n. 35.

 

 

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ressemblance avec le vrai soit faux, puisque c’est une vérité dans son genre; ensuite parce que je leur attribuais de croire à ces faussetés qu’ils nommaient vraisemblances, tandis qu’ils n’y croyaient pas et qu’ils affirmaient au contraire que le sage n’y peut adhérer. Mais comme ils appelaient ces mêmes vraisemblances probabilités, c’est ce qui m’a fait m’exprimer de la sorte. J’ai loué aussi Platon et les Platoniciens ou les philosophes de l’Académie 1, et je les ai exaltés plus que ne doivent l’être des impies; je m’en repens à bon droit; surtout, quand je songe que c’est contre leurs profondes erreurs qu’il faut partout défendre la doctrine chrétienne. Quand également, en comparaison des arguments de Cicéron dans ses livres académiques, j’ai nommé bagatelles 2 ces raisonnements invincibles que j’ai opposés aux siens; quoique j’aie dit cela en jouant et par manière d’ironie, j’ai eu tort, je ne le devais pas dire.

Cet ouvrage commence par: « Plût à Dieu, Romanien, qu’un homme. »

 

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CHAPITRE II.

DE LA VIE BIENHEUREUSE. — UN LIVRE.

 

Ce livre de la Vie Bienheureuse, je l’ai composé, non pas après, mais entre mes livres contre les Académiciens. Le jour de ma naissance en fut l’occasion, et il fut achevé en trois jours de discussion, ainsi qu’il l’indique lui-même. Il établit que nous tous, qui nous livrions à cette recherche, nous tombâmes d’accord, que la vie bienheureuse ne peut consister que dans la parfaite connaissance de Dieu. J’ai regret d’avoir accordé plus que je n’aurais dû, à Manlius Théodore, homme d’ailleurs savant et chrétien, à qui j’ai dédié ce livre 3. Je suis peiné aussi de m’être souvent servi du mot de « Fortune; » comme également d’avoir dit que durant cette vie, la béatitude n’habite que dans la raison du sage 4, quel que fût l’état de son corps ; tandis que la parfaite connaissance de Dieu, c’est-à-dire la plus grande que puisse posséder l’homme, ne se peut espérer, au témoignage de l’Apôtre, que dans la vie future. C’est cette vie future qui seule doit être appelée bienheureuse, parce que le corps, devenu incorruptible et immortel, sera alors soumis à l’âme sans aucune souffrance et sans aucune résistance. J’ai trouvé dans mon manuscrit ce

 

1. Liv. III, C. XVII, n. 37. — 2. Ibid. C. XX, n. 45. — 3.  Préf. n. 7 et suiv. — 4. Trois. disc.

 

 

livre interrompu et fort écourté; il avait été ainsi transcrit par quelques-uns de nos frères, et depuis que j’ai entrepris la révision actuelle, je n’ai pu encore en recouvrer un texte intégral qui pût me servir à faire des corrections. Ce livre commence ainsi : « Si la volonté même vous conduisait au port de la philosophie. »

 

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CHAPITRE III.

DE L’ORDRE. — DEUX LIVRES.

 

1. A cette même époque, et entre les livres sur les Académiciens, j’en écrivis deux sur l’Ordre, où je traite cette grande question Si l’ordre de la divine Providence contient tous les biens et les maux. Mais comme je remarquai que cette matière, si difficile à comprendre, ne pouvait, qu’avec assez de peine, parvenir par la discussion jusqu’à l’intelligence de mes interlocuteurs, je préférai les entretenir de l’ordre à observer dans leurs études et au moyen duquel on peut s’élever des choses corporelles aux incorporelles.

2. Mais il me déplaît dans ces livres d’avoir prononcé souvent encore le mot de « Fortune 1. » Je regrette aussi de n’avoir pas ajouté « du corps », quand j’ai nommé les sens 2 comme également d’avoir beaucoup attribué aux sciences libérales 3, qu’ignorent beaucoup de saints et que plusieurs connaissent sans être des saints. Je suis fâché d’avoir parlé des Muses, même en plaisantant, comme de déesses 4; d’avoir appelé « l’admiration » un défaut 5, et d’avoir dit de philosophes sans piété véritable, qu’ils avaient brillé de l’éclat de la vertu. De même j’ai, non pas sur la foi de Platon ou des Platoniciens, mais de moi-même, admis deux mondes, l’un sensible, l’autre intelligible, allant même jusqu’à supposer que Notre-Seigneur l’avait voulu enseigner, parce qu’il n’a pas dit: « Mon royaume n’est point du monde » mais «mon royaume n’est point de ce monde 6. » Il y a bien cependant quelque locution qui peut s’entendre ainsi; et si le Seigneur Jésus a eu en vue un autre monde, ce monde-là doit plus convenablement s’entendre de celui où il y aura une « nouvelle terre » et « de nouveaux cieux » alors que cette prière sera accomplie: « Que votre règne arrive 7 » Aussi Platon ne

 

1. Liv. II, C. IX, n. 27.—  2. Liv. I, C. I, II, et suiv. — 3. Ibid. C. VIII et liv. II, C. XIV. — Ibid. C. III, n. 6. — 4.  Ibid. n. 8. — 5. Jean, XVIII, 36. — 6. Matth. VI, 10.

 

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s’est-il pas trompé en ce qu’il a dit qu’il y a un monde intelligible ; si toutefois nous avons soin de faire attention à la chose même et non à un mot qui, sur cette matière, n’est pas dans les habitudes de l’Eglise. Il a appelé monde intelligible cette raison éternelle et immuable par laquelle Dieu a fait le monde. Si on niait cette raison, il faudrait admettre que Dieu a fait ce qu’il a fait sans raison, ou bien que, pendant qu’il le faisait ou avant qu’il le fit, il ne savait pas ce qu’il faisait; ce qui serait arrivé s’il n’y avait pas eu en lui la raison de le faire. Que si au contraire cette raison était en lui, ce dont on ne saurait douter, c’est elle que Platon paraît avoir voulu désigner sous le nom de monde intelligible. Toutefois, si nous eussions été assez avancé déjà dans les sciences ecclésiastiques, nous ne nous fussions pas servi de ce terme.

3. Il me déplaît aussi qu’après avoir dit: « Le plus grand soin doit être apporté aux bonnes moeurs, » j’aie ajouté bientôt après: « Car autrement notre Dieu ne pourrait nous exaucer: tandis que ceux qui vivent bien, il les exaucera très-facilement 1 » On pourrait inférer de ces paroles que Dieu n’exauce pas les pécheurs. Quelqu’un a dit cela dans 1’Evangile, mais il ne connaissait pas encore le Christ, qui déjà lui avait ouvert les yeux du corps 2. Je suis au regret d’avoir donné tant de louanges au philosophe Pythagore «. Celui qui les écouterait ou les lirait, pourrait penser que je crois qu’il n’y a point d’erreurs dans la doctrine pythagoricienne, au lieu qu’il y en a de nombreuses et de capitales.

Cet ouvrage commence ainsi : « L’ordre des choses, mon cher Zénobe. »

 

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CHAPITRE IV.

LES DEUX LIVRES DES SOLILOQUES.

 

1. En même temps j’écrivis, sous l’inspiration de mon zèle et de mon amour, deux livres pour chercher la vérité sur des choses que je désirais surtout connaître, m’interrogeant et me répondant, comme si nous étions deux, la raison et moi, quoique je fusse seul. C’est pour cela que j’ai nommé ce traité Soliloques; mais il est resté imparfait; et cependant le premier livre recherche et montre ce que doit être celui qui veut posséder la sagesse, cette sagesse qu’on perçoit non pas par les sens, mais par

 

1. Liv. II, C. XX, n. 52.— 2. Jean, IX, 30, 31.— 3. Liv. II, C. XX, n. 53.

 

l’intelligence: et à la fin de ce même livre il est établi par une certaine argumentation que ce qui est vrai est immortel. Dans le second, il est longtemps question de l’immortalité de l’âme, mais la discussion n’est pas menée complètement à fin.

2. Dans ces livres, je n’approuve pas ce que j’ai dit dans une prière: « Dieu qui n’avez voulu faire savoir la vérité qu’aux coeurs purs 2 ». Car on peut répondre que beaucoup de gens qui n’ont pas le coeur pur savent beaucoup de vérités; et je ne définis pas ici quel est le genre de vérité que les coeurs purs peuvent seuls connaître; je ne définis pas non plus ce que c’est que savoir. De même pour ce passage : « Dieu, dont le royaume est tout le u monde qu’ignorent les sens 2; » il fallait ajouter, s’il est question de Dieu: « Vous qu’ignorent les sens d’un corps mortel.» Et s’il est question du monde que les sens ignorent, c’est-à-dire du monde futur formé d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle, il fallait y ajouter aussi : les sens d’un corps mortel. Mais je me servais encore de cette manière de parler qui attache au mot de « sens » la signification de sens corporels. Aussi n’ai-je pas à revenir sans cesse sur les remarques que j’ai faites plus haut à ce sujet a; on voudra bien s’y reporter chaque fois que pareille locution se présentera dans mes ouvrages.

3. Quand j’ai dit du Père et du Fils: « Celui qui engendre et celui qu’il engendre est un 4;  »je devais dire sont un, comme la divine Vérité le dit elle-même : « Mon Père et moi nous sommes un 5. » Il me déplaît aussi d’avoir dit que dans cette vie l’âme, en con naissant Dieu, est déjà bienheureuse, à moins que ce ne soit en espérance. De même, ce passage est mal sonnant : « Il n’y a pas qu’une seule voie qui mène à la sagesse 6. » Car il ne peut y

avoir d’autre voie que le Christ qui a dit : «Je suis la voie 7. » J’aurais dû éviter d’offenser

ici les oreilles religieuses ; quoique pourtant autre soit cette voie universelle, autres les voies

que chante le Psalmiste : «Faites-moi connaître vos voies, Seigneur, et enseignez-moi vos sentiers 8. » Ensuite lorsque j’ai écrit : «Il faut absolument fuir ces choses 9, » je devais prendre garde de paraître incliner vers la fausse maxime de Porphyre qui affirme

 

1. Liv. I, C. I, n. 2.— 2. Ibid. C. I, n. 3.— 3. Rétr. Liv. I, C. I et III. — 4. Lib. I, c. I, n. 4.— 5. Jean, X, 30. — 6. Liv. I, C. XIII, n. 23.— 7. Jean, XIV, 6. — 8. Ps. XXIV, 4. — 9. Liv. I, n. XXV, n. 24.

 

qu’il faut fuir tout ce qui est corps. Il est vrai, je n’ai pas dit « toutes les choses sensibles : j’ai dit « ces choses, » c’est-à-dire les choses corruptibles. Mais il valait mieux dire: De telles choses sensibles n’existeront pas dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre du siècle futur.

4. En un autre endroit j’ai dit encore: « Les savants formés aux connaissances libérales, les tirent certainement d’eux-mêmes par l’étude, comme si elles y étaient ensevelies dans l’oubli, et ils les en déterrent en quelque sorte 1. » Je blâme cette phrase; il est en effet plus croyable que si des esprits qu’on interroge bien font une réponse vraie sur certaines matières qu’ils n’ont pas étudiées; cela vient de ce que la lumière de la raison éternelle dans laquelle ils voient ces vérités immuables, leur est présente autant qu’ils peuvent la recevoir, et non pas de ce qu’ils les avaient connues autrefois et qu’ils les ont oubliées, comme le pensent Platon et quelques autres. C’est une opinion que j’ai combattue autant que l’occasion m’en a été offerte dans le 12° livre de la Trinité 2. Cet écrit commence ainsi : « Je roulais en moi-même beaucoup de sujets différents. »

 

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CHAPITRE V.

DE L’IMMORTALITÉ DE L’ÂME. — UN LIVRE.

 

1. Après les livres des Soliloques, étant revenu de la campagne à Milan, j’écrivis le livre de l’Immortalité de l’Ame, dont j’avais voulu faire comme une sorte de mémorial pour terminer les Soliloques que j’avais laissés inachevés. Je ne sais de quelle manière il tomba malgré moi entre les mains du public et se trouva compris dans mes opuscules. Il est si obscur par la complication et la brièveté de ses raisonnements, qu’il fatigue à la lecture même mon attention et qu’à peine m’est-il intelligible.

2. De plus, n’ayant en vue que les âmes des hommes, j’ai dit en un passage de ce livre « Il ne peut y avoir aucune connaissance dans celui qui n’a rien appris. » J’ai ajouté ailleurs : « La science n’embrasse que ce qui appartient à quelque connaissance 3. » Il ne m’est pas venu à l’esprit que Dieu n’acquiert aucune connaissance, et qu’il a cependant la science de toutes choses, et dans cette science la

 

1. Liv. II, C. XX, n. 35. — 2. Liv. XII, C. XV. — 3. C. I, n. 1.

 

prescience de l’avenir. De même en est-il pour ce qui est écrit: « Il n’y a de vie avec la raison que la vie de l’âme 1; » en effet, la vie en Dieu n’est pas sans la raison, puisque en lui est la vie souveraine et la souveraine raison. Et aussi ce que j’ai avancé plus haut : « Ce qui se comprend est toujours de la même manière 2 ; » puisque l’on comprend l’âme et qu’elle n’est pas toujours de la même manière. Mais ce que j’ai dit: « L’âme ne se peut séparer « de la raison éternelle, parce qu’elle ne lui est pas unie localement 3, » certes je ne l’aurais pas dit si j’eusse été alors assez instruit dans les Lettres sacrées pour me rappeler qu’il est écrit : « Vos péchés font une séparation entre « Dieu et vous 4». D’où il est donné à comprendre que l’on peut appliquer l’idée de séparation à des choses qui n’ont pas été unies par les lieux, mais incorporellement.

3. Qu’ai-je voulu signifier par ceci : « L’âme, si elle manque de corps, n’est pas dans ce monde 5? » Je ne saurais me le rappeler. En effet, est-ce que les âmes des morts ne manquent pas de corps, ou ne sont pas dans ce monde? Comme si les enfers n’étaient pas

dans ce monde. Mais puisque j’ai regardé la privation du corps comme un bien, j’ai  probablement voulu entendre sous le nom de corps les maux corporels. Que s’il en est ainsi, je me suis servi d’une expression trop inusitée. C’est aussi avec témérité que j’ai dit : « La souveraine essence donne au corps par le moyen de l’âme une forme par laquelle il est, tout autant qu’il est. Donc le corps subsiste par l’âme et il tient son être de cela même qui l’anime , soit universellement comme le monde, soit particulièrement comme tout animal dans le monde 6. » Tout cela est très téméraire. Ce livre commence par ces mots : « Si la science existe quelque part. »

 

CHAPITRE VI.

LIVRES DES ARTS LIBÉRAUX.

 

Vers le même temps, lorsque j’étais à Milan, me disposant à recevoir le baptême, je tentai aussi d’écrire les Livres des arts libéraux, interrogeant ceux qui étaient avec moi et qui n’éprouvaient pas d’éloignement pour des études de ce genre. Mon désir était de conduire ou de parvenir, comme à pas sûrs, aux

 

1. C. IV, n. 5. — 2. C I, n. I. — 3. C. VI, n. 11. —  4. Isa. LIX, 2. — 5. C. XIII, n. 22. — 6.C. XV, n. 24.

 

choses incorporelles par les choses corporelles. Mais je ne pus achever que le livre de la Grammaire, qui fut ensuite perdu de ma bibliothèque, et six volumes sur la Musique, considérée dans ce qui a rapport avec ce qu’on nomme le Rhythme. Ces six livres, je les achevai après mon baptême, et étant en Afrique de retour d’Italie; je n’avais fait que les commencer à Milan. Des cinq autres arts que j’avais également abordés, c’est-à-dire la Dialectique, la Rhétorique, la Géométrie, l’Arithmétique et la Philosophie, j’avais seulement posé les principes et nous les avons également perdus; mais je pense qu’ils sont entre les mains de quelqu’un.

 

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CHAPITRE VII.

DES MOEURS DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE ET DES MOEURS DES MANICHÉENS. — DEUX LIVRES.

 

1. J’étais baptisé, je me trouvais à Rome et je ne pouvais tolérer la jactance des Manichéens qui se vantent de la fausse et fallacieuse continence ou abstinence pour laquelle, afin de tromper les ignorants, ils se préfèrent aux vrais chrétiens, avec qui ils ne sont pas dignes d’être comparés. J’écrivis donc deux livres, l’un sur les Moeurs de l’Eglise catholique, l’autre sur les Moeurs des Manichéens.

2. Dans celui qui traite des moeurs de l’Eglise catholique, j’ai apporté un témoignage où on lit: « A cause de vous, nous sommes « frappés tout le jour; on nous regarde comme es brebis de tuerie 1. » J’ai été trompé par une faute de mon exemplaire, et je ne me souvenais pas assez des Ecritures, avec lesquelles je n’étais pas encore familier. Les autres exemplaires ne portent pas: « à cause de vous, nous sommes frappés tout le jour; » mais « nous sommes frappés de mort » ou, comme disent d’autres, « nous sommes mis à mort. » Ce sens est indiqué comme le plus vrai par les versions grecques, et c’est de cette langue, d’après la traduction des Septante, que les anciennes Ecritures divines ont été transportées en latin. Cependant, je me suis beaucoup appuyé sur ce texte dans ma discussion 2, et je ne réprouve nullement comme faux ce que j’ai dit sur le fond des choses. Seulement, je n’ai pas démontré suffisamment par ces paroles la concordance que je désirais établir entre l’Ancien et le Nouveau Testament. D’où est venue mon

 

1. Ps. XLIII, 22; Rom. VIII, 36. — 2. Liv. I, C. IX, n. 14, 15.

 

erreur, je l’ai dit; d’ailleurs, j’ai démontré cette concordance par beaucoup d’autres témoignages 1.

3. Semblablement, et presqu’aussitôt après, j’ai invoqué un passage du livre de la Sagesse, d’après mon exemplaire, où on lisait : « La sagesse enseigne la sobriété, la justice et la  vertu 2. » De cette citation j’ai déduit des choses très-vraies , mais à l’occasion d’une faute de copie 3. Quoi de plus vrai en effet que de soutenir que la sagesse enseigne la vérité de la contemplation, que je supposais signifiée par le nom de sobriété; et la probité des actes, que je croyais figurée par les deux autres mots justice et vertu? Or, les manuscrits les plus authentiques de la même version disent : « Elle enseigne la sobriété et la sagesse, la justice et la vertu. » Le traducteur latin a nommé ici les quatre vertus qui sont le plus souvent dans la bouche des philosophes; appelant sobriété la tempérance, donnant à la prudence le titre de sagesse, énonçant la force par le mot de vertu, et réservant à la justice seule son propre nom. Mais beaucoup plus tard nous avons trouvé dans les exemplaires grecs que ces quatre vertus portent, dans le livre de la Sagesse, les mêmes noms que leur donnent les Grecs. Ce que j’ai emprunté au livre de Salomon : « Vanité des vaniteux, dit l’Ecclésiaste 4, » je l’ai lu dans plusieurs textes, mais le grec ne l’a pas. Il dit: « Vanité des vanités. » Je ne l’ai vu qu’après. Je me suis assuré que le latin était plus exact, en disant des vanités plutôt que des vaniteux. Toutefois les déductions que j’ai tirées de ce texte fautif sont parfaitement légitimes, comme on peut s’en assurer 5.

4. Quant à ce que j’ai dit : « Celui-là même que nous voulons connaître, c’est-à-dire Dieu, commençons par l’aimer d’un entier amour 6; » il aurait mieux valu employer le mot sincère, que le mot entier; car il ne faudrait pas que l’on pût supposer que l’amour de Dieu ne pourra pas être plus grand lorsque nous le verrons face à face. Que l’on veuille donc bien accepter cette expression en ce sens que l’entier amour soit le plus grand que nous puissions espérer, tant que nous marchons dans la foi; il sera en effet plus complet, il sera absolument complet, mais par la claire vue. De même en parlant de ceux qui

 

1. Ibid. C. XVI, n, 26-29. — 2. Sap. VIII, 7. — 3. Liv. I, C. XVI, n. 27.— 4. Eccles. I, 2.— 5. Liv. I, C. XXI, n. 39. — 6. Liv. I, C. XXV, n. 47.

 

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secourent les pauvres, ce que j’ai écrit: « Ils sont appelés miséricordieux quand même ils seraient assez sages pour n’être plus troublés par aucune souffrance d’esprit 1, » ne se doit

point prendre comme si j’avais prétendu qu’il y a dans cette vie de tels sages; je n’ai pas dit:

« parce qu’ils sont » mais « quand même ils seraient. »

5. En un autre endroit, je me suis exprimé ainsi : « Mais lorsque cette charité fraternelle il aura nourri l’âme attachée à votre sein et l’aura fortifiée jusqu’à la rendre capable de suivre Dieu; aussitôt que sa majesté aura commencé à se dévoiler à l’homme autant qu’il lui suffit pendant son séjour sur cette terre, l’ardeur de la charité s’allume tellement, et c’est un tel incendie d’amour divin, que tous les vices sont consumés, l’homme purifié et sanctifié, et que la divinité de cette parole sacrée : Je suis un feu dévorant 3, se manifeste avec éclat. » Les Pélagiens pourraient penser que j’ai affirmé la possibilité d’une telle perfection dans la vie mortelle: qu’ils ne se l’imaginent point. Cette ardeur d’amour capable de monter à la suite de Dieu, et de consumer tous les vices, peut naître et grandir en cette vie; mais quant à achever ce pourquoi elle naît, et délivrer l’homme de tout vice, elle ne le peut. Cependant une aussi grande merveille s’accomplit par cette même ardeur d’amour, quand elle peut l’être et là où elle le peut, ainsi : comme le baptême de la régénération purifie de la culpabilité de tous les péchés qu’entraîne la tache originelle ou qu’a contractée l’iniquité humaine; de la même manière cette perfection purifie de toute la souillure des penchants mauvais dont l’infirmité humaine ne peut être exempte en cette vie. C’est dans ce sens, en effet, que doit être comprise cette parole de l’Apôtre: « Le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré lui-même pour elle; la purifiant dans le baptême de l’eau par la parole, afin qu’elle parût devant lui une Eglise glorieuse, sans tache, sans rides, sans quoi que ce fût de ce genre 4. » Car ici-bas est le baptême de l’eau par la parole, au moyen duquel l’Eglise est purifiée. Or, quand l’Eglise entière dit ici-bas : « Remettez-nous nos offenses 5, » elle n’est pas sans tache, sans ride, sans défaut de ce genre; et cependant c’est de ce qu’elle reçoit ici-bas

 

1. Liv. I, C. XXVII, n. 53. — 2. Ibid. C. XXX, n. 64. — 3. Deut. IV, 24; Héb. XII, 29. — 4. Eph. V, 25-27. — 6. Matth. VI, 12.

 

qu’elle s’élève à la perfection, à cette gloire qui n’est pas d’ici-bas.

6. Dans l’autre livre qui a pour titre : Des Moeurs des Manichéens, ce que j’ai avancé en ces termes: « La bonté de Dieu dispose tellement toutes les défections qu’elles sont là où  elles doivent être le plus convenablement, jusqu’à ce que par un mouvement ordonné elles reviennent au point d’où elles s’étaient éloignées 1, » ne doit pas être pris comme si toutes ces choses revenaient au point d’où elles se sont écartées, ainsi que le croyait Origène; mais seulement les choses qui sont sujettes à retour. Ainsi ceux qui sont punis du feu éternel ne reviennent pas à Dieu, qu’ils ont abandonné. C’est cependant la loi de toutes les défections de demeurer là où elles doivent être le plus convenablement; aussi ces damnés qui ne reviennent pas demeurent plus convenablement dans le supplice. Ailleurs j’ai dit : « Presque personne ne doute que les scarabées ne vivent de leurs excréments cachés et mis en boules 2;» mais beaucoup de gens en doutent, et il en est même qui n’en ont jamais entendu parler. Cet ouvrage commence par ces mots : « Nous avons assez fait, je pense, dans nos autres livres.... »

 

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CHAPITRE VIII.

DE LA GRANDEUR DE L’ÂME.

 

1. C’est dans la même ville, à Rome, que j’ai écrit un dialogue où sont traitées diverses questions relatives à l’âme, à savoir : d’où elle est, ce qu’elle est, quelle est sa grandeur, pourquoi elle a été donnée au corps, ce qu’elle devient quand elle s’unit au corps, et quand elle s’en sépare. Mais ce que nous avons discuté avec le plus de soin et d’application, c’est sa grandeur; désirant démontrer, si nous le pouvions, qu’elle n’est pas grande à la manière du corps, et que cependant elle est quelque chose de grand. Aussi cette étude a donné son nom à tout le livre qui a été appelé : De la Grandeur de l’Ame.

2. Lorsque j’ai dit dans ce livre : « L’âme me paraît avoir apporté avec elle tous les arts; et ce qu’on nomme apprendre ne me semble pas autre chose que se rappeler et se souvenir 3; » il ne faut pas induire, de cette parole, que je suppose que l’âme ait vécu pendant un temps, soit ici-bas, dans un autre

 

1. Liv. II, C. VII, n. 9. — 2. Ibid. C. XVII, n. 63.—  3. C. XX, n. 34.

 

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corps, soit ailleurs, dans un corps ou sans corps, ni qu’elle ait appris antérieurement dans une autre vie les connaissances sur lesquelles elle répond quand on l’interroge et sur lesquelles elle n’a pas encore été instruite ici-bas. Il se peut faire, en effet, comme nous l’avons remarqué dans le présent ouvrage 1, qu’elle en soit capable parce qu’elle est une nature intellectuelle, en relation non-seulement avec les choses intellectuelles, mais avec les immuables, et ainsi ordonnée que, lorsqu’elle se tourne vers les objets avec lesquels elle est en rapport ou vers elle-même, elle puisse, autant qu’elle les voit, donner à leur sujet des réponses véritables. Sans doute elle n’a pas apporté avec elle et ne connaît pas tous les arts de cette manière; en effet, elle ne saurait, sans avoir été enseignée, parler des arts qui se rapportent aux sens corporels, comme presque toute la médecine, comme toute l’astronomie. Mais sur ce que l’intelligence seule suffit à comprendre, ainsi que je l’ai dit, elle peut. quand elle s’interroge ou qu’on l’interroge bien et quand elle réfléchit, répondre justement.

3. Ailleurs : « Je voudrais, ai-je dit, faire ici bien des additions, et me contraindre, tandis que je vous enseigne, à ne rien faire autre chose que de me rendre à moi-même, à qui je me dois surtout. » J’aurais dû plutôt dire: « Me rendre à Dieu, à qui surtout je me dois. » Mais comme l’homme doit d’abord se rendre à lui-même, afin que partant de soi comme d’un degré il s’élève jusqu’à Dieu, à l’exemple de l’enfant prodigue, qui commença à revenir à soi avant de dire: « Je me lèverai et j’irai à mon père 2 » voilà pourquoi je me suis exprimé de la sorte. Peu après, du reste, j’ai ajouté : « Puissé-je devenir aussi l’ami et l’esclave de Dieu 3 !» Ces mots: «à qui je me dois surtout, » je les entendais donc par rapport aux hommes; en effet, je me dois beaucoup plus à moi qu’aux autres hommes, quoique je me doive à Dieu plus qu’à moi-même. Ce livre commence ainsi: « Puisque je vous vois des loisirs surabondants. »

 

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CHAPITRE IX.

DU LIBRE ARBITRE. — TROIS LIVRES.

 

1. Pendant que nous résidions encore à Rome, nous voulûmes discuter la question de

 

1. C. IV, n. 4. — 2.  Luc, XV, 18. — 3. C.XXVIII, n. 55.

 

l’origine du mal. Nous désirions dans ces conférences, s’il était possible et autant qu’il serait possible avec l’aide de Dieu, rendre à notre intelligence un compte exact et réfléchi de ce que nous en croyions déjà par notre soumission à l’autorité divine. Et comme après avoir profondément débattu la question, il demeura constant pour nous que le mal ne provenait que du libre arbitre de la volonté, les trois livres qui furent le produit de ce débat s’intitulèrent du Libre Arbitre. C’est en Afrique, et étant déjà ordonné prêtre à Hippone, que j’ai terminé le second et le troisième comme je l’ai pu alors.

2. Parmi les nombreux sujets que traitent ces livres, plusieurs questions incidentes, que je ne pouvais résoudre ou qui auraient demandé alors de plus longs développements, sont renvoyées : toutefois de chaque côté et sur tous les points de ces questions où l’on ne découvrait pas ce qui était. le plus en harmonie avec la vérité, notre raisonnement concluait que, quelle que fût cette vérité, il fallait croire ou même il était démontré que Dieu doit en être béni. Le débat, en effet, fut entrepris à l’occasion de ceux qui nient que l’origine du mal se trouve dans le libre arbitre et qui soutiennent que, s’il en est ainsi, on doit accuser Dieu, le créateur de toutes les natures; ils veulent de cette manière, dans les aberrations de leur impiété (car ce sont les Manichéens), faire intervenir une sorte de nature du mal, coéternelle à Dieu et immuable comme Lui. Quant à la grâce par laquelle Dieu a prédestiné ses élus et prépare les volontés de ceux qui parmi eux jouissent déjà de leur libre arbitre, il n’en a point été traité dans ces livres, la question n’étant pas là précisément. Mais lorsqu’il y a eu lieu de faire mention de cette grâce, on l’a rappelée en passant et non pas comme s’il s’agissait de la défendre par une argumentation approfondie. Autre chose est, en effet, de rechercher d’où vient le mal; autre chose, de rechercher par où l’on retourne au bien primitif et par où l’on arrive à un plus grand.

3. Ainsi donc, que les Pélagiens, ces nouveaux hérétiques qui affirment le libre arbitre au point de ne plus laisser place à la grâce de Dieu, puisqu’ils prétendent que cette grâce est donnée selon nos mérites; que les Pélagiens ne s’exaltent pas comme si j’avais soutenu leur cause, en disant du libre arbitre beaucoup de choses qu’exigeait la nature de cette (315) discussion. Ainsi, par exemple, dans le premier livre, j’ai dit que la justice de Dieu tirait vengeance des méfaits, et j’ai ajouté : « Ces méfaits ne seraient pas punis justement, s’ils n’étaient pas l’oeuvre de la volonté 1.» Comme, de plus, je démontrais que la bonne volonté elle-même est un grand bien, et si grand, qu’il est à bon droit préférable à tous les biens corporels et extérieurs, j’ai dit : « Vous voyez déjà, je pense, qu’il dépend de notre volonté de jouir ou d’être privés d’un bien si vrai et si grand; qu’y a-t-il en effet qui soit autant dans la volonté que la volonté elle-même 2? » Et ailleurs: « Pourquoi donc, je le demande, songerions-nous à douter que, n’eussions-nous jamais été sages auparavant, c’est par la volonté que nous méritons et que nous menons une vie louable et heureuse, comme c’est par la volonté que nous méritons et que nous menons une vie honteuse et misérable 3? » Dans un autre endroit encore: « Il suit de là, je le répète, que quiconque veut vivre régulièrement et honnêtement, s’il s’attache à ce vouloir par préférence aux choses passagères, acquiert un si grand bien avec tant de facilité, qu’il ne lui faut, pour avoir ce qu’il a voulu, que le vouloir 4. »

Ailleurs, j’ai dit aussi : « Cette loi éternelle, à la considération de laquelle il est temps de  revenir, a établi avec une fermeté inébranlable que le mérite est dans la volonté, la récompense et le supplice dans la béatitude et la misère 5. » Et ailleurs: « Ce que chacun choisit de suivre et d’embrasser, est positivement au pouvoir de la volonté 6 » Dans le

second livre : « L’homme lui-même, en tant qu’homme, est quelque chose de bon, puisque, quand il veut bien vivre, il le peut 7. » J’ai dit encore en un autre endroit: « Rien ne se peut faire de bien sans le libre arbitre de la volonté 8. » Dans le troisième livre : « Qu’est-il besoin de chercher d’où vient ce mouvement qui éloigne la volonté du bien immuable et l’entraîne au bien passager; puisque nous avouons qu’il ne saurait être qu’un mouvement de l’âme, mouvement volontaire, et par suite mouvement coupable; et tout ce qu’on peut enseigner d’utile là-dessus n’a pour effet que de nous faire condamner et comprimer ce mouvement pour diriger notre

 

1. Liv. I, C. I, n. 1. — 2. Ibid. C. XII, n, 26. — 3. Ibid. C. XIII, n. 28. —4. Ibid. n. 29. — 5. Ibid. C. XIV, n. 30. — 6. Ibid. C. XVI, n. 34. — 7. Liv. II, C. I, n. 2. — 8. Ibid. C. XVIII, n. 47.

 

 volonté vers la jouissance du bien éternel en la relevant des chutes vers les choses temporelles 1? » Et ailleurs : « Votre réponse est le cri  de la vérité même; autrement vous ne pourriez sentir qu’il n’y a en notre puissance que ce  que nous faisons quand nous le voulons.  Aussi n’est-il rien tant en notre pouvoir que la volonté même. Car aussitôt que nous voulons, elle est là sous la main et sans retard 2. » De même, en un autre endroit: « Si vous êtes loué de voir ce que vous devez faire, bien que vous ne le voyiez que dans Celui qui est l’immuable vérité, combien plus louable est Celui qui a ordonné de vouloir, qui en a donné le pouvoir et qui ne permet point qu’on ne veuille pas impunément? » Et j’ai ajouté : « Si chacun doit ce qu’il a reçu et si l’homme est ainsi fait qu’il pèche par nécessité, pécher est un devoir pour lui. Donc quand il pèche, il fait ce qu’il doit. Mais c’est un crime de parler de la sorte; personne n’est donc par sa nature nécessité à pécher 3. » Et encore : « Quelle pourrait  être avant la volonté, la cause de la volonté? En effet, ou c’est la volonté même, et on ne se sépare pas de cette racine de la volonté; ou bien ce n’est pas la volonté, et alors elle est sans péché. Donc, ou la volonté est la cause première du péché, ou la cause première du péché n’est pas un péché, et on ne peut imputer le péché si ce n’est au pécheur. On ne peut donc imputer le péché qu’à celui qui l’a voulu 4. » Et un peu plus loin: « Qui pèche en un acte dont on ne peut aucunement se garder? Or on pèche; donc on peut s’en garder 5. » Voilà le témoignage que Pélage m’a emprunté dans un de ses livres; j’ai répondu à ce livre et j’ai voulu que mon traité

eût pour titre: De la Nature et de la Grâce.

4. Dans celles de mes paroles que je viens de citer et dans d’autres semblables, comme il n’est point fait mention de la grâce de Dieu, dont il ne s’agissait pas alors, les Pélagiens estiment ou peuvent estimer que nous avons professé leurs sentiments : erreur. C’est par la volonté que l’on pèche et que l’on vit bien; nous l’avons démontré dans ces passages. Donc si par la grâce de Dieu la volonté elle-même n’est délivrée de la servitude qui 1a fait esclave du péché, et aidée à dompter les vices, les hommes ne peuvent vivre ni avec piété ni avec

 

1. Liv. III, C. I, n. 2. — 2. Ibid. C. III, n. 7. — 3. Ibid. C. XVI, n. 46. — 4.  Ibid. C. XVII, n. 49. —  5. Ibid. C. XVIII, n. 50.

 

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justice. Et si ce bienfait divin qui la délivre ne la prévenait, il faudrait l’attribuer à ses mérites;

alors ce ne serait plus la grâce, car la grâce se donne gratuitement. Nous en avons traité suffisamment dans nos autres opuscules, en réfutant ces ennemis de la grâce, ces hérétiques nouveaux. Néanmoins dans ces livres du Libre Arbitre, qui étaient dirigés contre les Manichéens, et non pas contre eux, puisqu’ils n’existaient point encore, nous n’avons pas entièrement gardé le silence sur cette grâce de Dieu, que leur criminelle impiété cherche à détruire. En effet nous avons dit dans le second livre que non-seulement les grands biens, mais les plus petits ne peuvent venir que de Celui d’où viennent tous les biens, c’est-à-dire de Dieu. Et un peu plus loin: « Les vertus qui font bien vivre sont les grands biens; les formes apparentes des différents corps, sans lesquelles on peut bien vivre, sont les moindres biens; les puissances de l’âme sans lesquelles on ne peut bien vivre, sont les biens moyens. Personne n’use mal des vertus; les autres biens, les moyens et les moindres, on en peut user bien ou mal. Et la raison pour laquelle personne n’use mal de la vertu, c’est que l’oeuvre de la vertu est le bon usage de ces biens dont nous pouvons aussi ne pas bien user; or, en usant bien, on n’use pas mal. C’est pourquoi dans la surabondance et la grandeur de sa bonté, Dieu nous a accordé non-seulement les grands biens, mais les moyens et les moindres. Cette bonté, il la faut louer plus dans les grands biens que dans les moyens, et plus dans les moyens que dans les plus petits; mais plus encore dans la totalité, que s’il ne nous les avait pas accordés tous 1. » Et ailleurs : « Quant à vous, tenez pour certain et avec une inébranlable piété, qu’il ne vous arrive aucun bien, soit que vous le sentiez, soit que vous le compreniez, soit que vous y pensiez en quelque manière, que ce bien ne vienne de Dieu. » J’ai dit encore ailleurs : « Comme l’homme qui est tombé de lui-même ne peut pas se relever de lui-même, saisissons avec une foi ferme la main de Dieu qui nous est tendue d’en-haut, c’est-à-dire Notre-Seigneur  Jésus-Christ 2. »

5. Dans le troisième livre, après ces paroles que Pélage a empruntées à mes opuscules, ainsi que je l’ai rapporté : « Qui pèche en un acte dont on ne peut aucunement se garder?

 

1. Liv.II, C. XIX, n. 50. — 2. Ibid. C. XX, n. 54.

 

Or on pèche; donc on peut s’en garder, » j’ai ajouté immédiatement : « Toutefois, il y a certains actes commis par ignorance, qui sont blâmés et qu’on juge dignes d’être corrigés, comme nous le lisons dans les divines Ecritures. L’Apôtre dit en effet: J’ai obtenu miséricorde parce que j’ai agi dans l’ignorance 1. Et le Prophète dit aussi: Ne vous souvenez pas des fautes de ma jeunesse et de mon ignorance 2 . Il y a aussi des actes de nécessité qui sont blâmables: quand par exemple l’homme veut faire bien et qu’il ne le peut. Car que signifient ces paroles : Le bien que je veux, je ne le fais pas, et le mal que je hais, je le fais; et encore : Le vouloir réside en moi, mais accomplir le bien, je ne l’y trouve pas 3? Et ceci : La chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair; car ils sont opposés l’un à l’autre, de sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez 4. Mais tout cela regarde les hommes qui naissent sous cet arrêt de mort. Car si c’était là la nature de l’homme et non son châtiment, il n’y aurait pas là de péchés. En effet si on ne s’écarte pas de l’état où on a été formé naturellement, et qu’on ne puisse être mieux, quand on agit ainsi, on fait ce qu’on doit. Si l’homme était naturellement bon, il ferait autrement; mais maintenant, puisqu’il est ainsi, il n’est pas bon et il n’est pas en son pouvoir de l’être, soit qu’il ne voie pas ce qu’il devrait être, soit qu’il le voie et qu’il ne puisse pas y arriver. C’est un châtiment: qui en doute? Or, tout châtiment, s’il est juste, est la peine du péché et s’appelle supplice. Que si la peine est injuste, comme personne ne doute que c’en soit une, elle est imposée à l’homme par une domination injuste. Mais comme ce serait une folie de douter de la justice et de la toute-puissance de Dieu, cette peine est juste, et elle a été méritée par quelque péché. Car aucune domination injuste n’a pu, pour livrer l’homme aux tortures d’un châtiment injuste, le soustraire à Dieu à son insu ou le lui arracher malgré lui et comme de force, par la terreur ou par la victoire. Il faut donc s’arrêter à croire que ce juste châtiment vient de l’arrêt qui condamne l’homme 5. » Je dis aussi en un autre

endroit: « Approuver le faux, le prendre pour le vrai, se tromper malgré soi, et devant les

 

1. Tim. I, 13. —  2. Ps. XXIV, 7. — 3. Rom. VII, 15-18. — 4. Galat. V, 17. — 5. Liv. III, C. XVIII, n. 50-51.

 

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résistances douloureuses des liens charnels, ne pouvoir s’affranchir des oeuvres de la passion , ce n’est pas la nature originelle de l’homme, c’est la peine de sa condamnation. Mais lorsque nous parlons de la libre volonté de faire le bien, nous entendons parler de celle dans laquelle l’homme a été créé 1. »

6. Ainsi, bien avant que l’hérésie pélagienne apparût, nous avons discuté comme si c’eût été contre elle. Car, en disant que tous les biens, c’est-à-dire les grands, les moyens et les petits, viennent de Dieu, on rencontre dans les moyens le libre arbitre de la volonté, parce que nous pouvons en faire un mauvais usage; il est tel cependant que sans lui nous ne pouvons bien vivre. Ce bon usage est une vertu, et elle se compte parmi les grands biens dont nul ne peut faire un mauvais usage. Et comme tous les biens, ainsi que je l’ai dit, les grands, les moyens et les petits, viennent de Dieu, il s’ensuit que le bon usage de la libre volonté, qui est une vertu et se compte parmi les grands biens, vient aussi de Dieu. J’ai remarqué ensuite de quelle misère justement infligée aux pécheurs délivre la grâce de Dieu, puisque l’homme de lui-même et par son libre arbitre a bien pu tomber, mais n’a pu se relever. C’est à cette misère que se rapportent l’ignorance et l’impuissance dont souffre tout homme dès le moment de sa naissance; et personne n’est affranchi de ce mal que par là grâce de Dieu 2. Or, les Pélagiens ne veulent pas que cette misère provienne d’une juste condamnation, car ils nient le péché originel. Quand même l’ignorance et l’impuissance auraient été des attributs naturels et primitifs de l’homme, Dieu n’en saurait encourir de reproche: il l’en faudrait louer au contraire, ainsi que nous l’avons examiné dans ce même livre troisième 3. Cette controverse doit être à l’adresse des Manichéens, qui n’admettent pas les saintes Ecriture de l’Ancien Testament, où est relaté le péché originel, et qui prétendent avec une impudence détestable que tous les passages des écrits apostoliques qui en sont tirés, ont été interpolés par des faussaires de l’Ecriture sainte, comme si les Apôtres n’en avaient jamais parlé. Mais les Pélagiens faisant profession d’accepter l’Ancien et le Nouveau Testament, c’est contre eux qu’il faut défendre ce que nous enseignent l’un et l’autre. L’ouvrage

 

1.Liv. III, C. XVIII, n. 52. — 2. Liv. II, C. XX; liv. III, C. XVIII. — 3. Liv.III, C. XX et XXX.

 

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commence ainsi: « Dites-moi, je vous prie, si Dieu n’est pas l’auteur du mal. »

 

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CHAPITRE X.

DE LA GENÈSE CONTRE LES MANICHÉENS. — DEUX LIVRES.

 

1. Etabli en Afrique, j’ai écrit deux livres sur la Genèse contre les Manichéens. En montrant, par les dissertations de mes précédents ouvrages, que Dieu est le souverain bien, l’immuable Créateur de toutes les natures muables, et qu’il n’y a pas de nature ou de substance mauvaise en tant que nature et que substance, mon intention était en éveil contre les Manichéens; cependant j’ai voulu publier ostensiblement contre eux ces deux livres pour la défense de l’ancienne loi, parce qu’ils l’attaquent dans leur folie avec une ardeur véhémente. Le premier traite de cette parole: « Au commencement Dieu fit le ciel et la terre 1,» et suit l’oeuvre des sept jours jusqu’à celui où Dieu se repose. Le second explique depuis ces mots: «Ce livre est celui de la création du ciel et de la terre 2, » jusqu’à l’expulsion d’Adam et d’Eve du paradis et la garde de l’arbre de vie confiée au chérubin. A la fin du livre, j’ai opposé la croyance de la vérité catholique à l’erreur des Manichéens, résumant avec rapidité et clarté ce qu’ils disent et ce que nous disons.

2. Quand j’ai dit: « Il ne repaît pas les regards des êtres sans raison, mais les coeurs purs de ceux qui croient en Dieu et qui s’élèvent de l’amour des choses visibles et temporelles, à l’accomplissement de ses préceptes; ce que les hommes peuvent tous, pourvu qu’ils le veuillent 3 ;» il ne faut pas que les Pélagiens, ces nouveaux hérétiques, s’imaginent que j’ai parlé dans leur sens. Il est absolument vrai, en effet, que tous les hommes ont ce pouvoir, pourvu qu’ils le veuillent; mais la volonté est préparée par le Seigneur, et elle est tellement aidée par le don de la charité qu’elle peut y parvenir. Si je n’ai pas donné alors cette explication, c’est qu’elle n’était point nécessaire à la question présente. J’ai écrit que cette bénédiction de Dieu: « Croissez et multipliez 4, » s’est appliquée, après le péché, à la fécondité charnelle ‘; mais je ne l’approuve nullement, si on ne peut l’expliquer que par la

 

1. Gen. I, 1.— 2. Gen. II, 4. —  3. Liv. I, C. III, n.6. — 4. Gen. I, 28. — 5. Liv. I, C. XXX, n. 30.

 

 

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pensée que les hommes ne devaient pas avoir de fils à moins qu’ils ne péchassent. Parce qu’il y a des quadrupèdes et des oiseaux qu’on voit se nourrir exclusivement de chair, il ne serait pas non plus logique de supposer qu’il n’y a qu’une allégorie dans ce qui est dit que les plantes et les arbres à fruits sont donnés en nourriture, dans le livre de la Genèse, à toutes les espèces d’animaux, d’oiseaux et de reptiles 1. Il pourrait en effet se faire que les animaux fussent aussi nourris par les hommes avec les fruits de la terre, si par l’obéissance dont ces hommes eux-mêmes, dans l’état d’innocence, auraient fait profession au service de Dieu, ils avaient mérité que tous les animaux et les oiseaux mêmes leur fussent absolument soumis. De même on peut s’étonner que j’aie dit du peuple d’Israël: « Par la circoncision corporelle et par les sacrifices, ce peuple, au milieu de l’océan des nations, suivait la loi de Dieu 2» puisque le peuple d’Israël ne pouvait sacrifier au milieu des nations, et qu’il restait plutôt sans sacrifices comme nous le voyons encore aujourd’hui; à moins toutefois qu’on ne considère comme un sacrifice l’agneau qui s’immole pour la pâque.

3. Dans le second livre, quand j’ai avancé que le nom de « nourriture» pouvait s’expliquer par la vie 3; comme les meilleures traductions portent non pas « nourriture », mais « foin », je n’ai pas été assez exact. On ne peut pas étendre la signification du mot « foin» à l’idée de vie, comme on peut le faire pour «nourriture. » Il me semble aussi que 4 je n’ai pas eu raison de traiter de prophétiques ces paroles: « Que t’enorgueillis-tu, terre et cendre 5? » Car elles ne sont pas dans le livre d’un de ces écrivains que nous soyions sûrs de pouvoir appeler prophètes. Et ce mot de l’Apôtre, quand il cite le témoignage suivant de la Genèse: « Le premier homme, Adam, a été « fait âme vivante 6, » je ne l’ai pas compris comme le voulait l’Apôtre. J’exposais en effet ceci: « Dieu souffla sur sa face un souffle de « vie, et l’homme fut fait âme vive ou âme « vivante 7. » Or, l’Apôtre invoque cette citation pour prouver que le corps est animé, et moi j’ai voulu montrer que non pas le corps de l’homme seulement, mais tout l’homme avait été animé dès l’abord 8. Quand ensuite j’ai

 

1.Liv. I, C. XX, n. 31. — 2. Ibid. C. XXIII, n. 40. — 3. Liv. II, C. III, n. 4. — 4. Ibid. C. V, n. 6. — 5. Eccli. X, 9. — 6.  I Cor. XV, 45. — 7. Gen. II, 7. — 8. Lib. II, C. VIII, n. 10.

 

dit : « Les péchés ne nuisent qu’à la nature qui les commet 1; » je l’ai dit en ce sens que celui qui nuit au juste, ne lui nuit pas véritablement, puisqu’il augmente sa récompense dans le ciel; mais il se nuit à soi-même en péchant, parce que, à cause de sa volonté perverse, il recevra l’équivalent du dommage qu’il a causé. Les Pélagiens, sans doute, peuvent abuser de cette pensée dans leur sens et dire que les péchés d’autrui n’ont pas nui aux petits enfants, puisque selon moi : « Les péchés ne nuisent qu’à la nature qui les commet. » Mais ils ne considèrent pas que les petits enfants qui participent à la nature humaine, en subissent le péché originel, puisque la nature humaine a péché dans nos premiers parents et que, par suite, aucun péché ne nuit à la nature humaine excepté les siens. « Car le péché est entré dans le monde par un seul homme en qui tous ont péché 2.» Aussi ai-je dit: « Les péchés ne nuisent qu’à la nature, et « non pas à l’homme qui les commet. » J’ai dit peu après: « Il n’y a pas de mal naturel 3;» ces hérétiques pourraient aussi peut-être s’en prévaloir frauduleusement; mais ce mot s’applique à la nature telle qu’elle a été primitivement constituée sans défaut; c’est elle qui s’appelle vraiment et proprement la nature de l’homme. En étendant le sens de cette expression, nous appelons aussi nature, celle que l’homme apporte en naissant; ainsi l’Apôtre a dit: « Car nous avons été par nature, enfants de colère comme les autres 4. » Cet ouvrage commence ainsi: « Si les Manichéens « choisissaient ceux qu’ils veulent tromper. »

 

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CHAPITRE XI.

LES SIX LIVRES DE LA MUSIQUE.

 

1. Ainsi que je l’ai dit plus haut 5, j’ai écrit ensuite six livres sur la Musique; le sixième, surtout, a été le plus répandu, -parce qu’on y agite une question digne d’être connue, à savoir comment, par les nombres corporels et spirituels, mais muables, on arrive aux nombres immuables, lesquels sont dans l’immuable vérité elle-même, et comment ainsi on voit les perfections invisibles de Dieu par les choses qu’il a créées 6. Ceux qui n’y peuvent parvenir, tout en vivant de la foi du Christ, en obtiennent la vue avec plus de félicité et de certitude après cette vie, Mais si ceux qui le peuvent, n’ont pas

 

1. Ibid. C. XXIX, n. 43. — 2. Rom. V, 12. — 3. Liv. II, C. XXIX, n. 43. — 4. Eph. XI, 3. — 5. Rétr. Liv. I, C. VI. — 6. Rom. I, 20.

 

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la foi du Christ, du Christ, l’unique médiateur entre Dieu et les hommes, ils périssent avec toute leur sagesse.

2. Lorsque j’ai dit, dans ce livre : « Les corps sont d’autant meilleurs qu’ils renferment plus de nombres pareils; mais l’âme, en manquant de ceux qu’elle reçoit par le «corps, devient meilleure; puisqu’elle s’éloigne des sens charnels et qu’elle se réforme selon les nombres divins de la sagesse 1; »ces paroles ne doivent pas être prises comme s’il ne devait pas y avoir de nombres corporels dans les corps incorruptibles et spirituels, puisqu’ils doivent être beaucoup plus beaux et plus harmonieux : il ne faut pas non plus y voir la pensée que l’âme ne doit pas y être sensible quand elle sera excellente, de même qu’elle devient meilleure ici-bas quand elle en est privée. Ici, en effet, l’âme a besoin de s’éloigner des sens charnels pour comprendre les choses intellectuelles, parce qu’elle est faible et impropre à appliquer son attention aux uns et aux autres ensemble. Dans les objets corporels, elle doit fuir la séduction maintenant et aussi longtemps qu’elle peut être entraînée à de honteux plaisirs; mais alors elle sera si ferme et si parfaite que les nombres corporels ne pourront pas la détourner de la contemplation de la sagesse; elle y sera sensible sans en être séduite, et ne devra pas en être privée pour devenir meilleure; au contraire, elle sera si bonne et si droite que ces nombres corporels ne pourront la décevoir ni l’arrêter.

3. De même ces paroles: « La santé sera toute ferme et tout assurée, alors que notre «corps aura été rendu en son temps et selon u son ordre à sa stabilité première 2, » ne sont pas employées pour signifier qu’après la résurrection les corps ne seront pas meilleurs que ceux du premier couple dans le paradis, puisqu’ils n’auront pas à se nourrir des aliments corporels dont ceux-là se nourrissaient; mais la stabilité première doit être comprise en tant que ces corps ne souffriront plus aucune maladie, de même que ceux-là n’en pouvaient souffrir avant le péché.

4. Ailleurs : « L’amour de ce monde est bien plus laborieux, ai-je dit. En effet, ce que l’âme cherche en lui, à savoir la constance et l’éternité, elle ne l’y trouve pas; car cette infime beauté du monde n’existe que par le mouvement des choses, et ce qui imite

 

1. Liv. VI, C. IV, n. 7. — 2. Ibid, C. V, n. 13.

 

 

« en elle la constance lui vient de Dieu par l’âme; par l’âme qui ne changeant qu’avec le temps prime le monde qui change avec le temps et les lieux 1. » Si ces paroles peuvent être prises en ce sens qu’elles ne montrent l’infime beauté que dans le corps des hommes et des animaux qui vivent avec le sentiment de leurs corps, elles sont manifestement fondées en raison. En effet, ce qui dans cette beauté imite la constance, c’est la cohésion qui conserve ces corps dans leur identité tout le temps qu’ils existent : et cela leur vient de Dieu par l’âme. Car l’âme est le lien de cette cohésion qui empêche la dissolution et la dispersion que nous voyons arriver dans les corps des animaux quand l’âme les quitte. Mais si on entend cette infime beauté de tous les corps, une telle pensée contraint de croire que le monde aussi est animé. Dans ce cas, en effet, ce qui en lui imite la constance lui viendrait de Dieu par l’âme.

Or, cette pensée d’un monde animé qu’a eue Platon et qu’ont soutenue plusieurs autres philosophes, je n’ai pu ni la justifier par la raison, ni la démontrer par l’autorité des divines Ecritures. C’est pourquoi si on a pu interpréter en ce sens quelqu’une de mes paroles, je l’ai notée déjà comme téméraire dans le livre de l’Immortalité de l’Ame 2; non pas que j’affirme qu’il soit faux que le monde soit animé, mais parce que je ne comprends pas que ce soit vrai. Ce que je tiens comme inébranlablement assuré, c’est que ce monde n’est pas un Dieu pour nous, qu’il ait une âme ou n’en ait point. S’il en a une, celui qui l’a faite est notre Dieu; s’il n’en a pas, ce monde ne peut être le Dieu de rien, encore moins peut-il être le nôtre. Cependant lors même que le monde n’aurait pas d’âme, on croit avec beaucoup de raison qu’il y a en lui une vertu vitale et spirituelle; cette vertu dans les saints Anges sert à orner et à gouverner le monde pour la gloire de Dieu et l’avantage de ceux mêmes qui ne la comprennent pas. J’appelle maintenant du nom de saints Anges toute sainte créature spirituelle consacrée au service secret et caché de Dieu; mais les divines Ecritures n’ont pas coutume de donner le nom d’âmes aux esprits angéliques. Ainsi donc, dans ce que j’ai écrit vers la fin de ce livre : « Les nombres raisonnables et intellectuels des âmes bienheureuses et saintes reçoivent, sans aucune nature intermédiaire,

 

1. Ibid. C. XIV, n. 43. — 2. Rétr. Liv. I, C. V, n. 3.

 

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la loi de Dieu, de ce Dieu sans la volonté de qui une feuille ne tombe pas, de ce Dieu qui a compté tous les cheveux de notre tête; et ils transmettent cette loi jusqu’aux domaines de la terre et des enfers 1; » je ne trouve pas que ce mot d’âmes puisse être usité d’après la

sainte Ecriture, puisque je n’ai voulu parler ici que des saints Anges, et que je ne me souviens pas d’avoir jamais lu dans les livres canoniques qu’ils aient des âmes. Ce livre commence ainsi : « Assez longtemps déjà. »

 

CHAPITRE XII.

DU MAÎTRE. — UN LIVRE.

 

Dans le même temps j’ai écrit un livre intitulé : du Maître. On y examine, on y recherche et on y trouve cette vérité qu’il n’y a, pour enseigner la science à l’homme, d’autre maître que Dieu, selon ce qui est écrit dans l’Evangile : « Votre unique Maître est le Christ 2. » Ce livre commence ainsi: « Que vous semble-t-il que nous voulions réaliser quand nous  parlons? »

 

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CHAPITRE XIII.

DE LA VRAIE RELIGION. — UN LIVRE.

 

1. C’est aussi en ce moment que j’écrivis le livre de la Vraie Religion. On y expose à fond et avec étendue que le seul vrai Dieu, c’est-à-dire la Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, doit être l’objet du culte de la vraie religion; par quelle grande miséricorde ce Dieu a accordé aux hommes dans l’économie des temps la religion chrétienne, qui est la vraie religion, et combien l’homme doit s’assujettir à ce culte divin par un genre de vie déterminé. Mais c’est surtout contre les deux natures des Manichéens que ce livre s’élève.

2. Je dis en un endroit: « Tenez pour manifeste et pour acquis qu’il n’aurait jamais pu y avoir d’erreur dans la religion, si l’âme ne rendait les honneurs divins à l’âme, au corps, ou à ses fantastiques imaginations 3. » J’ai employé ici le mot d’âme pour signifier toute créature incorporelle; en cela je n’ai pas suivi l’usage des Ecritures. Quand elles se servent du mot âme sans métaphore, j’ignore si elles veulent qu’on comprenne seulement celle qui anime les animaux mortels, parmi lesquels sont les hommes eux-mêmes en tant que

 

1. Liv. VI, C. XVII, n; 28. — 2. Matth. XXIII, 10. — 3. C. X, II. 18.

 

mortels. Peu après, j’ai mieux et plus brièvement exprimé le même sens en disant: « Ne servons donc point la créature de préférence au Créateur, et ne nous perdons pas dans la vanité de nos pensées : voilà la religion parfaite 1. » En employant ici le seul mot de

créature, j’ai désigné à la fois la créature spirituelle et la créature corporelle. Et au lieu des

« fantastiques imaginations, » j’ai dit: « Et ne nous perdons pas dans la vanité de nos pensées.»

3. Quand j’ai ajouté: « C’est de notre temps la religion chrétienne dont la connaissance et la pratique fait la certitude et la sécurité du salut ; » j’ai eu égard au nom et non à la chose qu’il exprime. Car ce qui se nomme aujourd’hui religion chrétienne, existait dans l’antiquité et dès l’origine du genre humain jusqu’à ce que le Christ s’incarnât, et c’est de lui que la vraie religion qui existait déjà, commença à s’appeler chrétienne. En effet lorsque, après sa résurrection et son ascension, les Apôtres se mirent à le prêcher et que beaucoup croyaient déjà, ses disciples commencèrent à être appelés chrétiens à Antioche d’abord, comme il est écrit 2. C’est pourquoi j’ai dit : « C’est de notre temps la religion chrétienne, » non pas qu’elle n’ait point existé dans les temps antérieurs, mais parce qu’elle a reçu ce nom dans les temps postérieurs.

4. Ailleurs j’ai dit: « Appliquez-vous donc à ce qui suit, avec piété et avec soin, autant que vous le pourrez; car Dieu aide ceux qui sont tels 3. » Il ne faudrait pas comprendre ce mot tels dans le sens que Dieu n’aide que ceux qui sont tels, puisqu’il aide ceux-là mêmes qui ne le sont point pour les rendre tels, c’est-à-dire qu’il les aide pour qu’ils cherchent avec piété et avec diligence; tandis que ceux qui sont tels, il les aide pour qu’ils trouvent. Plus loin : « Il sera ensuite équitable qu’après la  mort corporelle, que nous devons au péché originel, ce corps soit rendu, à son temps et  dans son ordre, à sa stabilité primitive 4. »Cette phrase doit se prendre dans le sens que la stabilité primitive du corps que nous avons perdue par le péché, comportait tant de félicité, qu’il ne devait pas éprouver le déclin de la vieillesse. Cette stabilité primitive lui sera restituée à la résurrection des morts. Il aura davantage encore; car il n’aura pas besoin

 

1.  Ibid. XIX. — 2. Act. XI, 26. — 3. C. X, n. 18-20. — 4. C. XII, n. 25.

 

 

d’être entretenu par les aliments corporels. Mais il sera suffisamment animé par l’esprit seul lorsqu’il ressuscitera pour s’unir à un esprit vivifiant et que par là il sera devenu un corps spirituel; tandis que dans l’origine, bien qu’il ne dût pas mourir si l’homme n’eût pas péché, comme il était formé pour une âme vivante il était simplement un corps animal.

5. Ailleurs encore : «Le péché est un mal si volontaire, qu’il n’y a pas de péché là où il n’y a pas de volonté 1. » Cette définition peut paraître fausse; mais en la discutant avec soin, on trouve qu’elle est parfaitement vraie. En effet, il faut nommer péché ce qui est seulement péché, et non pas ce qui est aussi la peine du péché, comme je l’ai montré ci-dessus à propos d’un passage du livre troisième du traité du Libre Arbitre  1. Néanmoins, même des actes qu’à bon droit on appelle des péchés involontaires, parce qu’ils sont commis ou sans qu’on le sache, ou sous la contrainte, ne peuvent pas être commis absolument sans volonté. Car, celui qui pèche par ignorance, agit cependant volontairement, pensant accomplir un acte licite quand cet acte ne l’est pas; et celui qui, dans la concupiscence de la chair contre l’esprit, ne fait pas ce qu’il veut, éprouve à la vérité des désirs malgré lui; et, en cela, il fait ce qu’il ne veut pas; mais s’il est vaincu, il consent volontairement à la concupiscence; et en cela il ne fait que ce qu’il veut: libre à l’égard de la justice, esclave à l’égard du péché. Quant au péché que dans les enfants on nomme péché originel, lorsqu’ils n’ont pas encore l’usage de leur libre arbitre, on n’a pas tort non plus de l’appeler volontaire, puisque, contracté à l’origine par la volonté dépravée de l’homme, il est devenu en quelque façon héréditaire. Je n’ai donc pas été en faute quand j’ai dit: « Le péché est un mal si volontaire, qu’il n’y a pas de péché s’il n’y a pas de volonté. »C’est pourquoi la grâce de Dieu enlève non-seulement les fautes antérieures chez tous ceux qui sont baptisés en Jésus-Christ, ce qui arrive par l’esprit de régénération ; mais même dans les adultes, le Seigneur assainit la volonté et la prépare, ce qui arrive par l’esprit de foi et de charité.

6. Dans un autre endroit, quand j’ai dit de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Il n’a rien fait par force, mais tout par conseil et par persuasion 3; » je n’avais pas présent à l’esprit

 

1. C. XIV, n. 27. — 2. Ci-dess., C. IX, n. 5. — 3. C. XVI, n. 31

 

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qu’il avait chassé à coups de fouet les vendeurs et les acheteurs du temple. Mais qu’est-ce que cela? Quelle en est l’importance? Il est vrai aussi que, quand il chassait malgré eux les démons qui possédaient les hommes, il employait non le langage de la persuasion, mais la force de la puissance.

Ailleurs aussi j’ai dit : « Il faut d’abord suivre ceux qui enseignent qu’il n’y a qu’un seul Dieu suprême, qu’un seul vrai Dieu, et qu’il faut l’adorer seul; si la vérité ne brille pas en eux, il faudra alors quitter la place. » On pourrait croire que je parais en cela douter en quelque sorte de la vérité de cette religion. J’ai écrit ces paroles dans le sens qui convenait à celui à qui je m’adressais; car lorsque j’ai dit: « Si la vérité ne brille pas en eux,» je n’ai jamais douté qu’elle n’y brillât. Absolument comme parle l’Apôtre: «Si le Christ n’est pas ressuscité 1; » et certes, il ne doute pas de sa résurrection.

7. J’ai écrit en un autre passage : «La continuation de ces miracles jusqu’à notre temps n’a pas été permise, de peur que l’âme ne cherchât toujours que des choses visibles, et de peur que le genre humain ne se refroidît par l’habitude à l’égard des merveilles dont « la nouveauté l’avait enflammé 2. » Cela est très-vrai; maintenant, en effet, l’imposition des mains qu’on donne à ceux qu’on baptise, ne leur confère pas le Saint-Esprit, de façon qu’ils parlent toutes les langues; les prédicateurs du Christ, quand ils passent, ne vont pas jusqu’à guérir les infirmes par leur ombre; les grands faits d’alors ont cessé, cela est manifeste. Mais il ne faudrait pas prendre mes paroles dans ce sens, qu’il n’y a point à croire qu’aucun miracle ne se fasse plus au nom du Christ. Moi-même, quand j’ai écrit ce livre, je savais qu’un aveugle avait été guéri à Milan près des corps des saints martyrs de cette ville 3. Il y a beaucoup d’autres faits de ce genre qui arrivent de notre temps, tellement que nous ne pouvons les connaître tous, ni même énumérer tous ceux que nous connaissons.

8. Je me suis servi ailleurs de cette citation: « Tout ordre vient de Dieu, comme dit l’Apôtre. » Ce ne sont pas les propres paroles de l’Apôtre, quoique ce paraisse être sa pensée. Il dit : « Ce qui est, est ordonné de Dieu 4. »Ailleurs j’ai dit : « Que personne ne nous

 

1. I Cor. XV, n. 14. — 2. C. XXV, n. 46, 47. — 3. Saint Gervais et saint Protais. Conf. liv. IX, C. VII, n. 16. — 4. Rom.. XIII, 1.

 

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 trompe; tout ce qui est blâmé à bon droit « est rejeté en comparaison de ce qui est meilleur 1. » Cela s’applique aux substances et aux natures; car c’est d’elles qu’on discutait et non des bonnes actions et des mauvaises. De même aussi ai-je dit : « Un homme ne doit pas être chéri d’un autre homme comme sont chéris les frères, les fils, les époux, les parents, selon la chair; non plus que les voisins et les concitoyens; car c’est là un amour temporel. Nous n’aurions pas, en effet, de telles affections qui dépendent de la naissance et de la mort, si notre nature, «persévérant dans l’accomplissement des préceptes et dans la ressemblance de Dieu, n’était pas réduite à cette vie corruptible 2». Je désapprouve complètement cette pensée, que j’ai déjà blâmée au premier livre sur la Genèse contre les Manichéens 3. Elle conduit en effet à croire que les premiers époux n’auraient pas engendré de postérité, s’ils n’avaient pas péché; comme s’il axait été nécessaire que les hommes fussent destinés à la mort, pour être Produits par l’union de l’homme et de la femme. Je ne voyais pas encore comment il se pouvait que des êtres non destinés à la mort naquissent d’autres êtres non destinés à la mort, si ce péché d’origine n’avait pas changé en pire la nature humaine; je ne voyais pas non plus que, si par suite la fécondité et la félicité avaient demeuré le partage des parents comme des enfants, il naîtrait, jusqu’à ce que fût atteint un nombre fixe de saints prédestinés de Dieu, des hommes qui devaient régner avec leurs pères vivants et non succéder â leurs parents défunts. Ces parentés et ces alliances existeraient donc, même si personne n’eût péché et que personne ne mourût.

9. De même, j’ai écrit en un autre endroit «Tendons vers le même Dieu, et reliant nos  âmes à lui seul, ce qui est, à ce que l’on croit, l’étymologie du mot religion, abstenons-nous de tout culte superstitieux 4. » Je préfère l’étymologie que je cite. Pourtant je n’ignore pas que des auteurs latins donnent au mot de religion une autre origine, le faisant venir non de religare, mais de religere, mot composé de legere, pour eligere, élire, choisir, d’où religo, je choisis.

Ce livre commence ainsi : « Comme toute voie de vie bonne et heureuse. »

 

1. C. XLI , n. 77-78. —  2. C. XLVI, II. 88. — 3. Rétr. Liv. C. X, n. 2. —  4. C. LV, n. 111.

 

 

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CHAPITRE XIV.

DE L’UTILITÉ DE LA FOI. — UN LIVRE A HONORAT.

 

 

1. J’étais prêtre à Hippone lorsque j’ai composé le livre de l’Utilité de la Foi que j’ai adressé à un de mes amis, séduit par les Manichéens. Je savais qu’il était encore engagé dans cette erreur, et qu’en se moquant il reprochait à la discipline catholique d’obliger les hommes à croire, sans leur enseigner la vérité par des raisons absolument certaines. J’ai dit dans ce livre 1: « Dans les préceptes et les ordonnances de la Loi qu’il n’est pas aujourd’hui permis à  un chrétien d’observer, tels que le sabbat, la «circoncision, les sacrifices, et autres semblables, il y a de tels mystères, que toute  âme pieuse comprendra que rien n’est plus « périlleux que de les prendre au mot et à la lettre; rien de plus salutaire que de les en-« tendre dans l’esprit. Aussi est-il écrit : La lettre tue et l’esprit vivifie 2. » Dans le livre intitulé De l’Esprit et de la Lettre, j’ai expliqué autrement ces paroles de l’apôtre saint Paul, et, si je m’en crois, ou plutôt si j’en crois à l’évidence même des choses, avec beaucoup plus de convenance et de vérité. Cependant ce sens n’est pas à rejeter.

2. J’ai dit aussi : « Il y a deux ordres de personnes dignes de louanges dans la religion.  Le premier se compose de celles qui l’ont déjà trouvée, et celles-là doivent être jugées bienheureuses. Le second se compose de celles qui la recherchent avec zèle et avec droiture. Les premières sont en possession, les autres sont sur le chemin; muais par ce « chemin, on est sûr d’arriver au but. » Si les bienheureux qui ont déjà trouvé, et qui sont en possession, ne sont plus en cette vie, mais en celle que nous espérons et où nous tendons par la foi, il n’y a pas d’erreur dans mes paroles; car on doit affirmer que ceux-là ont trouvé ce qu’il faut chercher, puisqu’ils sont arrivés là où en cherchant et en croyant, c’est-à-dire en suivant la vie de la foi, nous espérons parvenir. Si au contraire on croyait qu’ils sont, ou ont été bienheureux dès cette vie, cela ne serait pas exact; non pas qu’il ne puisse s’y découvrir aucune vérité qui soit vue de l’intelligence sans être crue par la foi; mais parce que tout ce qui est ici-bas ne va pas jusqu’à produire la béatitude. En effet, ce dont l’Apôtre dit:

 

1. C. III, 9 —  2. II Cor, III. 6.

 

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«Nous voyons maintenant à travers un miroir en énigme, » et : « Maintenant je connais imparfaitement, » est vu par l’esprit, vu pleinement, et cependant ne produit pas encore la béatitude. Ce qui la produit, l’Apôtre le dit: « Mais alors nous verrons face à face; » et « Alors je connaîtrai aussi bien que je suis connu 1. » Ceux qui ont trouvé cela sont, on peut le dire, établis dans la possession de la béatitude, à laquelle conduit le chemin de la foi que nous suivons, et à laquelle nous souhaitons d’arriver par la foi. Mais quels sont ces bienheureux qui sont déjà en possession du but où conduit cette route? c’est. une grande question.. Que les saints anges y soient, il n’y a pas de doute. Mais les hommes saints, déjà morts , peut-on dire qu’ils soient réellement dans cette possession? C’est une question à examiner. Ils sont, il est vrai, délivrés, de ce corps de corruption qui est à charge à l’âme; mais ils attendent encore eux-mêmes la rédemption de leurs corps; leur chair se repose dans L’espoir, mais elle ne brille pas encore de l’éclat de l’incorruptibilité future. Du reste ce n’est pas ici le lieu de rechercher s’ils n’ont pas moins la jouissance de la contemplation de la vérité par les yeux du coeur, et, comme il est écrit : « face à face. » J’ai dit également: «Savoir ce qui est grand, ce qui est honnête, et même ce qui est divin, voilà la béatitude ; » il faut rapporter ces mots à la béatitude dont je viens de parler. Car, tout ce qu’on sait de cela dans la vie d’ici-bas, n’est pas encore la béatitude; et ce qu’on en ignore .est incomparablement supérieur à ce qu’on cri sait.

3. Et ce que j’ai dit: « Il y a une grande différence entre ce que nous tenons par la ferme raison de notre intelligence, ce que nous appelons savoir, et ce que la renommée  ou l’histoire recommandent à la croyance de la postérité; » et peu après: « Ce que nous savons, nous le devons à la raison; ce que nous croyons, à l’autorité 2; » il ne faut pas le prendre en ce sens que dans le langage usuel nous craignions. de dire que nous savons ce que des témoins, dignes de foi nous engagent à croire. Quand nous parlons rigoureusement, nous ne disons savoir que ce que nous comprenons par la ferme raison de notre intelligence. Quand nous parlons selon des termes plus habituels, comme parle elle-même

 

1. I Cor. XIII, 12. — 2. C. XI, n. 25.

 

 

la divine Ecriture, n’hésitons pas à dire que nous savons, et ce que nous percevons par les sens de notre corps, et ce que nous croyons sur des témoignages dignes de foi. Il suffit que nous comprenions la distance qu’il y a entre l’un et l’autre.

4. Quand j’ai dit : « Personne ne saurait «douter que tous les hommes sont ou des fous ou des sages 1; » cette parole peut paraître contraire à ce que j’ai dit dans le troisième livre du Libre Arbitre: « Comme si la nature « humaine n’avait pas une sorte de milieu entre «la folle et la sagesse ! » Mais dans le premier passage il s’agissait d’examiner si le premier homme a été créé sage ou insensé, ou ni l’un ni l’autre. On ne pouvait pas appeler insensé celui qui avait été créé sans défaut, puisque la folie est un grand défaut; d’un autre côté, comment appeler sage celui qui a pu être séduit? J’ai donc dit en manière de résumé «Comme si la nature humaine n’avait pas une « sorte de milieu entre la sagesse et la folie. » J’avais aussi en vue les petits enfants que nous reconnaissons entachés du péché originel mais que nous ne pouvons, proprement appeler ni sages ni fous, puisqu’ils n’usent encore de leur libre arbitre ni en bien ni en mal. Et quand j’ai dit ici que tous les hommes sont sages ou fous, j’ai voulu parler de ceux qui usent de leur raison, laquelle les distingue des animaux et fait qu’ils sont hommes. C’est dans le même sens que nous disons que tous les hommes veulent être heureux. En effet, en émettant cette pensée si vraie et si évidente, est-ce que nous craignons qu’on n’y comprenne les enfants qui ne peuvent pas avoir encore une volonté pareille?

5. Ailleurs, rappelant ce que le Seigneur Jésus a fait lorsqu’il était en ce monde, j’ai

ajouté: « Pourquoi ces merveilles ne s’opèrent-elles plus aujourd’hui ? » Et j’ai répondu :

« Parce qu’elles n’auraient pas la puissance d’émouvoir si elles n’étaient pas des merveilles, et elles ne seraient plus merveilles si elles étaient habituelles 3. » J’ai voulu dire qu’il ne s’en opère plus d’aussi grandes et d’aussi nombreuses, et non pas qu’il ne s’en opère plus du tout.

6. A la fin du livre on lit : «Mais comme notre discours s’est prolongé beaucoup plus que je ne pensais, arrêtons-le ici; je souhaite que vous vous souveniez que je n’ai pas

 

1. C. XII, n. 27. — 2. C. XXIV, n. 71.— 3. C. XVI, n. 34.

 

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encore commencé de réfuter les Manichéens, que je n’ai pas abordé leurs niaiseries et que je ne vous ai rien découvert des grandeurs  de l’Eglise catholique. J’ai voulu seulement détruire en vous, si je le pouvais, la fausse opinion qui nous avait été suggérée avec malice et maladresse, à propos des vrais  chrétiens, et vous engager à vomis livrer aux grandes et divines études. Que ce volume reste donc ce qu’il est; ayant calmé votre esprit, je serai peut-être mieux disposé et plus habile sur le reste 1.» Je n’ai pas entendu dire par là que je n’eusse encore rien écrit contre les Manichéens, ou que je n’eusse en rien traité de la doctrine catholique, puisque tant de volumes antérieurs prouvent que je n’ai gardé le silence ni sur l’un ni sur l’autre de ces sujets; mais c’est que dans ce livre, adressé à Honorat, je n’avais pas encore commencé à réfuter le manichéisme, ni abordé ses niaiseries, ni rien dévoilé des grandeurs de la Religion catholique; j’espérais en effet, après ce commencement, pouvoir lui écrire ce que je n’avais pas écrit ici.

Ce livre commence ainsi: « S’il semblait que ce fût pour moi, Honorat, une seule et même chose. »

 

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CHAPITRE XV.

DES DEUX ÂMES, CONTRE LES MANICHÉENS. — UN LIVRE.

 

1. Après cet ouvrage, et étant encore prêtre, j’ai écrit contre les Manichéens un traite sur ces deux âmes dont ils prétendent que l’une est une partie émanée de Dieu, tandis que l’autre est de la race des ténèbres que Dieu n’a pas constituée, et qui lui est coéternelle. Ils ont la folie de dire que le même homme a ces deux âmes, l’une bonne, l’autre mauvaise; la mauvaise, propre à la chair, qu’ils estiment elle-même être de la race des ténèbres ; la bonne, issue d’une partie émanée de Dieu, partie qui aurait lutté avec la race des ténèbres et qui aurait produit le mélange de l’une et de l’autre. Ils attribuent tous les biens de l’homme à cette âme bonne et tous ses maux à la mauvaise. Or, quand, dans ce livre, j’ai dit: « Il n’y a pas de vie quelconque qui, par cela même qu’elle est la vie et en tant qu’elle « l’est, n’appartienne au principe souverain « et à la source de la vie 2; » je l’ai dit dans ce sens que la créature appartient au Créateur

 

1. C. XVII, n. 36. — 2. C. I, n. 1.

 

et non pas qu’elle est une partie de lui-même.

2. De même ce que j’ai dit que « nulle part il n’y a de péché sinon dans la volonté, » les Pélagiens peuvent s’en prévaloir, au sujet des enfants qui, selon eux, n’auraient pas de péché à remettre par le baptême, parce qu’ils n’ont pas l’usage de leur libre arbitre. Mais est-ce que le péché qu’ils ont contracté originellement, c’est-à-dire en étant impliqués dans la faute et par conséquent soumis à la peine de cette faute, a pu être ailleurs que dans la volonté, volonté qui l’a commis au moment où a eu lieu la transgression du précepte divin? On pourrait aussi trouver fausse cette maxime : «Nulle part il n’y a de péché que dans la volonté,» en la rapprochant des paroles de l’Apôtre : «Si je fais ce que je ne veux pas, ce n’est pas moi qui opère, mais le péché qui habite en moi. » En effet ce péché est si peu dans la volonté que l’Apôtre dit: « Ce que je ne veux pas, je le fais. » Comment donc alors dire que le péché ne saurait être ailleurs que dans la volonté? Le voici : ce péché dont parle l’Apôtre est nommé péché parce qu’il est la suite du péché et la peine du péché. En effet, il s’agit ici de la concupiscence de la chair, comme il le montre par la suite lorsqu’il dit : « Je sais que le bien n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ma chair; car le vouloir réside en moi, mais accomplir le bien, je ne l’y trouve pas 1. » La perfection du bien, en effet, c’est que la concupiscence elle-même ne soit pas dans l’homme; je parle de cette concupiscence à laquelle, quand on vit bien, la volonté ne consent pas. Mais l’homme n’accomplit pas le bien parce qu’il y a en lui la concupiscence à laquelle répugne la volonté. Le baptême enlève la culpabilité de cette concupiscence, mais l’infirmité demeure; et tout fidèle qui avance bien, lutte contre cette infirmité avec le plus grand soin jusqu’à ce qu’elle soit guérie. Quant au péché qui n’est jamais ailleurs que dans la volonté, c’est particulièrement celui qu’a suivi une juste condamnation. C’est celui-là qui est entré dans le monde par un seul homme. Toutefois le péché par lequel on consent à la concupiscence du péché ne se commet jamais sans la volonté. Aussi ai-je dit ailleurs: « On ne « pèche que par la volonté 2. »

3. En un autre endroit, j’ai défini la volonté elle-même ainsi: « La volonté est un mouvement

 

1. Rom. VII, 16-18. — 2. C, IX, n. 12.

 

de l’âme, exempt de toute coaction, et qui se porte à acquérir une chose ou à ne la pas perdre 1. » Cette définition a été adoptée afin de discerner qui veut et qui ne veut pas; et ainsi la pensée se reporte à ceux qui, dans le Paradis, furent les premiers la source du mal pour le genre humain, et qui ont péché, personne ne les y forçant, mais de leur libre volonté, agissant contre le précepte et le sachant, le tentateur les y engageant mais ne les forçant point. Celui, en effet, qui pèche sans le savoir, on peut dire avec raison qu’il pèche sans le vouloir, quoiqu’il ait fait volontairement ce qu’il a fait par ignorance; aussi, même chez lui, il n’y a pas eu de péché sans volonté. Cette volonté, ainsi qu’elle a été définie, a été en lui un mouvement de l’âme, exempt de toute coaction, et se portant à acquérir une chose ou à ne pas la perdre. Ce qu’il n’aurait pas fait s’il n’avait pas voulu, il n’était pas forcé à le faire. Il l’a donc fait parce qu’il a voulu; mais il n’a pas péché parce qu’il a voulu, puisqu’il ne savait pas que ce qu’il a fait fût un péché. Aussi un tel péché n’a pas pu être sans volonté; mais il n’y a eu que volonté de fait et non volonté de péché, quoique le fait fût péché; car on a fait ce qui ne devait pas être fait. Quiconque pèche sciemment, s’il peut résister sans péché à celui qui le force à pécher, et s’il ne le fait pas, pèche volontairement; car qui peut résister, n’est pas forcé de céder. Mais celui qui ne peut pas résister d’une volonté ferme à la coaction de la cupidité, agit ainsi contre les préceptes de la justice; et c’est là un péché qui est aussi la peine du péché. C’est pourquoi il est de la plus profonde vérité qu’il n’y a pas de péché sans la volonté.

4. De même la définition que j’ai donnée du péché: « Le péché est une volonté de retenir ou d’acquérir ce que défend la justice u et ce dont on est libre de s’abstenir 2, » est vraie; parce qu’elle ne s’applique qu’au péché et non à ce qui est aussi la peine du péché. En effet, quand le péché est de telle nature qu’il est aussi la peine du péché, que peut la volonté sous la pression dominante de la cupidité, sinon, lorsqu’elle est pieuse, de prier et d’implorer secours? Elle n’est libre qu’en tant qu’elle a été délivrée; et c’est en cela seulement qu’elle s’appelle volonté. Autrement il la faudrait appeler plutôt cupidité que volonté; et cette cupidité n’est pas, comme le disent

 

1. C. IX, n. 14.— 2. C. XI,n.15 :

 

faussement les Manichéens, une addition d’une nature étrangère, mais un vice de notre nature qui ne se peut guérir que par la grâce du Sauveur. Que si l’on veut dire que la cupidité elle-même n’est rien autre que la volonté, mais pervertie et asservie au péché, il n’y a pas à contredire; et pourvu que la chose soit constante, il n’y a point à disputer sur les mots. Et ainsi se trouve encore démontré que, sans volonté, il n’y a pas de péché ni originel ni actuel.

5. De nouveau j’ai dit: « J’avais commencé à chercher si cette mauvaise espèce d’âmes  avait eu quelque volonté avant d’être mêlée à la bonne espèce. Si elle n’en avait pas, elle était innocente et sans péché; et en conséquence elle n’était pas mauvaise 1.» Pourquoi donc alors, me répond-on, parlez-vous de péché chez les enfants dont vous ne tenez pas la volonté pour coupable? Je réplique : Les enfants sont coupables non par leur volonté propre, mais par leur origine. Tout homme vivant sur cette terre, de qui tire-t-il son origine, sinon d’Adam? Or, Adam avait certes bien sa volonté; et quand il eut péché par cette volonté, le péché est entré par lui dans le monde.

6. De même, pour ces paroles : «Les âmes ne peuvent nullement être mauvaises par nature; » si on me demande comment je les accorde avec celles de l’Apôtre : « Nous étions par nature enfants de colère comme les autres 2, » je répondrai qu’en me servant du mot

nature, j’ai voulu le prendre dans son acception propre, à savoir la nature dans laquelle

nous avons été créés et qui est sans défaut.

L’autre acception se prend de la nature entendue en vue de notre origine, origine souillée, ce qui est contre la nature. Ainsi encore, à propos de cette phrase : «Tenir quelqu’un  pour coupable de péché parce qu’il n’a pas fait ce qu’il n’a pu faire, c’est le comble de l’iniquité et de la folie; » eh bien! me dit-on, pourquoi tenez-vous les enfants pour coupables? Parce qu’ils le sont d’origine en celui qui n’a pas fait ce qu’il pouvait faire, à savoir, garder le précepte divin. D’ailleurs, ce que j’ai dit: « Si tout ce que font ces âmes, elles le font naturellement et non volontairement, c’est-à-dire si elles manquent du libre mouvement pour faire ou ne pas faire; ou si elles n’ont pas la puissance de s’abstenir de leurs actes, elles ne peuvent pas être arguées de péché; » cela, dis-je, n’est en rien affecté

 

1. C. XVI, n. 17. — 2. Ephés. II, 3.

 

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par la question des enfants; car ils sont tenus pour coupables à cause de l’origine qu’ils tirent de celui qui a péché volontairement, puisqu’il avait le libre mouvement pour faire ou ne pas faire et possédait la plus grande puissance pour s’abstenir du mal. Ce que les Manichéens ne disent point de cette race de ténèbres qu’ils ont fabuleusement inventée et à laquelle ils attribuent une nature qui a été toujours mauvaise et jamais bonne.

7. On peut demander pourquoi j’ai dit : «Quand même il y aurait des âmes, ce qui est incertain, livrées non par le péché mais par nature, aux fonctions corporelles, et quand même elles nous toucheraient, quoiqu’inférieures à nous, par une sorte de voisinage intime, il ne faudrait pas cependant les tenir pour mauvaises, parce que nous, en les suivant et en aimant les choses corporelles, nous serions mauvais; » on pourrait, dis-je, demander pourquoi j’ai parlé ainsi de ces âmes dont auparavant j’avais dit: «Concédât-on aux Manichéens que nous sommes entraînés aux choses honteuses par une espèce inférieure d’âmes, ils n’en peuvent pas conclure que ces âmes soient mauvaises par nature, ni que les autres soient le souverain bien 1. » J’ai conduit l’examen et l’étude de ce point jusqu’à ce passage : « Quand même il y aurait des âmes, ce qui est incertain, etc. » On peut donc demander pourquoi j’ai dit: « Ce qui est incertain, » lorsque je n’aurais pas dû mettre en doute qu’il n’y a pas d’âmes pareilles. Mais voici pourquoi je une suis exprimé ainsi : c’est que j’ai rencontré des personnes qui prétendaient que le démon et ses anges sont bons dans leur genre et dans la nature où Dieu les a créés, tels qu’ils sont et par un dessein particulier; que le mal, c’est de nous laisser charmer et séduire par eux; le bien et la gloire, de nous en défier et de les vaincre. Et ceux qui parlent de la sorte se figurent prouver leur assertion par des témoignages tirés de l’Ecriture: ainsi, dans le livre de Job 2, quand le démon est défini : « C’est le chef-d’oeuvre du Seigneur, qui l’a fait pour s’en jouer par ses anges, » ou ce verset du psaume : « C’est le dragon que vous avez créé pour vous jouer de lui 3. » Cette question, qui ne regarde pas les Manichéens, lesquels n’ont pas d’opinion semblable, mais qui regarde ceux qui partagent cette manière de voir, je n’ai pas voulu

 

1. C. XIII, n. 20.— 2. Job. XL, 14. — 3. Ps. CIII, 26.

 

la traiter en ce moment et la résoudre, car elle aurait augmenté mon livre plus que je ne le désirais. Je voyais d’ailleurs que même en concédant ce point, les Manichéens pouvaient et devaient être convaincus d’introduire une erreur insensée, à savoir la nature du mal coéternelle au bien éternel. Aussi ai-je dit: « Ce qui est encore incertain; » non pas que j’en doutasse moi-même, mais parce que la question n’avait pas encore été résolue entre moi et les adversaires que j’avais en vile. Je l’ai résolue du reste, dans mes livres écrits longtemps après sur la Genèse prise à la lettre, d’après les saintes Ecritures et avec autant de clarté que j’ai pu.

8. Ailleurs je dis : « Nous péchons en aimant les choses corporelles, parce que la justice nous ordonne d’aimer les choses spirituelles, que la nature nous en donne la possibilité et qu’alors, dans notre espèce, nous sommes très-bons et très-heureux 1.» On pourrait me demander pourquoi j’ai dit: « La nature, » et non pas « la grâce » nous en donne la possibilité. Mais le débat sur la nature était alors contre les Manichéens. Et ce que fait la grâce, c’est de guérir la nature afin qu’elle puisse, étant guérie, ce qu’elle ne peut pas étant viciée, et qu’elle le puisse par Celui qui est venu chercher et sauver ce qui périssait. Cette grâce, même alors, je l’ai implorée pour unes plus tendres amis qui étaient encore livrés à cette mortelle erreur et j’ai dit: «Dieu grand, Dieu tout-puissant, Dieu souverainement bon, vous qu’il est permis de croire et de comprendre inviolable et immuable, Unité et Trinité tout ensemble, vous qu’adore  l’Eglise catholique, je. vous en supplie et vous en conjure, moi qui ai éprouvé votre miséricorde, ne permettez pas que des hommes avec qui j’ai, depuis mon enfance, vécu toujours dans la plus affectueuse concorde, soient en désaccord avec moi sur le culte qui  vous est dû 2! » En priant de la sorte, je gardais la foi non-seulement que Dieu seul par sa grâce aide les convertis, afin qu’ils progressent et se perfectionnent, sur quoi l’on peut dire aussi que cette grâce est accordée au mérite de leur conversion; mais encore que c’est à la grâce de Dieu qu’il appartient d’opérer la conversion même. Car j’ai prié pour ceux qui étaient bien éloignés de Dieu, et j’ai demandé qu’ils revinssent à lui.

 

1. C. XIII, n 20 — 2. C. XV, n 24.

 

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Ce livre commence ainsi : « Avec l’aide de la miséricorde divine. »

 

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CHAPITRE XVI.

ACTES CONTRE FORTUNAT, MANICHÉEN. — UN LIVRE.

 

1. Dans le même temps, durant ma prêtrise, j’ai discuté contre un certain Fortunat, prêtre manichéen, qui avait vécu longtemps à Hippone et y avait séduit tant de personnes, que ce séjour lui était devenu très-agréable à cause de ses adeptes. Cette discussion fut recueillie au moment même par des sténographes, comme s’il s’agissait de faits mémorables; car la relation porte la date du jour et l’indication du Consulat. C’est cette discussion que nous avons pris soin de réunir en un livre. On y traite la question de l’origine du mal. J’affirmais que le mal vient pour l’homme du libre arbitre de sa volonté; et lui, s’efforçait d’établir lue la nature du mal est coéternelle à Dieu. Le jour suivant il finit par avouer qu’il ne trouvait plus rien à nous répondre. Toutefois il ne se fit pas catholique, mais du moins il quitta Hippone.

2. Ce que j’ai dit en ce livre: que «l’âme est faite par Dieu, comme toutes les autres choses qui ont été faites par lui; et qu’entre tout ce que le Dieu tout-puissant a fait, elle occupe le rang principal 1; » ne se doit prendre que dans le sens général qui s’applique à toute créature raisonnable, bien qu’il soit difficile, ainsi que je l’ai dit, de trouver dans les saintes

Ecritures le nom d’âme appliqué aux Anges. De même ailleurs: «Je dis qu’il n’y a pas de péché si on ne pèche pas jar sa propre volonté 2. » J’ai voulu entendre ici le péché qui

n’est pas en même temps la peine du péché; car j’ai expliqué dans celte discussion même ce

qu’il faut dire de cette peine 3. J’ai dit encore: « Afin que cette même chair, qui nous a torturés de ses peines quand nous demeurions dans le péché, nous soit soumise dans la résurrection, et qu’elle ne nous tourmente d’aucune souffrance pour nous empêcher de garder la loi et les préceptes divins 4. » Il ne faudrait pas comprendre ces paroles en ce sens que dans le royaume de Dieu, où nous posséderons nos corps incorruptibles et immortels, nous ayons à emprunter aux divines Ecritures la loi et les préceptes; mais dans ce sens que

 

1. Disc. I, n. 13.— 2. Disc. II, n. 21. — 3. Disc. I, n. 15.— 4. Disc. II, n.22.

 

la loi éternelle sera là, parfaitement observée, et que nous trouverons les deux préceptes de l’amour de Dieu et du prochain non dans la lecture, mais dans la charité parfaite et éternelle.

Cet ouvrage commence ainsi: « Le cinq des calendes de septembre, les très-illustres Arcadius, Auguste pour la deuxième fois, et Rufin étant consuls. »

 

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CHAPITRE XVII.

DE LA FOI ET DU SYMBOLE. — UN LIVRE.

 

Vers la même époque, par l’ordre et en présence des évêques qui célébraient à Hippone un concile plénier de toute l’Afrique, je fis, étant prêtre, une conférence sur la foi et sur le symbole. C’est cette conférence dont j’ai formé un livre, sur les instances pressantes de quelques-uns de nos plus chers et intimes amis. J’y disserte sur ces grands sujets, en m’attachant plus aux choses elles-mêmes qu’à l’arrangement des mots que l’on donne à retenir à ceux qui demandent le baptême. Parlant dans ce livre de la résurrection de la chair, je dis : « Selon la foi chrétienne, qui est infaillible, le corps ressuscitera. Cette vérité paraît incroyable à qui ne fait attention qu’à la chair en son état actuel, et ne considère pas ce qu’elle  doit être dans son état futur : dans ce temps d’angélique changement, il n’y aura plus de chair et de sang, il n’y aura plus qu’un corps 1. » Ajoutez tout ce que j’ai enseigné sur la commutation des corps terrestres en corps célestes , selon ce que dit l’Apôtre : «La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu. » Si l’on comprenait mes paroles en ce sens que le corps terrestre tel que nous l’avons sera changé par la résurrection en un corps céleste, de telle façon qu’il n’ait ni ses membres ni la substance de sa chair actuelle, ce serait une erreur, et il la faudrait corriger. Car nous savons que le corps de Notre-Seigneur, après sa résurrection, a été non-seulement montré aux regards avec les mêmes membres, mais s’est livré au toucher, et que lui-même confirmait la réalité de sa chair par ces paroles : « Voyez et touchez : un esprit n’a pas de chair et d’os comme vous «voyez que j’en ai  2. » D’où il suit que l’Apôtre n’a pas nié que la substance de la chair ne se retrouvât au royaume de Dieu; il a voulu seulement, par ce nom de chair et de

 

1.C. X,  n. 23. —2. Luc, XXIV, 39. -

 

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sang, désigner ou les hommes qui vivent selon la chair, ou bien la corruption de la chair, qui n’existera plus alors. Lorsqu’en effet il dit: « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu, » on comprend bien qu’il explique lui-même ce qu’il a dit en ajoutant aussitôt: « Et la corruption ne possédera pas l’incorruptibilité 1. » Sur ce point difficile à persuader aux infidèles, on trouvera une dissertation aussi complète que j’ai pu la faire dans mon dernier livre de la Cité de Dieu.

Ce livre commence ainsi : « Puisqu’il est écrit. »

 

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CHAPITRE XVIII.

COMMENTAIRE LITTÉRAL SUR LA GENÈSE. — UN LIVRE INCOMPLET.

 

J’avais composé les deux livres sur la Genèse contre les Manichéens; ayant commenté les paroles de la sainte Ecriture au sens allégorique, et n’ayant pas osé alors expliquer les secrets des choses de la nature selon le sens littéral, c’est-à-dire selon la propriété historique qui doit être attribuée aux récits du livre saint, j’ai voulu essayer mes forces sur cette entreprise si difficile et si laborieuse; mais mon inexpérience dans l’exposition des Ecritures a succombé sous un si lourd fardeau. J’avais à peine achevé un premier livre que je dus renoncer à ce travail, trop considérable pour moi. En me livrant à la révision de mes écrits, ce livre me tomba sous la main, tout imparfait qu’il est. Je ne lui avais pas laissé voir le jour et j’avais résolu de l’anéantir, ayant écrit depuis douze livres de commentaire littéral sur la Genèse. Bien qu’il y ait dans ces livres beaucoup plus de questions posées que résolues, mon premier traité ne saurait leur être comparé. Toutefois après l’avoir revu, j’ai voulu le conserver comme une preuve, non sans intérêt, à ce que je crois, de mes premiers essais pour étudier et élucider les Ecritures sacrées, et je lui ai donné pour titre : De la Genèse, commentaire littéral inachevé. Je l’ai trouvé dicté jusqu’à ces mots : « Le  Père est seulement  Père, et le Fils n’est pas autre que Fils; aussi quand on appelle le Fils ressemblance de son Père, bien qu’on ne montre aucune dissemblance avec le Père, le Père n’est cependant pas seul, s’il a une ressemblance 2 ; » puis j’ai reproduit

 

1. I Cor. XV, 50. —  2. C. XVI, n. 60

 

 

les paroles de la sainte Ecriture que j’avais à examiner de nouveau: « Et Dieu dit : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance 1. » J’avais laissé là le livre inachevé. J’ai pensé en le revisant, qu’il y fallait ajouter ce qui suit; et cependant je ne l’ai pas achevé complètement, car cette addition ne le termine pas. Si je l’eusse terminé en effet, j’aurais au moins étudié les oeuvres et les paroles divines qui appartiennent au sixième jour.

Il m’a paru inutile de relever dans ce livre ce qui peut me déplaire et de défendre ce qui peut ne pas être bien compris. Je me borne à avertir brièvement qu’il vaut mieux lire les

douze livres que, longtemps après et étant évêque, j’ai écrits sur ce sujet; c’est d’après eux

qu’il en faut juger. Il commence donc ainsi: « Il s’agit de traiter, non en manière d’affirmation, mais à titre de recherches, des secrets de ces choses naturelles que nous savons produites de Dieu, le souverain artisan. »

 

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CHAPITRE XIX.

DU SERMON SUR LA MONTAGNE. — DEUX LIVRES.

 

1. C’est vers le même temps que j’écrivis deux volumes du sermon sur la montagne selon saint Matthieu. Quant à ce qu’on lit au premier de ces livres : « Bienheureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu 2; » « la sagesse, dis-je, appartient aux pacifiques, dans lesquels tout est déjà en ordre, chez lesquels il n’y a pas de mouvement rebelle à la raison, mais où tout obéit à l’esprit de l’homme, qui lui-même obéit à Dieu 3; » il faut que je m’explique. Il ne peut en effet arriver à personne en cette vie, de n’avoir point dans ses membres une loi qui répugne à la loi de l’esprit. Quand même l’esprit de l’homme résisterait à cette loi, au point que jamais sa volonté ne faillit, cependant la répugnance et la lutte y seraient. Cette parole: « Il n’y a pas de mouvement rebelle à la raison, » ne se peut donc prendre que dans ce sens que les pacifiques domptent les concupiscences de la chair pour arriver un jour à la paix pleine et entière.

2. Aussi, lorsqu’ensuite, répétant cette sentence de l’Evangile : « Bienheureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu 4, » j’ai ajouté: « On y peut arriver

 

1. Gen. X, 26. — 2. Matth. V, 9. — 3. Liv. I, C. IV, n. 11. — 4. Matth. V, 9.

 

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 même en cette vie, comme nous croyons que les Apôtres y sont parvenus 1; » cela ne se

doit pas entendre dans le sens que les Apôtres, durant leur vie, n’éprouvaient aucun mouvement de la chair contraire à l’esprit; mais que l’on peut arriver jusqu’où nous croyons que les Apôtres sont parvenus, c’est-à-dire, dans la mesure de la perfection humaine aussi complète qu’elle peut être dans cette vie. Je n’ai pas dit: « On peut y arriver dans cette vie, car nous croyons que les Apôtres y sont arrivés, »mais « comme nous croyons que les Apôtres y sont arrivés; » en sorte qu’on y arrive comme ils y sont parvenus, c’est-à-dire dans la perfection qu’ils, ont atteinte et qui est celle dont la vie présente est capable, non pas celle que nous espérons un jour posséder dans la paix parfaite quand nous dirons: « O Mort, où est ton aiguillon 2? »

3. Ailleurs 3, en citant ce témoignage: « Dieu ne donne pas l’esprit en le mesurant 4, » je n’avais pas compris que ce passage ne s’appliquait avec vérité qu’à Jésus-Christ. En effet, si Dieu ne donnait pas son esprit aux autres hommes en le mesurant, Elisée n’en aurait pas demandé le double de ce qu’avait reçu Elie. En exposant cette parole: « Il ne sera pas enlevé un iota, pas un accent à la loi avant que toutes ces choses arrivent 5, » j’ai dit qu’on ne pourrait la comprendre que comme l’expression véhémente de la perfection 6. Alors naturellement on peut me demander. si cette perfection peut s’entendre en ce sens qu’il soit vrai que personne, usant de son libre arbitre, ne puisse vivre ici-bas sans péché. Par qui en effet la loi peut-elle être accomplie jusqu’à un accent, sinon par celui qui observe tous les préceptes divins? Or, dans ces préceptes il y en a un qui nous ordonne de dire: « Pardonnez-nous nos péchés comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés 7, » et cette prière, l’Eglise tout entière la dit et la redira jusqu’à la fin des siècles. Donc tous les préceptes sont regardés comme accomplis, quand tout ce qui ne se fait pas est pardonné.

4. Assurément ce que dit le Seigneur: « Quiconque violera un seul de ces moindres commandements, et enseignera ainsi, » et le reste, jusqu’à ces mots : « Si votre justice n’est pas plus abondante que celle des scribes et des

 

1. Liv. I, C. IV, n. 12. — 2. I Cor; XV,55.— 3. Liv. I, C. VI, n. 17. — 4. Jean, III, 34. — 5. Matth. V, 18. — 6. Liv. I, C. VIII, n. 20. — 7. Matth. VI, 12.

 

pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux 1;» je l’ai beaucoup mieux exposé dans mes discours postérieurs; mais il serait trop long de le répéter en ce moment. Le sens donné ici à ces paroles 2, c’est que ceux qui disent et qui font, ont une justice plus grande que celle des scribes et des pharisiens. Car Notre-Seigneur dit des pharisiens et des scribes : « Ils disent et ils ne font pas 3.» Nous avons aussi beaucoup mieux compris dans la suite la parole: « Celui qui se met en colère contre son frère 4. » Les manuscrits grecs ne portent pas: « sans cause, » comme je l’ai mis, quoique le sens soit le même. En effet j’ai dit qu’il fallait considérer ce que c’est que de se mettre en colère contre son frère; or, ce n’est pas se mettre en colère contre son frère que de s’irriter du péché de son frère; celui-là donc qui s’irrite non contre le péché, mais contre son frère, se met en colère sans cause.

5. De même lorsque j’ai écrit : « C’est du père et de la mère, et des autres liens du sang qu’il faut comprendre cette parole , pour haïr en eux ce que le genre humain tire de la naissance et de la mort  5; » il semble que j’ai voulu dire que ces liens naturels ne dussent pas exister au cas où l’homme n’ayant pas péché, personne n’eût été soumis à la mort; ce sens-là, je l’ai réprouvé plus haut. Il y aurait eu, en effet, des parentés et des alliances, même si le péché originel n’eût pas été commis, et que le genre humain eût crû et se fût multiplié sans mourir. C’est ce qui doit servir à résoudre autrement cette question : pourquoi Dieu nous a ordonné d’aimer nos ennemis 6 tandis qu’ailleurs il nous a ordonné de haïr nos parents et nos enfants 7 ? Elle ne doit pas en effet être résolue comme nous l’avons fait ici, mais comme nous l’avons souvent fait postérieurement, à savoir: nous devons aimer nos ennemis pour les gagner au royaume de Dieu, et haïr nos parents, s’il nous en éloignent.

6. Semblablement, le précepte qui interdit à un mari de répudier sa femme, si ce n’est pour cause de fornication, je l’ai discuté ici avec le soin le plus scrupuleux 7. Mais quelle est la fornication pour laquelle le Seigneur permet la répudiation? Est-ce celle qui se compte parmi les crimes honteux, ou celle

 

1. Ibid. V, 18-20. — 2. Liv. I, C. XX, n. 21.— 3. Matth. XXIII. 4. — Ibid. V, 22. —  5. Liv. I, C. XV, n. 4l.— 6.Matth. V, 44. — 7. Luc, XIV,26.— 8. Liv. I, C. XCI.

 

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de laquelle il est écrit: «Vous avez perdu quiconque commet une fornication contre vous 1,» et dont la première fait aussi partie; car il n’est pas sans commettre la fornication contre Je Seigneur celui qui corrompt les membres du Christ et les transforme en membres d’une courtisane? Voilà ce qu’il faut examiner, rechercher et méditer à fond. En une matière si importante et si difficile, je ne voudrais pas que le lecteur pût penser que ma discussion suffise; qu’il veuille bien, au contraire, lire d’autres écrits, soit ceux que j’ai composés depuis, soit ceux qui ont été mieux rédigés et médités par d’autres. Que lui-même, s’il le peut, débatte dans son intelligence avec plus de sagacité et de prudence les raisons qui peuvent à bon droit être invoquées ici. En effet tout péché n’est pas une fornication; Dieu ne perd pas tous les pécheurs, lui qui chaque jour exauce les saints qui lui disent: « Pardonnez-nous nos péchés 2; » et cependant il condamne, il perd quiconque commet une fornication contre lui. Quelle est donc cette fornication? Comment l’entendre et comment la limiter? Est-il aussi permis pour elle de répudier une épouse? La question est des plus obscures. Quant à la permission de répudier basée sur la fornication en tant que crime honteux, cela rie fait pas de doute. Seulement, quand j’ai dit que cette répudiation était permise mais non ordonnée, je n’avais pas fait attention à cette autre parole de l’Ecriture « Celui qui garde une adultère est un fou et un impie 3. » Il est bien entendu que je n’appellerai pas non plus adultère la femme de qui le Seigneur a dit: « Moi je ne vous condamnerai pas, allez et ne péchez plus 4, » pourvu qu’elle lui ait obéi.

7. En un autre endroit j’ai défini le péché mortel contre un frère, duquel saint Jean dit

« Je ne dis pas que personne prie pour lui 5;» je l’ai défini, dis-je, en ces mots: « Le péché mortel contre un frère est, je pense, celui que l’on commet quand, après que l’on a connu Dieu par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’on porte atteinte à la fraternité et que l’on est poussé, par les flammes de l’envie, contre cette grâce par laquelle on a été réconcilié avec Dieu 6 ». Je n’ai pas prouvé mon dire, parce que je l’ai énoncé comme étant seulement ma pensée. Mais il fallait ajouter:

 

1. Ps. LXVII, 27. — 2. Matth. VI, 12. — 3. Prov. XVIII, 22. — 4. Jean, VIII, 11. — 5. I Jean, V, 16. — 6. Liv. I, C. XXII, n. 73.

 

si toutefois on achève sa vie dans cette atroce perversité; car il ne faut jamais désespérer ici-bas même des plus méchants; et on a raison de prier toujours pour celui de qui on ne désespère pas.

8. Dans le second livre je dis: « Il ne sera permis à personne d’ignorer le royaume de Dieu, lorsque le Fils unique de Dieu sera venu du ciel non-seulement d’une façon intelligible, mais d’une façon visible comme homme du Seigneur, pour juger les vivants et les morts 1. » Je ne pense pas que l’on puisse se servir à bon droit de cette expression, homme du Seigneur, pour le Médiateur entre Dieu et les hommes, pour Jésus-Christ homme, puisqu’il est le Seigneur. Quel est en effet l’homme de qui on ne puisse pas dire dans sa sainte famille qu’il est l’homme du Seigneur? Si je me suis servi de ce terme, c’est que je l’ai lu dans quelques écrivains catholiques, interprètes des saintes Ecritures. Je voudrais ne pas l’avoir employé partout où je m’en suis servi. En effet j’ai vu plus tard qu’il n’était pas absolument propre, quoiqu’il puisse se défendre par quelques bonnes raisons. De même j’ai dit «La conscience de personne, ou à peu près,  ne peut détester Dieu 2. » Je n’aurais pas dû parler ainsi; car il y a beaucoup de personnes de qui il est écrit : « L’orgueil de ceux qui vous détestent, Seigneur 3

9. Ailleurs j’ai écrit: « Quand le Seigneur a dit : A chaque jour suffit son mal 4, il a voulu nommer mal la nécessité où nous sommes de prendre chaque jour de la nourriture , parce que cette nécessité est une peine; elle appartient à cette fragilité que le péché nous a méritée 5.» Mais je n’ai pas fait attention que dans le paradis des aliments avaient été donnés à nos premiers parents, avant que le péché ne leur attirât cette peine de mort. Ils étaient alors immortels et revêtus d’un corps, non pas spirituel, mais animal, et dans cet état d’immortalité, ils devaient cependant user de nourriture. Lorsque j’ai dit aussi 6 : « Cette Eglise que Dieu s’est choisie, glorieuse et n’ayant ni tache ni ride 7; » je n’ai pas entendu que l’Eglise fût actuellement absolument telle et dans toutes ses parties. On ne peut douter qu’elle ait été choisie pour être telle quand le Christ, sa vie, apparaîtra; elle,

 

1. Liv. II, C. VI, n. 20. — 2. Liv. n, C. XIV, n. 48. —. 3. Ps. LXXIII, 23. — 4. Matt. VI, 34. — 5. Liv. II, C. XVII, n. 56. — 6. Ibid. C. XIX, n. 66. — 7. Ephés. V, 27.

 

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alors, apparaîtra également dans la gloire; et voilà pourquoi elle est appelée glorieuse. De même quand le Seigneur dit: « Demandez et vous recevrez; cherchez et vous trouverez; frappez et il vous sera ouvert, » j’ai laborieusement essayé d’exposer en quoi diffèrent ces trois choses 1. Il vaut bien mieux les rapporter toutes à une très-instante prière. C’est ce que démontre la conclusion de ce passage, où Notre-Seigneur dit: « A combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il les biens à ceux qui les lui demanderont 2 ! » Il n’a pas dit en effet à ceux qui demanderont, qui chercheront, qui frapperont.

Cet ouvrage commence ainsi : « Le discours qu’a prononcé le Seigneur. »

 

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CHAPITRE XX.

CANTIQUE CONTRE LE PARTI DE DONAT.

 

Dans le désir de porter à la connaissance du vulgaire et des hommes illettrés et ignorants l’affaire des Donatistes, et pour en graver la mémoire dans la multitude, j’ai composé suivant l’ordre des lettres latines un cantique qu’ils pussent chanter. Je ne l’ai fait que jusqu’à la lettre V. On appelle ces chants alphabétiques. J’ai laissé de côté les trois dernières lettres; mais je les ai remplacées par un épilogue où l’Eglise s’adresse à eux comme une bonne mère. Le refrain qu’on devait reprendre, et l’exposé de l’affaire, qui se chante, ne suivent pas l’ordre dis lettres; cet ordre ne commence qu’après le prologue. Je n’ai pas voulu employer de forme métrique absolue, de peur que la nécessité du vers ne me forçât de recourir à des termes moins connus du vulgaire. Ce cantique commence ainsi : « Vous tous qui jouissez de la paix, jugez la vérité. » C’est le refrain.

 

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CHAPITRE XXI.

CONTRE LA LETTRE DE L’HÉRÉTIQUE DONAT. — UN LIVRE.

 

( N’existe plus.)

 

1. Pendant que j’étais prêtre; j’écrivis encore un livre contre une lettre de Donat, qui fut à Carthage le second évêque du parti donatiste après Majorinus. Dans cette lettre, il prétendait que si on n’était pas de sa communion on n’était pas baptisé en Jésus-Christ. Mon livre

 

1. Liv. II, C. XXI. — 2. Matt, VII, 7,11,

 

le combat. En un passage j’ai dit de l’apôtre saint Pierre que l’Eglise a été fondée sur lui comme sur la pierre; c’est le sens que célèbre l’hymne très-répandue du bienheureux Ambroise dans ces vers sur le chant du coq: « A ce chant, la pierre de l’Eglise efface sa faute.» Mais je sais que très-souvent, dans la suite, j’ai expliqué cette parole du Seigneur: « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise,» en ce sens que cette pierre est Celui que Pierre a confessé en disant: « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant ; » de la sorte, Pierre tirant son nom de cette pierre, figurait la personne de l’Eglise, qui est élevée sur elle et qui a reçu les clefs du royaume des cieux. Il ne lui a pas été dit en effet: « Tu es la pierre (petra), » mais : « Tu es Pierre (Petrus). »

Car la pierre était le Christ; et Simon, l’ayant confessé comme toute 1’Eglise le confesse, a été nommé Pierre. Que le lecteur choisisse de ces deux interprétations celle qui lui semblera la plus probable.

2. J’ai dit ailleurs : « Dieu ne cherche la mort de personne, » ce qui se doit entendre

que l’homme s’est procuré la mort en s’éloignant de Dieu, et que celui qui ne recourt pas

à Dieu, se la procure selon qu’il est écrit: « Ce n’est pas Dieu qui a fait la mort 2 ». Mais

cette autre parole n’en est pas moins vraie . « La vie et la mort viennent du Seigneur Dieu 3; » la vie venant de lui comme un don, la mort comme un châtiment.

3. J’ai dit également que Donat, dont je réfutais la lettre, avait demandé à l’Empereur de lui donner pour juges entre Cécilien et lui des évêques d’au delà de la mer; il est probable que ce n’est pas lui-même qui a été l’auteur de cette demande, mais l’autre Donat, qui appartenait au même schisme que lui. Ce dernier n’était pas évêque des Donatistes de Carthage, mais des Cases-Noires; et c’est lui cependant qui le premier a consommé le schisme fatal, à Carthage. Ce n’est pas non plus Donat de Carthage qui a établi que les chrétiens fussent rebaptisés; je l’avais cru à tort quand je répondais à sa lettre. Ce n’est pas lui non plus qui a enlevé d’une citation du livre de l’Ecclésiastique des paroles essentielles. « A celui qui s’est « purifié après avoir touché min mort, et qui le touche de nouveau, que sert de s’être purifié 4?» dit le livre saint; et lui les a citées ainsi : « A

 

1. Matt. XVI, 18, 16. — 2. Sag. I, 13. — 3. Eccli. XI, 14. — 4. Ibid. XXXIV, 30.

 

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celui qui s’est purifié après avoir touché un mort, que sert de s’être purifié ? » Nous aussi,

mais plus tard, et avant que le parti des Donatistes eût paru, nous avons appris qu’il y avait

plusieurs manuscrits, africains, il est vrai, qui ne portaient pas la phrase incidente : « et qui  le touche de nouveau. » Si je l’eusse su plus tôt, je ne l’aurais pas si sévèrement traité de corrupteur et de larron de la divine Ecriture. Ce livre commence ainsi: « Je vous avais entendu dire à vous-même quand vous étiez présent. »

 

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CHAPITRE XXII.

CONTRE ADIMANTE, DISCIPLE DE MANÈS. — UN LIVRE.

 

1. Vers le même temps, il me tomba entre les mains certaines dissertations d’Adimante, qui avait été disciple de Manès; elles étaient dirigées contre la Loi et les Prophètes, qu’il prétendait mettre en opposition avec les Evangiles et les Ecrits apostoliques. Je lui ai répondu, citant ses paroles et ajoutant mes répliques. J’ai renfermé ces réponses en un volume, et dans ce volume j’ai résolu plusieurs questions non une seule fois, mais une seconde, parce que mes premières réponses avaient été perdues et elles n’ont été retrouvées que quand j’avais déjà répondu de nouveau. Quelques-unes de ces questions, il est vrai, ont été traitées par moi à l’église dans des discours aux fidèles; il en est certaines même que je n’ai pas abordées; d’autres enfin ont été délaissées, d’abord parce que des affaires plus urgentes m’ont occupé, et ensuite parce que je les ai mises en oubli.

2. Dans ce livre je dis: « Avant la venue du Seigneur, le peuple qui avait reçu l’Ancien  Testament était assurément environné de certaines ombres et de certaines figures de la réalité, selon l’admirable et très-sage distribution des temps; cependant il y a dans l’Ancien  Testament une telle préparation et une telle prédication du Nouveau que, malgré la hauteur et la divinité des préceptes et des promesses, rien ne se trouve dans la doctrine des Evangélistes et des Apôtres qui manque à ces livres 1. » Il fallait ajouter « à peu près, » et il fallait dire : «Malgré la hauteur et la divinité des préceptes et des promesses, rien à peu près ne se trouve

 

1. C. III, n. 4.

 

dans la doctrine des Evangélistes et des Apôtres, qui manque aux livres de l’Ancien Testament. »

Le Seigneur, en effet, aurait-il dit dans le sermon sur la montagne: « Vous avez entendu « que cela a été dit à vos pères : moi voici ce que je vous dis 1, » s’il n’avait rien enseigné de plus que ce qui est ordonné dans l’Ancien Testament? Nous ne voyons pas que le royaume des cieux ait été promis au peuple parmi les promesses que contenait la loi donnée à Moïse sur le Sinaï 2, laquelle se nomme proprement l’Ancien Testament; et l’Apôtre nous apprend que cet Ancien Testament est figuré par la servante de Sara et par son fils, tandis que le Nouveau est figuré par Sara même et par son fils 3. Que si ensuite on examine les figures, on trouve prophétisé tout ce qui a été réalisé ou tout ce dont on attend la réalisation par le Christ. Cependant, à cause de certains préceptes non figurés, mais directs, qui ne sont pas dans l’Ancien Testament et qui sont dans le Nouveau, il est plus sûr et plus sage de dire: « A peu près, » que de dire: « Rien, » sans correctif; bien que réellement on trouve dans l’Ancienne Loi les deux préceptes de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain, auxquels se rapportent ensemble la Loi, les Prophètes, les Evangiles et les Apôtres.

3. Semblablement, quand j’ai dit: « Dans l’Ecriture, le nom de Fils se trouve pris de trois manières 4, » j’ai parlé un peu inconsidérément; car j’en ai oublié plusieurs. Ainsi on trouve Fils de la géhenne 5, Fils d’adoption 6; acceptions qui ne sont ni selon la nature, ni selon la doctrine, ni selon l’imitation. Des trois modes ci-dessus, j’ai donné des exemples de filiation comme s’il n’y en avait pas d’autres : selon la nature, comme quand on dit que les Juifs sont fils d’Abraham 7; selon la doctrine, comme lorsque l’Apôtre appelle ses fils, ceux à qui il a enseigné l’Evangile 8; selon l’imitation, quand nous sommes nommés fils d’Abraham, parce que nous imitons sa foi 9. Quand j’ai dit 10: « Lorsque l’homme aura revêtu l’immortalité et l’incorruptibilité, alors il n’y aura plus ni chair ni sang 11,» j’ai voulu exprimer qu’il n’y aura plus de chair en tant que corruption charnelle et non en tant que substance; car en tant que substance le corps

 

1. Matth. V, 21. — 2. Exod. XIX, 3-6. — 3. Galat. IV, 22-31. — 4. C. V, n. 1. —  5. Matth. XXIII, 15 —  6. Rom. VIII, 14, 15. — 7. Jean, VIII, 37. — 8. I Cor. IV, 14. — 9. Galat. IV, 28. — 10. C. XII, n. 5. — 11. I Cor. XV, 54.

 

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du Seigneur est appelé chair, même après sa résurrection 1.

4. Ailleurs 2: « Si l’on ne change pas sa volonté, ai-je dit, on ne peut pas opérer le bien  ce que l’Evangile nous enseigne être en notre « pouvoir dans ces paroles : Faites l’arbre « bon, et son fruit sera bon; faites l’arbre mauvais, et le fruit sera mauvais 3. » Et cela n’est pas contraire à la doctrine de la grâce que nous prêchons. Il est en effet dans la puissance de l’homme de changer en mieux sa volonté; mais cette puissance ne saurait exister que si elle est donnée de Dieu, de qui il est écrit: « Il leur a donné puissance d’être faits enfants de Dieu 4. » En effet, comme ce que nous faisons quand nous le voulons, est dans notre puissance, rien n’est plus en notre puissance que la volonté même; mais la volonté est préparée de Dieu. De cette manière, c’est lui qui donne la puissance. C’est en ce sens aussi qu’il faut entendre ce que j’ai dit plus loin: « Il est dans notre puissance de mériter d’être tentés par sa bonté, ou d’être abattus par sa sévérité; » car il n’y a dans notre puissance que ce qui résulte de notre volonté; et quand elle est préparée de Dieu forte et puissante, l’oeuvre de piété devient facile lors même qu’elle était difficile ou impossible. Ce livre commence ainsi : « Sur cette parole de l’Ecriture : Au commencement Dieu a fait le ciel et la terre. »

 

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CHAPITRE XXIII.

EXPOSITION DE QUELQUES PROPOSITIONS TIRÉES DE L’ÉPÎTRE DE SAINT PAUL AUX ROMAINS.

 

1. Etant encore prêtre, il m’arriva avec ceux de nos frères qui étaient à Carthage, de lire l’Epître de saint Paul aux Romains; ils m’adressaient des questions sur divers points, et comme je leur répondais autant que je le pouvais, ils désirèrent ne pas laisser perdre ce que je disais et le recueillir par écrit. J’y consentis, et il en résulta un livre qui s’ajouta à mes autres opuscules. Dans ce livre, quand je m’exprime ainsi : « Ce que dit l’Apôtre : Nous savons que la loi est spirituelle et moi je suis charnel, prouve assez qu’on ne peut accomplir la loi sans être spirituel, ce qui est un don de la grâce de Dieu; » je n’ai certainement

1. Luc, XXIV, 39. — 2. C. XXVI. — 3. Matth. XII, 33. — 4. Jean, I, 12.

 

pas voulu qu’on l’appliquât à la personne de l’Apôtre, qui était déjà spirituel; mais à l’homme soumis à la loi et non à la grâce. C’est ainsi que je comprenais ces paroles. Plus tard, ayant lu plusieurs écrivains qui traitent de la divine Ecriture, et dont l’autorité était d’un grand prix à mes yeux, j’ai examiné de plus près et j’ai vu que ces mots: « Nous savons que la loi est spirituelle et moi je suis un « homme charnel, » pouvaient s’entendre de l’Apôtre lui-même. C’est ce que j’ai montré aussi bien que je l’ai pu dans les livres que j’ai récemment composés contre les Pélagiens. Ce que j’ai dit encore dans ce livre sur ces mots «Moi je suis un homme charnel, » etc., jusqu’à : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort? La grâce de Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ 1»je l’ai entendu appliquer à l’homme soumis encore à la loi et non encore à la grâce, voulant bien faire mais faisant mal, vaincu par la concupiscence de la chair 2. Cette domination de la concupiscence, rien n’en délivre, si ce n’est la grâce de Dieu, par Notre-Seigneur Jésus-Christ, vrai don du Saint-Esprit, par lequel la charité, répandue dans nos coeurs, triomphe des concupiscences de la chair de telle sorte que nous n’y consentions pas pour faire le mal, mais- que nous opérions le bien. Par là se trouve renversée l’hérésie de Pélage qui voudrait que la charité, qui nous fait vivre dans le bien et dans la piété, vienne de nous et non pas de Dieu. Mais dans les livres que j’ai publiés contre les Pélagiens, j’ai montré que ces paroles s’appliquaient mieux encore à l’homme spirituel et déjà constitué dans la grâce; et cela tant à cause de ce corps de chair, qui, n’étant pas spirituel ici-bas, le sera à la résurrection; qu’à cause de la concupiscence de la chair, avec laquelle les saints combattent, sans lui obéir pour le mal, mais en résistant à ses mouvements, dont ils ne sont pas exemptés pendant cette vie et dont ils ne seront délivrés que dans l’autre, où la mort sera absorbée par la victoire. Cette concupiscence et ses mouvements, auxquels on résiste sans qu’ils cessent d’être, permettent que toute personne sainte, constituée en grâce, puisse employer ces termes que j’ai dit être propres à un homme soumis encore à la loi et non à la grâce. Il serait long de l’expliquer et j’ai indiqué où se trouve cette explication à 3.

 

1. Rom. VII, 14-25. — 2. Prop. 41-46. — 3. C. VI.

 

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2. De même, examinant ce qu’a choisi Dieu dans l’enfant qui n’était pas encore né, et à qui il a dit que son allié serait son serviteur; examinant aussi ce que Dieu a repoussé dans cet enfant qui n’était pas encore né et qui devait être l’aîné, je remarque que c’est à eux que s’applique la parole prophétique, bien que proférée longtemps après : « J’ai aimé Jacob et j’ai haï Esaü 1,» et je poursuis ainsi mon raisonnement : « Dieu ne choisit donc pas les oeuvres de chacun par sa prescience des oeuvres qu’il donnera à chacun d’opérer; mais il choisit la foi par sa prescience, en choisissant pour lui donner l’Esprit Saint, celui qu’il sait devoir croire en lui, afin qu’il obtienne la vie éternelle en faisant le bien 2. »  Je n’avais pas alors recherché avec assez de soin, ni trouvé exactement ce qu’est l’élection de la grâce. L’Apôtre dit à ce sujet: « Ceux qui étaient de reste ont été sauvés par l’élection de la grâce 3. » Elle ne serait pas grâce s’il y avait des mérites qui la précédassent; sans quoi ce qui serait donné, serait moins donné comme une grâce que rendu aux mérites comme une dette. D’où il suit que ce que j’ai dit aussitôt après : « L’Apôtre remarque en effet que c’est le même Dieu qui opère tout en tous 4 ; mais il n’est dit nulle part : « Dieu croit tout en tous; » et ce que j’ai ajouté : « Si nous croyons, c’est notre oeuvre, mais ce que nous faisons de bon vient de Celui qui donne l’Esprit-Saint aux croyants 5;» je ne l’eusse pas dit, si j’avais su que la foi elle-même est comptée au nombre des dons de Dieu, lesquels sont faits par le même Esprit. L’un et l’autre nous appartient à cause du libre arbitre de notre volonté; et cependant l’un et l’autre nous est donné par l’Esprit de foi et de charité. La charité en effet n’est pas seule, mais, comme il est écrit : « La charité avec la  foi vient de Dieu le Père, et de Notre-Seigneur Jésus-Christ 6 »

3. Quand j’ai dit peu après : « Il nous appartient de croire et de vouloir; il appartient à  Dieu de donner à ceux qui croient et qui veulent, la faculté de faire le bien par le Saint-Esprit, par lequel la charité est répandue dans nos coeurs 7; » j’ai eu raison; mais par la même règle l’un et l’autre appartient à Celui qui lui-même prépare la volonté, comme l’un et l’autre appartient à nous, puisque rien ne se

 

1.Rom. IX, 13. — 2.  Prop. 60. — 3. Rom. XI, 5. — 4. I Cor. XI, 6. — 5. Prop. 61. — 6. Ephes. VI, 23.— 7. Prop. 61.

 

fait sans notre volonté. Lorsque j’ai dit ensuite: «Nous ne pouvons vouloir sans que nous soyons appelés ; et quand nous avons voulu, en suite de cet appel, notre volonté et notre course ne suffisent pas, à moins que Dieu ne fournisse des forces à ceux qui courent et les conduise là où il les appelle; » et aussi quand j’ai ajouté : «Il est donc manifeste que le bien que nous faisons n’est pas l’oeuvre de notre volonté et de notre mouvement, mais de la miséricorde de Dieu 1,» j’ai été absolument dans le vrai. Mais je n’ai que très-peu parlé de la vocation elle-même qui a lieu selon le dessein de Dieu; elle n’est pas telle chez tous les appelés, mais seulement chez les élus. C’est pourquoi mes paroles ajoutées peu après : « De même que les élus de Dieu commencent par la foi, non par les oeuvres, à mériter le don de Dieu pour faire le bien; ainsi les damnés commencent par l’infidélité et l’impiété à mériter la peine, cette peine qui est elle-même le principe de leurs mauvaises actions; » ces paroles sont très justes: mais que le mérite de la foi est lui-même un don de Dieu, je ne l’ai pas dit, je n’ai

pas pensé non plus qu’il le fallait rechercher.

4. Ailleurs j’ai dit : « Celui dont il a pitié, Dieu le fait bien agir; celui qu’il endurcit 2,

il le laisse mal agir. Mais cette miséricorde est accordée au mérite précédent de la foi; et cet endurcissement est dû à l’impiété précédente 3. » Cela est vrai; mais il fallait, de plus, rechercher si le mérite de la foi vient de la miséricorde de Dieu, c’est-à-dire, si cette miséricorde se rencontre dans l’homme seulement parce qu'il est fidèle, ou si elle s’y est rencontrée afin qu’il le soit. Nous avons lu en effet ce que dit l’Apôtre : « J’ai obtenu miséricorde pour être fidèle 4; » il ne dit pas: parce que j’étais fidèle. Au fidèle est donc accordée la miséricorde, mais elle lui fut aussi accordée pour être fidèle; aussi ai-je eu parfaitement le droit d’écrire en un autre endroit du même livre « Si nous sommes appelés à croire, non par nos oeuvres, mais par la miséricorde de Dieu; et si par cette même miséricorde il est accordé aux croyants de bien faire, cette miséricorde ne doit pas être refusée aux Gentils 5; » cependant je n’ai pas assez soigneusement traité de cette vocation qui a lieu par le dessein de Dieu. Ce livre

 

1. Rom. IX, 16. — 2. Ibid. 18. — 3. Prop. 62. — 4. I Cor. VII, 25. — 5. Prop. 64.

 

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commence ainsi: « Dans l’Epître de saint Paul aux Romains, voici les sens. »

 

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CHAPITRE XXIV.

EXPOSITION DE L’ÉPÎTRE AUX GALATES. — UN LIVRE.

 

1. Après ce livre, j’ai composé une exposition de l’épître du même apôtre saint Paul aux Galates; non pas par fragments et en prenant des passages par intervalles, mais de suite et sans rien omettre. Cette exposition comprend un volume. Lorsque je dis dans ce volume « Les premiers Apôtres étaient des témoins véridiques envoyés non par les hommes, mais de Dieu par un homme, c’est-à-dire par Jésus-Christ, encore mortel : alors il est aussi n véridique le dernier des Apôtres qui a été envoyé par Jésus-Christ déjà tout Dieu, après sa résurrection; » ces mots : Déjà tout Dieu, je les ai employés à cause de l’immortalité qu’il a prise après sa résurrection. Je ne les ai pas employés à cause de la divinité; car la divinité toujours immortelle n’a pas un instant quitté Jésus-Christ, et il était tout Dieu en elle, même lorsqu’il allait mourir. Ce sens ressort manifestement de ce qui suit, car j’ai ajouté « Les premiers, ce sont les autres Apôtres, envoyés par Jésus-Christ, qui, en partie, était homme, c’est-à-dire mortel; le dernier, c’est Paul, qui l’a été par Jésus-Christ déjà tout Dieu, c’est-à-dire immortel dans toutes ses parties 1.» Je me suis exprimé ainsi, en exposant ce que dit l’Apôtre : «Non des hommes ni par l’homme, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père; »  comme si J.-C. n’était plus homme. Il dit en effet aussitôt : « Qui l’a ressuscité des morts 2.» afin que l’on comprît bien pourquoi il disait : « Ni par l’homme. » En effet, au point de vue de l’immortalité, J.-C. Dieu n’est plus homme actuellement; mais au point de vue de la substance de la nature humaine, avec laquelle il est monté au ciel, J.-C. homme est encore maintenant médiateur entre Dieu et les hommes 3, puisqu’il viendra dans le même état où l’ont vu ceux qui l’ont vu monter au ciel 4.

2. De même, ce que j’ai dit : « La grâce de Dieu est celle qui nous fait pardonner nos péchés afin que nous soyons réconciliés avec Dieu; la paix est ce qui nous réconcilie avec  Dieu 5, » doit être pris en ce sens que l’une

 

1. N. 2.— 2. Gal. I, 1. — 3. I Tim. II, 5. —  4.  Act. I, 11.— 5. N. 3.

 

et l’autre appartiennent à la grâce de Dieu en général; de la même manière que lorsqu’on parle du peuple de Dieu, on dit d’une façon spéciale, autre est Juda, autre est Israël, et cependant, d’une manière générale, Israël peut signifier l’un et l’autre. De même, quand j’expliquais ces mots: « Quoi donc ?  La loi a été établie à cause des transgressions 1, » j’ai pensé qu’il fallait faire une distinction et considérer : « Quoi donc ? » comme l’interrogation, et: « La loi a été établie à cause des transgressions,» comme la réponse 2. Ce système n’est pas absolument erroné; mais je préfère cette lecture : « Qu’est ce que la loi ? » à titre d’interrogation, et: « Elle a été établie à cause des transgressions, » à titre de réponse. Quand ensuite j’ai écrit : « C’est avec la plus grande raison que l’Apôtre ajoute: Si vous êtes conduits par l’esprit, vous n’êtes plus sous la loi, afin que nous comprenions que ceux-là sont sous la loi, dont l’esprit a des  désirs contraires à ceux de la chair, de telle sorte qu’ils ne fassent pas ce qu’ils veulent; c’est-à-dire qu’ils ne se tiennent pas invaincus dans l’amour de la justice, mais qu’ils soient vaincus par la chair qui con»voile contre eux 3; » cela se doit prendre dans le sens que j’attribuais à ces paroles « La chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit; et l’esprit en a de contraires à  ceux de la chair; ils luttent l’un contre l’autre et vous empêchent de faire ce que vous voulez 4;» croyant qu’elles regardaient ceux qui sont sous la loi et ne sont pas encore sous la grâce. Je n’avais pas encore compris que ces paroles conviennent aussi à ceux qui sont sous la grâce et non sous la loi, parce que eux aussi, bien qu’ils n’y consentent pas éprouvent cependant les concupiscences de la chair auxquelles sont opposés les désirs de leurs esprits, et voudraient ne les pas éprouver s’ils le pouvaient. C’est pourquoi ils ne font pas tout ce qu’ils veulent, parce qu’ils veulent se soustraire à ces concupiscences et ne le peuvent. Ils cesseront de les éprouver, quand ils n’auront plus cette chair corruptible. Ce livre commence ainsi : « La cause pour laquelle l’Apôtre écrit. »

 

1. Galat. III, 19. — 2. N. 24. — 3. N. 47. — 4. Gal. V, 17. 18.

 

 

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CHAPITRE XXV.

EXPOSITION COMMENCÉE DE L’ÉPÎTRE AUX ROMAINS.— UN LIVRE.

 

J’avais aussi entrepris d’expliquer l’Epître aux Romains comme l’Epître aux Galates. Cette oeuvre, pour être complète, demandait plusieurs livres ; j’en ai fait un de la seule discussion sur la salutation, c’est-à-dire depuis le commencement de cette lettre jusqu’à l’endroit où l’Apôtre dit : « La grâce et la paix soient avec vous de la part de Dieu notre Père et de N.-S.-J.-C. » Il nous arriva de nous arrêter à vouloir résoudre une question incidente des plus difficiles, celle du péché contre le Saint-Esprit, lequel n’est remis ni en ce monde ni en l’autre. Mais je cessai d’ajouter d’autres volumes pour expliquer l’Epître entière, effrayé par la grandeur et la fatigue d’une telle entreprise, et je me livrai à d’autres plus faciles. Il en résulta que je laissai seul le livre qui devait être le premier, et je lui donnai pour titre : Exposition commencée de l’Epître aux Romains. J’y ai dit que « la grâce est dans la rémission des péchés, et la paix dans la réconciliation avec Dieu. » Partout où je me suis exprimé ainsi, je n’ai pas voulu dire que la paix et la réconciliation elles-mêmes n’appartiennent pas à la grâce en général, mais que l’Apôtre a désigné spécialement par le nom de grâce, la rémission des péchés. De la même manière que nous disons dans un sens spécial, la Loi, selon cette parole: « La Loi et les Prophètes 1,» et dans un sens général, la Loi, comprenant aussi les Prophètes sous ce mot. Ce livre commence ainsi: « Dans l’Epître que l’apôtre saint Paul a écrite aux Romains, »

 

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CHAPITRE XXVI.

DE QUATRE-VINGT-TROIS QUESTIONS DIVERSES. — UN LIVRE.

 

Il y a parmi nos oeuvres un écrit très-étendu qui cependant n’est compté que comme un seul livre et qui est intitulé : De quatre-vingt-trois questions diverses. Ces matières avaient été disséminées sur un grand nombre de petits feuillets. Car, dans les premiers temps de ma conversion, après mon arrivée en Afrique, comme mes frères m’interrogeaient sur divers

 

1. Matth. XXII, 40.

 

points quand ils me voyaient quelques loisirs, je dictais des réponses sans observer aucun ordre. Devenu évêque, je fis recueillir ces réponses, je les réunis en un volume et j’y mis des numéros pour la commodité du lecteur. La première de ces questions est celle-ci : L’âme est-elle par elle-même? La seconde traite du Libre arbitre. La troisième est celle-ci : Dieu est-il l’auteur du mal dans l’homme? La quatrième : Quelle est la cause de la méchanceté de l’homme? La cinquième : Un animal sans raison peut-il arriver à la béatitude? La sixième: Du mal. La septième: Ce qu’est proprement l’âme dans un animal. La huitième: Si l’âme se meut par elle-même? La neuvième: Si la vérité peut être perçue par les sens corporels? Dans cette question, j’ai dit : « Tout ce qu’atteignent les sens corporels, tout ce que l’on appelle sensible change sans aucune interruption : » cela n’est pas vrai assurément des corps devenus incorruptibles après la résurrection; mais, dans la vie présente, aucun de nos sens corporels n’y atteint, si ce n’est peut-être par une révélation divine. La dixième: Le corps vient-il de Dieu? La onzième : Pourquoi le Christ est né d’une femme. La douzième, en ce qui est intitulé : Sentence d’un sage, n’est pas de moi; mais comme c’est moi qui l’ai fait connaître à quelques-uns de mes frères qui réunissaient avec soin nos travaux d’alors, et comme celui-là leur a plu, ils ont voulu l’insérer dans mes oeuvres Cette question a été traitée par un certain Fonteius de Carthage; elle montre qu’il faut purifier l’âme pour voir Dieu. Fonteius l’a écrite étant encore païen; mais il est mort chrétien baptisé. La treizième donne les preuves de la supériorité de l’homme sur les bêtes. La quatorzième établit que le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ n’était pas un fantôme. La quinzième traite de l’Intellect. La seizième : Du Fils de Dieu. La dix-septième : De la science de Dieu. La dix-huitième : De la Trinité. La dix-neuvième: De Dieu et de la créature. La vingtième : Du lieu de Dieu. La vingt-unième:

Si Dieu n’est pas l’auteur du mal. Il faut avoir soin de ne pas interpréter en mal ce que j’y ai dit: « Il n’est pas l’auteur du mal, puisqu’il est l’auteur de tout ce qui est; car autant les choses sont, autant sont-elles bonnes; » et il faut aussi avoir soin de ne pas penser d’après cela que ce n’est pas de lui que vient la peine du. mal, laquelle est assurément un mal pour (337) ceux qui sont punis. J’ai parlé ainsi dans le sens de ce qui est écrit : « Ce n’est pas Dieu qui a fait la mort 1 ,» tandis qu’il est dit ailleurs : « La mort et la vie sont du Seigneur Dieu 2. » Donc la peine du mal, laquelle vient de Dieu, est, à la vérité, un mal pour les méchants; mais elle est parmi les bonnes oeuvres de Dieu, puisqu’il est juste que les méchants soient punis, et que tout ce qui est juste est bon. La vingt-deuxième question traite de ceci : Dieu ne subit pas la nécessité. La vingt-troisième s’occupe du Père et du Fils. J’y ai dit que le Père a engendré la sagesse par laquelle il est appelé Sage : mais j’ai mieux approfondi cette question dans le livre de la Trinité qui est postérieur. La vingt-quatrième est : Le péché et l’acte vertueux sont-ils dans le libre arbitre de la volonté? Cela est vrai de tout point; mais, pour être libre de faire le bien, il est affranchi par la grâce de Dieu. La vingt-cinquième traite de la Croix du Christ. La vingt-sixième : De la différence des péchés. La vingt-septième: De la Providence. La vingt-huitième : Pourquoi Dieu a voulu faire le monde. La vingt-neuvième: S’il y a quelque chose dans l’univers au-dessus ou au-dessous.

La trentième: Si toutes choses ont été créées pour l’utilité de l’homme. La trente et unième ne m’appartient pas; elle est de Cicéron 3; mais comme c’est par moi qu’elle a été connue de nos frères, ils l’ont transcrite dans mes ouvrages en les réunissant, parce qu’ils désiraient savoir comment les vertus de l’âme ont été divisées et définies par lui. La trente-deuxième: Si une personne comprend mieux qu’une autre un sujet quelconque et si, par conséquent, la même chose peut être comprise jusqu’à l’infini. La trente-troisième : De la crainte. La trente-quatrième : S’il ne faut pas aimer autre chose que d’être sans crainte. La trente-cinquième: Que faut-il aimer? J’ai dit à cette occasion: « Il faut aimer ce qu’on possède en le connaissant; » je désapprouve cette parole. Ils n’étaient pas sans posséder Dieu, en effet, ceux à qui il a été dit: « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous 4? » et cependant ils ne le connaissaient pas, ou ne le connaissaient pas tel qu’il doit être connu. De même quand j’ai dit : « Personne ne connaît donc la vie bienheureuse et est

 

1. Sag. I, 13. — Eccli. XI, 14. — 3. Cic. Des Devoirs, liv, I. — 4.                 I Cor. III, 16.

 

malheureux, » j’ai voulu dire  « ne la connaît comme elle doit être connue. » Qui donc en effet l’ignore entièrement, de ceux du moins qui ont l’usage de la raison , puisqu’ils savent qu’ils veulent être bienheureux? La trente-sixième : Comment nourrir la charité? J’ai dit en cet endroit : « Dieu donc et la coeur qui l’aime est proprement appelé charité épurée et consommée, quand on n’aime rien autre chose. » Si cela est vrai, comment l’Apôtre a-t-il dit : « Personne ne hait sa propre chair 1? » Et il part de là pour exhorter les maris à aimer leurs femmes. Aussi j’ai dit : « Est proprement appelé dilection,» parce que si l’on aime la chair, ce n’est pas pour elle-même, mais pour l’âme à qui elle est soumise et qu’elle sert. Bien qu’elle paraisse être aimée pour elle-même, quand nous ne voulons pas qu’elle soit difforme, nous devons reporter sa beauté à une autre cause, à Celui de qui vient toute beauté. La trente-septième : De celui qui est né toujours. La trente-huitième: De la Conformation de l’âme.

La trente-neuvième : Des aliments. La quarantième : La nature des âmes étant une, d’où vient que les volontés des hommes sont diverses? La quarante et unième : Puisque Dieu a fait toutes choses, comment ne les a-t-il pas faites toutes égales? La quarante-deuxième Comment Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Sagesse de Dieu, a été à la fois au ciel et dans le sein de sa mère. La quarante-troisième: Pourquoi le Fils de Dieu a paru en homme et le Saint-Esprit en colombe 2. La quarante-quatrième: Pourquoi Notre-Seigneur Jésus-Christ est venu si tard. En rappelant les âges du genre humain et en les indiquant comme ceux d’un seul homme, j’ai dit : « Il fallait que le Maître divin, à l’imitation de qui devaient se former les bonnes moeurs, descendit d’en-haut, au temps de la jeunesse. » j’ai ajouté en preuve la parole de l’Apôtre, qui dit que les hommes étaient placés sous la garde de la Loi comme de petits enfants sous celle de leur instituteur 3. On pourrait demander pourquoi nous avons avancé ailleurs: Que le Christ est venu comme dans la vieillesse du monde, dans le sixième âge du genre humain 4. Ce que j’ai appelé la jeunesse du monde doit se rapporter à la vigueur et à la ferveur de la foi qui agit par amour; ce que j’ai appelé la

 

1. Ephés. V, 29. — 2. Matth. III, 16. —  3. Galat. III, 23. — 4. Liv. I, de la Genèse contre les Manichéens, C. XXXIII, n. 40.

 

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vieillesse fait allusion au calcul des temps. L’une et l’autre acception peuvent en effet convenir à l’universalité des hommes et non pas à l’âge de chacun ; de même que dans le corps il ne peut y avoir ensemble jeunesse et vieillesse , tandis que les deux se peuvent rencontrer dans l’âme, jeunesse eu égard à sa vigueur, vieillesse eu égard à sa gravité. La quarante-cinquième : Contre les mathématiciens. La quarante-sixième : Sur les idées. La quarante-septième: Si nous pouvons quelquefois voir nos pensées. J’y ai dit: « Les corps angéliques, tels que nous espérons un jour en posséder, seront, il le faut croire, éthérés et lumineux; » si on entendait par là que nous n’aurons pas les mêmes membres que nous possédons, ni la substance de notre chair, quoique devenue incorruptible, on se tromperait. Du reste, cette question: De la vue de nos pensées, a été bien mieux traitée dans notre ouvrage de la Cité de Dieu 1. La quarante-huitième : Des choses croyables. La quarante-neuvième : Pourquoi les enfants d’Israël sacrifiaient sensiblement des animaux comme victimes. La cinquantième : De l’égalité du Fils.

La cinquante et unième : De l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. C’est là que j’ai dit: «On n’appelle pas à bon droit homme, l’homme sans vie; » on appelle cependant homme le cadavre d’un homme. J’aurais dû dire on appelle « improprement, » et non pas on n’appelle point « à bon droit. » De même aussi: « On distingue à bon escient, ai-je dit, qu’autre chose est l’image et la ressemblance de Dieu, autre chose est d’être fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, ainsi que nous savons qu’il en a été pour l’homme. » Il ne faudrait pas comprendre par là que l’homme ne doit pas être appelé « image de Dieu, » puisque l’Apôtre dit : « L’homme ne doit pas se couvrir la tête puisqu’il est l’image et la gloire de Dieu » Mais on le nomme fait à l’image de Dieu pour ne pas le confondre avec le Fils unique qui seul est l’image et non fait à l’image de Dieu. La cinquante-deuxième traite de cette parole : « Je me repens d’avoir fait l’homme 3 .» La cinquante-troisième: De l’or et de l’argent que les Israélites reçurent des Egyptiens 4. La cinquante-quatrième, de cette parole : « Il m’est bon de m’attacher à Dieu 5. » J’ai dit à ce sujet : « L’Etre qui est

 

1. Liv. XXII, C. XXIX.— 2.  I Cor. XI, 7.— 3. Gen. VI, 6, 7.— 4.  Exod. III, 22et XII, 35. — 5. Ps. LXXII, 28.

 

 meilleur que toute âme, nous l’appelons Dieu; » j’aurais dû dire plutôt : « L’Etre qui est meilleur que tout esprit créé. » La cinquante-cinquième traite de cette parole « Il y a soixante reines, quatre-vingts concubines et des jeunes filles sans nombre 1. »

La cinquante-sixième : Des quarante-six années de la construction du temple. La cinquante-septième : Des cent cinquante-trois poissons. La cinquante-huitième : De saint Jean-Baptiste. La cinquante-neuvième : Des dix Vierges. La soixantième: « Mais pour ce jour  et cette heure, personne ne les sait, ni les Anges du ciel, ni le Fils de l’homme; il n’y a que le Père 2. » La soixante et unième : De ce passage de l’Evangile où il est rapporté que le Seigneur rassasia la multitude avec cinq pains sur la montagne 3. J’y ai dit « que les deux poissons signifiaient ces deux personnes, la  personne royale et la personne sacerdotale  auxquelles il appartient de recevoir l’onction sainte: » j’aurais dû dire plutôt auxquelles il appartient « surtout, » car nous lisons que les Prophètes aussi ont reçu quelquefois cette onction, Là aussi j’ai écrit: « Saint Luc, qui fait remonter en quelque sorte Notre-Seigneur, le prêtre véritable, après l’abolition des péchés, s’élève par Nathan jusqu’à David 4, parce que Nathan le prophète avait été envoyé vers David, et que sous sa correction David, ayant fait pénitence, obtint l’abolition de son péché; » il ne faudrait pas s’imaginer par mes paroles que Nathan le prophète a été le même que Nathan fils de David. Il n’est pas dit ici, en effet, parce que ce prophète avait été envoyé; il est dit : « parce que Nathan le prophète avait été envoyé, » afin que l’on comprît que le mystère n’est pas dans le même homme, mais dans le même nom.

La soixante-deuxième question traite de ce qui est écrit dans l’Evangile : « Que Jésus baptisait plus de personnes que Jean; quoique ce ne fût pas lui-même qui baptisât, mais bien ses disciples 5. » J’y ai écrit : «Le voleur à qui il est dit: En vérité, je te le déclare, aujourd’hui  tu seras avec moi en paradis 6 n’avait pas reçu le baptême lui-même ; » j’ai trouvé cette

opinion professée avant moi par d’autres docteurs de la sainte Eglise 7; mais sur quels documents s’appuie-t-on pour montrer que ce

 

1. Cant. VI, 7. — 2. Matth. XXIV, 36. — 3. Ibid. XIV, 15-21. — 4. Luc. III, 31. — 5. Jean. IV, I, 2. — 6. Luc. XIII, 43. — 7. Entre autres, saint Cyprien, épit. 73 à. Jubaïanus.

 

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voleur n’a pas été baptisé? je l’ignore. Au reste, j’ai discuté ce point avec plus de soin dans d’autres de mes ouvrages, spécialement dans celui que j’ai adressé à Vincentius Victor sur l’origine de l’âme 1. La soixante-troisième question traite du Verbe. La soixante-quatrième : De la Samaritaine. La soixante-cinquième : De la résurrection de Lazare. La soixante-sixième, de ce passage : « Ignorez-vous, mes frères (car je parle à ceux qui connaissent la loi), que la loi ne domine l’homme que tout le temps qu’il vit? » jusqu’à ces mots : «Il vivifiera vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous 2. » Voulant exposer cette parole de l’Apôtre : « Nous «savons que la loi est spirituelle, mais moi je suis charnel, » j’ai dit : « Cela signifie : je cède à la chair, n’étant pas encore affranchi par la grâce spirituelle; » il ne faut pas prendre cela dans le sens que l’homme spirituel établi déjà dans la grâce, ne peut pas dire de lui-même ces paroles et les autres jusqu’à: « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort 3? » Je ne l’ai appris que plus tard comme j’en suis déjà convenu. De plus exposant ce que dit l’Apôtre: Le corps est mort à cause du péché 4, «l’Apôtre, ai-je dit, appelle le corps mort, tant qu’il est tel que par le besoin des choses temporelles il tourmente l’âme. » Mais il m’a semblé ultérieurement beaucoup préférable de penser que le corps est appelé mort, parce qu’il subit à présent la nécessité de mourir, à laquelle il n’était pas soumis avant le péché.

La soixante-septième question traite de cette parole : « J’estime que les souffrances de ce temps ne sont pas dignes de la gloire future qui sera découverte en nous, » jusqu’à: « En effet, c’est par l’espérance que nous avons été sauvés 5» Comme j’expliquais ce passage : « Et la créature elle-même sera délivrée de la servitude de la mort, » je disais : « La créature elle-même, c’est-à-dire l’homme, qui, après avoir perdu par le péché le cachet de l’image de Dieu, est simplement demeuré une créature. » Que l’on ne prenne pas cela comme si l’homme avait perdu tout ce qu’il avait de l’image de Dieu. Car s’il n’en avait rien perdu on n’aurait pas pu dire : « Réformez-vous par le renouvellement de votre esprit 6; » et : « nous sommes  transformés en

 

1. De l’Origine de l’Âme, liv. III, C. IX, 43. — 2. Rom. VII-VIII, 11. — 3. Ibid. VII, 14-24.— 4.  Ibid. VIII, 10.— 5. Ibid. 18-24. — 6. Rom. XII, 2.

 

cette même image 1 » S’il l’eût perdu totalement, on ne pourrait pas davantage dire

« Bien que l’homme marche à l’image de Dieu, cependant il se trouble en vain 2.» De même ce que j’ai dit: « Les anges supérieurs vivent d’une vie spirituelle, les inférieurs d’une vie  animale;» est à l’égard des anges inférieurs d’une audace qui ne se peut justifier ni par les Ecritures, ni par le fait: ou si elle le pouvait, ce serait très-difficilement.

La soixante-huitième question traite de cette parole : « O homme, qui es-tu pour répondre à Dieu 3? » J ‘ai dit: « Quiconque, pour des fautes légères, ou même pour des fautes graves et nombreuses, s’est rendu digne de la miséricorde de Dieu par ses grands gémissements et par une profonde douleur de pénitence, n’obtient pas cependant cela de lui-même, car il périrait s’il était abandonné; mais il l’obtient de la miséricorde de Dieu qui a exaucé ses prières et ses douleurs. C’est peu de vouloir, si Dieu ne fait pas miséricorde; mais Dieu ne fait pas miséricorde, lui qui appelle à la paix, si la volonté ne cherche pas d’abord la paix.» Cela doit s’entendre après la pénitence. Car il y a une miséricorde de Dieu qui prévient la volonté elle-même, et si elle n’existait pas, la volonté ne serait pas préparée par le Seigneur. C’est aussi à cette miséricorde qu’appartient la vocation qui prévient même la foi. Comme j’en traitais peu après, je disais: « Cette vocation qui, soit dans chaque homme, soit dans les peuples et même dans le genre humain, opère selon l’opportunité des temps, est d’un ordre élevé et profond. C’est à elle que se rapportent ces paroles : Je vous ai sanctifié dès les entrailles de votre mère 4;» et celles-ci: « Lorsque vous étiez dans les reins « de votre père, je vous ai vu; » celles-ci également : « J’ai aimé Jacob et j’ai haï Esaü 5, etc. » Quant à ce passage: « Lorsque vous étiez encore dans les reins de votre père, je vous ai vu,» je ne sais comment il s’est présenté à moi, et d’où il m’a paru tiré.

La soixante-neuvième question traite de ce passage : « Alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses 6.» La soixante-dixième, de ces mots de l’Apôtre « La mort a été absorbée dans sa victoire; ô mort! où est mon effort? ô mort! où est ton  aiguillon? Or, l’aiguillon de la mort, c’est le

 

1. II Cor, III, 18. —  2. Ps. XXXVIII, 7.— 3. Rom. IX, 20. — 4. Jérém. I, 5. — 5. Rom, IX, 13; Malach. I, 2, 3. —  6. I Cor. XV, 28.

 

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« péché; et la force du péché, la loi 1, » La soixante et onzième traite de cette parole: « Portez les fardeaux les uns des autres et ainsi vous accomplirez la loi du Christ 2. » La soixante-douzième traite des temps éternels. La soixante-treizième : De cette parole : « Et par les dehors il a été reconnu pour un homme 3. »La soixante-quatorzième, de ce passage de l’Epître de saint Paul aux Colossiens : « En qui nous avons la rédemption et la rémission des péchés; qui est l’image du Dieu invisible 4. »La soixante-quinzième traite de l’héritage de Dieu. La soixante-seizième, de cette parole de l’apôtre saint Jacques : « Veux-tu savoir, ô homme vain, que la foi sans les oeuvres est inutile 5? » La soixante-dix-septième : De la crainte, est-elle un péché? La soixante-dix-huitième : De la beauté des simulacres. La soixante-dix-neuvième: Pourquoi les mages de Pharaon firent quelques miracles comme Moïse, serviteur de Dieu 6 . La quatre-vingtième est dirigée contre les Apollinaristes. La quatre-vingt et unième traite du Carême et de la Quinquagésime. La quatre-vingt-deuxième, de cette parole : « Le Seigneur châtie celui qu’il aime; et « il frappe de verges tout fils qu’il reçoit 7. » La quatre-vingt-troisième : Du mariage, au sujet de cette parole du Seigneur: « Si quelqu’un renvoie son épouse, si ce n’est pour cause

 

1. I Cor. XV, 54-56. — 2. Gal. VI, 2. — 3. Phil. II, 7.— 4. Colos,. I, 14, 5. — 5. Jacq. II, 20.— 6. Exod. VII, 22, — 7. Héb. XII, 6.

 

d’adultère 1.» Cet ouvrage commence ainsi: « L’âme existe-t-elle d’elle-même? »

 

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CHAPITRE XXVII.

SUR LE MENSONGE. — UN LIVRE.

 

J’ai aussi écrit un livre sur le Mensonge; bien qu’il exige quelques efforts pour être compris, il peut servir d’utile exercice à l’esprit et à l’intelligence, et plus encore être avantageux aux moeurs en faisant aimer la sincérité dans le langage. J’avais également résolu de retirer ce livre de mes oeuvres, parce qu’il est obscur et plein d’anfractuosités; il me semblait tout à fait insupportable, aussi je ne l’avais pas publié. Plus tard, quand j’en eus écrit un autre intitulé : « Contre le Mensonge,» j’avais bien plus sévèrement encore résolu et ordonné de le détruire. Cela ne fut pas exécuté. Je l’ai retrouvé sain et sauf dans la révision de mes oeuvres; et après l’avoir revu j’ai décidé qu’il resterait; il y a en effet des choses fort nécessaires qui ne sont pas dans l’autre. Le titre de ce dernier est : Contre le Mensonge; le titre de l’autre est : Sur le Mensonge. Celui-là est tout entier une agression ouverte contre le mensonge, celui-ci est en grande partie une recherche et une discussion. Le but néanmoins des deux est le même. L’ouvrage commence ainsi : « C’est une grande question que celle « du mensonge. »

 

1. Matth. XIX, 9.

 

 

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LIVRE SECOND

REVISION DES OUVRAGES ÉCRITS PENDANT L’ÉPISCOPAT.

 

CHAPITRE PREMIER.

LES DEUX LIVRES A SIMPLICIEN.

 

1. Des livres que j’ai composés étant évêque, les deux premiers sont adressés à Simplicien, évêque de Milan, successeur du bienheureux Ambroise; ils traitent de diverses questions, dont deux, tirées de l’Epître de saint Paul aux Romains, occupent le premier livre. La première s’est soulevée à propos de cette parole « Que dirons-nous donc? La loi est-elle péché? Point du tout, » jusqu’à celle-ci: « Qui me délivrera du corps de cette mort? La grâce de Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ 1. » Dans cette partie, les mots de l’Apôtre: « La loi est spirituelle, et moi, je suis charnel, etc.,» mots par lesquels il expose le conflit de la chair et de l’esprit, je les ai expliqués comme ne s’appliquant qu’à l’homme encore placé sous la loi et non encore sous la grâce. Bien longtemps après, j’ai compris que ces mots peuvent s’appliquer, et cela avec plus de probabilité, à l’homme spirituel.

La seconde question de ce livre comprend depuis cette parole : « Non-seulement elle, mais aussi Rebecca qui conçut en même temps deux fils d’Isaac notre père, » jusqu’à celle-ci : « Si le Seigneur des armées ne nous avait réservé un rejeton, nous fussions devenus comme Sodome et semblables à Gomorrhe 2. » Nous avons travaillé dans cette discussion pour le libre arbitre de la volonté humaine. Mais la grâce de Dieu a vaincu et nous n’avons pu arriver à rien autre qu’à reconnaître que l’Apôtre avait dit avec la plus éclatante vérité : « Car qui te discerne? Qu’as.

 

1. Rom, VII, 7-25. — 2. Ibid. IX, 10-29.

 

tu que tu n’aies reçu? Or, si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu 1? » C’est ce que le martyr Cyprien voulait aussi démontrer et ce qu’il a exprimé entièrement dans ce titre de chapitre : « Il ne faut nous glorifier de rien, car nous n’avons rien 2. »

2. Dans le second livre sont traitées et résolues, selon nos faibles facultés, les autres questions qui toutes ont pour objet la partie de l’Ecriture qu’on nomme les Rois. La première est agitée au sujet de ces paroles: « L’esprit du Seigneur s’élança sur Saül 3; » et de ces autres

« L’esprit mauvais du Seigneur était sur Saül 4.» En les expliquant je disais: « Quoique chacun soit le maître de ce qu’il veut, chacun n’est pas le maître de ce qu’il peut 5. » Je voulais montrer par là que nous ne disons en notre puissance que ce qui arrive quand nous voulons; il en est ainsi avant tout et surtout du vouloir. En effet, sitôt que nous voulons, notre volonté est là, à notre disposition, sans nul retard; mais ce pouvoir même de bien vivre, nous le recevons d’en-haut, lorsque notre volonté est disposée par le Seigneur. La seconde question est sur ce texte : « Je me repens d’avoir établi Saül Roi 6 .» La troisième examine si l’esprit immonde qui était dans la pythonisse a pu faire que Samuel fût vu par Saül et lui parlât 7. La quatrième traite de ces mots: « Le roi David entra et s’assit devant le Seigneur 8 » La cinquième de ce que dit Elie: « O Seigneur, témoin pour cette veuve avec laquelle j’habite dans sa maison, vous avez fait tristement périr son fils 9. » Ce Livre

 

1. I Cor. IV, 7. — 2. Liv. III, témoign. 4.— 3. I Rois, X, 10,— 5. Ibid. XVI, 14. — 6. Liv. II, quest. 1. — 7. I Rois, XV, 11. — 8. Ibid. XXVIII, 7-20. — 9. II Rois, VII, 18.— 10. III Rois. XVII, 20.

 

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commence ainsi: « C’est une chose assurément très-agréable. »

 

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CHAPITRE II.

CONTRE LA LETTRE APPELÉE DU FONDEMENT. — UN LIVRE.

 

Le Livre contre la lettre de Manichée, lettre appelée du Fondement, réfute seulement les commencements de cette lettre. Quant à ses autres parties, j’y ai mis où je l’ai jugé à propos des notes qui suffisent du reste à l’anéantir en-son entier, et qui me serviraient de repère si jamais j’avais à écrire une réfutation complète. Ce Livre commence ainsi : « Un seul vrai Dieu. »

 

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CHAPITRE III.

DU COMBAT CHRÉTIEN. — UN LIVRE.

 

Le Livre du Combat chrétien a été écrit dans le plus simple langage, pour exposer à nos frères peu habiles dans la langue latine la règle de la foi et les préceptes de la vie. J’y ai dit: « N’écoutons pas non plus ceux qui nient que la résurrection de la chair doive se faire et rappellent ce qu’a dit l’apôtre Paul : La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu, car ils ne comprennent pas ce qu’a dit le même apôtre : Il faut que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité; il faut que ce corps mortel revête l’immortalité 1. En effet, quand cela sera arrivé, il n’y aura plus de chair et de sang, mais un corps céleste 2. »Il ne faut pas prendre ces paroles dans le sens qu’il n’y aura plus de substance de chair; l’Apôtre a voulu, sous le nom de la chair et du sang, désigner la corruption de la chair et du sang; laquelle ne se trouvera pas en effet dans le royaume des cieux, où la chair sera incorruptible. On pourrait toutefois comprendre ces paroles autrement et penser que l’Apôtre a voulu, en nommant la chair et le sang, parler des oeuvres de la chair et du sang, et dire que ceux-là ne posséderont pas le royaume de Dieu, qui auront persévéré dans l’amour de ces oeuvres. Ce livre commence ainsi: « La couronne de la victoire. »

 

1. I Cor. XV, 50, 53. — 2. C. XXXII, n. 34.

 

 

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CHAPITRE IV.

DE LA DOCTRINE CHRÉTIENNE. — QUATRE LIVRES.

 

1. Ayant vu que les livres de la Doctrine chrétienne étaient incomplets, j’ai préféré les achever plutôt que de les laisser ainsi pour passer à la révision des autres. J’ai donc complété le troisième qui avait été écrit jusqu’à ce passage 1 où est rappelé le trait de l’Evangile relatif à cette femme qui enferma le levain dans trois mesures de farine jusqu’à ce que toute la pâte fut levée 2. J’ai de plus ajouté un livre nouveau, ce qui porte le total à quatre. Les trois premiers aident à l’intelligence des Ecritures, et le quatrième indique comment nous devons exposer ce que nous comprenons.

2. Dans le second livre, nommant l’auteur du livre que plusieurs appellent la Sagesse de Salomon, je dis que ce livre a été écrit, comme l’Ecclésiastique, par Jésus Sirach; j’ai appris plus tard que ce que j’ai affirmé n’est pas constant, et que l’auteur, très-probablement, n’est pas celui que j’ai nommé 3. Quand ensuite j’ai dit: « C’est en ces quarante-quatre livres qu’est renfermée l’autorité de l’Ancien Testament; » j’ai pris ce mot d’Ancien Testament selon l’usage employé par l’Eglise. Mais l’Apôtre semble réserver le nom d’Ancien Testament à la loi donnée sur le Sinaï 4. En ce que j’ai dit: «Saint Ambroise a résolu la question de l’histoire des temps 5, » à propos de la contemporanéité de Platon et de Jérémie ma mémoire m’a trompé. Ce que cet évêque a écrit sur ce sujet se lit dans son livre sur les sacrements ou sur la philosophie. Cet ouvrage commence ainsi: « Il y a des préceptes. »

 

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CHAPITRE V.

CONTRE LE PARTI DONATISTE. — DEUX LIVRES.

 

(N’existent plus.)

 

Il y a deux livres de moi intitulés: Contre le parti de Donat. Dans le premier j’ai dit qu’il me déplaisait de voir une puissance temporelle quelconque réduire violemment les schismatiques à l’unité. Et en effet, cela me déplaisait alors, parce que je n’avais pas encore éprouvé ou bien à quel degré d’audace l’impunité les entraînait, ou bien à quel degré de

 

1. C. XXV, n. 36.— 2. Luc, XIII, 21.— 3. C. VIII, n. 13.— 4. Galat. IV, 24. — 5. C. XXVIII, n. 43.

 

conversion et d’amélioration une discipline vigilante pouvait les amener. Cet ouvrage commence ainsi: « Puisque les Donatistes. »

 

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CHAPITRE VI.

LES TREIZE LIVRES DES CONFESSIONS.

 

Les treize livres de mes Confessions célèbrent dans mes bonnes et dans mes mauvaises actions la justice et la bonté de Dieu, et excitent l’âme humaine à le connaître et à l’aimer. C’est du moins l’effet qu’elles ont produit sur moi quand je les ai écrites, et qu’elles produisent encore quand je les lis.

Ce que les autres en pensent, c’est leur affaire; je sais toutefois que cet ouvrage a beaucoup plu et plaît encore à beaucoup de mes frères. Du premier au dixième livre, il traite de moi; dans les trois autres, des saintes Ecritures, depuis la parole: « Dans le principe, Dieu fit le ciel et la terre, » jusqu’au repos du sabbat 1.

2. Dans le quatrième livre, en confessant les misères de mon âme à l’occasion de la mort de mon ami, j‘ai dit que nos deux âmes semblaient n’en faire qu’une seule, et j’ai ajouté : « pour cette raison peut-être craignais-je de mourir, de peur que celui que j’avais tant aimé ne  mourût tout entier 2. » Cette parole me semble plutôt une déclamation légère qu’une grave confession, quoique j’en ai atténué la sottise par l’expression peut-être. De même quand j’ai dit au - treizième livre : « Le firmament a été établi entre les eaux spirituelles supérieures et les eaux corporelles inférieures 3; » je n’ai pas parlé avec assez de discernement; la chose en effet est grandement obscure. Cet ouvrage commence ainsi: « Vous êtes grand, Seigneur.»

 

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CHAPITRE VII.

CONTRE FAUSTUS, MANICHÉEN. — TRENTE-TROIS LIVRES.

 

1. Faustus, manichéen., blasphémait contre la Loi et les Prophètes, contre leur Dieu, contre l’incarnation du Christ; et il déclarait falsifiées les Ecritures du Nouveau Testament qui le convainquaient d’erreur. J’ai écrit contre lui un grand ouvrage où je réfute successivement toutes ses propositions. Il y a trente-trois thèses; pourquoi ne les appellerais-je pas livres? Car ce sont bien des livres, quoique quelques-uns

 

1. Gen, I, 1; II, 2. — 2. C. VI. — C. XXXII.

 

soient très-courts. En revanche, il y en a un, celui où nous défendons la vie des Patriarches contre les accusations de ce manichéen, qui est presque plus étendu qu’aucun de tous mues autres livres.

2. Dans le troisième livre, répondant à la question comment Joseph avait pu avoir deux pères, je disais : « il est né de l’un et a été adopté par l’autre 1. » J’aurais dû ajouter quel était le genre de cette adoption; car nies paroles semblent dire que de son vivant un autre père l’avait adopté. Or la loi admettait l’adoption des fils par des morts, puisqu’elle prescrivait que le frère épousât la femme de son frère mort sans enfants, et donnât de cette femme une postérité au défunt 2. C’est ce qui rend une meilleure et plus complète raison de la double filiation acquise à un seul homme. Or, Héli était frère utérin de Jacob, qui épousa sa veuve, et que saint Matthieu donne pour père à Joseph. Mais ce fut pour son frère utérin Héli que Jacob engendra Joseph. C’est pourquoi saint Luc nomme Joseph fils d’Héli : il était son fils, non pas selon la nature, mais selon l’adoption consacrée par la loi. Ces renseignements se trouvent dans les lettres des personnes qui, avec un souvenir récent, écrivirent sur ce fait après l’ascension du Seigneur. En effet Africanus rapporte même le nom de la femme qui eut Jacob, père de Joseph, de son premier mari Mathan, père de Jacob, et aïeul de Joseph, selon saint Matthieu; et cette femme est la même que celle qui de son second mari Melchi eut Héli, dont Joseph était le fils adoptif. Je n’avais pas encore lu cela quand je répondais à Faustus; mais je ne pouvais pas douter que par adoption un homme pût avoir deux pères.

3. Au douzième et au treizième livres, nous avons raisonné sur le second fils de Noé, Cham, comme si la malédiction de son père était, d’après l’Ecriture, tombée sur lui-même et non sur son fils Chanaan 3. Dans le quatorzième nous avons parlé du soleil et de la lune comme s’ils avaient du sentiment et pour cela toléraient leurs vains adorateurs 4. Cependant ces mots peuvent être considérés, quant à leur signification, comme transportés de l’être animé à l’être inanimé, forme de locution qui s’appelle métaphore en grec, et qu’emploie l’Ecriture en disant de la mer, que « voulant s’avancer, elle frémit dans le sein maternel qui la

 

1. C. III. — 2. Deut. XXV, 5, 6. — 3. Liv. XII, C. XXIII; liv. XIII, c. X.— 4. C.XII.

 

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porte 1; » quoique la mer n’ait aucune volonté. Dans le vingt-neuvième : « A Dieu ne plaise qu’il y ait la moindre laideur dans les membres des Saints, même dans les organes de la génération. Car on ne les appelle bonteux que parce qu’ils n’ont pas la même apparence de beauté, que ceux qui ont été placés en vue 2. » J’ai donné dans d’autres écrits postérieurs, une raison meilleure et plus probable pourquoi ce terme honteux leur est appliqué par l’Apôtre même 3: c’est à cause de la loi qui répugne dans les membres à la loi de l’esprit 4, loi qui a son principe dans le péché, et non dans l’institution première de notre nature. Cet ouvrage commence ainsi : « Il y a eu  un certain Faustus. »

 

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CHAPITRE VIII.

CONTRE FÉLIX, MANICHÉEN. — DEUX LIVRES.

 

J’ai discuté, deux jours durant, dans l’église, en présence du peuple, contre un certain Félix, manichéen. Il était venu à Hippone, pour y répandre son erreur; car il était un docteur de la secte, quoique fort ignorant dans les lettres, mais beaucoup plus habile et rusé que Fortunat. Ce sont des actes de mon Eglise, mais on les compte parmi mes ouvrages. Ils forment deux livres, et le second traite du libre arbitre de la volonté, soit pour opérer le mal, soit pour opérer le bien. Toutefois, nous n’avons en aucune nécessité, ayant à traiter avec un tel contradicteur, de discuter plus soigneusement la question de la grâce par laquelle deviennent vraiment libres les hommes de qui il est écrit: « Si le Fils vous délivre, alors vous serez vraiment libres 5. » Cet ouvrage commence ainsi: « Le sept des Ides de décembre, sous le sixième consulat d’Honorius Auguste. »

 

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CHAPITRE IX.

DE LA NATURE DU BIEN. — UN LIVRE.

 

Le livre de la Nature du bien est dirigé contre les Manichéens; il montre que la nature de Dieu est immuable, qu’il est le souverain bien; que toutes les antres natures soit spirituelles, soit corporelles, viennent de lui et en tant que natures sont bonnes; il établit ce qu’est le mal et d’où il vient; combien de maux les Manichéens mettent dans la nature du bien,

 

 

1. Job. XXXVII 8, selon les Septante. — 2. C. IV. — 3. I Cor, XII, 23. — 4. Rom. VII, 23. — 5. Jean. VIII, 36,

 

 

combien de biens dans la nature du mal. Bien et mal dans leur erreur sont des natures. Ce livre commence ainsi: « Le souverain bien au-dessus duquel il n’y en a point, c’est Dieu. »

 

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CHAPITRE X.

CONTRE SECUNDINUS, MANICHÉEN. — UN LIVRE.

 

Un certain Secundinus, non pas de ceux que les Manichéens nomment les élus, mais de ceux qu’ils appellent les auditeurs, et que je ne connaissais pas même de vue, m’écrivit en ami, me reprenant avec respect de ce que dans mes écrits je m’attaquais à cette hérésie: il me priait de ne pas continuer ma controverse et bien plutôt de m’attacher à la secte, s’efforçant de la défendre et de combattre la foi catholique. Je lui ai répondu; mais comme je n’ai pas mis de suscription à ma réponse, cette réponse prend place dans mes livres et non dans mes lettres. J’ai rapporté sa lettre à la tête de ma réponse. Le titre de cet écrit est : Contre Secundinus, Manichéen. A mon sens, c’est celui que je préfère à tous ceux que j’ai composés contre cette détestable secte. Il commence ainsi : « Votre bienveillance à mon égard. »

 

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CHAPITRE XI.

CONTRE HILAIRE. — UN LIVRE.

(N’existe plus.)

 

Sur ces entrefaites, Hilaire, ancien tribun, catholique laïc, irrité je ne sais pourquoi contre les ministres de Dieu, comme il arrive souvent, se déchaînait hautement partout où il le pouvait, contre la coutume qui commençait à s’établir à Carthage de réciter à l’autel, soit avant l’oblation, soit pendant la distribution des offrandes au peuple, des hymnes tirées des psaumes; il prétendait que cette coutume était illicite. Je lui ai répondu sur l’ordre de mes frères, et ce livre est intitulé: Contre Hilaire. Il commence ainsi: « Ceux qui disent que la mention de l’Ancien Testament. »

 

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CHAPITRE XII

QUESTIONS ÉVANGÉLIQUES. — DEUX LIVRES.

 

Ce sont des expositions de certains passages de I’Evangile selon saint Matthieu, et de l’Evangile selon saint Luc; elles sont réparties dans deux livres. Le titre de l’ouvrage est : Questions Evangéliques. Mais pourquoi n’ai-je expliqué de ces deux Evangiles que les passages contenus dans ces deux livres, et quels sont-ils : mon prologue l’indique suffisamment, et énumère les questions de façon à ce qu’on puisse trouver aisément ce que l’on veut lire en se reportant aux numéros. Dans le premier livre 1, quand j’ai affirmé « que le Seigneur avait annoncé en particulier sa passion à« deux disciples 2 : » j’ai été trompé par une faute de manuscrit; il y a « douze et non pas deux.» Dans le second livre, voulant expliquer comment Joseph, dont la vierge Marie a été appelée l’épouse, a pu avoir deux pères; j’ai dit que la raison qu’on apporte en disant que le frère avait épousé la veuve de son frère pour que son frère eût une postérité 3 « était une raison faible, et cela parce que celui qui naissait devait d’après la loi prendre le nom du défunt 4; » ce n’est pas vrai. Prendre le nom du défunt s’entend, d’après la loi, être appelé son fils et non pas s’appeler comme lui 5. Cet ouvrage commence ainsi: « Ce livre n’a pas été écrit comme. »

 

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CHAPITRE XIII.

ANNOTATIONS AU LIVRE DE JOB. — UN LIVRE.

 

Le livre intitulé: Annotations au livre de Job, doit-il passer pour mien, ou n’est-il pas plutôt de ceux qui, selon leurs moyens ou leur volonté, l’ont rédigé sur les notes marginales de mon exemplaire? Je ne le déciderais pas aisément. Ces notes ne peuvent plaire qu’à un très-petit nombre d’esprits intelligents; encore se rebuteront-ils nécessairement du grand nombre de passages qu’ils ne comprendront pas; dans beaucoup d’endroits, en effet, les textes mêmes qui sont expliqués ne sont pas reproduits de façon à ce que l’on vît clairement le sujet de l’explication. Ensuite la brièveté des observations engendre une obscurité telle que le lecteur la peut à peine supporter; car il lui faut passer beaucoup de choses sans s’en rendre compte. Enfin, dans nos livres mêmes, j’ai trouvé cet ouvrage tellement rempli de fautes que je ne pourrais le corriger et que je ne voudrais passer pour l’avoir publié, si je ne savais qu’il est entre les mains de mes frères, à l’affection desquels il avait été impossible de le refuser.

 

1. Quest. 27. — 2. Matth. XX, 17. — 3. Deut. XXV, 5. — 4. Quest. 5 : Voir ce que dit saint Augustin sur ce sujet                Questions sur le Deutér, liv. V, quest. 46.

 

 

Ce livre commence ainsi: « Il avait de grandes oeuvres sur la terre. »

 

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CHAPITRE XIV.

LE CATÉCHISME DES IGNORANTS — UN LIVRE.

 

Je suis également l’auteur du livre intitulé: Le Catéchisme des ignorants. J’ai dit dans ce livre: «L’ange qui, avec d’autres intelligences, ses satellites, a dans un accès d’orgueil abandonné le service de Dieu, et est devenu le démon, n’a porté aucun dommage à Dieu; il ne  s’est nui qu’à lui-même; car Dieu sait ordonner les âmes qui l’abandonnent; » il valait

mieux dire les esprits que les âmes, puisqu’il s’agit des Anges. Ce livre commence ainsi:

«Vous m’avez demandé, mon frère Deogratias.»

 

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CHAPITRE XV.

DE LA TRINITÉ. — QUINZE LIVRES.

 

1. J’ai composé, en plusieurs années, quinze livres sur la Trinité, qui est Dieu. Mais comme je n’en avais pas encore achevé douze, et que je les retenais trop longtemps au gré de ceux qui désiraient vivement les avoir, ils me furent soustraits, étant beaucoup moins corrigés qu’ils ne devaient et pouvaient l’être quand je les aurais voulu éditer. Lorsque je l’ai su, et que j’ai appris que d’autres exemplaires étaient restés parmi nous, j’avais résolu de ne pas les publier moi-même, mais de les garder tels et d’avertir dans quelqu’un de mes autres ouvrages, de ce qu’ils étaient devenus. Cependant mes frères m’ont tellement pressé que je n’ai pu résister; j’ai corrigé autant que je l’ai cru nécessaire; j’ai complété et j’ai ajouté en tête une lettre que j’ai écrite au vénérable Aurélien, évêque de l’Eglise de Carthage; sorte de prologue où je raconte ce qui est arrivé, quelle était mon intention et à quelle affectueuse contrainte j’ai cédé.

2. Au livre onze, parlant du corps visible, j’ai dit : « En conséquence, aimer ce corps,  c’est être fou 1. » Ici il s’agit de cet amour par lequel on aime de façon à se croire heureux dans la jouissance de ce qu’on aime. Ce n’est pas être fou d’aimer, à la gloire du Créateur, la  forme corporelle de façon à ce que. jouissant du Créateur, on soit parfaitement heureux. De même, dans ce livre: « Je ne me souviens pas d’un oiseau quadrupède, car je

 

1. C. V, n. 9.

 

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n’en ai pas vu; mais je considère aisément une telle image quand, à une forme d’oiseau telle que je l’ai vue, j’adjoins deux autres pieds tels que j’en ai vus aussi 1. » En m’exprimant ainsi, je n’ai pas eu en pensée les quadrupèdes ailés dont parle l’Ecriture 2. Elle ne compte pas en effet comme pieds les deux jambes postérieures avec lesquelles s’élancent les sauterelles, qu’elle appelle pures; aussi elle les distingue des insectes ailés et impurs, qui ne sautent pas sur leurs jambes, comme les scarabées. Tous ces animaux ailés sont nommés des quadrupèdes dans la Loi.

3. Dans le douzième 3, ce que j’ai dit en manière d’explication des paroles de l’Apôtre « Tout péché que fait l’homme est hors de son corps , » ne me satisfait pas. Je ne pense pas non plus qu’il faille interpréter la parole: «Celui qui commet la fornication pèche contre son propre corps 4» en l’appliquant à celui qui agit pour obtenir ce qui procure des sensations au corps et y placer son bonheur. En effet, cette pensée s’étend à un bien plus grand nombre de péchés que la fornication, qui s’exécute par un commerce illicite et que, ce semble, l’Apôtre avait en vue. Cet ouvrage, en exceptant la lettre qui a été ensuite ajoutée à son début, commence ainsi : « Celui qui lira ce traité sur la Trinité. »

 

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CHAPITRE XVI.

DE LA CONCORDE DES ÉVANGÉLISTES. —QUATRE LIVRES.

 

Durant les mêmes années où je dictais peu à peu les livres sur la Trinité, j’en ai écrit -d’autres tout d’un trait, les intercalant entre les premiers. De ce nombre sont quatre livres de la Concorde des Evangélistes, composés contre ceux qui en soutiennent calomnieusement la discordance. Le premier livre est dirigé contre ceux qui honorent ou prétendent qu’ils honorent le Christ comme un sage, et qui ne veulent pas croire à l’Evangile, sous prétexte que l’Evangile n’a pas été écrit par lui, mais par ses disciples, lesquels, selon eux, lui auraient attribué, par erreur, la divinité. J’ai dit, dans ce livre: « que la race des Hébreux avait  commencé a Abraham 4 » On pourrait croire en effet que ce nom d’Hébreux est une contraction de Abraheux; il est plus vrai de dire qu’ils

 

1. C. X, n. 17.— 2. Lévit. XI, 20.— 3. C.X, n. 15. — 4. I Cor. VI, 18. — 5. C. XIV, n, 21,                - : .

 

ont été appelés ainsi de Héber, comme je l’ai exposé au long dans le sixième livre de la Cité de Dieu 1. Au second livre, traitant des deux pères de Joseph, j’ai dit qu’il avait été engendré par l’un, adopté par l’autre 2. Il fallait dire : adopté pour l’autre. Il avait été, ce qui est du moins plus probable, adopté d’après la loi pour le défunt, puisque celui qui l’a engendré avait épousé la femme de son frère mort. De même, quand j’ai dit: « Saint Luc monte à David par  Nathan le prophète, par lequel Dieu fit expier à David son péché 3; » j’aurais dû dire par Nathan, nommé comme le prophète, afin qu’on ne pût pas croire que ce fut le même homme, tandis que ce fut un autre, mais du même nom. Cet ouvrage commence ainsi: « Entre toutes les « autorités divines. »

 

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CHAPITRE XVII.

CONTRE LA LETTRÉ DE PARMENIEN.— TROIS LIVRES.

 

Les trois livres dirigés contre la lettre de Parmenien, évêque, des Donatistes de Carthage et successeur de Donat, agitent et résolvent une grande question, une question qui intéresse l’Eglise , répandue dans tout l’univers, d’avec laquelle les schismatiques se sont séparés en la calomniant; il s’agissait de savoir si dans l’unité et la communion des mêmes sacrements, les mauvais souillent les bons, et on établit comment ils ne les souillent point. Dans le troisième de ces livres, examinant comment il faut interpréter ce mot de l’Apôtre: « Otez le méchant du milieu de vous-mêmes 4; » ce que j’ai dit: «Chacun doit extirper le mal du milieu de soi 5, » ne se doit pas entendre ainsi, mais de l’obligation d’enlever l’homme mauvais du milieu des bons, ce qu’accomplit la discipline ecclésiastique; c’est ce que montre le texte grec où il est écrit sans nulle ambiguïté: «le mauvais » et non pas « le mal.» Et cependant j’ai répondu selon ce sens à Parmenien. Cet ouvrage commence ainsi : « J’ai écrit ailleurs bien d’autres choses contre les Donatistes. »

 

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CHAPITRE XVIII.

DU BAPTÊME. — SEPT LIVRES.

 

Les Donatistes essayant de se couvrir de l’autorité du bienheureux évêque et martyr

 

1. C. XI. — 2. C. III, n. 5. — 3. C. IV, n. 12. — 4. I Cor. V, 13.— 5. C. I, n. 2.

 

347

 

Cyprien, j’ai écrit contre eux sept livres sur le Baptême. J’y ai enseigné qu’il n’y avait rien de tel pour réfuter les Donatistes, pour leur fermer la bouche et pour les empêcher d’opposer leur secte au catholicisme, que les lettres et la conduite de Cyprien. Partout où, dans ces livres, j’ai rappelé 1que l’Eglise est sans tache et sans ride 2; il ne faut pas entendre qu’elle est ainsi actuellement, mais qu’elle se prépare à être ainsi quand elle apparaîtra dans sa gloire. Actuellement, en effet, les ignorances et les imperfections de ses membres lui donnent matière à dire chaque jour: « Pardonnez-nous nos offenses 3.» Dans le quatrième livre, quand j’ai dit: « Le martyre peut remplacer le baptême 4, »je n’ai pas donné un exemple assez convaincant en prenant celui du larron, duquel on ignore s’il a été baptisé. Dans le livre septième, à propos des vases d’or et d’argent placés dans la grande maison 5, j’ai suivi l’interprétation de Cyprien qui les a pris pour les bons, tandis qu’il estimait que les vases de bois et d’argile signifiaient les mauvais 6, et j’ai rapporté aux premiers cette parole : « Les uns sont des vases d’honneur, » et aux seconds celle-ci: « mais les autres d’ignominie 7. » Mais je trouve meilleure l’explication que plus tard j’ai rencontrée ou saisie dans Tychonius, et par laquelle il faut entendre que dans les uns et dans les autres il y en a qui méritent l’honneur, et ce ne sont pas seulement les vases d’or et d’argent: comme aussi parmi les uns et les autres il y en a qui sont dignes d’opprobre, et ce ne sont pas seulement les vases de bois et d’argile.

Cet ouvrage commence ainsi : « Dans les livres que j’ai écrits contre la lettre de Parmenien. ».  

 

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CHAPITRE XIX.

CONTRE LES ÉCRITS DONATISTES APPORTÉS PAR CENTURIUS. — UN LIVRE.

 

(N’existe plus.)

 

Pendant que nous discutions avec ardeur contre le parti donatiste, un laïque apporta à l’Eglise quelques paroles dictées ou écrites contre nous et appuyées sur un petit nombre de citations que la secte invoque à son aide.

 

1. Liv. I, C. XVII; liv. III, C. XVIII; liv. IV, C. III, IV. — 2. Eph. V, 27. — 3. Matth., VI, 12. — 4. C. XXII, n. 29. — 5. C. Li, n. 99. — 6. Cyp. épit. 51 à Maxime, etc. — 7. II Tim, II, 20.

 

J’y ai très-brièvement répondu. Le titre de ce petit livre est : Contre les écrits donatistes apportés par Centurius; et il commence ainsi: « Vous dites que cette parole de Salomon : Abstenez-vous de l’eau d’autrui. »

 

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CHAPITRE XX.

SUR LES DEMANDES DE JANVIER. — DEUX LIVRES.

 

Les deux livres intitulés: Sur les Demandes de Janvier, contiennent diverses discussions sur les sacrements et sur les usages, soit généraux, soit particuliers, que l’Eglise observe inégalement en divers lieux. Tout n’a pas pu être mentionné; mais on a suffisamment répondu aux demandes. Le premier de ces livres est une lettre; elle porte en tête le nom de celui qui l’a écrite et de celui à qui elle a été adressée. On l’a néanmoins comprise dans le catalogue des livres; parce que le second qui ne porte pas nos noms, est beaucoup plus étendu et traite un bien plus grand nombre de sujets. Ce que j’ai dit dans le premier livre sur la manne « qu’elle avait pour chacun la saveur « propre qu’il voulait1,» je ne sais trop comment je pourrais le prouver, si ce n’est par le livre de la Sagesse 2 dont les Juifs ne reconnaissent pas l’autorité canonique. Cette faveur a pu être accordée aux Israélites fidèles, mais non à ceux qui murmuraient contre Dieu et qui certainement n’auraient pas désiré d’autre nourriture, si la manne avait eu tous les goûts qu’ils voulaient. Ce livre commence ainsi : « Aux questions que vous me faites. »

 

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CHAPITRE XXI.

DU TRAVAIL DES MOINES. — UN LIVRE.

 

Ce qui m’a forcé à écrire sur le Travail des moines, c’est que des monastères ayant commencé à s’établir à Carthage, certains se nourrissaient du travail de leurs mains, selon le précepte de l’Apôtre; d’autres voulaient vivre des offrandes des personnes pieuses, et ne travaillant ni pour acquérir ni pour compléter le nécessaire, s’imaginaient et se vantaient de mieux accomplir ce précepte de l’Evangile : « Regardez les oiseaux du ciel et les lis des champs 3. » Il en était résulté entre les laïques d’une vie commune, mais d’un zèle fervent, des contestations tumultueuses qui troublaient

 

1. C. III, n. 4.— 2. Sag. XVI, 20. — 3. Matth. VI, 26.

 

348

 

l’Eglise, les uns prenant parti pour ceux-ci, les antres pour ceux-là. Ajoutez que plusieurs de ceux qui prétendaient que les moines ne doivent pas travailler, n’avaient pas la tête rasée. De là les contestations, soit de reproche, soit de défense, s’aggravaient encore par la passion des partis. C’est pourquoi le vénérable vieillard Aurélien, évêque de I’Eglise de cette cité, m’ordonna d’écrire sur ce sujet, et je le fis. Ce livre commence ainsi : « J’obéis à votre ordre, saint frère Aurélien. »

 

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CHAPITRE XXII.

DU BIEN CONJUGAL. — UN LIVRE

 

1. L’hérésie de Jovinien, qui prétend égaler an mérite des vierges la pudeur conjugale, Lut tant de Succès à Rome que plusieurs religieuses, dont auparavant la vertu n’avait été l’objet d’aucun soupçon, déclinaient, disait-on, vers le mariage, séduites et pressées surtout par cet argument: Etes-vous donc meilleure que Sara, que Suzanne, qu’Anne? On y ajoutait l’exemple de toutes les saintes femmes que loue l’Ecriture, et dont elles n’eussent pas pu s’estimer ni les égales ni les Supérieures. De cette manière on arrivait aussi à déprécier le pieux célibat des hommes consacrés, en rappelant le souvenir des patriarches mariés et en les comparant à eux. La sainte Eglise qui est en ce lieu résista avec la plus grande énergie et la plus grande fidélité à cette monstruosité de doctrine. Toutefois il était resté de ces contestations quelques rumeurs que nul n’osait publiquement enseigner, mais qui se murmuraient tout bas. Le venin se glissant et gagnant en secret, il fallut y remédier par les moyens que le Seigneur accordait; surtout parce qu’on affectait de dire que jamais on n’avait pu répondre à Jovinien, en louant le mariage et sans le blâmer. C’est pour cela que j’ai écrit le livre intitulé : du Bien conjugal.

J’y laisse de côté la grande question de la propagation du genre humain avant que nos premiers parents eussent mérité la mort parle péché; car le mariage paraît une affaire de corps mortels; mais je l’ai expliquée suffisamment, à ce que je crois, dans mes écrits postérieurs.

2. J’ai dit aussi en un certain endroit : « Ce qu’est la nourriture pour la conservation de  l’homme, le mariage l’est pour la conservation du genre humain; l’un et l’autre ne sont (348)  pas sans plaisir charnel, lequel étant réglé et maintenu dans son usage naturel par le frein de la tempérance, ne peut être une passion 1.» Cette parole a été dite en ce sens que le juste et bon usage de la passion n’est pas une passion. En effet s’il est mal de mal user de ce qui est bon, il est bon de bien user de ce qui est mauvais. Du reste, j’ai discuté plus à fond cette matière, surtout contre les nouveaux hérétiques Pélagiens. Ce que j’ai dit d’Abraham : « Par cette obéissance le patriarche Abraham, qui ne vécut pas sans épouse, fut prêt à être sans fils unique, après avoir sacrifié ce fils 2, » je ne l’approuve pas. Il vaut mieux en effet croire qu’Abraham était persuadé que son fils, s’il l’immolait, lui serait rendu par une prompte résurrection; selon ce qui se lit dans 1’Epître aux Hébreux 3.

Cet ouvrage commence ainsi: « Puisque tout homme est une partie du genre humain. »

 

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CHAPITRE XXIII.

DE LA SAINTE VIRGINITÉ. — UN LIVRE.

 

Après avoir écrit le traité du Bien conjugal, on s’attendait à ce que j’écrivisse sur la Sainte Virginité; je le fis sans retard et je montrai, autant qu’il était en moi, dans un seul volume, que c’est un don de Dieu, un grand don, et avec quelle humilité il le faut garder.

Ce livre commence ainsi : « Nous avons récemment publié un ouvrage sur le Bien conjugal. »

 

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CHAPITRE XXIV.

DE LA GENÈSE AU SENS LITTÉRAL. — DOUZE LIVRES.

 

1. Vers le même temps j’ai écrit douze livres sur la Genèse, depuis le commencement jusqu’à l’expulsion d’Adam du paradis, lorsque l’accès de l’arbre de vie fut défendu par une épée flamboyante.. Lorsque onze livres y eurent été employés, j’en ajoutai un douzième, où je dissertai avec plus de soin sur le paradis. Le titre de cet ouvrage est de la Genèse au sens littéral: c’est-à-dire non pas selon l’interprétation allégorique, mais selon la réalité des événements. Dans cet ouvrage, il y a plus de recherches que de découvertes; et parmi les découvertes, peu sont prouvées et confirmées: les autres sont exposées comme devant être l’objet

 

1. C. XVI, n. 18.— 2. C. XXIII, n. 31.— 3. Héb .X, 19.

 

349

 

de nouvelles études. J’ai commencé ces trois livres plus tard que le traité de la Trinité et je les ai terminés plus tôt : aussi je les revois maintenant dans l’ordre où je les ai écrits.

2. Dans le cinquième livre 1, et partout ailleurs où j’ai écrit, de la race à qui la promesse a été faite : « Qu’elle a été ordonnée par les saints Anges, et par le ministère d’un médiateur 2; » je me suis trompé : l’Apôtre n’a pas ainsi parlé, du moins d’après les textes les plus authentiques, surtout en grec. Ces mots s’appliquent à la loi, au lieu que beaucoup d’exemplaires latins, par une faute de traduction, les appliquent à la race. Dans le sixième livre, ce que j’ai dit: « Adam a perdu par le péché l’image de Dieu à la ressemblance de qui il avait été créé 3,» ne se doit pas prendre dans le sens qu’il ne resta plus en lui aucune image de Dieu, mais qu’elle y fut si déformée, qu’elle avait besoin d’être réparée. Dans le douzième 4, je crois que j’aurais dû enseigner que l’enfer est sous la terre, plutôt que de donner les raisons pour lesquelles on croit ou on dit qu’il y est, comme s’il n’en était rien. Cet ouvrage commence ainsi : « Toute la divine Ecriture est divisée en deux parties.»

 

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CHAPITRE XXV.

CONTRE LES LETTRES DE PÉTILIEN. — TROIS LIVRES.

 

Avant d’achever les livres sur la Trinité et les livres du Commentaire littéral sur la Genèse, il me fallut d’urgence répondre aux lettres de Pétilien le donatiste, qui attaquait l’Eglise catholique: je n’y mis pas de retard et j’écrivis trois volumes. Dans le premier je répondis avec autant de promptitude et de vérité qu’il me fut possible, à la première partie de la lettre qu’il avait adressée à ses partisans et qui n’était pas encore parvenue tout entière entre nos mains : cette première partie est très-courte. La réponse est aussi une lettre adressée à nos coreligionnaires, mais elle a trouvé place parmi nos livres, parce que les deux autres parties de la même discussion sont des livres. En effet, quand dans la suite nous avons eu la lettre tout entière, j’y ai répondu avec autant de diligence et d’exactitude qu’à Faustus le manichéen; c’est-à-dire que j’ai inséré sous son nom ses paroles, article par article, et que j’y ai adapté dans le

 

1. C. XIX, n. 38.— 2. Gal. III, 19.— 3. C. XXVII, n. 28.— 4. C. XXXIII, 62.

 

même ordre mes propres réponses. Ma réfutation, avant que j’eusse trouvé toute sa lettre, parvint à Pétilien; il en fut fort irrité, et, s’efforçant de répliquer, il dit contre moi tout ce qui lui plut, mais il n’aborda aucunement le fond du débat; on pouvait très-aisément s’en convaincre en rapprochant nos deux écrits; cependant j’ai eu soin de le démontrer moi-même pour les esprits moins avancés. Et c’est ainsi que mon troisième livre a été ajouté à l’oeuvre.

Le premier livre de cet ouvrage commence ainsi: «Vous savez que nous avons souvent voulu; » le second: « Dans la première partie de la lettre de Pétilien; » et le troisième :  «J’ai lu votre lettre, Pétilien. »

 

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CHAPITRE XXVI.

A CRESCONIUS, GRAMMAIRIEN, DU PARTI DE DONAT. — QUATRE LIVRES.

 

Un certain Cresconius, grammairien, qui était donatiste, ayant trouvé ma lettre en réponse à ce que je connaissais alors de la lettre de Pétilien, pensa qu’il me fallait répliquer, et m’adressa une épître. Je répliquai à mon tour à son ouvrage par quatre livres, et dans les trois premiers je n’omis rien de ce qu’il fallait pour une réfutation générale. Mais les Donatistes ayant condamné les Maximianistes, leurs partisans, et rétabli dans leurs dignités quelques-uns d’entre eux, sans renouveler le baptême conféré en dehors de leur communion; j’ai vu que dans cette seule affaire il y avait de quoi répondre à tout ce que Cresconius avait écrit. Alors j’ai ajouté un quatrième volume, dans lequel j’ai montré, avec autant de soin et d’évidence que j’ai pu, tout ce qui en est. Quand j’ai écrit ces quatre livres, l’empereur Honorius avait déjà rendu ses lois contre les Donatistes.

L’ouvrage commence ainsi : « Ne sachant  pas, Cresconius, quand mes écrits pourront  vous parvenir.»

 

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CHAPITRE XXVII.

PREUVES ET TÉMOIGNAGES CONTRE LES DONATISTES. — UN LIVRE.

(N’existe plus.)

 

Après cela, j’ai pris soin de faire parvenir aux Donatistes des documents prouvant à l’encontre de leurs erreurs la vérité de la foi catholique; ces documents, je les ai empruntés

 

350

 

soit aux actes publics, soit aux actes ecclésiastiques, soif aux Ecritures canoniques. Je leur ai d’abord adressé mes promesses afin qu’eux-mêmes, s’il était possible, en fissent la demande. Quand ces promesses eurent été dans les mains de quelques-uns d’entre eux, il se rencontra un homme que je ne connais pas, qui, sans dire son nom, entreprit de me combattre, se déclarant donatiste comme s’il se nommait ainsi. Pour lui répondre j’ai écrit un autre livre, j’ai joint les documents que j’avais promis au livre où j’avais fait cette promesse, et des deux je n’en ai fait qu’un seul. Je l’ai publié en en faisant lire l’annonce sur les murailles de la basilique qui avait appartenu aux Donatistes; il avait pour titre : Preuves et témoignages contre les Donatistes. Dans ce livre j’ai rapporté l’absolution de Félix d’Aptonge, qui avait ordonné Cécilien, dans un ordre qui n’est pas celui qui depuis m’a été démontré d’après un plus exact examen des consulats; j’avais représenté ce fait comme postérieur à l’absolution de Cécilien quand il était antérieur. Quand j’ai rapporté le témoignage de l’apôtre saint Jude, où il dit: « Ce sont des gens qui se séparent eux-mêmes, hommes de vie animale, n’ayant pas l’Esprit 1; » j’ai ajouté:

« C’est d’eux que saint Paul dit: L’homme animal ne perçoit pas ce qui est de l’Esprit de Dieu 2. » Mais je n’aurais pas dû mettre sur le même pied d’égalité les seconds avec les premiers, qui sont entièrement séparés de l’Eglise par le schisme.

En effet saint Paul nomme les seconds de petits enfants en Jésus-Christ, encore incapables de prendre des aliments solides et qu’il nourrit du lait de sa doctrine 3; quant aux autres, il ne faut pas les compter parmi les enfants, mais parmi les morts et les perdus, tellement que si l’un d’eux revient au giron de l’Eglise, on peut à bon droit dire de lui: « Il était mort, et il revit; il était perdu et il est retrouvé 4. » Ce livre commence ainsi: « Vous qui craignez de penser comme l’Eglise catholique.»

 

1. Jud. 39. — 2. I Cor. II, 14. — 3. Ibid. III, I, 2. — 4. Luc. XV, 32.

 

 

 

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CHAPITRE XXVIII.

CONTRE UN DONATISTE INCONNU. — UN LIVRE.

 

(N’existe plus.)

 

J’ai voulu donner à l’autre livre que j’a rappelé plus haut, ce titre: Contre un Donatiste inconnu: la même erreur de temps pour l’absolution de l’ordonnateur de Cécilien s’y reproduit. Ce que j’ai dit « pour la multitude de l’ivraie, qui représente toutes les hérésies, » »manque d’une conjonction nécessaire: il fallait dire : qui représente aussi toutes les hérésies, ou qui représente encore toutes les hérésies. Je parlais en effet comme si l’ivraie était seulement hors de l’Eglise et n’était pas en même temps dans l’Eglise. L’Eglise, cependant, est ce royaume du Christ, duquel les Anges, au temps de la moisson, doivent arracher tous les scandales 1. Ce qui fait dire au martyr saint Cyprien : « Bien qu’il paraisse y avoir de l’ivraie  dans l’Eglise, cependant notre foi et notre charité ne doivent pas en être troublées, de telle sorte que nous nous éloignions de l’Eglise parce que nous y voyons de l’ivraie 2. » Nous avons défendu ce sens ailleurs et surtout dans nos conférences contre les mêmes Donatistes.

Cet ouvrage commence ainsi: « Nous avons promis de donner en un court écrit des preuves sur les points nécessaires. »

 

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CHAPITRE XXIX.

AVERTISSEMENT AUX DONATISTES, SUR LES MAXIMIANISTES. — UN LIVRE.

 

(N’existe plus)

 

Comme je voyais que beaucoup de personnes étaient empêchées, par la fatigue d’une longue lecture, d’apprendre combien le parti de Donat est dépourvu de raison et de vérité, j’ai composé un petit livre extrêmement court, dans lequel j’ai eu l’intention de leur faire connaître les seuls Maximianistes; la facilité de copier cet opuscule devait le faire parvenir aux mains du grand nombre, et sa brièveté le graver aisément dans la mémoire. Je lui ai donné pour titre : Avertissement aux Donatistes sur les Maximianistes. Il commence ainsi : « Vous  tous qui êtes touchés des calomnies et des accusations des hommes. »

 

1. Matth. XIII, 36, 42. — 2. Cyp. épit. 51, 1 Maxim. etc.

 

351

 

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CHAPITRE XXX.

DE LA DIVINATION DES DÉMONS. — UN LIVRE.

 

Vers le même temps, une discussion me mit dans la nécessité d’écrire sur la divination des démons, et je donnai ce titre à cet opuscule. En un certain endroit j’ai dit: « Les démons connaissent parfois avec une parfaite facilité les dispositions des hommes, non-seulement proférées par la parole, mais conçues dans la « pensée, lorsque quelques signes de l’âme  s’expriment par le corps 1 » J’ai écrit là avec plus d’assurance que je n’aurais dû sur une question très-obscure. Plusieurs expériences établissent bien que les démons parviennent à cette connaissance; mais il est très-difficile ou plutôt il est impossible aux hommes de découvrir si le corps de ceux qui pensent, donnent des signes qui soient sensibles pour eux mais cachés pour nous; ou s’ils connaissent nos dispositions par quelqu’autre faculté spirituelle.

Ce livre commence ainsi : « Un des saints jours de l’Octave. »

 

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CHAPITRE XXXI.

EXPOSITION DE SIX QUESTIONS CONTRE LES PAÏENS.

 

Sur ces entrefaites, on m’envoya de Carthage six questions que me proposait un ami que je désirais voir devenir chrétien; il me demandait de les résoudre contre les païens, notamment parce que plusieurs avaient été proposées, disait-il, par le philosophe Porphyre. Ce Porphyre n’est pas, je pense, celui de Sicile, dont la réputation est très-célèbre. J’ai réuni l’examen de ces questions en un livre peu étendu, dont le titre est : Exposition de six questions contre les païens. La première traite de la résurrection; la seconde de l’époque où a paru la religion chrétienne; la troisième de la distinction des sacrifices; la quatrième de cette parole : « On se servira pour vous de la même mesure dont vous vous serez servis 2; » la cinquième, du Fils de Dieu selon Salomon; la sixième, du prophète Jonas. Dans la seconde, j’ai dit : « Le salut donné par cette religion, la seule vraie,  et la seule qui promette véritablement le véritable salut, n’a jamais manqué a personne, qui en fût digne; celui à qui il a manqué, c’est qu’il n’en était pas digne. » Je n’ai pas

 

1. C. V, n. 9. — 2. Matt. VII, 2.

 

voulu faire entendre que chacun est digne du salut par ses oeuvres; mais comme s’exprime

l’Apôtre : « Que c’est à cause de la volonté de celui qui appelle, et non à cause de leurs oeuvres, qu’il fut dit: L’aîné servira sous le plus jeune 1; » vocation qu’il assure appartenir au décret de la volonté divine. Aussi ajoute-t-il : « Ce n’est pas selon nos oeuvres, mais selon son décret et sa grâce 2. » De même également dit-il : « Nous savons que tout coopère au bien pour ceux qui aiment Dieu, pour ceux qui, selon son décret, sont appelés à être saints 3. » Il dit encore de cette vocation : « Qu’il vous rende dignes de sa sainte vocation 4

Ce livre, à la tête duquel j’ai placé une lettre ajoutée après coup (lettre 102 à Deogratias), commence ainsi: « Quelques-uns sont émus  et demandent. »

 

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CHAPITRE XXXII.

EXPOSITION DE L’ÉPÎTRE DE SAINT JACQUES AUX DOUZE TRIBUS.

 

(N’existe plus.)

 

J’ai retrouvé parmi mes opuscules une exposition de l’Epître de saint Jacques, et en la révisant j’ai remarqué que c’étaient plutôt. les annotations de passages expliqués, réunies en un livre par les soins de nos frères, qu’ils n’avaient pas voulu laisser sur les marges du manuscrit. Elles ne sont pas sans utilité, sauf que la version elle-même de l’Epître traduite du grec, sur laquelle nous travaillions quand j’ai dicté cet ouvrage, n’était pas très-exacte. Ce livre commence ainsi : « Salut aux douze tribus qui sont dispersées. »

 

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CHAPITRE XXXIII.

DES PEINES ET DE LA RÉMISSION DES PÉCHÉS, AINSI QUE DU BAPTEME DES PETITS ENFANTS. — TROIS LIVRES A MARCELLIN.

 

Je me suis aussi trouvé dans la nécessité d’écrire contre la nouvelle hérésie pélagienne; jusque-là nous l’avions combattue quand il le fallait, non pas par nos écrits, mais par nos discours et nos conférences, et autant que chacun de nous le pouvait ou le devait. On m’avait envoyé de Carthage des questions soulevées par la secte, et que j’avais à résoudre en

 

1. Rom. IX, 12, 13. — 2. II Tim I, 9.— 3. Rom. VI, 28. — 4. II Thess. I, 11.

 

352

 

répondant; j’écrivis d’abord trois livres intitulés : Des peines et de la rémission des péchés; j’y discute principalement sur le baptême à donner aux petits enfants, à cause du péché originel, et sur la grâce de Dieu par laquelle nous sommes justifiés, c’est-à-dire rendus justes, bien que dans cette vie personne ne garde assez les commandements de la justice pour n’avoir pas besoin de dire dans sa prière: « Pardonnez-nous nos offenses 1. » C’est contre toute cette doctrine qu’ils ont fondé une nouvelle hérésie. Je pensais que dans ces livres je devais encore taire leurs noms, espérant qu’ils pourraient plus aisément se corriger; et même, dans le troisième livre, qui est une lettre, mais que j’ai jugé devoir joindre aux deux autres livres, je n’ai prononcé le nom de Pélage qu’en lui accordant quelque louange 2, parce que sa vie était l’objet des éloges de beaucoup de gens; j’ai réfuté les arguments qu’il a mis dans ses écrits, non en son propre nom, mais en exposant ce que d’autres disaient: et cependant plus tard étant déjà hérétique, il a soutenu les mêmes sentiments avec une obstination pleine d’animosité. Coelestius, son disciple, avait déjà, pour de pareilles erreurs, mérité d’être frappé d’excommunication, à Carthage, par un jugement épiscopal auquel je n’ai pas assisté. Dans le second livre, en un certain endroit, j’ai dit: « A la fin il sera accordé à quelques-uns de ne pas sentir la « mort dans un passage subit 3, » en réservant ce point à un examen plus approfondi. En effet, ou bien ils ne mourront pas, ou bien ils ne sentiront pas la mort, dans le très-rapide passage qui, comme en un clin d’oeil, les transportera de cette vie à la mort et de la mort à la vie éternelle. Cet ouvrage commence ainsi : « Quoique dans le tourbillon des plus graves sollicitudes. »

 

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CHAPITRE XXXIV.

D’UN SEUL BAPTÊME, A CONSTANTIN CONTRE PÉTILIEN. — UN LIVRE.

 

En ce temps, un de mes amis reçut de je ne sais quel prêtre donatiste, qui le disait écrit par Pétilien, évêque donatiste de Constantine, un livre intitulé : D’un seul Baptême. Il me l’apporta et me pria instamment d’y répondre: je le fis. Je voulus que mon livre eût le même

titre que celui à qui il répondait, c’est-à-dire

 

1. Matth. VI,12.— 2. C. III, n. 5.— 3. C. XXXI, n. 50.

 

D’un seul Baptême. Dans ce livre j’ai dit: « L’empereur Constantin n’a pas refusé de recevoir l’accusation des Donatistes incriminant Félix d’Aptonge, ordonnateur de Cécilien, quoiqu’il eût eu la preuve que leurs accusations contre Cécilien étaient fausses et calomnieuses 1. » En considérant l’ordre du temps, j’ai trouvé que je m’étais trompé. L’empereur avait auparavant fait entendre la cause de Félix par un proconsul, et nous lisons qu’il fut absous; c’est ensuite que lui-même, après avoir écouté Cécilien et ses accusateurs, reconnut son innocence et eut la preuve qu’il avait été de leur part l’objet d’accusations calomnieuses. Cet ordre des temps indiqué par les consulats, convainc bien plus manifestement les Donatistes de calomnie en cette affaire et détruit totalement leurs accusations; c’est ce que nous avons montré ailleurs.

Cet ouvrage commence ainsi: «Nous sommes très-souvent obligés de répondre à ceux qui  ont des sentiments opposés. »

 

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CHAPITRE XXXV.

DES MAXIMIANISTES CONTRE LES DONATISTES. — UN LIVRE.

 

(N’existe plus.)

 

Sur ces entrefaites, j’ai écrit un autre livre contre les Donatistes, non pas abrégé comme le premier, mais étendu et composé avec beaucoup plus de soin. On y voit comment la seule affaire des Maximianistes qui fit schisme dans le parti de Donat lui-même, renverse de fond en comble l’erreur impie et arrogante de leur secte contre l’Eglise catholique.

Ce livre commence ainsi: « Nous avons déjà beaucoup parlé, nous avons déjà beaucoup  écrit.»

 

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CHAPITRE XXXVI.

DE LA GRACE DU NOUVEAU TESTAMENT, A HONORAT. — UN LIVRE.

 

Dans le temps même où nous luttions avec véhémence contre les Donatistes et où nous commençons à être en discussion avec les Pélagiens, un de mes amis m’envoya de Carthage cinq questions, me priant de les lui expliquer par écrit. Les voici : Que signifie cette parole du Seigneur: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné 2? » Et que

 

1. C. XVI, 28. — 2. Ps. XXI, 1; Matth. XXVII, 46.

 

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veut exprimer l’Apôtre quand il dit : « Afin qu’enracinés et fondés dans la charité, vous  puissiez comprendre, avec tous les saints, quelle est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur 1? » Qui sont les cinq vierges sages et les cinq vierges folles 2? Que sont les ténèbres extérieures 3 ? Comment il faut comprendre : « Le Verbe a été fait chair 4? » Pour moi, considérant que la nouvelle hérésie dont je parle est ennemie de la grâce de Dieu, j’ajoutai une sixième question, sur la Grâce du Nouveau Testament. En l’examinant, et en y intercalant une exposition du psaume 21, au commencement duquel est écrite l’exclamation que proféra Notre-Seigneur sur la croix, ce qui était la première question posée par mon ami, je les résolus toutes les cinq 5, non pas dans l’ordre où elles avaient été proposées, mais comme elles se présentèrent à moi selon les convenances de ma discussion sur la grâce du Nouveau Testament.

Ce livre commence ainsi : « Vous m’avez proposé cinq questions à traiter. »

 

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CHAPITRE XXXVII.

DE L’ESPRIT ET DE LA LETTRE, A MARCELLIN. —    UN LIVRE.

 

La même personne à laquelle j’avais écrit les trois livres intitulés : Des peines et de la rémission des péchés, où je traitai aussi avec soin du baptême des petits enfants, m’écrivit de nouveau qu’elle avait été émue de ce que j’avais avancé, qu’il se pouvait faire que l’homme fût sans péché, si sa volonté, aidée par le secours de Dieu, ne faisait pas défaillance; bien que toutefois personne n’eût été, ne fût et ne puisse être doué d’une telle perfection dans cette vie. Elle me demanda comment j’avais indiqué comme possible ce dont il n’y avait pas d’exemple. En réponse à cette demande, je lui adressai un livre dont le titre est : De l’esprit et de la lettre, développement de cette maxime de l’Apôtre : « La lettre tue, mais l’esprit vivifie 6. » Dans ce livre, autant que Dieu a bien voulu m’y aider, j’ai ardemment lutté contre les ennemis de la grâce divine par laquelle l’impie est justifié. Or, comme je traitais des observances des Juifs, qui s’abstiennent de certaines viandes, selon

 

1. Eph. III, 17, 18. — 2. Matth. XXV, 1-12.—  3. Ibid. XXXI, 13.— 4. Jean, I,14. — 5.  Lettre 140 à Honorat. — 6. II Cor. III, 6.

 

les prescriptions de l’ancienne loi, j’ai dit : « Les cérémonies de quelques viandes 1. » Ce mot n’est pas usité dans les saintes Lettres; cependant, il me parut approprié alors à mon sujet, puisque le mot de cerimoniae se présentait à ma mémoire comme équivalent à carimoniœ, de carere, manquer, et que ceux qui gardent ces observances manquent des choses dont ils s’abstiennent. S’il y a pour ce mot une autre étymologie qui combatte la vraie religion, je ne l’ai pas voulu prendre, je m’en suis voulu tenir à celle que je viens d’indiquer.

Ce livre commence ainsi: « Ayant lu, mon très-cher fils Marcellin, les opuscules que j’ai récemment composés pour vous. »

 

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CHAPITRE XXXVIII.

DE LA FOI ET DES OEUVRES. — UN LIVRE.

 

A la même époque on m’envoya, de la part de quelques frères laïcs, il est vrai, mais appliqués à l’étude des divines Ecritures, quelques écrits qui distinguaient la foi chrétienne des bonnes oeuvres, au point de soutenir qu’on ne pouvait parvenir à la vie éternelle sans la première, et qu’on le pouvait sans les secondes. J’y ai répondu dans un livre dont le titre est:

De la Foi et des OEuvres. J’y montre non-seulement comment doivent vivre ceux qui ont été régénérés par la grâce de Jésus-Christ, mais encore quel on doit être pour être admis au baptême de la régénération.

Ce livre commence ainsi: « Il semble à quelques personnes. »

 

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CHAPITRE XXXIX.

ABRÉGÉ DE LA CONFÉRENCE AVEC LES DONATISTES. — TROIS LIVRES.

 

Après notre conférence avec les Donatistes, j’ai résumé brièvement ce qui y avait été fait et j’ai composé trois écrits correspondant aux trois jours de cette conférence. Cet ouvrage m’a paru utile : il peut d’abord, si on le consulte, avertir sans peine chacun de ce qui avait été traité; en outre, il aidera à trouver, en se rapportant aux numéros que j’ai eu soin d’affecter à chaque objet, les questions qu’on voudrait rechercher dans les actes mêmes de la conférence. Car ils fatiguent le lecteur, par leur excessive prolixité.

Cet ouvrage commence ainsi : « Lorsque

 

1. C. XXX, n. 36.

 

354

 

les évêques catholiques et ceux du parti de « Donat. »

 

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CHAPITRE XL.

CONTRE LES DONATISTES, APRÈS LA CONFÉRENCE. — UN LIVRE.

 

J’ai adressé aussi aux Donatistes eux-mêmes, après notre conférence avec leurs évêques, un livre étendu, et je crois assez soigné, afin qu’ils ne se laissassent plus séduire ultérieurement par ces évêques. J’y ai répondu aussi à plusieurs de leurs vaines réclamations qui ont pu parvenir jusqu’à nous, et qu’ils répétaient après leur défaite partout où ils pouvaient et comme ils le pouvaient. De plus, j’y avais ajouté la notice dont j’ai parlé, des actes de la conférence, afin que ces actes fussent rapidement connus. J’ai refait cela ensuite beaucoup plus brièvement dans une lettre que je leur ai de nouveau adressée. Cette lettre ne figure pas dans le recueil des miennes 1, parce que ce fut dans le Concile de Numidie, que nous tous, qui y étions présents, décidâmes qu’elle serait faite. Car elle commence ainsi : « Sylvain le  Vieux, Valentin, Innocent, Maximin, Optat, Augustin, Donat, et les autres évêques du Concile de Zesta, aux Donatistes. » L’ouvrage même commence par ces mots : « Comment pouvez-vous encore vous laisser ainsi séduire, Donatistes? »

 

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CHAPITRE XLI.

DE LA VUE DE DIEU. — UN LIVRE.

 

J’ai écrit un livre de la Vue de Dieu 2, où, au sujet du corps spirituel, qui sera celui des saints après la résurrection, j’ai remis à un autre temps l’examen plus attentif de cette question : si et comment Dieu, qui est esprit, pourra être vu par un tel corps. Plus tard, j’ai traité la même matière qui est très-difficile, dans le dernier livre, savoir le 22°, de la Cité de Dieu 3, et j’en ai donné une explication suffisante, je le pense du moins. J’ai trouvé enfin dans un de nos manuscrits qui contient ce livre, un avertissement adressé par moi sur le même sujet à Fortunatien, évêque de Sicca; dans le catalogue de mes ouvrages il n’est indiqué ni parmi les livres ni parmi les lettres 4.

 

1. On l’y trouve maintenant, c’est la 141e. 2. Lettre 147 à Pauline. —  3. C. XXIX, n. I et suiv. 4. Il a été classé parmi les lettres; c’est la 248e .

 

 

Le livre commence ainsi: « Me souvenant de la dette; » et l’avertissement: « Comme je vous en ai prié de vive voix. »

 

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CHAPITRE XLII.

DE LA NATURE ET DE LA GRACE. — UN LIVRE.

 

Il me tomba alors entré les mains un livre de Pélage, où il défend par tous les raisonnements qu’il peut trouver, la nature humaine contre la grâce de Dieu, laquelle justifie les impies et nous fait chrétiens. Aussi le livre dans lequel je lui ai répondu, en défendant la grâce, non comme contraire à la nature, mais comme délivrant et gouvernant cette nature, je l’ai intitulé : De la Nature et de la Grâce. Dans ce livre j’ai défendu comme si elles appartenaient réellement à saint Sixte, évêque de Rome et martyr, des paroles que Pélage lui attribue; je les croyais de lui; j’ai appris plus tard qu’elles étaient non de Sixte le chrétien, mais de Sextus le philosophe. Ce livre commence ainsi: « Le livre que vous m’avez envoyé.»

 

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CHAPITRE XLIII.

DE LA CITÉ DE DIEU. — VINGT-DEUX LIVRES.

 

1. En ce temps, Rome fut envahie par les Goths, sous le commandement du roi Alaric; et elle fut presque détruite par le désastre de cette mémorable défaite. Ce désastre, les adorateurs de la multitude des faux dieux que nous nommons en langage ordinaire les Païens, s’efforcèrent de l’attribuer à la religion chrétienne, et commencèrent à blasphémer avec plus d’amertume et plus d’ardeur que jamais contre le vrai Dieu. Enflammé du zèle de la maison du Seigneur, j’entrepris d’écrire, contre leurs erreurs ou leurs blasphèmes, les livres de la Cité de Dieu. Cet ouvrage m’occupa plusieurs années, parce que j’étais interrompu par beaucoup d’affaires qui ne pouvaient se différer et dont la solution passait auparavant. Ce grand ouvrage de la Cité de Dieu fut enfin achevé en vingt-deux livres. Les cinq premiers réfutent ceux qui veulent que les destinées des choses humaines tiennent au maintien du culte que les païens ont voué aux faux dieux et qui prétendent que tous les maux arrivent et abondent, parce que ce culte est prohibé. Les cinq suivants sont dirigés contre ceux qui avouent que ces maux n’ont (355) jamais été et ne seront jamais épargnés aux mortels, et que grands ou moindres, ils varient selon les lieux, les temps et les personnes; mais qui soutiennent en même temps que le culte des faux dieux avec ses sacrifices, est utile à la vie qui doit suivre la mort. Ces dix livres mettent à néant ces deux Opinions erronées et opposées à la religion chrétienne.

2. Mais, pour ne pas être exposé au reproche de nous être borné à réfuter les doctrines de nos adversaires et de n’avoir pas établi les nôtres, la seconde partie de l’ouvrage, qui contient douze livres, s’occupe de cette matière. Toutefois, quand il en était besoin, nous n’avons pas manqué, dans les dix premiers livres, d’affirmer nos doctrines, ni dans les douze derniers de réfuter nos adversaires. De ces douze derniers, les quatre premiers contiennent l’origine des deux cités, dont l’une est la cité de Dieu, l’autre la cité de ce monde. Les quatre seconds, leurs progrès et leurs développements. Les quatre troisièmes, qui sont les derniers, les fins qui leur sont dues. De plus, quoique les vingt-deux livres traitent des deux cités, ils n’empruntent leur titre qu’à la meilleure, la cité de Dieu. Dans le dixième livre, je n’aurais pas dû présenter comme un miracle la flamme descendue du ciel qui, au sacrifice d’Abraham, courait entre les victimes divisées 1, parce que ce fait lui a été montré en songe. Dans le dix-septième, ce qui est dit de Samuël: « il n’était pas des fils d’Aaron 2, » doit être remplacé plus avantageusement par: « il n’était pas fils de prêtre. » En effet, les fils des prêtres devaient, selon une coutume plus légitime, succéder aux prêtres morts. On trouve le père de Samuel parmi les fils d’Aaron 5; mais il n’était pas prêtre ni du nombre des enfants, en ce sens qu’Aaron lui-même l’aurait engendré, mais de la même manière que tous les hommes de ce peuple sont nommés enfants d’Israël.

Ce livre commence ainsi: «J’ai entrepris de « défendre la très-glorieuse cité de Dieu. »

 

1. Chap. VIII. — 2. Chap. V, n. 2. — 3. Saint Augustin se trompe ici Samuel était un descendant de Coré, rival d’Aaron (I Paral. VI.)

 

 

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CHAPITRE XLIV.

A OROSE, CONTRE LES PRISCILLIANISTES ET LES ORIGÉNISTES. — UN LIVRE.

 

Je répondis en même temps avec autant de brièveté et de netteté que je pus à une consultation que m’avait adressée un prêtre d’Espagne, nommé Orose, sur les Priscillianistes et sur quelques opinions d’Origène, que réprouve la foi catholique; le titre de cet opuscule est A Orose, contre les Priscillianistes et les Origénistes. La consultation elle-même a été placée en tête de ma réponse. Ce livre commence ainsi : « Je ne dois pas répondre comme vous le demandez, mon cher fils Orose. »

 

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CHAPITRE XLV.

DEUX LIVRES A JÉROME, PRÊTRE, L’UN SUR L’ORIGINE DE L’AME, L’AUTRE SUR UN PASSAGE DE SAINT JACQUES.

 

J’ai écrit aussi deux livres 1 à Jérôme, prêtre, qui résidait à Bethléem: l’un sur l’origine de l’âme humaine; l’autre, sur ce passage de saint Jacques: « Quiconque a gardé toute la loi et l’a « violée en un seul point, devient coupable de « tous 2. » Je le consultais sur ces deux sujets. Je n’ai pas résolu moi-même la question que je lui posais dans le premier de ces livres; pour le second, je ne me suis pas tu sur la solution qui me paraissait devoir être adoptée, mais je le consultai pour savoir s’il approuvait cette solution. Il m’écrivit pour louer ma consultation; mais il me déclara qu’il n’avait pas le loisir d’y répondre .Tant qu’il a vécu, je n’ai pas voulu publier ces deux livres, dans l’espoir qu’il me répondrait un jour; j’aurais alors publié sa réponse avec mes livres. Après sa mort je publiai le premier, afin que le lecteur fût averti ou de ne point rechercher comment l’âme est donnée aux enfants qui naissent, ou de ne pas admettre sur cette question très-obscure, une solution qui soit contraire aux choses très-manifestes que la foi catholique reconnaît à propos du péché originel dans les petits enfants, lesquels seront certainement damnés à moins qu’ils ne soient régénérés en Jésus-Christ. Quant au second, je l’ai publié également, afin que l’on sût quelle est la solution qui nous a semblé devoir être adoptée sur la question qui y est traitée. Cet ouvrage

 

Lettres 166, 167. — 2. Jacq. II, 10.

 

356

 

commence ainsi : « J’ai prié notre Dieu qui nous a appelés. »

 

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CHAPITRE XLVI.

A ÉMÉRITE, ÉVÊQUE DES DONATISTES, APRÈS NOTRE CONFÉRENCE. — UN LIVRE.

 

(N’existe plus.)

 

Peu de temps après la conférence que nous avions eue avec les Donatistes, j’écrivis à Emérite, l’un de leurs évêques, qui, dans cette conférence, paraissait être leur principal défenseur, un livre assez utile, parce qu’il contient dans une brièveté commode, les raisons qui les confondent et qui établissent leur défaite. Ce livre commence ainsi: « Si même maintenant, mon frère Emérite. »

 

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CHAPITRE XLVII.

DES ACTES DU PROCÈS DE PÉLAGE. — UN LIVRE.

 

Pendant le même temps, en Orient, c’est-à-dire en Syrie ou en Palestine, Pélage, conduit au tribunal des évêques par quelques frères catholiques, fut, en l’absence de ceux qui avaient dressé l’accusation contre lui et qui n’avaient pu se trouver au jour du synode, entendu par quatorze évêques; et là, comme il condamnait les doctrines hostiles à la grâce de Jésus-Christ, que formulait l’acte d’accusation dressé contre lui, il fut reconnu pour catholique. Mais les actes de cette procédure étant venus entre nos mains, j’ai écrit un livre sur ces actes, de peur que la sentence d’absolution qu’il avait reçue, n’accréditât l’opinion que ses juges approuvaient les doctrines qui, certes, auraient motivé sa condamnation, s’il ne les avait réprouvées lui-même.

Ce livre commence ainsi: « Après que furent tombés en nos mains. »

 

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CHAPITRE XLVIII.

DU CHÂTIMENT DES DONATISTES. — UN LIVRE.

 

Dans le même temps, j’ai écrit aussi un livre sur le châtiment des Donatistes 1, à cause de ceux qui ne voulaient pas qu’on les châtiât selon les lois de l’Empire. Ce livre commence ainsi : « Je vous loue, je vous félicite et je suis dans l’admiration. »

 

1. Lettre 185 à Boniface,

 

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CHAPITRE XLIX.

DE LA PRÉSENCE DE DIEU, A DARDANUS. — UN LIVRE.

 

J’ai écrit, sur la présence de Dieu, un livre où notre sollicitude est particulièrement éveillée contre l’hérésie de Pélage, bien que je ne la nomme pas expressément. Il y est aussi traité avec soin et application de la présence de la nature que nous appelons le Dieu souverain et véritable, et de son temple.

Ce livre commence ainsi : « J’avoue, mon bien-aimé frère Dardanus.»

 

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CHAPITRE L.

CONTRE PÉLAGE ET CÉLESTE, SUR LA GRÂCE DII JÉSUS-CHRIST ET SUR LE PÉCHÉ ORIGINEL, À ALBINA, PINIANUS ET MÉLANIE. — DEUX LIVRES.

 

Après que l’hérésie pélagienne, ainsi que ses auteurs, eut été dévoilée et condamnée par les évêques de l’Eglise romaine, Innocent d’abord, puis Zozime, sur les lettres des conciles d’Afrique, j’écrivis deux livres contre les Pélagiens, l’un sur la grâce de Jésus-Christ, l’autre sur le péché originel. Cet ouvrage commence ainsi: «Autant nous nous réjouissons de votre santé corporelle et surtout de votre salut spirituel.»

 

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CHAPITRE LI.

ACTES DE LA CONFÉRENCE AVEC ÉMÉRITE, DONATISTE. — UN LIVRE.

 

Peu de temps après la conférence que nous eûmes avec les hérétiques donatistes, nous fûmes obligés de nous rendre dans la Mauritanie Césarienne. Nous y rencontrâmes, à Césarée même, Emérite, évêque des Donatistes, l’un des sept qu’ils avaient délégués pour la défense de leur cause, et celui qui y avait le plus travaillé. La discussion que j’eus avec lui en présence des évêques de la province et du peuple de l’Eglise de la ville de Césarée, dont il était citoyen en même temps qu’évêque de ces hérétiques, est relatée dans les actes ecclésiastiques placés parmi mes ouvrages. Ne trouvant rien à me répondre, il entendit tout mon discours, que je fis rouler sur la seule affaire des Maximianistes et que je développai devant lui et devant toutes les personnes présentes, et il resta muet. Ce livre ou ces actes commencent ainsi : « Les très-glorieux (356) empereurs Honorius, consul pour la treizième fois, et Théodose pour la huitième. »

 

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CHAPITRE LII.

CONTRE LE DISCOURS DES ARIENS. — UN LIVRE.

 

En ce temps, il me vint entre les mains un discours des Ariens, sans nom d’auteur. A la demande instante de celui qui me l’avait envoyé, j’y répondis avec autant de promptitude et de brièveté que je pus. Je joignis ce discours en tête de ma réponse et j’y plaçai des numéros, dont l’inspection seule renvoie aisément aux endroits auxquels j’ai répondu. Ce livre, après le discours qui le précède, commence ainsi : « Je réponds dans cette discussion à la discussion précédente. »

 

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CHAPITRE LIII.

DU MARIAGE ET DE LA CONCUPISCENCE, AU COMTE VALÈRE. — DEUX LIVRES.

 

J’ai écrit deux livres au comte Valère, homme illustre, parce que j’avais appris que les Pélagiens nous avaient dénoncé à lui comme condamnant le mariage, en affirmant l’existence du péché originel. Le titre de ces livres est: Du Mariage et de la Concupiscence. Nous y défendions, en effet, la bonté du mariage, afin qu’on ne pût pas penser qu’il est vicié par la concupiscence charnelle et la loi du corps combattant contre la loi de l’esprit; car la pudeur conjugale use bien pour la procréation des enfants de ce mal qui est dans la passion. Voici maintenant comment il y a deux livres: le premier vint aux mains de Julien le pélagien, qui écrivit contre lui quatre volumes, dont quelqu’un détacha quelques pages et les envoya au comte Valère, lequel me les adressa. Les ayant reçus, j’y répondis par mon second livre. Le premier commence ainsi: « Des hérétiques nouveaux, mon cher fils Valère; » et le second: « Au milieu des soins de votre état militaire. »

 

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CHAPITRE LIV.

SEPT LIVRES DE LOCUTIONS.

 

J’ai composé sept livres sur sept livres des divines Ecritures: cinq de Moïse, un de Jésus, fils de Navé, et un des Juges, en notant les locutions de chacun de ces livres qui sont les moins usitées dans notre langue; quand on n’y fait pas assez attention en les lisant, on en cherche le sens, tandis que ce n’est qu’une façon de parler, et on en tire des explications qui sans doute ne sont pas toujours en opposition avec la vérité; ces explications toutefois ne s’accordent pas avec le sens que l’auteur a voulu leur donner, et on voit bien que c’est de sa part une simple sorte de locution. Il y a, il est vrai, dans l’Ecriture sainte, bien des obscurités qui s’éclairent quand on connaît le genre de la locution employée. Il faut donc connaître les passages dont le sens est clair et où l’on rencontre les mêmes genres de locutions, afin que là même où le sens est caché, cette connaissance vienne eu aide et le montre clairement à l’intelligence du lecteur.

Le titre de l’ouvrage est: Locutions de la Genèse, et ainsi des autres. Quand j’ai dit, dans le premier livre 1, qu’il est écrit : « Et Noé accomplit toutes les paroles que le Seigneur lui avait ordonnées, ainsi les accomplit-il 2, » et quand j’ai ajouté que cette locution était semblable à celle qui avait été employée dans la création, où il est écrit d’abord : « Et il fut fait ainsi; » et où il est dit ensuite: « Et Dieu fit;» cela ne me semble pas revenir tout à fait au même. Enfin, le sens même est caché dans le premier texte, et dans le second ce n’est qu’une façon de parler. L’ouvrage commence ainsi: « Les locutions des « Ecritures. »

 

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CHAPITRE LV.

SEPT LIVRES DE QUESTIONS.

 

1. Dans le même temps, j’ai écrit sept livres sur des questions tirées des mêmes Livres sacrés, et j’ai voulu les appeler ainsi, parce que les points discutés sont plutôt des questions posées que des questions résolues. Toutefois, la plupart sont traitées de manière à pouvoir être à bon droit jugées comme expliquées et résolues. Nous avions déjà commencé à examiner de cette manière les livres des Rois; mais nous n’avons pas poursuivi bien loin, parce que nous avons été absorbé par d’autres affaires plus urgentes. Dans le premier livre, lorsqu’il s’agit des baguettes de diverses couleurs que Jacob mettait dans l’eau, afin que les brebis qui les voyaient en buvant, enfantassent des petits de nuances variées 3; nous n’avons pas bien exposé la

 

1. N. 18. — 2. Gen. VI, 22. — 3. Quest. 93.

 

358

 

cause pour laquelle il ne leur mettait pas sous les yeux ces baguettes pour la seconde conception, mais seulement pour la première. En effet, l’exposition d’une autre question’, dans laquelle nous demandons pourquoi Jacob a dit à son beau-père : « Vous m’avez « fraudé dans mon salaire, de dix agneaux 2, »et dont l’explication est assez juste, démontre que la première n’a pas été résolue comme elle le devait être.

2. Dans le troisième livre, également, quand il s’agit du grand prêtre et qu’on demande comment il pouvait avoir des fils, étant obligé d’entrer deux fois le jour dans le Saint des saints où était l’autel de l’encens, pour offrir l’encens matin et soir 3, ne pouvant, comme le dit la loi, y entrer étant impur, et l’impureté résultant, dit cette même loi, des rapports conjugaux, et demeurant jusqu’au soir, malgré les ablutions d’eau prescrites et accomplies 4, j’ai dit : « Il faut en conséquence, ou qu’il demeurât dans la continence, ou que, à certains jours, l’offrande de l’encens fût interrompue 5 ; » je n’ai pas vu que la conséquence n’était pas rigoureuse. En effet, on peut comprendre la parole : « Il restera impur jusqu’au soir, » en ce sens qu’il n’était pas impur pendant ce soir même, mais jusqu’à ce soir, afin que, le soir venu, il pût, étant pur, offrir l’encens, et qu’après le sacrifice du matin il pût s’unir à son épouse pour avoir des enfants. De même, quand on demande comment il pouvait être défendu au grand prêtre d’assister aux funérailles de son père 6, puisqu’il ne pouvait devenir grand prêtre (cette fonction étant unique) qu’après la mort de son père, j’ai dit : « D’après cela, il aurait été nécessaire que le fils, qui devait succéder à son père, eût été institué avant que le père n’eût été enseveli et aussitôt après sa mort; il l’eût fallu aussi à cause de la nécessité de ne pas laisser interrompre l’offrande de l’encens, qui devait avoir lieu deux fois le jour 7; » et c’est ce prêtre à qui il est interdit d’entrer près du corps de son père mort et non encore inhumé. Mais je n’ai pas assez remarqué que cette prescription avait pu être faite pour ceux qui devaient être grands prêtres, ne succédant pas à leurs pères grands prêtres aussi, mais étant des fils, c’est-à-dire des descendants d’Aaron : ce qui arriverait

 

1. Quest. 95. — 2. Gen. XXXI, 41. — 3. Exod. XXX, 7, 8. — 4. Lév. XV, 16. — 5. Quest. 82. — 6. Lév. XXI, 11. — 7.  Quest. 83.

 

si par hasard, ou le grand prêtre n’avait pas de fils, ou en avait de si indignes qu’aucun d’eux ne pût succéder à son père. Aussi advint-il que Samuel succéda au grand prêtre Héli 1, n’étant pas lui-même fils de prêtre, mais étant des fils, c’est-à-dire des descendants d’Aaron.

3. J’ai presque affirmé comme certain que le larron, à qui il a été dit: « Aujourd’hui vous serez avec moi dans le paradis 2, » n’avait pas été baptisé visiblement 3; tandis que cela est incertain et qu’on doit plutôt croire qu’il a été baptisé, ainsi que je l’ai établi ailleurs moi-même. De même, ce que j’ai dit dans le cinquième livre, que là où sont mentionnées les mères, dans les généalogies évangéliques, elles ne le sont qu’avec les pères 5, cela est vrai, mais n’a pas de rapport avec la question que je traitais. Il s’agissait de ceux qui épousaient les femmes de leurs frères ou de leurs parents, lesquels étaient morts sans enfants, et cette observation était faite au sujet des deux pères de Joseph, dont saint Matthieu nomme l’un et saint Luc l’autre. J’ai discuté à fond cette question dans la révision de mon ouvrage contre Faustus le manichéen.

Cet ouvrage commence ainsi: « Lorsque nous parcourons les saintes Ecritures, que nous nommons Canoniques. »

 

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CHAPITRE LVI.

DE L’ÂME ET DE SON ORIGINE.. QUATRE LIVRES.

 

Dans le même temps, un certain Vincentius Victor trouva dans la Mauritanie Césarienne, chez un prêtre espagnol nommé Pierre, un opuscule de moi où j’avouais, à propos de l’origine de l’âme de tous les hommes, que j’ignorais si ces âmes proviennent de celle du premier homme et ensuite de celles de nos parents, ou si elles sont données à chaque homme, sans aucune propagation, comme à Adam; je déclarais savoir seulement que l’âme n’est pas un corps, mais un esprit. Ce Vincentius Victor adressa à ce même Pierre deux livres contre mon opinion, et le moine René me les envoya de Césarée. Après les avoir lus, je donnai ma réponse en quatre livres, l’un adressé au moine René, l’autre au prêtre Pierre, les deux derniers à Victor lui-même. Ce que j’ai écrit à Pierre est une lettre, quoique par son étendue cette lettre soit plutôt un

 

1. I Rois. I. — 2. Luc. XXIII, 43. — 3. Quest. 84. — Quest. 46, n. 2.

 

livre; mais je n’ai pas voulu la séparer des autres. Dans tous ces livres, qui traitent de matières très-graves, j’ai défendu mes doutes sur l’origine des âmes qui sont données à chaque homme et j’ai montré les nombreuses erreurs et les faussetés de la présomption de mon adversaire. Toutefois, comme c’était un jeune homme qu’il ne fallait pas pousser trop vite, mais qu’il fallait instruire encore, je l’ai traité avec le plus de douceur que j’ai pu, et j’ai reçu de lui une rétractation. Le livre à René commence par ces mots: « Nous avions la preuve de votre sincérité à notre égard. »Celui qui s’adresse à Pierre, par ceux-ci : « A mon très-cher frère et seigneur, et confrère en prêtrise, Pierre. » Des deux derniers adressés à Vincent Victor, le premier commence ainsi : « Ce que j’ai pensé devoir vous écrire. »

 

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CHAPITRE LVII.

A POLLENTIUS, SUR LES MARIAGES ADULTÈRES. — DEUX LIVRES.

 

J’ai écrit deux livres sur les mariages adultères, en suivant autant que je l’ai pu les Ecritures et désirant élucider une question très-difficile. Je ne sais si j’y suis parvenu; mais je sais que je suis resté loin de la perfection, bien que j’aie ouvert plusieurs aspects de la question, ce dont tout lecteur intelligent pourra juger. Le premier livre de cet ouvrage commence ainsi : « La première question, mon cher frère Pollentius; » le second : « A ce que vous m’aviez écrit. »

 

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CHAPITRE LVIII.

CONTRE UN ADVERSAIRE DE LA LOI ET DES PROPHÈTES. — DEUX LIVRES.

 

Sur ces entrefaites, un livre d’un certain hérétique, soit marcionite, soit de quelque autre secte dont l’erreur consiste à nier que Dieu ait fait le monde et à dire que le Dieu de la loi donnée par Moïse, le Dieu des prophètes de l’Ancien Testament, n’est pas le vrai Dieu, mais le plus mauvais des démons, était lu à Carthage, sur la place voisine de la mer, en présence d’un grand nombre d’auditeurs très-attentifs; quelques-uns de nos frères, chrétiens zélés, se le procurèrent et me l’envoyèrent sans aucun retard pour le réfuter, me priant instamment d’y répondre aussi d’urgence. Je le réfutai en deux livres que j’ai intitulés: Contre un adversaire de la Loi et des Prophètes, le manuscrit qui m’avait été envoyé n’ayant pas de nom d’auteur.

Cet ouvrage commence ainsi: « Au livre de je ne sais quel hérétique que vous m’avez  envoyé, mes très-chers frères.

 

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CHAPITRE LIX.

CONTRE GAUDENCE, ÉVÉQUE DES DONATISTES. — DEUX LIVRES.

 

Vers le même temps, Dulcitius, tribun et notaire, était en Afrique l’exécuteur des ordres impériaux contre les Donatistes. Il avait adressé des lettres à Gaudence, évêque des Donatistes de Tanuégadès, un des sept qu’ils avaient choisis pour les défendre dans notre conférence, l’exhortant de rentrer dans l’unité catholique et de ne pas allumer l’incendie où il menaçait de se consumer, lui et les siens avec l’église où il était; ajoutant ensuite que, s’ils croyaient leur cause juste, ils prissent la fuite, selon le précepte de N.-S. J. -C., plutôt que de se faire périr dans les flammes. Gaudence lui répondit deux lettres, l’une très-courte, attendu, disait-il, que le porteur était très-pressé; l’autre plus longue, par laquelle il essayait de répondre plus complètement et avec plus de soin. Le tribun Dulcitius jugea convenable de me les envoyer afin que je les réfutasse; je le fis pour toutes les deux en un seul livre. Ma réponse tomba entre les mains de Gaudence, et il me répliqua ce qui lui plut, ne donnant aucune raison, mais faisant plutôt voir qu’il n’avait pu ni se taire, ni me répondre. Bien que tout lecteur intelligent pût s’en apercevoir sans peine, et que la comparaison de nos deux écrits fût suffisante pour cela, je ne voulus pas cependant laisser sans réponse cet écrit quel qu’il fût. C’est ce qui fait que mes livres contre lui sont au nombre de deux. Cet ouvrage commence ainsi: « Gaudence, évêque des Donatistes de Tanuégadès. »

 

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CHAPITRE LX.

CONTRE LE MENSONGE. — UN LIVRE.

 

J’écrivis aussi alors un livre Contre le Mensonge; ce qui m’y détermina, c’est que plusieurs catholiques crurent devoir feindre d’être Priscillianistes, afin de découvrir le mystère dans lequel s’enveloppaient ces hérétiques qui, pour cacher leur hérésie, croient qu’il leur est (360) permis non-seulement de la nier et de mentir, mais même de se parjurer.

J’ai composé ce livre pour condamner cette conduite. Il commence ainsi: « Vous m’avez « envoyé beaucoup à lire. »

 

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CHAPITRE LXI.

CONTRE DEUX LETTRES DES PÉLAGIENS. — QUATRE LIVRES.

 

Suivent quatre livres que j’ai écrits, contre deux lettres des Pélagiens à l’évêque de l’Eglise romaine, Boniface; quand il avait eu ces lettres, il me les avait envoyées lui-même, y trouvant mon nom calomnieusement inséré.

Cet ouvrage commence ainsi: « Je vous connaissais, grâce à l’éclat de votre renommée. »

 

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CHAPITRE LXII.

SIX LIVRES CONTRE JULIEN.

 

Je vins alors à posséder les quatre livres de Julien, pélagien, dont j’ai parlé plus haut. J’y trouvai que les passages qui en avaient été détachés par celui qui les avait adressés au comte Valère, n’avaient pas été envoyés à ce comte comme Julien les avait écrits, mais qu’il y avait eu quelques changements. J’écrivis donc six livres contre les quatre de Julien:

mais les deux premiers réfutent, par les témoignages des saints qui après les apôtres ont défendu la foi catholique, l’impudence de Julien qui croyait pouvoir nous reprocher, comme une opinion manichéenne, d’avoir dit que nous tirons d’Adam le péché originel, qui est effacé par le baptême de régénération, non-seulement chez les adultes, mais même chez les petits enfants. En revanche, je montre, dans la dernière partie de mon livre premier, combien Julien lui-même professe des opinions favorables aux Manichéens. Mes quatre autres livres réfutent les siens, un par un.

Dans le cinquième volume de cette oeuvre si considérable et si profondément élaborée, lorsque j’ai rappelé le mari difforme, qui dans l’action du mariage avait l’habitude de présenter à sa femme une belle peinture, afin qu’elle n’eût pas des enfants difformes 1,j’ai indiqué le nom de l’homme qui avait cette habitude, comme si j’en étais certain, tandis qu’on n’en est pas sûr; ma mémoire m’a trompé. Cette habitude appartenait à un roi de Chypre, au rapport de Soranus, auteur d’un livre de médecine; mais Soranus ne donne pas le nom de ce roi.

 

1. C. XIV, n. 51.

 

Cet ouvrage commence ainsi: « Vos outrages et vos malédictions, Julien. »

 

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CHAPITRE LXIII.

A LAURENTIUS, SUR LA FOI, L’ESPÉRANCE ET LA CHARITÉ. — UN LIVRE.

 

J’ai composé aussi un livre sur la Foi, l’Espérance et la Charité, pour répondre à la demande de celui à qui je l’ai adressé, et qui avait sollicité de moi un petit opuscule qui ne devait pas sortir de ses mains; c’est ce que les Grecs appellent Enchiridion, c’est-à-dire Manuel. Il me semble que j’y ai assez exactement exposé quel culte doit être rendu à Dieu, ce qui constitue certainement la vraie sagesse de l’homme, selon la sainte Ecriture.

Ce livre commence ainsi: « Je ne saurais dire, mon cher fils Laurentius, combien je suis charmé de votre érudition. »

 

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CHAPITRE LXIV.

A L’ÉVÊQUE PAULIN, DU SOIN A PRENDRE DES MORTS. — UN LIVRE.

 

J’ai écrit un livre du Soin à prendre des morts, en réponse à des lettres qui me demandaient s’il était utile à quelqu’un, après sa mort, d’avoir son corps enseveli près de l’autel de quelque saint.

Il commence ainsi: « J’ai été longtemps à répondre à votre sainteté, Paulin, mon vénérable confrère dans l’épiscopat. »

 

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CHAPITRE LXV.

DES HUIT QUESTIONS DE DULCITIUS. —  UN LIVRE.

 

Le livre que j’ai intitulé: Des huit questions de Dulcitius, ne devrait pas être indiqué dans cet ouvrage parmi mes livres, puisqu’il est composé avec des fragments de ceux que j’avais écrits antérieurement; mais on y trouve quelques additions, et la réponse à une de ces questions ne se rencontre pas dans mes autres ouvrages : je l’ai donnée telle qu’elle a pu se présenter alors.

Ce livre commence ainsi : « Autant qu’il me semble, Dulcitius, mon cher fils. »

 

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CHAPITRE LXVI.

A VALENTIN ET A SES MOINES, SUR LA GRÂCE ET LE LIBRE ARBITRE. — UN LIVRE.

 

Afin de répondre à ceux qui, lorsqu’on défend la grâce de Dieu, s’imaginent qu’on nie le libre arbitre, et défendent eux-mêmes le (361) libre arbitre en niant la grâce de Dieu, et en affirmant que cette grâce nous est donnée selon nos propres mérites, j’ai écrit un livre intitulé : De la Grâce et du Libre Arbitre. Je l’ai adressé à ces moines d’Adrumet, dans le monastère desquels avait commencé cette controverse qui avait forcé plusieurs d’entre eux à me consulter.

Ce livre commence ainsi: « Pour répondre à ceux qui exaltent et défendent le libre arbitre de l’homme. »

 

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CHAPITRE LXVII.

AUX MÊMES, SUR LA RÉPRIMANDE ET LA GRÂCE. — UN LIVRE.

 

J’ai écrit aussi aux mêmes personnes un autre livre, que j’ai intitulé: De la Réprimande et de la Grâce. On m’avait annoncé que, dans ce monastère, quelqu’un avait dit qu’il ne

fallait pas reprendre ceux qui n’accomplissent pas les préceptes du Seigneur, mais qu’il suffit de prier pour eux, afin qu’ils arrivent à les accomplir.

Ce livre commence ainsi: « Ayant lu votre lettre, Valentin, mon frère bien-aimé. »

Tels sont les quatre-vingt-treize ouvrages, formant deux cent trente-deux livres, que j’ai reconnu avoir écrits en les révisant, ne sachant pas si j’en dicterais encore d’autres. Quant à ceux-là, la révision en est faite en deux livres : je l’ai publiée sur les instances de mes frères, avant que j’eusse commencé à réviser les lettres et les sermons au peuple, qui ont été soit prononcés, soit dictés par moi.

 

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