SULPICE SÉVÈRE
LETTRE DE SULPICE SÉVÈRE À DIDIER SUR LE LIVRE DE LA VIE DE SAINT MARTIN
VIE DE SAINT MARTIN
texte numérisé et mis en page par François-Dominique FOURNIER
LETTRE DE SULPICE SÉVÈRE À DIDIER SUR LE LIVRE DE LA VIE DE SAINT MARTINSévère, à son cher frère Didier, salut : Redoutant les jugements des hommes, et retenu par une timidité naturelle, javais lintention de garder en manuscrit et de ne pas laisser sortir de chez moi le petit livre. que jai écrit sur la vie de saint Martin. Je craignais que mon style peu élégant ne déplut aux lecteurs, et ne me fît encourir le blâme universel ; car je memparais dun sujet réservé à de savants écrivains, mais je nai pu résister à tes instances. Que ne sacrifierai je, en effet, à ton amitié, même en mexposant à la honte ! Jai cependant écrit ce livre, me fiant à la promesse que tu mas faite, de ne le livrer à personne. Je crains cependant que tu ne lui ouvres la porte, et quune fois lancé, il ne puisse plus être rappelé. Sil en était ainsi, et si quelques personnes le lisaient, supplie-les dattacher plus dimportance aux faits quaux mots, et de supporter patiemment les défauts de style qui pourraient les choquer, car le royaume de Dieu ne consiste pas dans léloquence, mais dans la foi ; quils se souviennent aussi que la doctrine du salut na pas été annoncée au monde par des orateurs, mais par des pécheurs ; bien que si cela eût été utile, le Seigneur eût pu le faire ainsi. Lorsque pour la première fois je me décidai à écrire, dans la pensée. quil nétait pas permis de tenir cachées Ies vertus dun si. grand homme, je pris le parti de ne pas rougir des solécismes qui pourraient méchapper : car je ne suis pas très savant en ces sortes de choses, et jai oublié, pour ne pas my être exercé depuis fort longtemps, le peu que jen savais autrefois. Enfin, pour ne pas prolonger ces excuses importunes, si tu le juges convenable, publie ce livre sans y joindre mon nom ; pour, cela, efface-le du titre, afin quil annonce le sujet sans indiquer lauteur, ce qui sera suffisant. VIE DE SAINT MARTIN I. La plupart de ceux qui ont écrit la vie des hommes illustres, exclusivement occupés de la poursuite dune gloire toute mondaine, ont espéré par là simmortaliser. Sans avoir complètement réussi, ils ont atteint leur but en partie ; car, tout en acquérant une vaine renommée, les beaux exemples quils racontaient de ces hommes remarquables excitaient une grande émulation parmi leurs lecteurs. Mais ce soin quils prenaient de la gloire de leurs héros, navait point pour butta bienheureuse et éternelle vie. Car, à quoi leur a servi cette gloire qui doit périr avec leurs écrits, et quel avantagea retiré la postérité de la lecture des combats dHector ou des disputes philosophiques de Socrate, puisque cest une folie de les imiter, et même de ne pas les combattre avec énergie ? Ne considérant dans la vie que le présent, ils se sont nourris de mensonges, et ont enfermé leurs âmes dans la nuit du tombeau. Ils ont pensé seulement à simmortaliser dans la mémoire des hommes, tandis que tout homme doit plutôt travailler à acquérir la vie éternelle quà perpétuer sa mémoire sur cette terre, non par des écrits, des luttes ou des disputes philosophiques, mais en menant une vie pieuse et sainte. Cette erreur, transmise dâge en âge par les écrits des littérateurs, a tellement prévalu, quil sest rencontré beaucoup de partisans de cette philosophie insensée et de ce vain mérite. Je crois donc avoir fait quelque chose dutile en écrivant la vie de ce saint homme ; elle servira dexemple à mes lecteurs, et les excitera à acquérir la véritable sagesse, à combattre pour le ciel, et à mériter la force den haut. En cela, je trouve aussi mon intérêt, espérant obtenir de Dieu une récompense et non des hommes un vain souvenir ; car, si je nai pas vécu de manière à être proposé aux autres comme un modèle, je me suis du moins appliqué à faire connaître celui qui mérite cet honneur. Je vais donc commencer à écrire la vie de saint Martin, et à dire comment il sest conduit, soit avant, soit pendant son épiscopat, bien que je ne sois pas parvenu à connaître toutes les particularités de sa vie et les faits dont il là le seul témoin, puisque, ne cherchant pas la gloire qui vient des hommes, il sefforça toujours de tenir ses vertus cachées. Jai même omis quelques-uns des faits que je connaissais, persuadé quil était suffisant de parler des plus remarquables, et que pour mes lecteurs trop de matières causerait peut-être de lennui. Je supplie ceux qui me liront dajouter foi à mes récits, et dêtre convaincus que je nai écrit que des faits certains et avérés ; dailleurs, mieux vaut se taire que de mentir. II. Martin naquit à Sabarie[i], en Pannonie, de parents assez distingués, mais païens ; il fut élevé à Ticinum[ii], ville dItalie. Son père fut dabord soldat, puis devint tribun militaire. Martin embrassa encore jeune la carrière des armes, et servit dans la cavalerie dabord sous Constance, puis sous Julien César ; non par goût cependant, car, dès ses premières années, cet illustre enfant ne respirait que le service de Dieu. Nayant encore que dix ans, il se rendit à léglise, malgré ses parents, et demanda à être mis au nombre des catéchumènes. Bientôt après il se donna tout entier au service de Dieu ; et, quoiquil neut encore que douze ans il désirait passer sa vie dans la retraite. Il aurait même exécuté ce projet, si la faiblesse de son âge ne sy fait opposée ; mais son âme, toujours occupée de solitudes et déglises, lui faisait déjà projeter, dès lâge le plus tendre, ce quil exécuta plus tard avec tant dardeur. Lorsque les empereurs eurent ordonné que les fils des vétérans entrassent dans larmée, son père lui-même, qui ne voyait pas dun il favorable ces heureux commencements, le présenta pour le service militaire ; ainsi, nayant encore que quinze ans, il fut enrôlé et prêta le serment. À larmée, Martin se contenta dun seul valet, que bien souvent, intervertissant les rôles, il servait lui-même : il allait jusquà lui ôter ses chaussures et à les nettoyer ; ils prenaient leur repas ensemble, et le plus souvent cétait le maître qui servait. Il passa environ trois ans à larmée avant de recevoir le baptême, et il se préserva des vices si communs parmi les gens de guerre. Sa bienveillance et sa charité envers ses compagnons darmes. étaient admirables, sa patience et son humilité surhumaines. Il est inutile de louer sa sobriété : il pratiqua cette vertu à un tel degré, que déjà à cette époque on le prenait plutôt pour un moine que pour un soldat ; aussi sétait-il tellement attaché ses compagnons, quils avaient pour lui le plus affectueux respect. Martin, quoique nétant pas encore régénéré en Jésus-Christ, montrait déjà par ses bonnes uvres quil aspirait au baptême ; car il consolait les malheureux, secourait les pauvres, nourrissait les nécessiteux, donnait des vêtements à ceux qui en manquaient, et ne gardait de sa solde que ce quil lui fallait pour sa nourriture de chaque jour : déjà strict observateur des paroles de lÉvangile, il ne songeait pas au lendemain. III. Un jour, au milieu dun hiver dont les rigueurs extraordinaires avaient fait périr beaucoup de personnes, Martin, nayant que ses armes et son manteau de soldat, rencontra à la porte dAmiens un pauvre presque nu. Lhomme de Dieu, voyant ce malheureux implorer vainement la charité des passants qui séloignaient sans pitié, comprit que cétait à lui que Dieu lavait réservé. Mais que faire ? il ne possédait que le manteau dont il était revêtu, car il avait donné tout le reste ; il tire son épée, le coupe en deux, en donne la moitié au pauvre et se revêt du reste. Quelques spectateurs se mirent à rire en voyant ce vêtement informe et mutilé ; dautres, plus sensés, gémirent profondément de navoir rien fait de semblable, lorsquils auraient pu faire davantage, et revêtir ce pauvre sans se dépouiller eux-mêmes. La nuit suivante, Martin sétant endormi vit Jésus-Christ[iii] revêtu de la moitié du manteau dont il avait couvert la nudité du pauvre ; et il entendit une voix qui lui ordonnait de considérer attentivement le Seigneur et de reconnaître le vêtement quil lui avait donné. Puis Jésus se tournant vers les anges qui lentouraient leur dit dune voix haute : « Martin nétant encore que catéchumène ma revêtu de ce manteau. » Lorsque le Seigneur déclara quen revêtant le pauvre, Martin lavait vêtu lui-même, et que, pour confirmer le témoignage quil rendait à une si bonne action, il daigna se montrer revêtu de lhabit donné au pauvre, il se souvenait de ce quil avait dit autrefois : « Tout ce que vous avez fait au moindre des pauvres vous me lavez fait à moi-même. » Cette vision ne donna point dorgueil au bienheureux ; mais, reconnaissant avec quelle bonté Dieu le récompensait de cette action, il se hâta de recevoir le baptême, étant âgé de dix-huit ans. Cependant il ne quitta pas aussitôt le service ; il céda aux prières de son tribun, avec qui il vivait dans la plus intime familiarité, et qui lui promettait de renoncer au monde aussitôt que le temps de son tribunat serait écoulé. Martin, se voyant ainsi retardé dans lexécution de ses projets, resta sous les drapeaux et demeura soldat, seulement de nom, il est vrai, pendant les deux années qui suivirent son baptême. IV. Cependant, les barbares ayant fait irruption dans les Gaules, le César Julien rassembla toute son armée près de Worms, et distribua des largesses aux soldats, qui, selon la coutume, étaient appelés les uns après les autres. Vint le tour de Martin, qui crut le moment favorable pour demander son congé ; car il lui semblait quil ne serait pas juste, nayant plus lintention de servir, de recevoir les largesses de lempereur. « Jusquici, dit-il, je vous ai servi, César ; permettez que je serve Dieu maintenant : que ceux qui doivent combattre acceptent vos dons ; moi, je suis soldat du Christ, il ne mest plus permis de combattre. » À ces paroles, le tyran frémit de colère, et lui dit que cétait la crainte de la bataille qui allait se livrer le lendemain, et non la religion qui le portait à refuser de servir. Mais lintrépide Martin, que le soupçon de lâcheté rendait plus ferme encore, répondit : « Si lon attribue ma résolution à la peur et non à ma foi, demain je me présenterai sans armes devant larmée ennemie, et au nom du Seigneur Jésus, armé du signe de la croix, et non du casque et du bouclier, je mélancerai sans crainte, au milieu des bataillons ennemis. » Julien le fit aussitôt conduire en prison, et ordonna de lexposer le lendemain sans armes devant lennemi, selon ses désirs. Le jour suivant, les ennemis envoyèrent des ambassadeurs pour traiter de la paix, se rendirent, et livrèrent tout ce quils possédaient. Qui doutera que cette victoire, ne soit due au saint homme, que le Seigneur ne voulait point envoyer sans armes au combat ? Et quoique ce bon maître eût bien la puissance de protéger son soldat, même contre les épées et les traits ennemis ; cependant, pour que ses yeux ne fussent pas même souillés de la vue du sang, il empêcha le combat. En effet, si le Christ devait accorder la victoire en faveur de son soldat, ce ne pouvait être quen empêchant toute effusion de sang par la soumission volontaire de lennemi, sans quil en coûtât la vie à personne. V. Dans la suite, ayant quitté le service, Martin se rendit auprès de saint Hilaire, évêque de Poitiers ; homme dont la foi vive était connue et admirée de tout le monde ; il y resta quelque temps. Hilaire voulut le faire diacre pour se lattacher plus étroitement et le consacrer au service des autels ; mais Martin avait souvent refusé, disant hautement quil en était indigne. Hilaire, dans sa sagesse, vit bien quil ne se lattacherait quen lui conférant un emploi ; dans lequel il semblerait ne pas lui rendre justice ; il voulut donc quil fût exorciste. Martin ne refusa point cet ordre, de peur de paraître le mépriser, à cause de son infériorité. Quelque temps après, Dieu lui ayant ordonné en songe daller dans sa patrie visiter ses parents encore païens, pour soccuper de leur conversion avec une pieuse sollicitude, saint Hilaire lui accorda la permission de séloigner ; mais, à force de prières et de larmes, il obtint de lui la promesse de revenir. Il était plein de tristesse, dit-on, quand il entreprit ce voyage, et il assura à ses frères quil y aurait beaucoup à souffrir : ce qui arriva effectivement. Sétant dabord égaré dans les Alpes, il rencontra des voleurs ; lun deux le menaça dune hache quil brandissait au-dessus de sa tête, un autre détourna le coup ; on lui lia ensuite les mains derrière le dos, et il fut livré à lun de ces brigands pour être gardé et dépouillé. Ce voleur le conduisit dans un endroit plus retiré encore, et lui demanda qui il était. « Je suis chrétien, » répondit Martin ; il lui demanda ensuite sil avait peur ; Martin répondit alors avec courage quil navait jamais été plus tranquille, parce quil savait que la miséricorde du Seigneur ne lui ferait jamais défaut, surtout dans les épreuves, et que cétait plutôt lui quil plaignait, puisque le brigandage auquel il se livrait le rendait indigne de la miséricorde de Dieu. Puis, commençant à développer la doctrine de lÉvangile ; il prêcha au voleur la parole de Dieu. Quajouter à cela ? Le voleur crut en Jésus-Christ, accompagna Martin quil remit dans son chemin, en se recommandant à ses prières. Dès lors il mena, dit-on, une vie sainte, et lon croit même que cest de sa bouche que lon a recueilli les détails précédents. VI. Martin, poursuivant sa route, avait dépassé Milan, lorsque le démon, sous une forme humaine, se présenta devant lui et lui demanda où il allait. « Je vais où le Seigneur mappelle, » répliqua Martin. Satan lui dit alors : « Partout où tu iras, dans toutes tes entreprises, le diable sopposera à tes desseins. » Martin lui répondit avec ces paroles du Prophète : « Le Seigneur est mon appui, je nai rien à craindre des hommes. » Son ennemi disparut aussitôt. Selon son espérance, il retira sa mère des ténèbres du paganisme, mais son père persévéra dans lerreur ; ses bons exemples convertirent partout plusieurs personnes. Lhérésie dArius sétait répandue dans tout lunivers, et surtout en Illyrie ; Martin, qui presque seul combattait vaillamment la perfidie des prêtres hérétiques, souffrit beaucoup doutrages (car il fut publiquement battu de verges, et enfin chassé de la ville). Il retourna en Italie ; mais ayant alors appris que lÉglise était également agitée dans les Gaules, à cause du départ de saint Hilaire, que les hérétiques avaient contraint de sexiler, il alla à Milan, où il se fit une solitude. Là aussi Auxence, fauteur et chef du parti arien, le persécuta à outrance, laccabla doutrages et le chassa de la ville. Martin, pensant quil fallait céder aux circonstances, se retira avec un prêtre très vertueux dans lîle Gallinaria[iv] ; il y vécut pendant quelque temps de racines, et, selon la tradition, ce fut là quil mangea de lellébore, plante vénéneuse. Sentant le poison sinsinuer dans ses veines et la mort sapprocher, il conjura par la prière ce péril imminent, et la douleur cessa aussitôt. Peu de temps après, ayant appris que lempereur, regrettant, ce quil avait fait, accordait à saint Hilaire la permission de revenir, il se rendit à Rome, dans lespérance de ly rencontrer. VII. Mais saint Hilaire avait déjà quitté cette ville ; Martin le suivit, et, en ayant été revu avec la plus grande bonté, il se fit une solitude près de Poitiers[v]. Sur ces entrefaites, un catéchumène, désirant être instruit- par un si saint homme, se joignit à lui ; mais peu de jours après il fut pris de la fièvre. Martin était alors absent par hasard. Cette absence se prolongea trois jours encore, et à son retour il le trouva mort. Lévénement avait été si soudain, quil avait quitté la terre nayant pas encore recru le baptême. Le corps était placé au milieu de la chambre, où les frères se succédaient sans cesse pour lui rendre leurs devoirs, lorsque Martin accourut, pleurant et se lamentant. Implorant alors avec ardeur la grâce de lEsprit Saint, il fait sortir tout le monde, et sétend sur le cadavre du frère. Après avoir prié avec ferveur pendant quelque temps, averti par lEsprit du Seigneur que le miracle va sopérer, il se soulève un peu, et, regardant fixement le visage du défunt, il attend avec confiance leffet de sa prière et de la miséricorde divine. À peine deux heures sétaient-elles écoulées, quil vit tous les membres du défunt sagiter faiblement ; et les yeux sentrouvrir. Alors Martin rend grâces à Dieu à haute voix, et fait retentir la cellule des accents de sa joie. À ce bruit, ceux qui se tenaient au dehors rentrent précipitamment, et (ô spectacle admirable !) ils trouvent plein de vie celui quils avaient laissé inanimé. Ce catéchumène, revenu à la vie, fut aussitôt baptisé, et vécut encore plusieurs années. Le premier parmi nous il donna à Martin loccasion dexercer sa puissance, et resta en quelque sorte la preuve vivante de ce miracle. Il nous racontait souvent quaprès avoir quitté son corps, son âme avait comparu devant le tribunal du Juge, et quil y avait entendu la triste sentence qui le condamnait à habiter des lieux obscurs avec une foule dautres âmes ; mais alors deux anges firent connaître au Juge quil était celui pour lequel Martin priait : ils reçurent aussitôt lordre de le ramener et de le rendre à la vie et à Martin. Ce miracle rendit le nom de Martin très célèbre, et ceux qui déjà le considéraient comme un saint, le regardèrent alors comme un homme puissant et vraiment apostolique. VIII. Peu de temps après, Martin, traversant les terres dun certain Lupicin, homme honorable selon le monde, entendit les pleurs et les lamentations dun grand nombre de personnes. Inquiet, il sarrête ; il demande la cause de ces gémissements ; il apprend quun des esclaves vient de se pendre. Il entre aussitôt dans la chambre où était le corps, fait sortir tout le monde sétend sur le cadavre, et prie pendant quelque temps. Bientôt le visage de lesclave sanime, il élève vers Martin des yeux languissants, et, ayant fait de lents et inutiles efforts pour se soulever, il saisit la main du Saint, se dresse sur ses pieds, puis savance avec lui dans le vestibule de la maison, à la vue de tout le peuple. IX. Cest à peu près à cette époque que la ville de Tours demanda saint Martin pour évêque ; mais comme il nétait pas facile de le faire sortir de sa solitude, un des citoyens de la ville, nommé Ruricius, se jeta à ses pieds, et, prétextant la maladie de sa femme, le détermina à sortir. Un grand nombre dhabitants sont échelonnés sur la route ; ils se saisissent de Martin, et, le conduisent à Tours, sous bonne garde. Là, une multitude immense, venue non seulement de Tours mais des villes voisines, sétait réunie afin de donner son suffrage pour lélection. Lunanimité des désirs, des sentiments et des votes, déclara Martin le plus digne de lépiscopat, et lÉglise de Tours heureuse de posséder un tel pasteur. Un petit nombre cependant, et même quelques évêques convoqués pour élire le nouveau prélat, sy opposaient, disant quun homme dun extérieur si négligé, de si mauvaise mine, la tête rasée et si mal vêtu, était indigne de lépiscopat. Mais le peuple, ayant des sentiments plus sages, tourna en ridicule la folie de ceux qui, en voulant nuire à cet homme illustre, ne faisaient quexalter ses vertus. Les évêques furent donc obligés de se rendre au désir du peuple, dont Dieu se servait pour faire exécuter ses desseins. Parmi ceux qui sopposaient à lélection, il y avait un certain Défensor : on verra quil fut pour cette raison sévèrement blâmé par les paroles du Prophète ; car celui qui devait faire la lecture ce jour-là, nayant pu pénétrer à cause de la foule, les prêtres se troublèrent, et lun deux, ne voyant point venir le lecteur, prit le Psautier, et lut le premier verset qui lui tomba sous les yeux ; cétait celui-ci : « Vous avez tiré une louange parfaite de la bouche des enfants ; et de ceux qui sont encore à la mamelle, pour confondre vos adversaires, et pour perdre votre ennemi et son défenseur. » À ces paroles, le peuple pousse un cri ; les ennemis de Martin sont confondus. On resta convaincu que Dieu avait permis quon lut ce psaume, afin que Défensor y vit la condamnation de sa faute ; car cest de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle que Dieu, en Martin, a tiré la louange la plus parfaite, et lennemi à été détruit aussitôt quil sest montré. X. Nous navons point assez de talent pour raconter ce que fut Martin devenu évêque ; il demeura toujours ce quil avait été auparavant ; aussi humble de cur, aussi simple dans sa manière de shabiller. Il remplissait ses fonctions dévêque dune manière pleine dautorité et de bonté, sans cesser pour cela de vivre comme un moine, et den pratiquer les vertus. Pendant quelque temps il habita une petite cellule près de léglise ; mais, importuné du grand nombre de visites quil y recevait ; il se fit une solitude[vi] à peu près à deux milles de la ville. Cet endroit était si caché et si retiré, quil ressemblait à un désert. Il était ; renfermé dun côté par un rocher haut et escarpé, de lautre par une sinuosité du cours de la Loire, qui y formait ainsi une petite vallée ; on ne pouvait y aborder que par un sentier fort étroit. Saint Martin habitait une cabane de bois ; quelques frères en avaient de semblables, dautres sétaient creusé des cellules dans le roc. Il y avait là quatre-vingts disciples, qui sy formaient sur les exemples de leur bienheureux maître. Aucun deux ny possédait rien en propre, tout était en commun ; ils ne pouvaient ni vendre ni acheter, comme le font, ordinairement la plupart des moines. On ne soccupait daucun art, si ce nest de celui de copier des livres : encore cet emploi était-il réservé aux plus jeunes, les plus âgés vaquaient à loraison ; ils sortaient rarement de leur cellule, excepté lorsquils se réunissaient pour la prière ; ils prenaient leurs repas ensemble quand lheure de rompre un jeûne était arrivée, et ils ne buvaient point de vin ; à moins quils ne fussent malades. La plupart portaient des habits de poils de chameau, cétait un crime de se vêtir plus délicatement. Ce qui rend cela plus admirable, cest que plusieurs dentre eux étaient des hommes de qualité, qui, élevés dune manière bien différente, sétaient astreints à cette vie dhumilité et de souffrance. Dans la suite, nous en avons vu plusieurs devenus évêques ; et quelle ville, ou quelle Église, ne se réjouirait pas davoir, un évêque sorti du monastère de saint Martin ? XI. Je vais maintenant raconter les miracles quil fit pendant son épiscopat. À peu de distance de la ville et non loin du monastère, se trouvait un endroit que lon regardait à tort comme le lieu de la sépulture de plusieurs martyrs, qui y recevaient un culte, car lérection de lautel était attribuée aux évêques précédents. Mais Martin, najoutant point foi légèrement à des traditions incertaines, demanda aux plus anciens des prêtres et des clercs de lui dire le nom du prétendue saint et lépoque de son martyre. Il était fort inquiet à ce sujet puisque la tradition ne rapportait rien de bien avéré. Pendant quelque temps il sabstint daller à cet endroit, ne voulant pas porter atteinte à ce culte tant quil serait dans lincertitude, ni lautoriser de peur de favoriser une superstition. Prenant un jour avec lui quelques-uns des frères, il sy rendit, et, se tenant sur le sépulcre. Il pria le Seigneur de lui faire connaître quel homme avait été enterré dans ce lieu, et quels pouvaient être ses mérites. Alors il voit se dresser à sa gauche un spectre affreux et terrible. Martin lui ordonne de déclarer qui il est et quels sont ses mérites devant le Seigneur : le spectre se nomme, avoue ses crimes, dit quil est un voleur, mis à mort pour ses forfaits et honoré par une erreur populaire ; quil na rien de commun avec les martyrs, qui sont dans la gloire, tandis quil est dans les tourments. Ceux qui étaient présents entendirent cette voix étrange sans voir personne. Martin leur dit alors, ce quil a vu, ordonne quon enlève lautel, et délivre ainsi le peuple de cette erreur et de cette superstition. XII. Quelque temps après, Martin, dans un de ses voyages, rencontra le convoi funèbre dun païen quon portait en terre, avec des cérémonies superstitieuses. Voyant de loin cette foule qui savançait, et ne sachant ce que cétait, il sarrêta un instant ; car, se trouvant à peu près à cinq cents pas de distance, il lui était difficile de rien distinguer. Cependant, comme il voyait une troupe de paysans, et que le vent faisait voltiger les linges blancs qui recouvraient, le corps, il crut quon accomplissait quelque rite profane et superstitieux : car les paysans, dans leur aveuglement insensé, ont lhabitude de porter autour de leurs champs les images des démons recouvertes détoffes blanches. Élevant donc la main, il fait le signe de la croix, commande à la foule de sarrêter et de déposer le fardeau. À linstant même ils demeurent immobiles comme des pierres ; puis, faisant un violent effort pour continuer leur marche, ils se mettent à tourner ridiculement sur eux-mêmes, jusquà ce que épuisés par le poids quils portent, ils déposent le corps. Étonnés, ils se regardent les uns les autres en silence, et se demandent à eux-mêmes quelle peut être la cause de laccident qui leur arrive. Mais le bienheureux, ayant reconnu que cette foule nétait point réunie pour un sacrifice, mais pour des funérailles, éleva de nouveau la main, et leur permit de séloigner et demporter le corps du défunt. Cest ainsi que Martin, suivant sa volonté, ou les força de sarrêter, ou leur permit de reprendre leur marche. XIII Dans un bourg se trouvait un temple fort ancien, que Martin avait détruit, et il se disposait à abattre un pin qui en était proche, lorsque le prêtre de cet endroit et toute la foule des païens sy opposèrent ; et ces mêmes hommes, qui, par la permission de Dieu, avaient laissé, sans y mettre obstacle, démolir leur temple, ne pouvaient souffrir quon abattît larbre. Martin faisait tous ses efforts pour leur faire comprendre que ce tronc darbre navait rien de sacré, quils devaient plutôt adorer le Dieu quil servait lui-même, que cet arbre consacré au démon devait être abattu. Alors lun deux, plus audacieux que les autres, lui dit : «. Si tu as quelque confiance dans le Dieu que tu sers, nous abattrons, nous-mêmes cet arbre ; consens à le laisser tomber sur toi, et si, comme tu le dis, tu es protégé par ton Dieu, tu : néprouveras aucun mal. » Martin nest nullement effrayé de cette proposition, et se confiant dans le Seigneur ; il promet de faire ce gnon demande ; toute : la foule des païens consent à cette condition, et se résigne à la perte de larbre, si sa chute doit écraser lennemi de leurs dieux. Le pin penchait tellement dun côté, que personne ne doutait du lieu où il devait tomber. Martin fut attaché dans cet endroit, suivant la volonté des paysans : ceux -ci, transportés de joie, se mirent aussitôt à luvre. La foule stupéfaite se tient à une grande distance. Déjà le pin vacille, et son ébranlement annonce sa chute. De loin les moines pâlissent de crainte, et, consternés du péril imminent, ils ont déjà perdu tout espoir et toute confiance, et nattendent plus que la mort de Martin. Mais celui-ci, se confiant dans le Seigneur, demeure ferme et exempt de toute crainte. Tout à coup le pin éclate avec fracas, tombe, et se précipite sur Martin, qui, élevant la main, lui oppose le signe du salut. Aussitôt, comme sil eût été repoussé par un tourbillon impétueux, larbre se retourne et va tomber de lautre côte, où il manque de renverser les paysans qui sy croyaient fort en sûreté. Les païens, frappés de ce miracle, poussent de grands cris ; les moines pleurent de joie ; les louanges du Christ sont dans toutes les bouches. Ce jour-là fut assurément un jour de salut pour ce pays : car il ny eut personne, dans cette immense multitude de païens, qui ne demandât aussitôt limposition des mains, et qui, abjurant les erreurs du paganisme, ne crût en Jésus-Christ. En effet, avant larrivée de Martin, presque personne ne connaissait le nom de Jésus-Christ dans ce pays. Mais ses vertus et ses exemples y ont été si puissants, que cette contrée est maintenant couverte déglises et de monastères. À peine un temple païen est-il détruit, que sur son emplacement sélève une église ou un couvent. XIV. À peu près vers la même époque, Martin opéra un miracle semblable. Dans un bourg se trouvait un temple fort ancien, auquel il avait mis le feu ; les flammes, poussées par le vent atteignirent une maison voisine, qui y était même attenante. Dès quil sen aperçut, Martin monta rapidement sur le toit, et se présenta aux flammes comme un obstacle pour les arrêter. Alors vous auriez pu voir, par un miracle étonnant, les flammes repoussées contre la direction du vent, et ces deux éléments lutter en quelque sorte lun contre lautre. Ainsi, par la puissance de Martin, le feu nagit que, dans lendroit où il le lui permit. Martin voulant encore renverser un temple païen que la superstition avait rendu prodigieusement riche, et qui était situé dans un bourg nommé Leprosum[vii], un grand nombre de païens sopposèrent à son dessein, et le repoussèrent en laccablant dinjures. Cest pourquoi il se retira dans un endroit voisin, et là, pendant trois jours, revêtu dun cilice et couvert de cendres, jeûnant et priant, il suppliait le Seigneur de détruire ce temple par sa toute-puissance, puisque la main de lhomme navait pu le renverser. Tout à coup deux anges, armés de lances et de boucliers, comme les soldats de la milice céleste, se présentèrent à lui, et lui dirent quils étaient envoyés par le Seigneur pour mettre en fuite cette troupe de paysans ; et le protéger, si on voulait lui résister pendant la destruction du temple ; quil y retournât donc pour accomplir avec ardeur luvre quil avait commencée. Il revint donc au bourg, et à la vue de la foule des païens, sans quaucun deux sy opposât, il détruisit le temple jusque dans ses fondements, et réduisit en poudre tous les autels et les idoles. À cette vue, les paysans, comprenant que cétait pour favoriser le dessein de lévêque que la puissance divine les avait frappés deffroi et de stupeur, crurent presque tous en Jésus-Christ, et confessèrent publiquement et à haute voix quil fallait adorer le Dieu de Martin, et rejeter les idoles qui ne pouvaient leur être daucun secours. XV Je vais raconter maintenant ce quil fit dans un bourg des Éduens[viii]. Pendant quil y renversait encore un temple de la même manière, une multitude de païens furieux se précipita sur lui, lépée à la main. Martin, rejetant son manteau présenta son cou nu à lassassin. Le païen nhésite pas ; mais, au moment où il élève le bras, il tombe à la renverse, et, saisi dune frayeur miraculeuse, il demande pardon. Voici encore un fait du même genre : Martin était occupé à renverser des idoles, un païen voulut lui donner un coup de couteau ; au moment où il allait le frapper, le fer séchappa de ses mains et disparut. La plupart du temps, lorsque les paysans sopposaient à la destruction de leurs temples, il touchait tellement leurs curs en leur annonçant la parole de Dieu, quéclairés de la lumière de la vérité, ils les renversaient de leurs propres mains. XVI. Martin était si puissant pour la guérison des malades, que presque tous ceux qui venaient à lui étaient guéris. Lexemple suivant en est la preuve. Il se trouvait à Trèves une jeune fille atteinte dune paralysie si complète, que tous ses membres, depuis longtemps, lui refusaient leur service ; ils étaient déjà comme morts, et elle ne tenait plus à la vie que par un souffle. Ses parents accablés de tristesse, étaient là nattendant plus que sa mort, lorsquon apprit que Martin venait darriver dans la ville. Aussitôt, que le père de la jeune fille en est instruit, il y court tout tremblant, et implore Martin pour sa fille mourante. Par hasard le saint évêque était déjà entré dans léglise ; là, en présence du peuple et de beaucoup dautres évêques, le vieillard, poussant des cris de douleur, embrasse ses genoux, et lui dit : « Ma fille se meurt dune maladie terrible, et ce quil y a de plus affreux, cest que ses membres, bien quils vivent encore, sont comme morts et privés de tout mouvement. Je vous supplie de venir la bénir, car jai la ferme confiance, que vous lui rendrez la santé. » Martin, étonné de ces paroles qui le couvrent de confusion, sexcuse, en disant quil na pas ce pouvoir, que le vieillard se trompe, et quil nest pas digne que le Seigneur se serve de lui pour faire un miracle. Le père, tout en larmes, insiste plus vivement encore, et le supplie de visiter sa fille mourante. Martin se rend enfin aux prières des évêques présents, et vient à la maison de la jeune fille. Une grande foule se tient à la porte, attendant ce que le serviteur de Dieu va faire. Et dabord, ayant recours à ses armes ordinaires, il se prosterne à terre et prie ; ensuite, regardant la malade, il demande de lhuile ; après lavoir bénite, il en verse une certaine quantité dans la bouche de la jeune fille, et la voix lui revient aussitôt ; puis, peu à peu, par le contact de la main de Martin, ses membres, les uns après les autres, commencent à reprendre la vie ; enfin, ses forces reviennent, et elle peut se tenir debout devant le peuple. XVII. À la même époque, Tétradius, personnage consulaire, avait un esclave possédé du démon, et qui allait faire une fin déplorable. On pria Martin de lui imposer les mains, et il se le fit amener. Mais on ne put faire sortir le possédé de la cellule, car il mordait cruellement ceux qui sen approchaient. Alors Tétradius, se jetant aux pieds de Martin, le supplia de venir lui-même dans la maison où se trouvait le démoniaque ; mais il refusa, disant quil ne pouvait entrer dans la demeure dun profane, et dun païen. Tétradius était encore plongé dans les erreurs du paganisme ; mais il promit de se faire chrétien, si son serviteur était délivré du démon. Cest pourquoi Martin imposa les mains à lesclave, et en chassa lesprit immonde. À cette vue, Tétradius crut en Jésus-Christ. Il fut aussitôt fait catéchumène, baptisé peu de temps après, et depuis lors il eut toujours un respect affectueux pour Martin, lauteur de son salut. Vers la même époque et dans la même ville, Martin, étant entré dans la maison dun père de famille, sarrêta sur le seuil, disant quil voyait un affreux démon dans le vestibule. Au moment où Martin lui commandait de sortir, il sempara dun esclave qui se trouvait dans lintérieur de la maison ; ce malheureux se mit aussitôt à mordre et à déchirer tous ceux qui se présentaient à lui. Toute la maison est dans le trouble et leffroi ; le peuple prend la fuite. Martin savance vers le furieux, et lui commande dabord de sarrêter ; mais il grinçait des dents, et, ouvrant la bouche, menaçait de le mordre ; Martin y met ses doigts : « Dévore-les, si tu en as le pouvoir, » lui dit-il. Alors le possédé, comme si on lui eut plongé un fer rouge dans la gorge, recula pour éviter de toucher les doigts du Saint. Enfin le diable, forcé par les souffrances et les tourments quil endurait de quitter le corps de lesclave, et ne pouvant sortir par sa bouche, séchappa par les voies inférieures, en laissant des traces dégoûtantes de son passage. XVIII. Cependant le bruit dune attaque des barbares ayant inquiété les habitants de la ville, Martin se fit amener un démoniaque, et lui commanda de dire si cette nouvelle était vraie. Celui-ci, avoua quils étaient dix démons qui faisaient courir ce bruit parmi le peuple, afin, du moins, que la crainte fit sortir Martin de la ville ; les barbares navaient aucunement lintention de faire une irruption. Lesprit immonde, ayant fait cet aveu au milieu de léglise, délivra la cité de la crainte et du trouble qui lagitaient. Un jour quil entrait à Paris, comme il passait par une des portes de cette cité, avec une grande foule de peuple, il bénit et baisa un lépreux dont la figure affreuse faisait horreur à tous ; celui-ci fut aussi tôt guéri et vint le lendemain à léglise, avec un visage, sain et vermeil rendre grâces à Dieu pour la santé quil avait recouvrée. Mais ce que nous ne pouvons nous dispenser de dire cest que les fils des vêtements ou du cilice de Martin opérèrent de fréquentés guérisons ; appliqués aux doigts ou au cou des malades, ils les délivraient de leurs infirmités. XIX Arborius, ancien préfet, homme plein de foi et de piété, dont la fille était affectée dune fièvre quarte très violente, lui mit sur la poitrine une lettre de Martin, qui lui était tombée par hasard entre les mains, et aussitôt la fièvre cessa. Cette guérison toucha tellement Arborius, quil consacra sur-le-champ sa fille, à Dieu, et la voua à une virginité perpétuelle. Il partit ensuite pour aller trouver Martin, lui présenta sa fille quil avait guérie, quoique étant absent, comme une preuve vivante de ce miracle, et ne souffrit pas quun autre que Martin lui donnât le voile. Paulin, qui devait donner plus tard dillustres exemples, fut attaqué dun mal dyeux qui le faisait beaucoup souffrir ; déjà la pupille de son il se couvrait dune taie. très épaisse. Martin lui toucha lil avec un pinceau ; aussitôt la douleur cessa, et il fut guéri. Un jour, Martin tomba lui-même dun étage supérieur, en roulant sur les marches raboteuses de lescalier ; et se fit plusieurs blessures. Étendu presque sans vie dans sa cellule, il éprouvait de cruelles souffrances, lorsque, pendant la nuit un ange lui apparut, lava ses blessures et oignit ses membres contusionnés dun onguent salutaire, si bien que le lendemain, rendu à la santé, il ne paraissait avoir éprouvé aucun accident. Mais comme il serait trop long de raconter en détail tous les miracles de Martin, je me contenterai de rappeler les plus remarquables, pour épargner lennui que je pourrais causer au lecteur, si jen rapportais un trop grand nombre. XX. Après des faits si grands, si merveilleux, en voici quelques autres qui sembleraient peu importants, si lon ne devait pas placer au premier rang, surtout à notre époque où tout est dépravé et corrompu, la fermeté dun évêque refusant de shumilier jusquà aduler le pouvoir impérial. Quelques évêques étaient, venus de différentes contrées à la cour de lempereur, Maxime, homme fier, et que ses victoires dans les guerres civiles avaient encore enflé, et ils sabaissaient jusquà placer leur caractère sacré sous le patronage de lempereur ; Martin, seul, conservait la dignité de lapôtre. En effet, obligé dintercéder auprès de lempereur pour quelques personnes, il commanda plutôt quil ne pria. Souvent invité par Maxime à sasseoir à sa table, il refusa, disant quil ne pouvait manger avec un homme qui avait détrôné un empereur et, en avait fait mourir un autre. Maxime lui assura que cétait contre son gré quil était monté sur le trône ; quil y avait été forcé ; quil navait employé les armes que pour soutenir la souveraineté que les soldats, sans doute par la volonté de Dieu, lui avaient imposée ; que la victoire si étonnante quil avait remportée prouvait bien que Dieu combattait pour lui, et que tous ceux de ses ennemis qui étaient morts navaient péri que sur le champ de bataille. Martin se rendit à la fin soit aux raisons de lempereur, soit à ses prières, et vint à ce repas ; à la grande joie du prince qui avait obtenu ce quil désirait si ardemment. Les convives, réunis comme pour un jour de fête, étaient des personnages grands et illustres ; il y avait Évodius, en même temps préfet et consul, le plus juste des hommes, et deux comtes très puissants, lun frère et lautre oncle de lempereur. Le prêtre qui avait accompagné Martin était placé entre ces deux derniers ; quant à celui-ci, il occupait un petit siége près de lempereur. À peu près vers le milieu du repas, léchanson, selon lusage, présenta une coupe à lempereur, qui ordonna de la porter au saint évêque ; car il espérait et désirait vivement la recevoir ensuite de sa main. Mais Martin, après avoir bu, passa la coupe à son prêtre, ne trouvant personne plus digne de boire le premier après lui, et croyant manquer à son devoir en préférât au prêtre soit lempereur, soit le plus élevé en dignité après lui. Lempereur et tous les assistants admirèrent tellement cette action, que le mépris quil avait montré pour eux fût précisément ce qui leur plut davantage. Le bruit se répandit dans tout le palais que Martin avait fait à la table de lempereur ce quaucun évêque naurait osé faire à la table des juges les moins puissants. Il prédit aussi à Maxime, longtemps avant lévénement, que sil allait en Italie, comme il en avait lintention, pour combattre lempereur Valentinien, il serait dabord victorieux, mais quil périrait peu de temps après. Nous avons vu que cette prophétie se vérifia ; car, dès que Maxime se présenta, Valentinien prit la fuite ; mais un an après, ayant réparé ses pertes, il tua Maxime, quil avait fait prisonnier dans Aquilée. XXI. Cest un fait constant que Martin vit souvent des anges sentretenir, ensemble devant lui. Il voyait aussi le démon si clairement, quil le distinguait toujours par quelque signe sensible, soit quil voulut se renfermer dans sa propre substance, soit quil prît les formes diverses que revêt lesprit de malice. Aussi, le diable, ne pouvant dissimuler sa présence, ni le tromper, laccablait-il souvent doutrages. Un jour, tenant une corne de buf ensanglantée, il entra précipitamment dans sa cellule avec de grands cris, lui montrant sa main dégouttante de sang ; et, faisant éclater la joie que lui causait le crime quil venait de commettre, il dit : « Martin, quest devenue ta puissance ? je viens de tuer lun des tiens. » Aussitôt Martin, rassemblant les frères, leur raconte ce que vient de lui apprendre le démon, et leur ordonne daller examiner soigneusement dans chaque cellule quel est celui que ce malheur vient de frapper. Ils reviennent, et lui disent quaucun des moines ne manque, mais quun paysan, quon a loué pour transporter du bois sur un chariot, est parti pour la forêt. Il ordonne donc à quelques frères daller à sa rencontre. Étant partis, ils le trouvent, presque inanimé, non, loin du monastère. Sur le point dexpirer, il leur découvre la cause de sa mort et de ses blessures. « Pendant que, près de mes bufs, je renouais le joug, dont les liens sétaient relâchés, lun deux, dégageant sa, tète, ma donné un coup de corne dans laine. » Peu de temps après il expira ; il aura su sans doute par quel secret jugement le Seigneur, avait donné au démon une telle puissance : Ce quil y avait de merveilleux en Martin, cest quil prédit aux frères non seulement lévénement que nous venons de rapporter, mais encore beaucoup dautres du même genre. XXII. Le démon, usant de mille artifices pour tromper le saint homme, se présentait fréquemment à lui sous les formes les plus variées, quelquefois sous celle de Jupiter, la plupart du temps sous celle de Mercure, et même souvent de Vénus ou de Minerve. Martin luttait intrépidement contre lui, soutenu par le signe de la croix et la prière. On entendait très souvent dans sa cellule une troupe de démons linsulter grossièrement ; mais, sachant que tout cela nétait quillusion et mensonge, il ne sen inquiétait nullement. Quelques-uns des frères attestent quils ont entendu le démon reprocher à Martin, dune manière injurieuse, davoir introduit dans le monastère des frères qui avaient perdu la grâce du baptême en tombant dans diverses erreurs, de les avoir reçus après leur conversion ; et en même temps le malin esprit énumérait leurs crimes. Martin, lui résistant toujours, répondait que les anciennes fautes sont effacées par une vie meilleure, et que, comptant sur la miséricorde du Seigneur, lÉglise doit absoudre ceux qui renoncent à leurs péchés. Le démon osa le contredire, prétendit que les pécheurs ne peuvent obtenir leur pardon, et que le Seigneur na aucune indulgence, pour ceux qui une fois sont tombés. Alors Martin sécria : « Si toi-même, misérable que tu es, tu cessais de tenter les hommes et si tu faisais pénitence de tes crimes, même en ce moment que le jour du jugement est proche, me confiant dans le Seigneur Jésus, je te promettrais miséricorde. » Oh ! quelle sainte présomption de la miséricorde du Seigneur ! Si ces paroles de Martin ne peuvent faire autorité en cela ; elles montrent du moins la bonté de son cur. Puisque jai commencé à parler du diable et de ses artifices, quoique je semble méloigner ici de mon sujet, il ne sera cependant pas hors de propos de raconter le fait suivant, parce quil nous aidera à mieux connaître la puissance de Martin, et quil est bon de conserver la mémoire dun fait si digne dadmiration, qui nous fera tenir sur nos gardes, si jamais quelque chose de pareil nous arrivait. XXIII. Un jeune homme de qualité, nommé Clair, avait été ordonné prêtre encore jeune (il est heureux maintenant par la sainte mort quil a faite). Ayant tout abandonné, il vint trouver Martin et brilla bientôt par sa foi et ses vertus. Il sétait établi à peu de distance du monastère épiscopal, et un grand nombre de frères demeuraient avec lui. Un jeune homme nommé Anatole, simulant une profonde humilité et une grande pureté de murs sous les dehors de la vie monastique, vint se joindre à eux, et vécut quelque temps avec les frères, suivante en tout leur genre de, vie. Peu de temps après, il leur dit que des anges conversaient souvent en sa présence. Comme aucun des frères najoutait foi à ses paroles, au moyen de prestiges merveilleux il en détermina un grand nombre à le suivre. À la fin, il en vint jusquà prétendre que les anges allaient et venaient de lui à Dieu, et il voulait quon le regardât comme un prophète. Cependant il ne pouvait jamais convaincre Clair ; aussi le menaçait-il de la colère de Dieu et de châtiments immédiats, pour navoir pas cru à la parole dun saint ; enfin, il sécria : « Cette nuit le Seigneur me donnera une robe blanche ; revêtu de cette robe, je paraîtrai au milieu de vous, et ce vêtement descendu du ciel sera une preuve que je suis la vertu de Dieu. » Tous attendaient lévénement avec une grande impatience. Vers minuit, la terre retentit comme dun piétinement ; le monastère tout entier parut ébranlé ; on vit briller mille éclairs dans la cellule dAnatole ; un bruit de pas et des voix nombreuses sy firent entendre. À cette agitation succéda un grand silence. Alors Anatole appelle à lui lun des frères, nommé Sabatius, et lui montre la robe dont il est revêtu. Surpris, celui-ci appelle les autres frères, Clair accourt lui-même. On apporte de la lumière, et tous examinent la robe : avec soin ; elle était dune grande délicatesse, dune blancheur merveilleuse, ornée de pourpre ; on ne pouvait cependant en découvrir la nature ni la matière ; et on eut beau la regarder et la toucher avec soin ; on ne put reconnaître quune chose : cétait une robe. Clair avertit ses frères de prier le Seigneur avec ardeur, pour quil leur montrât plus clairement ce que cétait ; pendant le reste de la nuit, ils chantèrent des hymnes et des psaumes. Au point du jour, il prit Anatole par la main pour le conduire à Martin, étant sûr que le diable ne pourrait tromper le bienheureux. Alors ce misérable sy refusa, sécriant quil lui avait été défendu de paraître devant Martin ; comme les frères ly entraînaient malgré lui, la robe disparut entre leurs mains. Aussi qui pourrait douter que la puissance de Martin nait empêché le diable de dissimuler plus longtemps son artifice, au moment où il allait paraître en sa présence ? XXIV. On remarqua à cette époque, en Espagne, un jeune homme qui, après avoir acquis quelque influence par un grand nombre de prestiges, en vint jusquà se faire passer pour le prophète Élie. Beaucoup de personnes ayant eu la témérité de le croire, il alla jusquà se donner pour le Christ ; et il fit tant par ses artifices, quun certain évêque, nommé Rufus, lui rendit un culte, ce qui, dans la suite, le fit chasser de son siége. La plupart des frères nous ont rapporté aussi quil y avait alors en Orient un certain homme qui prétendait être saint Jean. De lexistence de ces faux prophètes, nous conjecturons que larrivée de lAntéchrist est proche, puisquil opère déjà en eux son mystère diniquité. Je ne dois point, ce me semble, passer sous silence tous les artifices que le diable employa contre Martin à la même époque. Un jour le démon se présente dans sa cellule, pendant quil priait, précédé et environné dune lumière éclatante (afin de mieux le tromper par cet éclat emprunté), portant un manteau royal, ceint dune couronne dor et de pierres précieuses, avec des chaussures dorées, le visage gai, la physionomie sereine, pour ne pas être reconnu. À cette vue, Martin est dabord stupéfait ; ils gardent tous deux le silence pendant quelque temps ; enfin le diable prend la parole le premier : « Reconnais donc, Martin, celui qui se présente à toi ; je suis le Christ devant descendre sur la terre, cest à toi le premier que jai voulu me montrer. » Martin ne répond pas à ces paroles ; et garde un profond silence. Alors le diable ose renouveler son audacieux mensonge. « Martin, pourquoi hésites-tu à croire, puisque tu me vois ? Je suis le Christ. » Mais à ce moment le Saint-Esprit fit connaître à Martin que ce nétait pas Dieu, mais le démon. « Jésus Notre-Seigneur, lui répondit-il, na point annoncé quil viendrait vêtu de pourpre et couronné dun diadème ; je ne croirai à sa présente que lorsque, je le verrai tel quil était lorsquil souffrit pour nous, portant marques de son supplice. » À ces mots, Satan disparut comme une fumée, laissant dans la cellule une odeur infecte, signe indubitable de sa présence. Pour que personne ne puisse révoquer en doute le fait que je viens de raconter, jajouterai que cest de la bouche de Martin lui-même que je lai appris. XXV. Il y a quelque temps, ayant entendu parler de la foi, de la vie et des vertus de Martin, et désirant vivement le voir, je partis, avec bonheur, pour aller lui rendre visite ; et comme je désirais beaucoup écrire sa vie, je linterrogeai lui-même autant que je le pus faire ; jinterrogeai aussi ceux qui avaient vécu avec lui, ou qui étaient bien informés. On ne pourrait croire avec quelle humilité et quelle bonté il me reçut en cette circonstance, témoignant une grande joie dans le Seigneur, de ce que javais fait assez de cas de lui pour entreprendre ce voyage. Lorsquil daigna madmettre à sa table, moi, misérable que je suis, jose à peine lavouer, il me présenta lui-même de leau pour me laver les mains, et le soir il me lava les pieds ; je neus pas le courage de résister ou de my opposer ; je fus tellement subjugué par son autorité, que je me serais fait un crime de ne pas acquiescer à ses désirs. Il ne nous entretint que des charmes trompeurs et des embarras du siècle, auxquels il faut renoncer, pour suivre le Seigneur Jésus avec liberté et dégagement. Il nous proposait le plus remarquable exemple de notre temps, celui de lillustre Paulin, dont nous avons parlé plus haut. Ayant abandonné dimmenses richesses pour suivre Jésus-Christ, il est presque le seul à notre époque qui ait observé dans toute leur perfection les préceptes évangéliques. « Voilà lexemple quil faut suivre, sécriait-il ; heureux notre siècle davoir reçu ce grand enseignement de foi et de vertu, cest-à-dire, davoir vu un homme possédant de grands biens, les vendre tous pour les donner aux pauvres, selon le conseil du Seigneur, et rendre ainsi possible par son exemple ce que le monde croyait impossible. » Quelle gravité et quelle dignité dans ses paroles et dans ses conversations, quelle pénétration desprit ! comme ses discours étaient persuasifs ! avec quelle promptitude et quelle facilité il comprenait et rendait intelligibles les passages obscurs des saintes Écritures ! Je sais que bien des personnes se sont refusées à croire sur ma parole ces derniers détails ; mais jen prends à témoin Jésus-Christ et le ciel, notre commune espérance, que je nai jamais vu tant de science et tant dintelligence, un langage plus éloquent et plus pur. Quoique pour un saint comme Martin de pareils éloges aient bien peu de valeur, nest-il pas étonnant quun homme sans lettres ait possédé même ces qualités ? XXVI. Mais il est temps de terminer ce livre, non quil ny ait plus rien à dire de Martin, mais parce que, semblable à ces poètes peu féconds, qui se relâchent à la fin dun long poème, nous succombons sous le poids de notre intarissable sujet. Car, sil a été possible, jusquà un certain point, de raconter les actions de notre bienheureux, jamais, je le déclare en toute vérité, jamais on ne pourra décrire sa vie intérieure, sa manière demployer chaque journée, son cur incessamment appliqué à Dieu, la continuité de ses abstinences et de ses jeûnes, et le sage tempérament quil savait y apporter, la puissante efficacité de ses prières et de ses oraisons, les nuits quil employait comme les journées ; tout son temps, en un mot, dont pas un instant nétait donné au repos ni aux affaires de ce monde, était entièrement consacré, à luvre de Dieu, même pendant son repos et son sommeil, auxquels il naccordait que ce que la nature exigeait absolument. Non, il faut lavouer, si Homère lui-même revenait de lautre monde, le génie de ce grand poète serait incapable de raconter toutes ces merveilles : tout est si grand dans Martin, que la parole est impuissante à lexprimer. Jamais il ne laissait passer une heure, un seul moment sans vaquer à la prière ou à la lecture, et même, pendant quil lisait ou quil se livrait à toute autre occupation, son cur priait toujours. Comme les forgerons qui frappent sur lenclume pour se soulager pendant leur travail, Martin priait sans cesse, quoiquil parât occupé dautre chose. Heureux Martin ! il ne se trouvait en lui aucune malice ; il ne jugeait ni ne condamnait personne, et ne rendait jamais le mal pour le mal. Il supportait les injures avec tant de patience, que, bien quil fût évêque, les moindres clercs loutrageaient impunément, et sans quil les privât pour cela de leur emploi, ou les chassât de son cur. XXVII. Jamais on ne le vit irrité ou ému, jamais dans la tristesse ou la gaieté ; il était toujours lui-même, une joie toute céleste était en quelque sorte empreinte sur son visage, et il semblait élevé au-dessus de la nature. Il avait toujours le nom du Christ sur les lèvres ; dans son cur, la piété, la paix et la miséricorde. Il pleurait souvent sur les fautes de ses détracteurs, qui allaient le chercher jusquau fond de sa retraite, au milieu du calme quil y goûtait, pour lattaquer avec leurs langues de vipères ; nous en avons été nous-même le témoin. Jaloux de ses vertus et de sa sainte vie, ils détestaient en lui ce quils ne trouvaient point en eux-mêmes et quils navaient pas le courage dimiter ; il est inutile de les nommer, quoique la plupart dentre eux hurlent autour de nous. Si lun deux vient à lire ces lignes, il suffit quil reconnaisse sa faute et en rougisse ; car sil sen irrite, cest quil sapplique à lui-même ce que nous avons peut-être pensé dun autre ; du reste, je ne refuse point de partager avec Martin la haine quils lui portent. Jose espérer que ce petit ouvrage plaira à tous les hommes religieux. Si quelquun ne veut pas ajouter foi à mes paroles, la faute retombera sur lui. La certitude des faits que jai racontés, et lamour de Jésus-Christ, mont seuls porté à écrire ce livre, jen ai la conscience ; car je nai avancé que des choses vraies et incontestables, et Dieu, je lespère, prépare une récompense, non pour celui qui lira, mais pour celui qui croira.
[i] Sabarie ancienne colonie romaine, aujourdhui Sarwar. [ii] Ville de la Gaule cisalpine, aujourdhui Pavie. [iii] La piété de nos rois na pas peu contribué à immortaliser laction de saint Martin. Le roi Louis XI la honorée par une fondation perpétuelle quil a faite dans léglise de Saint-Martin de Tours, pour lentretien dun pauvre qui porte une robe de deux couleurs. (D. Gervaise.) [iv] On croit que cest lîle Gorgona, située à trente-deux kilomètres de Livourne. [v] Ce lieu sappelle Ligugé. Les disciples de saint Martin nétaient pas moines de profession, et leur engagement nétait pas perpétuel... Ce qui nôte cependant pas à saint Martin la gloire davoir, le premier, introduit la profession monastique en France. (D. Gervaise.) [vi] Ce fut plus tard la célèbre abbaye de Marmoutier. [vii] Maintenant Loroux, dans le département de la Loire-Inférieure ; ou plutôt Levroux, dans le Berri. [viii] Le pays des Éduens répondait à une partie du Nivernais et de la Bourgogne ; leur capitale était Autun. |