LA CHARITE OU L'AMOUR A L'EGARD
DU PROCHAIN


     « Il faut d'abord dire ce qu'est le prochain, car c'est lui qui doit être aimé, et c'est à son égard que la charité doit être exercée. En effet, si l'on ne sait pas ce qu'est le prochain, la charité peut être exercée sans discernement, c'est-à-dire de la, même manière à l'égard des méchants qu'à l'égard des bons, auquel cas la charité n'est plus la charité ; car les méchants, d'après le bien qu'on leur fait, font du mal au prochain, mais les bons lui font du bien. »

     « Les distinctions relatives au prochain, que l'homme de l'Église doit absolument connaître, sont en rapport avec le bien qui est chez chacun ; et comme tout bien procède dit Seigneur, le Seigneur est, dans le sens suprême et au degré le plus éminent le Prochain que nous devons aimer ; c'est donc d'après lui que s'établissent toutes les distinctions relatives au prochain, c'est-à-dire que chacun est le prochain en proportion de ce qu'il a quelque chose du Seigneur en lui, or, comme nul ne reçoit de la même manière le Seigneur, c'est-à-dire le bien qui procède du Seigneur, il s'ensuit que l'un n'est pas le prochain de la même manière que l'autre.

     « Comme le bien chez chacun est différent, il s'ensuit que c'est la qualité du bien qui détermine à quel degré et dans quelle proportion chacun est le prochain, on voit clairement qu'il en est ainsi par la parabole du Seigneur sur l'homme qui tomba entre les mains des voleurs, et fut laissé par eux à demi-mort ; Un prêtre passa outre, et un lévite aussi ; mais un Samaritain, après avoir bandé ses plaies et y avoir versé de l'huile et du vin, le plaça sur propre monture, le conduisit dans une hôtellerie et ordonna qu'on eût soin de lui ; lui seul, ayant exercé le bien de la charité, est appelé le prochain. (Luc, X, 29-37.) On peut en déduire que, par le prochain, sont entendus « ceux qui sont dans le bien. » La- Nouvelle Jérusalem et sa Doctrine Céleste, nos 84, 86, 87.

     Lequel donc de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé entre les mains des voleurs ? Le docteur dit : c'est celui qui a exercé la miséricorde envers lui. Jésus lui dit : Va, et fais la même chose. - Luc X, 36, 37.

     « Si le bien est le prochain, c'est parce que le bien appartient à la volonté, et que la volonté est l'être de la vie de l'homme ; le vrai de l'entendement dément est aussi le prochain, mais en tant que ce vrai procède du bien de la volonté, car le bien de la volonté se forme dans l'entendement, et il s'y présente à la vue dans la lumière de la raison. L'expérience même prouve que le bien est le prochain ; en effet, qui est-ce qui aime une personne, si ce n'est à cause de la qualité de sa volonté et de son entendement, c'est-à-dire à cause du bien et du juste en elle ? Par exemple : qui est-ce qui aime un roi, un gouverneur, ou une personne revêtue d'une magistrature, ou un juge, si ce n'est à cause du jugement d'après lequel ils agissent et parlent ? Qui est-ce qui aime un prélat, un ministre de l'Église, ou un chanoine, si ce n'est à cause de l'intégrité de sa vie et du zèle qu'il a pour le salut des âmes ? Qui est-ce qui aime un chef d'armée, ou un officier d'un rang moins élevé, si ce n'est à cause du courage joint à la prudence ? Qui est ce qui aime un marchand, si ce n'est à cause de la sincérité ? un ouvrier ou un domestique, si ce n'est à cause de la fidélité ? Bien plus, qui est ce qui aime une terre, si ce n'est à cause de la fertilité, ou un arbre si ce n'est à cause du fruit, et ainsi du reste. Et, ce qui est étonnant, non seulement l'homme probe aime le bien et le juste dans un autre, mais c'est aussi ce qu'aime le méchant, parce qu'avec un homme bon et juste il ne craint nullement de perdre réputation, honneur et richesses ; toutefois, l'amour du bien n'est pas, chez le méchant, l'amour du prochain, car le méchant n'aime intérieurement un autre qu'autant que cet autre le sert. Mais aimer le bien dans un autre d'après le bien en soi, c'est là l'amour réel à l'égard du prochain. L'homme qui aime le bien est le bien, et le vrai parce c'est le vrai, aime éminemment parce que le prochain ; et cela parce qu'il aime le Seigneur qui est le Bien même et le Vrai même ; l'amour du bien et du vrai, et par conséquent du prochain, ne vient pas d'autre part; ainsi l'amour à l'égard du prochain est formé d'après une origine céleste. » - Vraie Religion Chrétienne, n° 418.

     « Aimer les usages est la même chose qu'aimer le prochain ; l'usage, dans le sens spirituel, est le prochain. On peut s'en convaincre, en ce que chacun aime un autre, non à cause de sa figure et de son corps, mais à cause de sa volonté et de son entendement ; on aime celui qui a une volonté bonne et un entendement bon, et comme c'est à cause de la volonté et de l'entendement que l'homme est aimé ou n'est pas aimé, il s'ensuit que le prochain est la qualité intérieure d'un homme, et cela est sa nature spirituelle. Représente-toi dix hommes parmi lesquels tu devras choisir un pour ton associé dans une fonction ou un commerce ; ne les examineras-tu pas d'abord avec attention, et ne choisiras-tu pas celui qui se rapprochera le plus de ce que tu désires ; pour l'usage ? Celui-là est donc pour toi le prochain de préférence aux autres, et tu l'aimes plus que les autres ; ou bien, adresse-toi à dix jeunes filles, afin d'en choisir une pour épouse ; n'examineras-tu pas ; d'abord avec attention quelle est l'une et quelle est l'autre ; et si elle y consent, n'épouseras-tu pas celle qui convient à ton amour ? Celle-là est pour toi le prochain de préférence aux autres. Mais si tu disais en toi-même, tout homme est mon prochain, et doit par conséquent être aimé indistinctement, alors l'homme-diable pourrait être aimé aussi bien que l'homme-ange, et une prostituée aussi bien qu'une vierge. Si l'usage est le prochain, c'est parce que tout homme est estimé et aimé non à cause de la volonté et de l'entendement seuls, mais à cause des usages qu'il remplit ou peut remplir d'après sa volonté et son entendement. Tel est l'usage, tel est donc l'homme lui-même. » - Apocalypse Expliquée n° 1193.
 
 

LE PROCHAIN DANS UN SENS ETENDU


     « À vrai dire, le prochain, c'est non seulement l'homme pris individuellement, mais aussi l'homme pris, dans un sens collectif : c'est une société, petite ou grande, la patrie. L'Église, le Royaume du Seigneur, et, par-dessus tout, le Seigneur Lui-Même. Voilà le prochain auquel on doit faire du bien par amour. Ce sont là aussi les degrés ascendants du prochain. En effet, une société formée de plusieurs personnes est le prochain à un degré plus élevé que l'homme pris séparément ; la patrie l'est à un degré plus élevé qu'une société ; à un degré plus élevé encore, le prochain, c'est l'Église, puis le Royaume du Seigneur ; enfin au degré suprême, c'est le Seigneur Lui-Même. Ces degrés ascendants sont comme les degrés d'une échelle, au sommet de laquelle est le Seigneur. - La Nouvelle Jérusalem et Sa Doctrine Céleste, n° 91.
 
 

CE QUE C'EST QU'AIMER LE PROCHAIN


     « Tous ceux qui aiment le Seigneur par-dessus toutes choses, et le prochain comme eux-mêmes, font le bien pour le bien ; en effet le bien est le Seigneur Lui-Même ; lors donc qu'on aime le bien, c'est-à-dire lorsqu'on le veut et le fait d'après l'amour, on aime le Seigneur ; en est de même de ceux qui aiment le prochain comme eux-mêmes, puisque le prochain dans le sens universel est le bien ; car aimer le prochain, c'est lui vouloir du bien, ou vouloir son bien ; c'est donc le bien du concitoyen, de la société, de la patrie, de l'Église, du Royaume du Seigneur qui doit être aimé ; et quand il est aimé, le Seigneur est aimé, parce que ce bien procède de Lui : par là, il est évident que l'amour à l'égard du prochain, qui est appelé charité, a en soi l'amour envers le Seigneur. Si l'amour envers le Seigneur n'est pas dans l'amour à l'égard du prochain, alors on aime le concitoyen, la société, la patrie, l'Église et le Royaume du Seigneur, pour soi-même ; et ainsi on les aime non d'après le bien mais d'après le mal ; car tout ce qui provient de l'homme pour lui comme fin, provient du mal. Aimer le prochain pour soi, c'est l'aimer pour le gain et pour l'honneur comme fins ; c'est la fin qui détermine si c'est d'après le bien ou d'après le mal, puisque la fin est l'amour, car ce qu'on aime on l'a pour fin ; la fin aussi est la volonté, car ce que l'homme veut, il l'aime ; de là, la fin pour laquelle on agit, ou l'intention, est l'homme lui-même ; car telle est la volonté et tel est l'amour de l'homme, tel est l'homme. » - Arcanes Célestes, n° 10336.
 
 

LA VRAIE CHARITE


     « On croit que la charité envers le prochain consiste à donner aux pauvres, à secourir l'indigent, et à faire du bien à chacun ; mais toujours est-il que la charité réelle consiste à agir avec discernement, afin qu'il en résulte du bien. Celui qui secourt quelque pauvre ou quelque indigent malfaisant fait par lui du mal au prochain, car par le secours qu'il lui donne il le confirme dans le mal, et lui fournit la faculté de faire du mal aux autres ; il en est autrement de celui qui vient au secours des bons. Mais la charité s'étend beaucoup plus loin qu'aux pauvres et aux indigents ; la charité envers le prochain consiste à agir avec droiture dans tout ouvrage et à faire son devoir dans toute fonction. Si le juge fait justice pour la justice, il exerce la charité envers le prochain ; s'il punit le coupable, et absout l'innocent, il exerce la charité envers le prochain, car ainsi il pourvoit aux intérêts du concitoyen, aux intérêts de la patrie et aussi à ceux du Royaume du Seigneur ; aux intérêts du Royaume du Seigneur, en faisant justice pour la justice ; à ceux du concitoyen, en absolvant l'innocent ; et à ceux de la patrie, en punissant le coupable. Le prêtre qui enseigne la vérité, et conduit au bien, pour le bien, exerce la charité ; mais celui qui agit ainsi pour lui-même et pour le monde, n'exerce pas la charité, parce qu'il n'aime pas le prochain, mais il s'aime lui-même.

     « Il en est de même de tous les autres, soit qu'ils remplissent quelque fonction, soit qu'ils n'en remplissent point ; par exemple, des enfants envers leurs parents, et des parents envers leurs enfants ; des serviteurs envers les maîtres et des maîtres envers les serviteurs ; des sujets envers le roi, et du roi envers les sujets ; celui d'entre eux qui remplit le devoir d'après le devoir, et exécute ce qui est juste d'après l'amour du juste, exerce la charité. » - Arcanes Célestes, nos 8120-8122.

     Oh homme ! Il t'a montré ce qui est bon ; et qu'est-ce que le Seigneur demande de toi, sinon de faire ce qui est droit, d'aimer la miséricorde, et de marcher dans l'humilité avec ton Dieu ? - Michée VI, 8.

LES DEVOIRS DE LA CHARITE ET SES BIENFAITS

     « Il faut distinguer entre les devoirs de la charité et les bienfaits de la charité ; par les devoirs de la charité sont entendus les exercices de la charité qui procèdent immédiatement de la charité même, lesquels appartiennent en premier lieu à la fonction dans laquelle chacun est ; mais par les bienfaits de la charité sont entendues ces assistances qui sont faites en dehors. Elles sont appelées bienfaits, parce qu'elles procèdent du bon plaisir de celui qui les fait, et qu'elles ne sont considérées que comme des bienfaits par celui qui les reçoit. On croit couramment que la charité consiste à donner aux pauvres, à secourir les indigents, les veuves et les orphelins, à contribuer à la construction des hôpitaux, des infirmeries, des hospices, des orphelinats, surtout des temples, et à pourvoir à leurs ornements et à leurs revenus ; or, plusieurs de ces choses n'appartiennent pas à la charité, mais lui sont étrangères. Ceux qui placent la charité même dans ces oeuvres ne peuvent faire autrement que de les considérer méritoires, lors même qu'ils le nieraient de bouche.

     « Il est notoire que quelques-uns de ceux qui ont fait ces bienfaits s'imaginent qu'ils ont exercé les oeuvres de la charité, et croient qu'à cause de ces bienfaits ils ont été purifiés de leurs péchés, et que le ciel doit leur être accordé, et cependant ils ne considèrent point comme péchés les adultères, les haines, les vengeances, les fraudes, ni en général les convoitises de la chair, auxquelles ils s'adonnent à leur gré ; mais alors que sont ces bonnes oeuvres, sinon des tableaux représentant des anges groupés avec des diables ? Il en est tout autrement si ces bienfaits sont faits par ceux qui fuient les maux sus-énoncés comme odieux et contraires à la charité. Toutefois, ces bienfaits, particulièrement donner aux pauvres, ont de nombreux avantages, car par là on initie dans la charité les enfants, les domestiques et en général tous les simples, puisque ce sont là des biens externes par lesquels ils se pénètrent des devoirs de la charité, car ils en sont les premiers éléments, et sont alors comme des fruits verts ; mais chez ceux qui plus tard sont perfectionnés par de justes connaissances sur la charité et sur la foi, ils deviennent comme des fruits mûrs, et alors ils considèrent ces oeuvres précédentes, faites d'après la simplicité du coeur, non autrement que comme des dettes. » - Vraie Religion Chrétienne, nos 425, 426.
 
 

CE QUI EST ENTENDU PAR « LES PAUVRES »

     « Si l'on croit aujourd'hui que ces bienfaits sont les propres faits de la charité, qui dans la Parole sont entendus par les bonnes oeuvres, c'est parce que la charité est souvent décrite dans la Parole par donner aux pauvres, porter secours aux indigents, protéger les veuves et les orphelins ; mais jusqu'à présent on a ignoré que la Parole dans la lettre nomme seulement les choses qui sont les externes du culte, et que par elles sont entendues les choses spirituelles qui sont internes. Ainsi par les pauvres, les misérables, les veuves, les orphelins sont entendus ceux qui sont tels spirituellement, et non pas nécessairement ceux qui le sont dans le sens naturel. » - Vraie Religion Chrétienne, n° 427.
 
 

     « Dans un grand nombre de passages de la Parole, il est parlé des misérables et des pauvres, et par eux sont entendus ceux qui sont dépourvus des connaissances du vrai et du bien ; par conséquent il s'agit non pas de ceux qui sont dénués des richesses mondaines, mais qui sont privés des richesses spirituelles, et qui cependant les désirent. » C'est ainsi qu'il est dit :

     Les, impies mettent à nu l'épée, et ils tendent leur arc, pour abattre le Misérable et le pauvre. - Ps. XXXVII, 14.

     En effet, l'épée signifie le faux combattant contre le vrai et s'efforçant de le détruire, et l'arc signifie la doctrine du faux contre la doctrine du vrai ; de là vient qu'il est dit qu'ils font cela pour abattre le misérable et le pauvre. - Apocalypse Expliquée, n° 238.

     Cet affligé a crié et le Seigneur l'a exaucé et l'a délivré de toutes ses détresses. - Ps. XXXIV, 7.
Quand un de tes frères sera pauvre dans quelque lieu de ta demeure, dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne, tu n'endurciras point ton coeur, et tu ne resserreras point la main à ton frère qui sera dans la pauvreté. - Deut. XV, 7.
Jésus dit : Vous êtes bienheureux, vous, pauvres, parce que le Royaume de Dieu est à vous. - Luc VI, 20.
 
 

DANS QUEL SENS CHACUN EST POUR SOI LE PROCHAIN

     « On dit communément que chacun est pour soi le prochain, c'est-à-dire que chacun doit d'abord s'occuper de soi ; mais la doctrine de la charité enseigne comment il faut entendre ces paroles : chacun doit songer à se procurer les choses nécessaires à la vie ; c'est-à-dire la nourriture, les vêtements, le logement et plusieurs autres choses indispensables à la vie civile dans laquelle il se trouve ; cela aussi bien pour les siens que pour soi-même, et aussi bien pour l'avenir que pour le temps présent. En effet, si l'homme ne pourvoit pas à ses propres besoins, il ne saurait être en état d'exercer la charité puisqu'il manque lui-même de tout.

     Quelques considérations supplémentaires feront mieux comprendre de quelle manière chacun doit être pour soi le prochain : chacun doit en premier lieu se procurer la nourriture et les vêtements nécessaires à son corps dans le but d'avoir un esprit sain dans un corps sain. Il doit aussi procurer à son esprit la nourriture dont celui-ci a besoin (autrement dit les choses qui se rapportent à l'intelligence et à la sagesse) afin d'être en état de servir le concitoyen, la société, la patrie, l'Église, et par cela le Seigneur. Celui qui agit de la sorte veille à ses intérêts éternels. De là, il est évident que ce qui importe en premier lieu, c'est la fin pour laquelle on agit, car tout s'y rapporte. Il en est de cela comme d'un homme qui construit une maison ; il doit d'abord poser les fondements ; mais ces fondements seront pour la maison, et la maison sera pour l'habitation. Celui qui croit qu'il est pour lui-même et en premier lieu le prochain, est semblable à celui qui regarde comme fin les fondements, et non la maison et l'habitation, tandis que, cependant, l'habitation est la fin même, première et dernière et que la maison les fondements est seulement un moyen pour la fin.
     La fin fait connaître comment chacun doit être soi-même le prochain, et s'occuper d'abord de soi. Si cette fin est d'être plus riche que les autres, seulement en vue des richesses elles-mêmes, de la volupté, de la prééminence ou d'autres choses semblables, cette fin est mauvaise et l'homme qui la poursuit n'aime pas le prochain ; il s'aime lui-même. Si, par contre, l'homme qui acquiert des richesses a pour fin d'être en meilleur état de servir le concitoyen, la société, la patrie et l'Église, ou s'il cherche à obtenir certaines fonctions dans ce même but, il aime son prochain. La fin même pour laquelle il agit fait l'homme lui-même, car la, fin c'est son amour, tout homme avant pour première et dernière fin ce qu'il aime par-dessus toutes choses. - La Nouvelle Jérusalem et sa Doctrine Céleste, nos 97-99.

     Car qui est celui d'entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne s'assied premièrement, et ne calculé la dépense pour voir s'il a de quoi l'achever, de peur qu'après qu'il en aura posé les fondements, et qu'il n'aura pu achever, tous ceux qui le verront ne viennent à se moquer de lui, et ne disent : cet homme a commencé à bâtir, et n'a pu achever ? - Luc. XIV, 28-30.
 
 

CE QUE C'EST QUE LA VRAIE CHARITE

     « La charité est une affection intérieure, d'après laquelle l'homme veut faire le bien, et cela sans idée de récompense ; car le plaisir de sa vie est d'agir de la sorte. Chez ceux qui font le bien d'après l'affection intérieure, la charité est dans chacune des choses qu'ils pensent et disent, veulent et font. On peut dire que l'homme et l'ange, quant à leurs intérieurs, sont la charité lorsque le bien est pour eux le prochain. C'est aussi loin que cela que s'étend la charité.

     Ceux qui ont pour fin l'amour de soi et l'amour du monde ne peuvent nullement être dans la charité et ne comprennent nullement que vouloir et faire dit bien au prochain, sans but de récompense, ce soit le ciel dans l'homme, et qu'il y ait dans cette affection une aussi grande félicité qui est ineffable. En effet, ils croient que s'ils étaient privés de la joie qu'ils tirent de la gloire provenant des honneurs et des richesses, il ne resterait plus aucune joie ; et cependant, c'est alors seulement que commence la joie céleste, qui surpasse infiniment toute autre joie. » - La Nouvelle Jérusalem et Sa Doctrine Céleste, nos 104, 105.
 
 

LA FELICITE CELESTE

     « Il y a très peu de gens aujourd'hui qui savent que la félicité céleste consiste à faire le bien sans avoir en vue la récompense. En effet, on ne sait pas qu'il y a une autre félicité que celle d'être élevé aux honneurs, d'être servi par les autres, d'avoir des richesses en abondance, et de vivre dans les voluptés. On ignore profondément qu'au-dessus de cette félicité il y en a une qui affecte les intérieurs de l'homme, qu'ainsi c'est une félicité céleste, et que cette félicité est la félicité de la charité réelle. Cherche des sages aujourd'hui, et vois s'ils savent que c'est là la félicité céleste ; de là vient aussi qu'un grand nombre rejettent les bonnes oeuvres, croyant qu'elles ne peuvent exister chez qui que ce soit sans qu'il ait en vue de mériter par elles, car ils ne savent pas que ceux qui sont conduits par le Seigneur n'ont rien de plus à coeur que de faire de bonnes oeuvres, et ne pensent à rien moins qu'au mérite par elles ; en effet, il y a cela dans la nouvelle volonté dont le Seigneur gratifie ceux qui sont régénérés, car cette volonté appartient au Seigneur chez l'homme. » - Arcanes Célestes, n° 6.392.

     « La charité réelle et la foi réelle sont exemptes de toute idée de mérite, car le plaisir de la charité est le bien même, et le plaisir de la foi est le vrai même. C'est pourquoi ceux qui sont dans cette charité et dans cette foi savent ce qu'est le bien sans idée de mérite, mais ceux qui ne sont pas dans la charité et la foi ne le savent point. » - La Nouvelle Jérusalem et Sa Doctrine Céleste, n°153.

     Non point à nous, Seigneur ! Non point à nous, mais donne gloire à Ton Nom, pour l'amour de Ta bonté, pour l'amour de Ta vérité : - Ps. CXV, I
Si vous aimez ceux qui vous aiment., quel gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi agissent de même… Aimez plutôt vos ennemis. Faites du bien, et prêtez sans rien espérer ; alors votre récompense sera grande, et vous serez des fils du Très-Haut. - Luc VI, 32-35.
 
 

L'HOMME A ETE CREE POUR ACCOMPLIR DES USAGES

     « Puisque l'homme a été créé pour remplir des usages, et que c'est là ce qui est entendu par aimer le prochain, tous ceux qui viennent dans le ciel, quels qu'ils soient, doivent donc faire des usages. C'est en raison des usages, et de l'amour des usages, qu'ils ont tout plaisir et toute béatitude ; la joie céleste ne vient pas d'autre part. Celui qui croit qu'elle consiste dans l'oisiveté se trompe beaucoup. Et même, aucun oisif n'est toléré dans l'enfer. La différence consiste en ce que dans l'enfer on fait des usages par crainte de la punition, tandis que dans le ciel on les fait par amour, et que c'est l'amour et non la crainte qui procure la joie. Mais, néanmoins il est donné d'entremêler les travaux par différentes oeuvres faites de compagnie avec d'autres ; ce sont là des récréations, et par conséquent aussi des usages. » - Apocalypse Expliquée, n° 1193.
 
 

LA QUALITE DE L'USAGE EST LA MESURE DE LA CHARITE

     Pour ce qui concerne l'usage, il faut qu'on sache que ceux qui sont dans la charité, c'est-à-dire dans l'amour envers le prochain, duquel amour résulte un plaisir vivant, ne considèrent la jouissance de ce plaisir que par rapport à l'usage ; car la charité est nulle, à moins qu'il n'y ait des oeuvres de la charité ; c'est dans l'exercice ou dans l'usage que consiste la charité. Celui qui aime le prochain ne perçoit jamais le plaisir de la charité que dans l'exercice ou l'usage ; aussi la vie de la charité est-elle la vie des usages. Telle est la vie de tout le ciel ; car le Royaume du Seigneur étant le Royaume de l'amour mutuel, est le Royaume des usages ; c'est pourquoi toute félicité qui est produite par la charité a son plaisir qui vient de l'usage. Plus l'usage est important plus le plaisir est grand ; de là vient que les anges reçoivent du Seigneur une félicité en rapport avec l'essence et la qualité de l'usage. » - Arcanes. Célestes, n° 907.

     Soyez donc miséricordieux comme aussi votre Père est miséricordieux. De plus, ne jugez point, et vous ne serez point jugés ; ne condamnez point, et vous ne serez point condamnés ; pardonnez et on vous pardonnera. Donnez et on vous donnera ; on vous donnera dans le sein une bonne mesure, pressée et secouée, et qui se répandra par-dessus, car on vous mesurera de la mesure dont vous aurez mesuré. - Luc VI, 36-38.
 
 

LA CHARITE ET LA PIETE

     « Nombreux sont ceux qui croient que la vie spirituelle, ou la vie qui conduit au ciel, consiste dans la piété, dans la sainteté externe et dans le renoncement au monde. Mais la piété sans la charité, la sainteté externe sans la sainteté interne, ne font point la vie spirituelle ; ce qui la fait, c'est la piété d'après la charité, la sainteté externe d'après la sainteté interne et le renoncement au monde avec la vie dans le monde.

     La piété consiste à penser et à parler pieusement, à s'adonner beaucoup à la prière, à se comporter avec humilité, à fréquenter les temples et y écouter avec dévotion les prédications, à participer fréquemment chaque année au sacrement de la, Sainte Cène et à assister aux autres cérémonies du culte selon les statuts de l'Église. Mais la vie de la charité consiste à vouloir et à faire du bien au prochain, à agir selon la justice et l'équité, le bien et le vrai dans toute action et dans tout emploi. En un mot, elle consiste à accomplir des usages. Or, le culte divin concerne en premier lieu la vie de la charité ; en second lieu seulement la vie de la piété. C'est pourquoi celui qui sépare l'une de l'autre, c'est-à-dire celui qui mène la vie de la piété, et non en même temps la vie de la charité, ne rend pas un culte à Dieu. Il pense à Dieu, il est vrai ; toutefois, ce n'est pas d'après Dieu, mais d'après lui-même, car il pense continuellement à lui-même et nullement au prochain ; ou s'il pense au prochain il le méprise à moins que ce dernier ne soit semblable à lui. Il considère en outre le ciel comme étant une récompense, ce qui fait que son esprit est imbu de l'idée du mérite et de l'amour de soi. De plus, il méprise ou néglige les usages, et par conséquent son prochain ; en même temps il se croit exempt de fautes. On peut voir par là que la vie de la piété, séparée de la vie de la charité, n'est point la vie spirituelle qui doit être dans le culte divin. » - La Nouvelle Jérusalem et Sa Doctrine Céleste, n° 124.

     Or, quand vous priez, n'ayez point de vaines redites comme les païens ; car ils croient qu'ils seront exaucés en parlant beaucoup. Ne leur ressemblez donc pas ; car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. - Matt. VI, 7, 8.

     Et quand vous vous présenterez pour faire votre prière, pardonnez, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, afin que votre Père qui est dans les cieux vous pardonne aussi vos fautes. - Marc. XI, 25.
 
 

L'AMOUR DES ENNEMIS

     « Les hommes internes, comme sont les anges du Ciel, ne veulent pas rendre le mal pour le mal, mais d'après la charité céleste ils pardonnent ; car ils savent que le Seigneur protège contre les méchants tous ceux qui sont dans le bien, et les protège selon le bien chez eux ; et qu'Il ne les protégerait pas, si à cause du mal qui leur est fait, ils s'embrasaient d'inimitié, de haine et de vengeance, car c'est ce qui détourne la protection ; voilà donc ce qu'enveloppent les paroles que le Seigneur a prononcées : « Mais Moi, je vous dis, ne résistez pas au méchant. » Ne point résister au méchant, signifie ne point lui rendre la pareille ; car les anges ne combattent point contre les méchants, et, à plus forte raison ne rendent point le mal pour le mal, mais ils laissent faire, parce qu'ils sont protégés par le Seigneur, et par suite aucun mal de l'enfer ne peut leur causer de préjudice. - Apocalypse Expliquée, n° 556.
 
 

LA CHARITE ENVERS LES MECHANTS

     « Aimer le prochain, c'est vouloir et faire du bien non seulement au parent, à l'ami et au bon, mais aussi à l'étranger, à l'ennemi et au méchant ; toutefois la charité est exercée envers les uns et envers les autres de différentes manières ; envers le parent et l'ami par des bienfaits directs, mais envers l'ennemi et le méchant par des bienfaits indirects, lesquels sont faits au moyen d'exhortations, de réprimandes et de punitions, et par conséquent en les amendant. Cela peut être illustré ainsi : Un juge qui, d'après la loi et la justice, punit un malfaiteur, aime le prochain, car ainsi il l'amende et pourvoit à ce qu'il ne fasse pas de mal aux citoyens. Chacun sait qu'un père qui corrige ses enfants, quand ils font du mal, les aime, et qu'au contraire celui qui ne les corrige pas aime les maux qu'ils font ; et l'on ne peut pas dire que cela soit de la charité. De plus, si quelqu'un repousse un ennemi qui l'insulte, et que pour sa défense il le frappe ou le livre au juge, pour détourner ainsi de lui le danger, dans l'intention cependant qu'il devienne son ami, celui-là agit d'après une veine de la charité. Les guerres que l'on fait dans le but de défendre la Patrie, ne sont pas non plus contre la charité ; la fin pour laquelle on agit montre s'il y a charité ou non. Puis donc que la charité dans son origine est de bien vouloir, et que la bonne volonté réside dans l'homme interne, il est évident que quand quelqu'un, qui a de la charité, résiste à un ennemi, punit un coupable et châtie le méchant, il le fait au moyen de l'homme externe ; c'est pourquoi après avoir accompli cela, il rentre dans la charité, qui est dans l'homme interne, et alors autant qu'il peut et qu'il est à propos, il veut du bien à celui qui a été puni, et d'après la bonne volonté il lui fait du bien.
Chez ceux qui sont dans la charité réelle il y a le zèle pour le bien, et ce zèle dans l'homme externe peut être vu comme une colère et un feu enflammé, mais il cesse d'être enflammé et s'apaise, dès que l'adversaire vient à résipiscence. Il en est autrement chez ceux en qui il n'y a aucune charité ; leur zèle est de la colère et de la haine, car c'est de colère et de haire que leur homme interne s'enflamme. - Vraie Religion Chrétienne, nos 407,408.

     Avec celui qui est bon, tu es bon, et avec l'homme qui a de l'intégrité tu agis avec intégrité ; mais avec le pervers agis selon sa perversité. - Ps. XVIII, 26-27.
Je reprends et je châtie tous ceux que j'aime ; aies donc du zèle, et te repens. - Apocalypse, III, 19.
 
 

L'AMOUR ENVERS LE SEIGNEUR ET A L'EGARD DU PROCHAIN

     « Le Divin chez ceux eux qui ont la foi dans le Seigneur, c'est l'amour et la charité: par l'amour on entend l'amour envers le Seigneur ; par la charité, l'amour à l'égard du prochain. L'amour envers le Seigneur ne peut jamais être séparé de l'amour à l'égard du prochain, car l'amour du Seigneur est envers tout le genre humain qu'Il veut sauver pour l'éternité et s'adjoindre entièrement, afin qu'aucun des hommes ne périsse ; c'est pourquoi celui qui a l'amour envers le Seigneur, a l'amour du Seigneur, et aussi il ne peut faire autrement que d'aimer le prochain ; mais ceux qui sont dans l'amour à l'égard du prochain ne sont pas tous pour cela dans l'amour envers le Seigneur ; telles sont les nations probes, qui sont dans l'ignorance du Seigneur, et chez lesquelles néanmoins le Seigneur est présent dans la charité. » - Arcanes Célestes, n° 2.023.

     Je vous dis en vérité, en tant que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, vous me les avez faites… Je vous dis en vérité qu'en tant que vous ne les avez pas faites à l'un de ces plus petits, vous ne me les avez pas faites non plus. - Matt. XXV, 40, 45.
 
 

COMMENT LE SEIGNEUR EST PRESENT CHEZ L'HOMME

     Le Seigneur parle avec chaque homme ; car dans ce que veut et ce que pense l'homme, tout ce qui est bien et vrai vient du Seigneur. Il y a chez chaque homme deux mauvais esprits et deux anges ; ceux-là excitent ses maux, tandis que ceux-ci lui inspirent les biens et les vérités. Tout bien ou toute vérité que les anges inspirent appartient au Seigneur ; ainsi le Seigneur parle continuellement à l'homme, mais tout autrement chez tel homme que chez tel autre. Chez ceux qui se laissent entraîner par de mauvais esprits, le Seigneur parle comme s'il était absent ou comme de loin, de sorte qu'on peut à peine dire qu'Il parle ; mais avec ceux qui sont conduits par lui, le Seigneur parle étant plus en présence ; ce dont on peut suffisamment se convaincre, en réfléchissant que ce n'est jamais que par le Seigneur qu'il est possible à l'homme de porter sa pensée sur quelque bien et sur quelque vrai. La présence du Seigneur est en raison de l'état d'amour envers le prochain et de foi dans lequel est l'homme. Le Seigneur est présent dans l'amour envers le prochain, parce qu'Il est dans tout bien ; mais Il n'est pas ainsi dans la foi sans amour, (selon le nom qu'on lui donne, car il n'existe point de foi sans amour). La foi sans amour et sans charité est quelque chose de séparé ou de disjoint ; partout où il y a conjonction, il doit y avoir un milieu qui conjoigne, ce milieu n'est que l'amour et la charité. Ceci devient évident pour quiconque réfléchit que le Seigneur a de la miséricorde pour qui que ce soit, qu'Il aime chaque homme, et qu'Il veut rendre tout homme heureux pour l'éternité ; celui donc qui n'est pas porté par un amour semblable à avoir compassion des autres, à aimer les autres et à vouloir les rendre heureux ne peut être conjoint au Seigneur, parce qu'il y a dissemblance et rien moins qu'image. Contempler le Seigneur par la foi, selon l'expression commune, et haïr le prochain, c'est non seulement se tenir loin du Seigneur, mais c'est même avoir, entre soi et le Seigneur un abîme infernal, dans lequel on tomberait si l'on voulait s'approcher plus près ; car la haire contre le prochain est cet abîme infernal qui est entre l'homme et le Seigneur. Il y a présence du Seigneur chez l'homme lorsque l'homme aime le prochain ; le Seigneur est dans l'amour, et autant l'homme est dans l'amour, autant le Seigneur est présent ; et autant le Seigneur est présent, autant Il parle à l'homme. L'homme croît absolument qu'il pense par lui-même ; cependant par lui-même il n'a pas une seule idée de pensée, pas même la moindre partie d'une idée ; mais ce qui est mal et faux lui vient de l'enfer par les mauvais esprits, et ce qui est bien et vrai lui, vient du Seigneur par les anges : tel est l'influx ; de là sa vie, de là le commerce de son âme avec son corps. - Arcanes Célestes n° 904.

     Le Seigneur est pitoyable, miséricordieux, lent à la colère et abondant en grâce. Il ne nous a pas fait selon nos péchés et ne nous a pas rendu selon nos iniquités. - Ps. CIII, 8, 10.
Soyez donc miséricordieux, comme aussi votre Père est miséricordieux. - Luc. VI, 36.
Heureux les miséricordieux ; car ils obtiendront miséricorde. - Matt. V, 7.
 
 

LA CHARITE ET LES COMMANDEMENTS DE DIEU

     « La conjonction de l'amour envers Dieu et de l'amour à l'égard du prochain est un effet de l'influx de l'Amour de Dieu à l'égard des hommes ; c'est la réception de cet influx par l'homme et la coopération chez lui qui sont l'amour à l'égard du prochain. En somme, il y a conjonction selon cette Parole du Seigneur

     En ce jour-là vous connaîtrez que Moi je suis dans le Père, et vous en Moi, et Moi en vous. - Jean XIV, 20.
Celui qui a mes préceptes et les fait, c'est celui-là qui m'aime, et moi je l'aimerai, et je me manifesterai à lui moi-même, et je ferai ma demeure chez lui. - Jean XIV, 21, 22, 23.

     Tous les préceptes du Seigneur se réfèrent à l'amour à l'égard du prochain, et consistent, en somme, à ne pas lui faire de mal, mais à lui faire du bien ; ceux qui agissent ainsi aiment Dieu, et Dieu les aime, selon ces paroles du Seigneur. Comme ces deux amours ont été ainsi conjoints, Jean dit :

     Celui qui garde les commandements de Jésus-Christ demeure en Lui, et Lui demeure en celui-là. Si quelqu'un dit : J'aime parfaitement Dieu, et qu'il haïsse son frère, il est menteur car celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas ? Nous avons de Lui ce commandement : Celui qui aime Dieu aime aussi son frère. - I. Épître III, 24 ; IV, 20, 21.
- Vraie Religion Chrétienne, n° 458.
 
 

L'AMOUR DE SOI ET L'AMOUR A L'EGARD DU PROCHAIN

     « Tout homme qui veut penser d'après la faculté rationnelle dont il a été doué peut voir que c'est de l'amour de soi que naissent tous les maux qui détruisent la société civile ; c'est de cet amour, comme d'une source impure, que surgissent toutes les haines, toutes les vengeances, toutes les cruautés, et même tous les adultères ; car celui qui s'aime, méprise, blâme ou hait tous les autres qui ne le servent pas, ou qui ne lui rendent pas honneur, ou qui ne lui sont pas favorables ; et quand il a de la haine, il ne respire que vengeances et cruautés ; et cela, en proportion de ce qu'il s'aime lui-même ; ainsi cet amour est destructif de la société et du genre humain. L'amour de soi est diamétralement opposé à l'amour mutuel dans lequel consiste le ciel, et comme de cet amour naissent les haines, les vengeances, les cruautés et les adultères, c'est lui qui produit tout ce qu'on nomme péché, crime, abomination et profanation ; c'est pourquoi quand cet amour domine chez l'homme, l'influx de l'amour céleste procédant du Seigneur est continuellement chassé, perverti et souillé. » - Arcanes Célestes, n° 2045.

     « L'amour mutuel dans le ciel consiste en ce qu'on aime le prochain plus que soi-même ; de là tout le ciel représente comme un seul homme, car au moyen de l'amour mutuel tous sont ainsi associés par le Seigneur ; c'est de là que les félicités de tous sont communiquées à chacun, et que celles de chacun le sont à tous ; d'où il résulte que la forme céleste elle-même est telle, que chacun est comme une sorte de centre de communication, par conséquent le centre des félicités procédant de tous les autres ; et cela selon toutes les différences de l'amour mutuel, qui sont innombrables ; et comme ceux qui sont dans cet amour perçoivent une suprême félicité de ce qu'ils peuvent communiquer aux autres ce qui influe en eux, et le communiquent de tout coenr, il en résulte une perpétuelle et éternelle communication, d'après laquelle la félicité de chacun s'accroit 'en proportion dé l'accroissement du Royaume du Seigneur. » - Arcanes Célestes, no 2057.

     Et il n'y entrera rien de souillé, ni personne qui s'adonne à l'abomination et au mensonge ; mais ceux-là seuls qui sont écrits dans le livre de vie de l'Agneau. - Apocalypse, XXI, 27.
 
 

LA PREMIERE CHOSE DE LA CHARITE

     « La première chose de la charité est d'éloigner les maux, et la seconde de faire les bonnes actions qui sont utiles au prochain.

     Ce qui tient la première place dans la Doctrine de la Charité, c'est que la première chose de la charité est de ne pas faire de mal au prochain, et la seconde de lui faire du bien ; ce principe est comme la porte de cette doctrine. On sait que le mal a son siège dans la volonté de chaque homme par hérédité. Il s'en suit que le mal héréditaire est le mal contre le prochain. L'homme, d'après la raison elle-même, peut voir qu'autant le mal qui a son siège dans la volonté n'est pas éloigné, autant le bien qu'il, fait est imprégné, de ce mal ; car alors le mal est intérieurement dans le bien, comme la noix dans sa coquille, et comme la moelle, dans un os ; ainsi, quoique le bien qui est fait par un tel homme se présente comme un bien, toujours est-il qu'intérieurement ce n'est pas un bien, car il est comme une coquille brillante qui renferme une noix rongée de vers. Vouloir le mal et faire le bien sont en eux-mêmes deux opposés, car le mal appartient à la haine contre le prochain et le bien appartient à l'amour à l'égard du prochain ; ou le mal est l'ennemi du prochain, et le bien est l'ami du prochain ; ces deux ne peuvent pas être dans un seul mental, c'est-à-dire le mal dans l'homme interne et le bien dans l'homme externe ; si cela a lieu le bien est dans l'homme externe comme une plaie qu'un palliatif a guérie, et dont l'intérieur est rempli d'une sanie corrompue. Le Seigneur enseigne en beaucoup d'endroits que l'homme ne peut faire le bien, qui en soi est le bien, avant que le mal ait été éloigné :

     On ne cueille point du raisin sur des épines, ou des figues sur des chardons ; un arbre pourri ne peut pas faire de bons fruits. - Matt. VII, 16, 17, 18.
Malheur à vous, Scribes, et Pharisiens ! Vous nettoyez l'extérieur de la coupe et du plat, mais les intérieurs sont pleins de raviné et d'intempérance. Pharisien aveugle, nettoie d'abord l'intérieur de la coupe et du plat, afin qu'aussi l'extérieur devienne net. - Matt. XXIII, 25, 26.

     Et dans Esaïe :

     Lavez-vous, éloignez la malice de vos coeurs, cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien, cherchez le jugement ; alors quand vos péchés seraient comme l'écarlate, ils deviendront blancs comme la neige ; quand ils seraient rouges comme le pourpre, ils seront comme la laine. -I. 16, 17, 18.
- Vraie Religion Chrétienne, n° 435.
 
 

LA CHARITE DANS LES DEVOIRS QUOTIDIENS

     « Tout homme qui se tourne vers le Seigneur et fuit les maux Comme péchés, s'il fait avec sincérité, justice et fidélité le travail qui appartient à son devoir et à son emploi, devient une forme de la charité.

     Ceci vient à la suite. et comme conséquence de la loi que l'homme est né pour qu'il devienne la charité, et qu'il ne peut devenir la charité, s'il ne fait pas perpétuellement le bien de l'usage d'après l'affection et le plaisir ; c'est pourquoi, lorsque l'homme fait avec sincérité, justice et fidélité le travail qui appartient à son devoir ou à son emploi, d'après l'affection et le plaisir de l'affection, il est continuellement dans le bien de l'usage, non seulement à l'égard du public mais encore à l'égard des sociétés particulières et des individus : mais il ne le peut s'il ne se tourne pas vers le Seigneur et ne fuit pas les maux comme péchés ; car, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la première chose de la charité est de se tourner vers le Seigneur et de fuir les maux comme péchés et la seconde chose de la charité est de faire le bien ; alors le bien que l'homme fait est le bien de l'usage qu'il fait chaque jour et lorsqu'il n'en fait pas, il pense néanmoins à en faire ; il y a, en effet, l'affection intérieure qui persiste rendant ce temps, et qui désire le bien : de là vient qu'il est perpétuellement dans le bien de l'usage du matin au soir, d'année en année, du premier âge à la fin de la vie. Autrement il ne peut devenir une forme de la charité, c'est-à-dire un réceptacle de la charité. - Doctrine de la Charité, VI I.

     Mets ta confiance en le Seigneur, et fais le bien : ainsi tu habiteras la terre et en vérité tu te repaîtras de vérité. - Ps. XXXVII, 3.
 
 

LA CHARITE CHEZ LE PRETRE

     « S'il se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés, et qu'il fasse avec sincérité, justice et fidélité le travail du ministère qui lui est enjoint, il fait continuellement le bien de l'usage, et devient la charité dans une forme ; mais il fait le bien de l'usage ou le travail du ministère avec sincérité, justice et fidélité, alors que le salut des âmes l'affecte ; et selon que ce salut l'affecte, les vérités l'affectent aussi, parce que c'est par les vérités qu'il conduira les âmes au ciel, s'il les conduit au Seigneur Son amour alors est de les leur enseigner avec soin d'après la Parole, parce que quand il enseigne ces vérités d'après la Parole, il les enseigne d'après le Seigneur ; car le Seigneur est non seulement la Parole, comme il est dit dans Jean - I, 1, 2, 14 - mais Il est encore le Chemin, la Vérité et la Vie, comme Il le dit Lui-Même, -XIV, 6 --et Il est aussi la Porte. C'est pourquoi celui qui entre dans la bergerie par le Seigneur comme Porte est un bon pasteur ; mais celui qui n'entre pas dans la bergerie par le Seigneur comme Porte est un mauvais pasteur, qui est appelé voleur et larron. - Jean, X, 1-9.
 
 

LA CHARITE CHEZ LES MAGISTRATS

     « Par les magistrats sont entendus ceux qui remplissent les plus hautes fonctions dans les royaumes, les républiques, les provinces, les cités ou villes sur lesquels ils ont juridiction dans les choses civiles ; si chacun d'eux dans la place qu'il occupe se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés, et qu'il fasse avec sincérité, justice et fidélité le travail de sa fonction suréminente, il fait le bien de l'usage à la communauté et à chaque individu dans la communauté, et il devient continuellement la charité dans une forme ; et cela arrive lorsque le bien des sujets ou des citoyens l'affecte ; et quand ce bien l'affecte, ce qui l'affectera aussi, lui avec les hommes sages et craignant Dieu, c'est d'avoir sincèrement sous les yeux les lois de l'usage, afin qu'elles soient observées, et de vivre le premier d'après elles ; puis de préposer sous lui, dans les assemblées, des fonctionnaires intelligents et en même temps bienveillants, afin que par eux sous son auspice le jugement et la justice règnent, et que le bien commun soit sans cesse perfectionné. Il se considérera comme le principal responsable dans l'ordre de ceux qui servent les autres, et ainsi il sera lui-même conduit par le Seigneur comme un serviteur. »
 
 

LA CHARITE CHEZ LE SOLDAT

     « S'il se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés, et qu'il fasse son devoir avec sincérité, justice et fidélité, il devient aussi la charité, et par cela même l'amour sous une forme ; en effet, ce soldat a de l'aversion pour les déprédations injustes, il a en horreur l'effusion injuste de sang. Il en est autrement dans les combats, alors il ne l'a pas en horreur, parce qu'alors il n'y réfléchit pas, mais il pense à l'ennemi comme à un ennemi qui veut son sang. Sa fureur tombe aussitôt que l'ordre est donné de cesser le feu, Après la victoire il a les prisonniers pour prochain selon la qualité de leur bien, Avant le combat il élève son esprit vers le Seigneur, et met sa vie entre Ses mains, et après qu'il a fait cela, il abaisse son esprit de cette élévation dans le corps, et il devient courageux, sa pensée au Seigneur demeurant dans les intérieurs de son esprit, sans qu'il le sache et alors s'il meurt, il meurt dans le Seigneur ; s'il vit, il vit pour le Seigneur. »
 
 

LA CHARITE CHEZ LE NEGOCIANT

     « S'il se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés, et qu'il fasse son commerce avec sincérité, justice et fidélité, il devient la charité. Il agit d'après la prudence, comme si elle lui était propre, mais néanmoins il mettra sa confiance en la Divine Providence ; c'est pourquoi il ne se laisse pas abattre dans les infortunes, et il ne s'enorgueillira pas dans les succès. Il aime le commerce comme étant le principal de son devoir, et l'argent comme en étant l'instrumental. Ainsi il aime le travail qui en soi est le bien de l'usage, et non l'argent plus que le travail. Il fuit l'avarice, qui est un mal, et qui est la racine d'un grand nombre de maux ; il aime le bien commun quand il aime son bien, parce que celui-là est caché dans celui-ci, et est comme la racine de l'arbre qui se cache sous terre, par laquelle cependant l'arbre croît et produit ensuite des fleurs et des fruits. En effet le bien public est aussi le bien de ses concitoyens qu'il aime d'après la charité dont il est la forme, car c'est par le bien des citoyens qu'existe le bien public. Personne ne peut connaître en soi les choses de la charité, parce qu'on ne les voit pas, mais le Seigneur les voit. »
 
 

LA CHARITE CHEZ LES ARTISANS

     « S'ils se tournent vers le Seigneur et fuient les maux comme péchés et qu'ils exécutent leurs travaux avec sincérité, justice et fidélité, ils deviennent des formes de la charité, chacun selon qu'il aime son travail et s'y applique. En effet, leurs travaux sont les biens de l'usage, qui servent au prochain pour diverses nécessités, et diverses utilités, par exemple, pour la nourriture, le vêtement, l'habitation, la défense, l'agrément, et pour plusieurs autres, et sont des avantages pour la chose publique. Chacun d'eux, selon qu'il applique son esprit à son ouvrage par amour, est dans cet ouvrage quant à l'affection et quant à la pensée, et autant il y est, autant il est détourné de penser et d'aimer diverses choses, et est conduit par le Seigneur à penser et à aimer le bien ; et aussi à penser et à aimer les moyens qui conduisent au bien. Il en est autrement pour celui qui ne s'applique à aucun travail. Tout ouvrier qui se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés, fuit l'oisiveté, parce qu'elle est l'oreiller du diable ; il fuit la non sincérité et la fraude, la luxure et l'intempérance et il est exact, sincère, content de son sort, et fait son ouvrage pour le prochain comme pour lui-même, parce qu'en faisant son ouvrage il s'aime lui-même et il aime son prochain à degré égal. »
 
 

LA CHARITE CHEZ LES MATELOTS

     « Les Matelots aussi deviennent des charités, s'ils se tournent vers le Seigneur et fuient les maux comme péchés, quand ils font leur ouvrage avec sincérité, justice et fidélité. En effet, lorsqu'ils fuient les maux comme péchés, ils fuient le diable, qui est le mal lui-même, et sont alors acceptés par le Seigneur ; les biens qu'ils font alors, ils les font par le Seigneur, et ils font continuellement ces biens du seul fait qu'ils exécutent leur travail de marin qui leur est imposé. Ce travail est un bon travail, parce qu'il est le bien de l'usage, et que l'amour à l'égard du prochain n'est autre chose que faire le bien de l'usage. Quand ils fuient le diable et sont acceptés par le Seigneur, alors ils ne font pas ces maux qui ont été énumérés dans le Décalogue, c'est-à-dire qu'ils ne tuent point, ne commettent point adultère, ne volent point, ne font point de faux témoignages ; car quiconque aime le prochain ne fait aucune de ces actions. Ce sont là les maux qu'on doit principalement fuir : ceux qui se tournent vers le Seigneur les fuient ; alors aussi ils ne craignent point la mort parce que s'ils meurent, ils meurent dans le Seigneur et viennent dans le Ciel, et là l'un aime l'autre comme son frère et tous font un travail mutuel. J'exhorte les matelots à s'adresser au Seigneur et à le prier Lui seul, parce qu'il n'y a pas d'autre Dieu du ciel, de la terre et de la mer. »
 
 

LA CHARITE CHEZ LES DOMESTIQUES

     « Comme les maîtres, les domestiques deviennent aussi des Charités, c'est-à-dire des anges, lorsqu'ils se tournent vers le Seigneur et fuient les maux comme pêchés, et qu'ils remplissent avec sincérité, justice et fidélité les travaux de la domesticité. Leurs travaux qui sont les biens de la charité sont particulièrement et continuellement d'être attentifs pour leurs maîtres, de leur vouloir du bien, de ne pas dire du mal d'eux, d'agir en leur absence aussi sincèrement qu'en leur présence, de ne point dédaigner de Servir, parce que tout homme, dans quelque degré de dignité qu'il soit, doit servir ; même le roi servira le Seigneur ; et selon que chacun sert fidèlement, il est aimé et conduit par le Seigneur ; et en tant que quelqu'un se tourne vers le Seigneur et fuit les maux comme péchés, il sert librement. » - Doctrine de la Charité, VII

     Il vint aussi des péagers pour être baptisé, et ils lui dirent : Maître ! Que ferons-nous ? Et il leur dit : N'exigez rien au-delà de ce qui vous a été ordonné. Les soldats lui demandèrent aussi : Et nous, que ferons-nous ? Il leur dit : N'ayez point de violence ni de tromperie envers personne, et contentez-vous de votre solde. - LUC III, 12-14.