948. La Religion chez l'homme consiste dans la vie selon les préceptes Divins qui sont sommairement contenus dans le Décalogue ; chez celui qui ne vit pas selon ces préceptes il ne peut pas y avoir de religion, car il ne craint pas Dieu, et il l'aime encore moins ; il ne craint pas non plus l'homme, et il l'aime encore moins : craint-il Dieu ou l'homme, celui qui vole, commet adultère, tue, porte faux témoignage ! Toutefois, cependant, chacun peut vivre selon ces préceptes ; et celui-là qui est sage les observe comme homme civil, comme homme moral, et comme homme naturel ; mais celui qui ne vit pas selon ces préceptes comme homme spirituel ne peut être sauvé ; en effet, vivre selon ces préceptes comme homme spirituel, c'est à cause du Divin qu'ils renferment ; mais vivre selon eux comme homme civil, c'est à cause du juste, et pour éviter les peines du monde ; vivre selon eux comme homme moral , c'est à cause de l'honnête et pour éviter la perte de la réputation et de l'honneur ; et vivre selon eux comme homme naturel, c'est à cause de l'humain et pour éviter de passer pour un insensé : les Lois tant civiles que morales et naturelles enseignent toutes qu'on ne doit ni voler, ni commettre adultère, ni tuer, ni porter faux témoignage ; mais toujours est-il que l'homme n'est pas sauvé, s'il fuit ces maux d'après ces lois seules, sans les fuir aussi d'après la Loi spirituelle ; s'il les fuit d'après cette loi, il les fuit comme péchés, car chez lui il y a de la religion, et il y a la foi qu'il existe un Dieu, un Ciel, un Enfer, une vie après la mort, et même chez lui il y a aussi la vie civile, la vie, morale et la vie naturelle, la vie civile parce qu'il y a le juste, la vie morale parce qu'il y a l'honnête, et la vie naturelle parce qu'il y a l'humain ; mais celui qui ne vit pas selon ces préceptes comme homme spirituel, n'est ni homme civil, ni homme moral, ni homme naturel, car il n'y a en lui ni le juste, ni l'honnête, ni même l'humain, parce que dans ces choses il n'y a pas le Divin ; en effet, il n'y a de bien, qui soit bien en soi et par soi, que le bien qui vient de Dieu ; par conséquent il n'y a rien de juste, rien de véritablement honnête, ni rien de véritablement humain en soi et par soi, que ce qui vient de Dieu, et que ce en quoi il y a le Divin. Examine si quelqu'un en qui est l'enfer, ou qui est un diable, peut faire le juste d'après le juste ou à cause du juste ; n'en est-il pas de même quant à l'honnête, ou quant à ce qui est véritablement humain ! Ce qui est véritablement humain est d'après l'ordre et selon l'ordre et vient d'une saine raison ; or Dieu est l'ordre, et c'est de Dieu que vient la saine raison : en un mot, celui qui ne fuit pas les maux comme péchés n'est pas homme. Quiconque considère ces préceptes comme appartenant à sa religion devient citoyen et habitant du Ciel, mais celui qui considère ces préceptes comme n'appartenant pas à sa religion, et qui néanmoins dans les externes vit selon eux d'après la loi naturelle, la loi morale et la loi civile, devient citoyen et habitant du monde, mais non du Ciel. La plupart des nations connaissent ces préceptes, et les considèrent aussi comme appartenant à leur religion, et vivent selon eux, parce que Dieu le veut et l'a commandé ; par là elles ont communication avec le ciel et conjonction avec Dieu, aussi sont-elles sauvées ; tandis qu'aujourd'hui, dans la Chrétienté, la plupart considèrent ces préceptes comme appartenant, non à leur religion, mais à leur vie civile et morale ; or, dans la forme externe jusqu'à ce qu'ils se montrent, ils n'agissent point frauduleusement, ne font point de gains illicites, ne commettent point d'adultères, ne poursuivent point ouvertement les autres par une haine mortelle ni par des vengeances, et ne portent point de faux témoignages ; mais ils s'abstiennent de ces actions, non parce qu'elles sont des péchés et contre Dieu, mais parce qu'ils craignent pour leur vie, pour leur réputation, pour leurs fonctions, pour leur commerce, pour leurs possessions, pour leur honneur et le lucre, et pour leurs plaisirs c'est pourquoi, si ces liens ne les retenaient, ils les commettraient ; ceux-là donc, ne s'étant fait aucune communication avec le Ciel ni aucune conjonction avec le Seigneur, mais ayant seulement eu communication et conjonction avec le monde et avec eux-mêmes, ne peuvent être sauvés. Réfléchis : Quand ces liens externes te seront ôtés, comme il arrive à tout homme après la mort, si les liens internes qui appartiennent à la crainte et à l'amour de Dieu, par conséquent à la religion, ne te retenaient et ne t'en détournaient, ne te précipiterais-tu pas, comme un diable, dans les vols, les adultères, les meurtres, les faux témoignages et les convoitises de tout genre, par amour pour ces maux, ainsi par le plaisir que tu y trouverais ? Que cela arrive ainsi, c'est même ce que j'ai vu et entendu.
949. Autant les maux sont éloignés comme péchés, autant les biens influent, et autant l'homme fait ensuite les biens, non par lui-même mais d'après le Seigneur. Ainsi :
Primo. Autant l'homme n'adore point d'autres dieux, et par conséquent n'aime point par dessus toutes choses lui-même et le monde, autant influe du Seigneur la reconnaissance de Dieu, et alors il adore Dieu non d'après lui-même, mais d'après le Seigneur.
Secundo. Autant il ne profane point le nom de Dieu, et fuit par conséquent les cupidités qui ont leur source dans les amours de soi et du monde, autant il aime les choses saintes de la Parole et de l'Église, car elles sont le Nom de Dieu ; et les cupidités, qui ont leur source dans les amours de soi et du monde, les profanent.
Tertio. Autant il fuit les vols, par conséquent aussi les fraudes et les gains illicites, autant la sincérité et la justice entrent en lui, et il aime le sincère et le juste d'après le sincère et le juste, et par suite il agit avec sincérité et justice, non par lui-même, mais d'après le Seigneur.
Quarto. Autant il fuit les adultères, par conséquent aussi les pensées non chastes et déshonnêtes, autant entre en lui l'amour conjugal, qui est l'amour intime du Ciel, amour dans lequel réside la chasteté même.
Quinto. Autant il fuit les homicides, par conséquent aussi les haines mortelles et les vengeances qui respirent la mort, autant le seigneur entre avec la miséricorde et l'amour.
Sexto. Autant il fuit les faux témoignages, par conséquent aussi les mensonges et les blasphèmes, autant par le Seigneur entre la vérité.
Septimo. Autant il fuit la convoitise des maisons des autres, par conséquent aussi l'amour et par suite les cupidités de posséder les biens des autres, autant par le Seigneur entre la charité à l'égard du prochain.
Octavo. Autant il fuit la convoitise des épouses des autres, de leurs serviteurs, etc., par conséquent aussi l'amour et par suite les cupidités de dominer sur les autres, - car les choses qui sont nommées dans ce précepte sont les propres de l'homme, - autant entre l'amour envers le Seigneur.
Dans ces huit Préceptes sont contenus les maux qu'on doit fuir ; mais dans les deux autres, à savoir, dans le Troisième et dans le Quatrième, sont contenues certaines choses qu'on doit faire, à savoir, qu'on doit sanctifier le sabbath, et honorer ses parents ; quant à la manière dont ces deux préceptes doivent être entendus, non par les hommes de l'Église Juive, mais par les hommes de l'Église Chrétienne, c'est ce qui sera dit ailleurs.