II

DES CORRESPONDANCES ET DES REPRESENTATIONS

QUI SONT DANS LA PAROLE

3472. D'après ce qui a été montré jusqu'à présent, et ce qui, d'après la Divine Miséricorde du Seigneur, doit être encore montré, on peut voir que toutes et chacune des choses qui sont dans le sens de la lettre de la Parole, sont les représentatifs des spirituels et des célestes du Royaume du Seigneur dans les cieux, et dans le sens suprême les représentatifs du Seigneur Lui-Même : mais comme l'homme s'est retiré si loin du ciel, et s'est plongé dans ce que la nature a de plus bas, et même dans ce qu'elle a de terrestre, il oppose une forte résistance quand il est dit que la Parole renferme des choses plus élevées que celles qu'il saisit d'après la lettre, et une résistance plus forte quand il est dit qu'elle contient des choses incompréhensibles, qui sont seulement adéquates à la sagesse des Anges, et une résistance encore plus forte quand il est dit qu'elle contient les Divins mêmes qui surpassent infiniment l'entendement des Anges : à la vérité, le monde Chrétien reconnaît que la Parole est Divine, mais qu'elle le soit ainsi, il le nie, sinon de bouche, du moins de cœur ; et cela n'est pas étonnant, puisque le terrestre, dans lequel est l'homme aujourd'hui, ne saisit point et ne veut point saisir ce qui est au-dessus de lui.

3473. Que la Parole dans la lettre renferme en elle-même de telles choses, c'est ce qui est souvent présenté à la vue des esprits ou des âmes qui viennent dans l'autre vie ; et lorsque cela arrivait, il m'était quelquefois donné d'y être présent, comme on peut le voir par ces expériences qui ont été rapportées dans la Première Partie, sous ce titre : De l'Ecriture Sainte ou de la Parole; qu'elle renferme des choses Divines qui se manifestent devant les bons Esprits et les Anges, n° 1767 à 1776, et 1869 à 1879 ; je vais, pour confirmation, en rapporter de nouveau ce qui suit immédiatement.

3474. Un Esprit vint vers moi peu de temps après sa sortie du corps, ce que je pus conclure de ce qu'il ne savait pas encore qu'il était dans l'autre vie, croyant vivre dans le monde ; je perçus qu'il avait été adonné à des études, dont je m'entretins avec lui ; mais il fut alors enlevé subitement dans le haut, ce qui me surprit ; je présumais qu'il était de ceux qui ont aspiré aux choses élevées, car ceux-là sont ordinairement portés dans le haut ; ou bien qu'il avait placé le Ciel dans une région très élevée ; ceux-ci ont pareillement coutume d'être enlevés en haut, afin que par là ils sachent que le Ciel est dans l'interne, et non pas dans le haut ; mais je m'aperçus bientôt qu'il avait été enlevé vers des esprits angéliques, qui sont en avant un peu vers la droite à la première entrée du ciel ; de là il s'entretint ensuite avec moi, me disant qu'il voyait des choses trop sublimes pour qu'elles pussent jamais être saisies par des mentals humains ; tandis que cela avait lieu, je lisais le Chapitre Premier du Deutéronome où il est dit, au sujet du peuple juif, que des hommes furent envoyés pour explorer la terre de Canaan, et ce qu'elle contenait ; pendant que je lisais ce passage, il me dit qu'il n'apercevait rien du sens de la lettre, mais qu'il percevait les choses qui sont dans le sens spirituel, et que c'étaient des merveilles qu'il lui serait impossible de décrire ; cela avait lieu à la première entrée du ciel des Esprits Angéliques ; qu'aurait-ce donc été dans ce ciel même ? Et qu'aurait-ce été dans le ciel angélique ? Alors quelques Esprits qui étaient chez moi, et qui auparavant ne croyaient pas que la Parole du Seigneur fût telle, commencèrent à se repentir de n'avoir pas cru ; dans cet état, ils me disaient qu'ils croyaient, parce qu'ils avaient entendu cet Esprit dire qu'il entendait, voyait et percevait que cela était ainsi. Mais d'autres Esprits persistaient encore dans leur incrédulité, et disaient que cela n'était pas ainsi mais que c'étaient des fantaisies ; c'est pourquoi ils furent aussi tout à coup enlevés, et de là ils conversèrent avec moi et avouèrent que ce n'était rien moins qu'une fantaisie, parce qu'ils percevaient réellement que cela était ainsi, et que la perception était même plus exquise que jamais il n'est possible à aucun sens de l'avoir dans la vie du corps. Bientôt aussi d'autres Esprits furent enlevés dans le même ciel ; et l'un deux, que j'avais connu dans la vie du corps, attesta la même chose,  ajoutant même, entre autres particularités, que, dans l'étonnement où ilse trouvait, il lui était impossible de décrire la gloire de la Parole dans son sens interne ; alors s'exprimant avec un sentiment de commisération : qu'il est étonnant, disait-il, que les hommes ne sachent rien de ces merveilles ! Par deux fois ensuite, j'en vis d'autres enlevés dans le second ciel parmi les Esprits Angéliques, et de là ils s'entretinrent avec moi ; je lisais alors le Chapitre III du Deutéronome, depuis le commencement jusqu'à la fin ; ils disaient qu'ils étaient seulement dans le sens intérieur de la Parole, assurant alors qu'il n'y avait pas même un accent, dans lequel il n'y eût un spirituel en une admirable cohérence avec le reste, et que les Noms signifient des choses ; ils furent aussi confirmés de cette manière, parce qu'auparavant: ils n'avaient pas cru que tout en général et en particulier dans la Parole eût été inspiré par le Seigneur ; ils voulaient même confirmer la chose par serment devant les autres, mais cela ne leur fut pas permis.

3475. Que dans les cieux il y ait de continuels Représentatifs tels qu'ils sont dans la Parole, c'est ce qui a été quelquefois dit et montré précédemment ; ces Représentatifs sont tels que les Esprits et les Anges les voient dans une lumière beaucoup plus claire que la lumière de midi dans le monde ; ils sont tels, qu'ils perçoivent ce que signifient dans la forme interne les choses qu'ils voient dans la forme externe, et en elles des choses encore plus intérieures : en effet, il y a trois cieux ; dans le Premier Ciel, les représentatifs apparaissent dans la forme externe avec la perception de ce qu'ils signifient dans la forme interne ; dans le Second Ciel, ils apparaissent tels qu'ils sont dans la forme interne avec la perception de ce qu'ils sont dans une forme encore plus intérieure ; dans le Troisième Ciel, ils apparaissent dans cette forme encore plus intérieure, qui est la forme intime : les représentatifs qui apparaissent dans le Premier Ciel sont les communs de ces choses qui apparaissent dans le Second, et les représentatifs du Second sont les communs des choses qui apparaissent dansle Troisième ; ainsi, dans les représentatifs du Premier Ciel, il y a intérieurement ceux du Second, et dans ceux du Second il y a intérieurement ceux du Troisième ; et comme ils se présentent ainsi selon les degrés, on peut voir combien de perfection, de sagesse et en même temps de félicité à y a dans ceux du Ciel intime, et qu'ils sont absolument ineffables, car dans un seul représentatif particulier d'un représentatif commun, il y en a des myriades de myriades. Tous et chacun de ces Représentatifs enveloppent des choses qui appartiennent au Royaume du Seigneur, et celles-ci des choses qui appartiennent au Seigneur Lui-Même; ceux qui sont dans le Premier Ciel voient dans leurs Représentatifs les choses qui existent dans la sphère intérieure du Royaume, et dans ces choses celles qui existent dans une sphère encore plus intérieure, et par conséquent les représentatifs du Seigneur, mais de loin; ceux qui sont dans le Second Ciel voient dans leurs représentatifs les choses qui sont dans la sphère intime du Royaume, et dans ces choses les représentatifs du Seigneur, et de plus Près; mais ceux qui sont dans le Troisième voient le Seigneur Lui-Même.

3476. D'après cela, on peut savoir ce qui en est de la Parole ; en effet, la Parole a été donnée par le Seigneur à l'homme, et aussi aux Anges, afin que par elle ils soient chez Lui ; car la Parole est le medium qui unit la terre avec le ciel, et par le ciel avec le Seigneur : c'est son sens littéral qui unit l'homme avec le Premier Ciel; et comme il y a dans le sens littéral un sens interne qui traite du Royaume du Seigneur, et dans ce sens un sens suprême qui traite du Seigneur, et que ces sens sont en ordre entre eux, on voit clairement par là quelle union existe par la Parole avec le Seigneur.

3477. Il a été dit qu'il y a de continuels Représentatifs dans les cieux, et même des représentatifs qui enveloppent les arcanes les plus Profonds de la sagesse ; ceux qui sont exposés devant l'homme d'après le sens littéral de la Parole sont en si faible nombre qu'on peut les comparer aux eaux d'un très petit lac relativement aux eaux de l'Océan : on peut juger de ce que sont les représentatifs dans les cieux par ceux que j'ai déjà parfois rapportés d'après ce que j'avais vu, et encore par ceux-ci : il fut représenté devant quelques esprits - et je l'ai vu - le chemin spacieux et le chemin étroit, dont a est parlé dans la Parole, le chemin spacieux conduisant à l'enfer, et le chemin étroit conduisant au ciel ; le chemin spacieux était décoré d'arbres, de fleurs, et autres objets de ce genre, qui par la forme externe paraissaient beaux et agréables, mais là étaient cachés des couleuvres et des serpents de différentes espèces que ces esprits ne voyaient pas ; le chemin étroit n'était pas, à la vue, ainsi décoré d'arbres et de fleurs, il parut au contraire triste et obscur, mais sur ce chemin il y avait des Anges enfants, gracieusement décorés, dans, des jardins et des parterres de la plus grande beauté, que cependant ces esprits ne voyaient pas ; il leur fut alors demandé dans quel chemin ils voulaient aller ; ils répondaient: dans le chemin spacieux ; mais tout à coup, leurs yeux étaient ouverts, et ils voyaient dans le chemin spacieux les serpents, et dans le chemin étroit les anges ; et alors il leur était demandé de nouveau dans quel chemin ils voulaient aller ; ils hésitaient sans dire mot ; et, selon que leur vue était ouverte ils disaient qu'ils voulaient aller dans le chemin étroit ; et, selon que leur vue était fermée, ils disaient qu'ils voulaient aller dans le chemin spacieux.

3478. Le Tabernacle avec l'Arche était aussi représenté devant quelques esprits ; car ceux qui ont pris beaucoup de plaisir à la Parole, quand ils vivaient dans le monde, voient aussi de tels représentatifs se présenter devant eux ; ainsi se présenta alors le Tabernacle avec tout son appareil, savoir, avec les parvis, les tentures tout autour, les voiles au-dedans, l'autel d'or ou des parfums, la table pour les pains, le chandelier, le propitiatoire avec les chérubins ; et alors il était en même temps donné aux esprits probes de percevoir ce que chacun de ces objets signifiait ; c'étaient les trois Cieux qui avaient été représentés par le Tabernacle, et le Seigneur Lui-Même par le Témoignage renfermé dans l'Arche sur laquelle était le Propitiatoire ; et autant leur vue était ouverte, autant dans ces représentatifs ils voyaient des choses plus célestes et plus Divines, dont ils n'avaient eu aucune connaissance dans la vie du corps ; et, chose merveilleuse, il n'y avait pas le plus petit objet qui ne fût un représentatif, jusqu'aux crochets et aux anneaux ; pour ne parler que du Pain qui était sur la table, dans ce pain, comme objet représentatif et symbolique, ils percevaient cette nourriture dont vivent les Anges, ainsi l'amour céleste et l'amour spirituel avec leurs béatitudes et leurs félicités, et dans cette nourriture et ces amours le Seigneur Lui-Même, comme Pain ou Manne descendant du Ciel, outre plusieurs autres choses d'après la forme, la position, le nombre des pains, d'après l'or qui était autour, et d'après le chandelier qui en éclairant ces objets faisait qu'ils offraient encore des représentations de choses plus ineffables ; et ainsi pour le
reste. Par là j'ai pu voir aussi que les rites ou les représentatifs de l'Eglise juive ont contenu en eux tous les arcanes de l'Eglise Chrétienne ; et que ceux auxquels sont ouverts les représentatifs et les significatifs de la Parole de l'Ancien Testament, peuvent savoir et percevoir les Arcanes de l'Eglise du Seigneur sur terre, quand as vivent dans le monde, et les arcanes des arcanes qui sont dans le Royaume du Seigneur dans les cieux, quand ils viennent dans l'autre vie.

3479. Les juifs qui vivaient avant l'avènement du Seigneur, comme aussi ceux qui ont vécu depuis, n'ont eu des rites de leur Eglise que cette seule opinion, que le culte Divin consistait seulement dans les externes as ne s'inquiétaient nullement de ce qu'ils représentaient et signifiaient en effet, ils ne savaient pas, et ne voulaient pas savoir qu'il y avait un interne du culte et de la Parole, qu'ainsi a y avait une vie après la mort, et par conséquent un ciel, car as étaient entièrement sensuels et corporels ; et comme ils étaient dans les externes séparés d'avec les internes, le culte respectivement à eux n'a été qu'un culte idolâtre, aussi étaient-as très-enclins à adorer des dieux, quels qu'ils fussent, pourvu qu'ils fussent persuadés que ces dieux pouvaient les faire prospérer ; mais, comme cette Nation était telle que ceux qui la composaient avaient pu être dans le saint externe, et par conséquent considérer comme saints les rites par lesquels étaient représentés les célestes du Royaume du Seigneur, et avoir une sainte vénération pour Abraham, Isaac et Jacob, et aussi pour Moîse et Aaron, et ensuite pour David, par lesquels était représenté le Seigneur, et surtout avoir un saint respect pour la Parole, dans laquelle sont, en général et en particulier, tous les représentatifs et tous les significatifs des Divins, c'est pour cela que l'Eglise représentative a été établie dans cette nation ; mais si cette nation eût connu les internes jusqu'à la reconnaissance, alors elle les aurait profanés, et ainsi elle aurait été dans le profane interne en même temps qu'elle était dans le saint externe, par conséquent aucune communication des représentatifs avec le ciel n'aurait pu exister par cette nation ; de là vient que les intérieurs ne leur ont pas été découverts, et qu'ils n'ont pas même su que le Seigneur était dans ces intérieurs pour sauver leurs âmes. Comme la tribu de Juda plus que toutes les autres tribus a été telle, et qu'aujourd'hui, ainsi qu'autrefois, les juifs regardent comme saints les rites qui peuvent être observés hors de Jérusalem, et ont aussi une sainte vénération pour leurs pères, et surtout un saint respect pour la Parole de l'Ancien Testament, et qu'il avait été prévu que les Chrétiens rejetteraient presque cette Parole, et en souilleraient les internes par des choses profanes, c'est pour cela que cette nation a été conservée jusqu'à présent, selon les paroles du Seigneur dans Matthieu, - XXIV. 34 - ; il en aurait été autrement si les Chrétiens, de même qu'ils ont connu les internes, eussent vécu aussi en hommes Internes ; si cela était arrivé, cette Nation aurait, depuis Plusieurs siècles, été détruite comme d'autres nations l'ont été. Mais au sujet de cette Nation, voici ce qui a lieu : leur saint externe ou le saint du culte ne peut affecter en rien leurs internes, car ces internes sont souillés par un sordide amour de soi et un sordide amour du monde, et aussi par l'idolâtrie, en ce qu'ils adorent les externes sans les internes ; et ils vivent ainsi, parce qu'ils n'ont en eux aucune chose du ciel, et ne peuvent porter avec eux dans l'autre vie aucune chose du ciel, sauf un petit nombre d'entre eux, qui sont dans l'amour mutuel, et qui par conséquent n'ont point de mépris pour les autres en les comparant à eux-mêmes.

3480. Il m'a aussi été montré comment les choses impures chez cette Nation n'empêchaient pas que les intérieurs de la Parole, ou ses spirituels et ses célestes, ne se présentassent dans le ciel ; en effet, les choses impures étaient écartées, comme non aperçues, et même les maux étaient tournés en bien, de manière que seulement le saint externe servait de plan ; ainsi se présentaient devant les anges les internes de la Parole sans les obstacles interposés ; par là, j'ai vu clairement comment ce peuple, intérieurement idolâtre, a pu représenter les choses saintes, et qui plus est, le Seigneur Lui-Même, ainsi comment le Seigneur a pu habiter au milieu de leurs impuretés - Lévit. XVI. 16, - par conséquent avoir là une ressemblance d'Eglis ; car une Eglise simplement représentative est une ressemblance d'Eglise et n'est pas une Eglise. Chez les Chrétiens, cela ne peut pas se faire ainsi, parce qu'ils connaissent les intérieurs du culte mais n'y croient pas ; ainsi ils ne peuvent pas être dans le saint externe séparé d'avec l'interne ; excepté chez ceux qui sont dans la vie de la foi, chez ceux-là il se fait par les biens une communication, les maux et les faux étant pendant ce temps là écartés ; et alors, ce qui est merveilleux, toutes et chacune des choses de la Parole, qui est lue par eux, se manifestent devant les anges, et cela aussi lors même que ceux qui lisent ne font pas attention à son sens, ce qui m'a été montré par plusieurs expériences ; car chez eux l'interne, qui n'est pas ainsi perceptible, sert de plan.

3481. je me suis très souvent entretenu avec des juifs qui, dans l'autre vie, apparaissent sur le devant dans la terre inférieure sous le plan du pied gauche, et une fois aussi je leur ai parlé de la Parole, de la Terre de Canaan et du Seigneur ; quand je disais que la Parole renfermait de profonds arcanes qui ne se manifestaient pas devant les hommes, ils l'affirmaient ; puis, que tous les arcanes qui y sont concernent le Messie et son Royaume, ils le voulaient aussi; mais quand je disais que Messie en langue Hébraïque est la même chose que Christ en langue Grecque, ils ne voulaient pas entendre: quand, de plus, je disais que le Messie est très saint, que Jéhovah est en Lui, et qu'aucun autre n'est entendu par le Saint d'IsraÎl et par le Dieu de Jacob ; et que, comme il est Très-Saint, il ne peut y avoir dans son Royaume que ceux qui sont saints, non par la forme externe, mais par la forme interne, ainsi qui ne sont ni dans un amour sordide du monde, ni dans l'orgueil en se comparant aux autres nations, ni dans des haines entre eux, ils ne pouvaient pas entendre cela ; quand ensuite je disais que le Royaume du Messie, selon les prophéties, sera éternel, et que ceux qui seront avec lui auront aussi à éternité la terre en héritage ; que si ce Royaume était de ce monde, et qu'ils fussent introduits dans la terre de Canaan, ce serait pour le peu d'années qui constituent la vie de l'homme, outre que tous ceux qui sont morts depuis l'expulsion des Juifs de la terre de Canaan ne jouiraient pas d'une telle béatitude ; et que par là ils auraient pu savoir que la terre de Canaan a représenté et signifié le Royaume céleste, et cela d'autant mieux qu'eux-mêmes savent maintenant qu'ils sont dans l'autre vie, et qu'ils vivront éternellement, qu'ainsi il est évident que le Messie a son Royaume dans cette autre vie ; et que s'il leur est donné de parler avec les anges, ils peuvent savoir que le Ciel Angélique tout entier est son Royaume ; qu'en outre par la Nouvelle Terre, la Nouvelle Jérusalem et le Nouveau Temple, dans Ezéchiel, il ne peut être signifié autre chose qu'un tel Royaume du Messie; à cela ils ne pouvaient rien répondre ; seulement à l'idée que ceux qui devaient être introduits par le Messie dans la terre de Canaan mourraient après un si petit nombre d'années, et abandonneraient cette béatitude dont ils devaient y jouir, ils versaient des larmes amères.

3482. Quoique le langage, qui est dans la Parole, paraisse simple devant l'homme, et grossier dans quelques endroits, c'est le langage Angélique même, mais tombé dans le dernier (degré) ; en effet, lorsque le langage Angélique, qui est spirituel, tombe dans les mots humains, il ne peut pas tomber dans un langage autre que celui-là, car là chaque chose représente et chaque mot signifie ; les Anciens, parce qu'ils avaient commerce avec les esprits et les anges, n'ont pas eu d'autre langage ; il était plein de représentatifs, et dans chaque représentatif il y avait un sens spirituel ; les livres des anciens ont aussi été écrits ainsi, car parler ainsi et écrire ainsi, c'était là l'étude de leur sagesse ; combien l'homme dans la suite s'est éloigné du ciel, on peut aussi le voir par là ; aujourd'hui, il ne sait pas même que dans la Parole, il y a autre chose que ce qui se présente dans la lettre, ni même qu'il y a en elle un sens spirituel ; tout ce qui est dit au-delà du sens littéral est appelé mystique, et pour cela seul rejeté ; de là vient aussi que la communication avec le ciel a été aujourd'hui interceptée à un tel point, qu'il est peu d'hommes qui croient qu'il y a un ciel ; et, ce qui est étonnant, c'est que le nombre de ceux qui croient est bien plus petit parmi les savants et les érudits que Parmi les simples.

3483. Tout ce qui apparaît dans l'univers est représentatif du Royaume du Seigneur, au point qu'il n'existe rien dans l'univers atmosphérique et astral, dans la terre et ses trois règnes, qui ne représente à sa manière ; car toutes et chacune des choses qui sont dans la nature, sont les images dernières ; en effet, du Divin procèdent les célestes qui appartiennent au bien, des célestes procèdent les spirituels qui appartiennent au vrai, et des célestes et des spirituels procèdent les naturels ; par là on peut voir combien est grossière, et même combien est terrestre, et aussi combien a été renversée l'intelligence humaine qui attribue toutes choses à la Nature séparée ou privée d'un influx antérieur à elle, ou d'une cause efficiente ; ceux aussi qui pensent et qui parlent de la sorte se croient eux-mêmes plus sages que les autres, à savoir, en attribuant tout à la nature, tandis qu'au contraire l'intelligence angélique consiste à ne rien attribuer à la nature, mais à attribuer tout, en général et en particulier, au Divin du Seigneur, par conséquent à la vie, et non à aucune chose morte ; les Erudits savent que la subsistance est une perpétuelle existence, mais toujours est-il qu'il est contre l'affection du faux, et par suite contre la renommée d'érudition, de dire que la Nature subsiste continuellement d'après le Divin du Seigneur, de même qu'elle a existé d'après ce Divin : maintenant, puisque toutes et chacune des choses subsistent, c'est-à-dire existent continuellement par le Divin, et que toutes et chacune des choses, qui proviennent de là, ne peuvent être que représentatives de celles par lesquelles elles ont existé, il s'ensuit que l'univers visible n'est autre que le théâtre représentatif du Royaume du Seigneur, et que ce Royaume est le théâtre représentatif du Seigneur Lui-Même.

3484. J'ai été instruit par un grand nombre d'expériences qu'il n'y a qu'une vie unique, qui est la vie du Seigneur, laquelle influe et fait que l'homme vit, et fait même que tant les bons que les méchants vivent ; à cette vie correspondent des formes, lesquelles sont des substances qui, par le continuel influx Divin, sont tellement vivifiées qu'il leur semble qu'elles vivent par elles-mêmes ; cette correspondance est celle des organes avec la vie ; mais tels sont les organes récipients, telle est leur vie ; les hommes qui sont dans l'amour et dans la charité sont dans la Correspondance, car la vie même est reçue par eux d'une manière adéquate ; mais ceux qui sont dans les choses contraires à l'amour et à la charité ne sont pas dans la correspondance, parce que la vie même n'est pas reçue d'une manière adéquate ; de là, tels ils sont, telle la vie existe ; cela peut être illustré par les formes naturelles dans lesquelles influe la lumière du soleil ; telles sont les formes récipientes, telles y sont les modifications de la lumière; dans le monde spirituel, les modifications sont spirituelles ; là, par conséquent, telles sont les formes récipientes, telle est pour elles l'intelligence, et telle est la sagesse : de là vient que les bons esprits et les Anges apparaissent comme les formes mêmes de la charité, et que les esprits mauvais et infernaux apparaissent comme des formes de la haine.

3485. Les Représentations qui existent dans l'autre vie sont des apparences, mais vivantes, parce qu'elles proviennent de la lumière de la vie; la Lumière de la vie est la Divine Sagesse qui procède du Seigneur Seul ; de là, toutes les choses qui existent par cette lumière sont réelles ; il n'en est pas de même de celles qui existent par la lumière du monde; c'est pourquoi ceux qui sont dans l'autre vie m'ont dit quelquefois que les choses qu'ils y voient sont réelles, et que les choses que l'homme voit ne sont pas respectivement réelles, parce que celles qu'ils voient vivent et ainsi affectent immédiatement leur vie, mais que celles que les hommes voient ne vivent point, et ainsi n'affectent point immédiatement leur vie, si ce n'est qu'autant et selon que chez eux les choses qui appartiennent à la lumière du monde se conjoignent: d'une manière adéquate et correspondante avec celles qui appartiennent à la lumière du ciel : par là, on peut voir maintenant ce que c'est que les Représentations et ce que c'est que les Correspondances.