INTRODUCTION A LA DOCTRINE

     8. Il a été montré, dans le « Jugement Dernier et la Babylonie détruite », que l'Église touche à sa fin quand il n'y a point de foi, parce qu'il n'y a point de charité. Or, comme les Églises dans le monde chrétien se sont différenciées l'une de l'autre uniquement par des choses qui sont du ressort de la foi, et que cependant la foi est nulle quand il n'y a pas de charité, je désire présenter ici, avant d'exposer la doctrine elle-même, quelques observations sur la doctrine de la charité chez les Anciens. Par les « Églises dans le monde chrétien », il faut entendre les Églises chez les Réformés ou Évangéliques, mais non chez les catholiques-romains, puisque l'Église chrétienne n'est point chez ceux-ci. En effet, l'Église n'existe que là où l'on adore le Seigneur et où on lit la Parole. Or, chez eux, il n'en est pas ainsi : eux-mêmes y sont adorés au lieu du Seigneur, et il est défendu au peuple de lire la Parole ; de plus, les décrets du Pape sont mis au même rang que la Parole, voire au-dessus d'elle.
 

     9. La doctrine de la charité, qui est la doctrine de la vie, était la doctrine par excellence dans les Anciennes Églises (comme cela a été exposé dans les Arcanes Célestes), et cette doctrine unissait toutes les Églises et de plusieurs n'en faisait qu'une seule. À cette époque, on reconnaissait pour hommes de l'Église tous ceux qui vivaient dans le bien de la charité, et on les appelait frères, quelque divergente que pût être par ailleurs leur façon de comprendre les vrais, appelés aujourd'hui les vrais de la foi. On s'instruisait l'un l'autre dans ces vrais et cette instruction était au nombre des oeuvres de charité. Nul ne s'indignait si son opinion n'était pas acceptée par autrui, car on savait que chacun ne reçoit le vrai que dans la mesure où il est dans le bien. Tel ayant été le caractère des Anciennes Églises, les hommes qui en firent partie étaient des hommes intérieurs ; par conséquent, ils avaient plus de sagesse. Car ceux qui sont dans le bien de l'amour et de la charité sont dans le ciel quant à l'homme interne ; et là, dans une société angélique qui est dans un bien semblable au leur ; de là l'élévation de leur mental vers les choses intérieures, et par conséquent leur sagesse. En effet, la sagesse ne peut venir d'autre part que du ciel, c'est-à-dire du Seigneur par le ciel ; et la sagesse est dans le ciel parce que là on est dans le bien. La sagesse consiste à voir le vrai d'après la lumière du vrai, et la lumière du vrai est la lumière qui est dans le ciel. Mais cette sagesse des temps anciens a diminué au cours des siècles ; car autant le genre humain s'est éloigné du bien de l'amour envers le Seigneur, et de l'amour à l'égard du prochain, amour qui est appelé charité, autant aussi il s'est éloigné de la sagesse, parce qu'autant il s'est éloigné du ciel. De là vient que l'homme, d'interne qu'il était est devenu peu à peu externe et en même temps mondain et corporel ; et quand il est tel, il n'accorde que peu d'attention aux choses du ciel ; car alors les plaisirs des amours terrestres, et avec eux les maux qui, d'après ces amours, sont des plaisirs pour l'homme, s'emparent entièrement de lui. Alors, ce qu'il entend dire de la vie après la mort, du ciel et de l'enfer, en un mot, des choses spirituelles, ne pénètre pas en lui comme il faudrait cependant que cela fût, mais lui reste étranger. De là vient aussi que la doctrine de la charité, à laquelle les Anciens attachaient une si grande importance, est aujourd'hui au, nombre des choses entièrement perdues ; car aujourd'hui qui sait ce que sont la charité et le prochain dans leur sens véritable ? Et cependant cette doctrine non seulement l'enseigne, mais elle contient de plus des choses innombrables, dont, de nos jours, on ne connaît pas même, la millième partie. Toute l'Écriture Sainte n'est autre chose que la doctrine de l'amour et de la charité ; c'est même ce que le Seigneur enseigne en disant :

     10. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur et de toute ton âme et de toute ta pensée ; c'est là le premier et le grand commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent la Loi et les Prophètes » (Matth. 22 : 37 - 40).
 

La Loi et les Prophètes sont la Parole, tant en général que dans chaque détail.