Première partie (A) :
DIEU
 

L'amour est la vie de l'homme

    1. L'homme sait que l'amour existe, parce qu'on dit : Un tel m'aime, le roi aime ses sujets, le mari aime son épouse, la mère aime ses enfants, et réciproquement. Pareillement on aime sa patrie, ses concitoyens et son prochain. Il en est de même des choses : on aime une chose ou une autre. Cependant, malgré l'usage universel de ce mot, peu de personnes savent ce que c'est que l'amour. Quand l'homme médite sur l'amour et qu'il ne peut s'en former une idée, il dit que ce n'est rien, ou seulement une chose qui influe par la vue, l'ouïe, le toucher et la fréquentation, et ainsi émeut. Il ignore totalement que l'amour est sa vie même, non seulement la vie de tout son corps et de toutes ses pensées en général, mais aussi celle de chacune de leurs parties. Le sage peut le percevoir quand il est dit : Si tu éloignes l'affection qui appartient à l'amour, peux-tu penser ou faire quelque chose ? La pensée, la parole et l'action ne se refroidissent-elles pas selon que se refroidit l'affection qui appartient à l'amour ? Ne s'échauffent-elles pas quand l'affection s'échauffe ? Mais le sage perçoit par l'expérience et non par la connaissance que l'amour est la vie de l'homme.

    2. Personne ne sait ce qu'est la vie de l'homme, à moins qu'il ne sache que cette vie est l'amour. Celui qui l'ignore peut croire que la vie de l'homme est seulement sentir, agir et penser. Cependant la pensée est le premier effet de la vie ; la sensation et l'action en sont le second. Il est dit que la pensée est le premier effet de la vie, mais il y a une pensée intérieure et une autre plus intérieure encore ; il y a aussi une pensée extérieure et une autre plus extérieure encore. La pensée intime, qui est la perception des fins, est en actualité le premier effet de la vie. Il en sera parlé quand il s'agira des degrés de la vie.

    3. Par la chaleur du soleil dans le monde, on peut percevoir que l'amour est la vie de l'homme. On sait que cette chaleur est comme la vie commune de toute végétation de la terre, car par elle au printemps, les végétaux de tout genre sortent de terre, s'ornent de feuilles, puis de fleurs et enfin de fruits, et ainsi sont comme vivants. Quand la chaleur se retire en automne et en hiver, ils se dépouillent de ces signes de leur vie, et se flétrissent. Il en est de même de l'amour chez l'homme, car l'amour et la chaleur se correspondent mutuellement ; pour cette raison l'amour aussi est chaud.

Dieu seul, ainsi le Seigneur, est l'amour même,
parce qu'il est la vie même. Les anges et les hommes
sont les réceptacles de la vie

    4. Ce sujet est illustré par un grand nombre d'explications dans les traités sur la Divine Providence et sur la vie. Ici il sera seulement dit que le Seigneur, qui est le Dieu de l'univers, est incréé et infini, mais que l'homme et l'ange sont créés et finis. Comme le Seigneur est incréé et infini, Il est l'Être même qui est appelé Jéhovah, la Vie Même ou la Vie en Soi. Nul ne peut être créé immédiatement de l'Incréé, de l'Infini, de l'Être Même, ni de la Vie Même, parce que le Divin est Un et non divisible, mais il faut que chacun le soit de choses créées et finies, formées de telle façon, que le Divin puisse être en elles. Comme les hommes et les anges sont ainsi créés, ils sont des réceptacles de la vie. Si un homme se laisse entrainer à croire qu'il n'est pas un réceptacle de la vie, mais qu'il est la vie, il ne peut être détourné de la pensée qu'il est Dieu. C'est d'après une illusion, que l'homme sent qu'il est la vie, et par suite croit qu'il est la vie, car dans la cause instrumentale, la cause principale est toujours perçue comme étant une avec elle. Dans Jean V. 26. Le Seigneur enseigne Lui Même qu'Il est la Vie en Soi : « Comme le Père a la Vie en Lui-Même, ainsi Il a aussi donné au Fils d'avoir la Vie en Lui-Méme ». - Il enseigne aussi qu'Il est la Vie Même, Jean XI, 25 ; XIV, 6 - Puisque la vie et l'amour sont un, comme il a été dit aux Nos 1 et 2, il s'ensuit que le Seigneur, parce qu'Il est la Vie Même, est l'Amour Même.

    5. Pour comprendre cela, il faut absolument savoir que le Seigneur, parce qu'il est l'Amour dans son essence même, c'est-à-dire le Divin Amour, apparait comme Soleil devant les anges dans le ciel, et que de ce Soleil procèdent une chaleur et une lumière. La chaleur qui en procède est dans son essence l'amour, et la lumière, la sagesse. Autant les anges sont des réceptacles de cette chaleur et de cette lumière spirituelles, autant ils sont des amours et des sagesses, non des amours et des sagesses d'après eux-mêmes, mais d'après le Seigneur. Cette chaleur et cette lumière spirituelles influent non seulement chez les anges et les affectent, mais aussi chez les hommes dans la mesure où ils deviennent des réceptacles. Ils le deviennent selon leur amour envers le Seigneur et leur amour à l'égard du prochain. Ce Soleil lui-même, ou le Divin Amour, ne peut par sa chaleur et sa lumière créer quelqu'un immédiatenient d'après Lui-Même, car un être ainsi créé serait l'Amour dans son essence, qui est le Seigneur Lui-Même. Mais ce Soleil peut le créer d'après des substances et des matières formées de telle façon, qu'elles peuvent recevoir la chaleur même et la lumière même. Pareillement, le soleil du monde ne peut par sa chaleur et sa lumière, produire immédiatement des germinations dans la terre, mais il le peut par l'effet de sa chaleur et de sa lumière dans les matières de l'humus, et donner ainsi la végétation. On voit dans le traité du ciel et de l'enfer, aux N°s 116 à 140, que le Divin Amour du Seigneur apparaît comme Soleil dans le monde spirituel, et que de ce Soleil procèdent une chaleur et une lumière spirituelles, d'après lesquelles les anges ont l'amour et la sagesse.

    6. Puisque l'homme n'est pas la vie, mais qu'il est un réceptable de la vie, il s'ensuit que la conception de l'homme par le père n'est pas la conception de la vie, mais seulement celle de la première et de la plus pure forme qui peut recevoir la vie. A cette forme, comme à un noyau ou à un point de départ, se joignent successivement dans l'utérus, les substances et les matières adaptées en des formes pour la réception de la vie dans leur ordre et dans leur degré.

Le divin n'est pas dans l'espace

    7. Le Divin n'est pas dans l'espace, quoiqu'Il soit omniprésent chez l'homme dans le monde, chez l'ange dans le ciel et chez l'esprit sous le ciel. Cela peut être compris par l'idée spirituelle, mais ne peut l'être par l'idée purement naturelle, parce qu'en cette dernière il y a la notion de l'espace. En effet celle-ci a été formée d'après les choses qui sont dans le monde, et l'espace est dans toutes et chacune des choses qui sont vues par les yeux. Là, tout ce qui est grand, petit, long, large et haut, en un mot toute mesure, figure et forme appartiennent à l'espace. Ainsi par l'idée purement naturelle, on ne peut saisir que le Divin n'est pas dans l'espace, quand on dit qu'Il est partout. Néanmoins l'homme peut le saisir par la pensée naturelle, pourvu qu'en elle il admette quelque peu la lumière spirituelle. Pour cette raison, il sera d'abord traité de l'idée spirituelle, et ensuite de la pensée qui en découle. L'idée spirituelle ne tire rien de l'espace, mais elle tire tout de l'état. L'état dépend de l'amour, de la vie, de la sagesse, des affections, des joies qui en proviennent ; en général du bien et du vrai. L'idée vraiment spirituelle sur ces choses n'a rien de commun avec l'espace, elle est au-dessus, et elle regarde les idées d'espace au dessous d'elle comme le ciel regarde la terre. Puisque les anges et les esprits voient par les yeux comme les hommes dans le monde, et que les objets ne peuvent être vus que dans l'espace, il s'ensuit que dans le monde spirituel où sont les esprits et les anges, il apparait des espaces semblables aux espaces sur terre. Néanmoins ce ne sont pas des espaces mais des apparences d'espaces, car ils ne sont ni fixes, ni déterminés comme sur terre. En effet, ils peuvent être allongés, rétrécis, changés et variés. Ainsi, ne pouvant être déterminés par la mesure, ils ne peuvent être saisis par aucune idée naturelle, mais seulement par l'idée spirituelle. Pour celle-ci, les distances de l'espace ne sont autres que les distances du bien et les distances du vrai, qui sont des affinités et des ressemblances selon les états du bien et du vrai.

    8. Il en découle que l'homme, par une idée purement naturelle, ne peut saisir que le Divin est partout, et cependant n'est pas dans l'espace. Les anges et les esprits le saisissent clairement. L'homme aussi peut le comprendre, pourvu que dans sa pensée il admette quelque chose de la lumière spirituelle, alors c'est son esprit qui pense et non son corps, ainsi c'est son spirituel et non son naturel.

    9. Certains ne le comprennent pas, parce qu'ils aiment le naturel, et de ce fait ne veulent pas élever les pensées de leur entendement au-dessus du naturel, dans la lumière spirituelle. Ils ne peuvent alors penser que d'après l'espace, même à Dieu. Mais penser à Dieu d'après l'espace, c'est y penser d'après l'étendue de la nature. Ce préliminaire est nécessaire, car sans la connaissance et la perception que le Divin n'est pas dans l'espace, on ne peut rien comprendre de la Vie Divine, qui est l'amour et la sagesse. Et par suite, on ne comprendrait presque rien sur la Divine Providence, l'Omniprésence, l'Omniscience, l'Omnipotence, l'Infinité et l'Eternité dont il sera traité en série.

    10. Dans le monde spirituel, il apparaît des espaces comme dans le monde naturel, par conséquent aussi des distances, mais ce sont des apparences selon les affinités spirituelles qui appartiennent à l'amour et à la sagesse, ou au bien et au vrai. C'est pourquoi le Seigneur, bien qu'Il soit partout chez les anges dans les cieux, apparaît néanmoins, en haut, au-dessus d'eux comme Soleil. Puisque la réception de l'amour et de la sagesse fait l'affinité avec le Seigneur, les cieux où les anges sont, d'après la réception, dans une affinité plus proche, apparaissent plus près de Lui que ceux où les anges sont dans une affinité plus éloignée. Il s'ensuit que les cieux qui sont au nombre de trois, ont été aussi distingués entre eux ; il en est de même des sociétés de chaque ciel. De plus, les enfers qui sont sous les cieux, sont éloignés selon le rejet de l'amour et de la sagesse. Sur la terre aussi, le Seigneur est présent chez tous les hommes, pour l'unique raison qu'Il n'est pas dans l'espace.

Dieu est l'Homme Même

    11. Dans tous les cieux il n'y a d'autre idée de Dieu que l'idée d'un Homme. Il en est ainsi, parce que le ciel dans le tout et dans la partie, a la forme d'un homme, et que le Divin qui est chez les anges fait le ciel. Or, comme la pensée s'étend selon la forme du ciel, il est impossible aux anges de penser autrement de Dieu. Dans le monde aussi, tous ceux qui ont été conjoints au ciel, pensent pareillement de Dieu, quand ils pensent intérieurement ou dans leur esprit. Parce que Dieu est Homme, tous les anges et tous les esprits sont hommes dans une forme parfaite. Cela provient de la forme du ciel qui est toujours la même dans les très grands et dans les très petits. On voit dans le traité « Le ciel et l'enfer », aux N°s 59 à 87, que le ciel dans le tout et dans la partie a la forme d'un homme ; aux N°s 203, 204, que les pensées s'étendent selon la forme du ciel. Il est dit dans Genèse 1, 26, 27, que les hommes ont été créés, à l'image et à la ressemblance de Dieu. On sait aussi que Dieu a été vu comme Homme par Abraham et par d'autres. Les anciens, les sages comme les simples, n'ont eu de Dieu aucune autre pensée que celle d'un Homme. Quand ils ont commencé à adorer plusieurs dieux, comme ils l'ont fait à Athènes et à Rome, ils les ont tous adorés comme hommes. Ceci peut être illustré par ce passage extrait de l'opuscule « La continuation sur le jugement dernier » N° 74 :
    « Les nations, surtout les Africains, qui reconnaissent et adorent un seul Dieu, Créateur de l'univers, ont de Dieu l'idée d'un Homme. Ils refusent de croire que certaines personnes qui pensent que Dieu est une petite nuée quelque part, puissent être parmi les Chrétiens. Mais il leur est dit qu'une telle idée vient aux Chrétiens parce que Dieu dans la Parole, est appelé Esprit, et que pour ces Chretiens, un esprit est comme une petite nuée, parce qu'ils ne savent pas que les esprits et les anges sont hommes. Cependant on a examiné ceux qui reconnaissent intérieurement le Seigneur pour Dieu du ciel et de la terre, et on a découvert que leur idée spirituelle et leur idée naturelle n'étaient pas semblables. J'ai entendu un prêtre chrétien dire que personne ne peut avoir une idée du Divin Humain. On le conduisit successivement vers différentes nations qui avaient une perception de plus en plus intérieure, ensuite vers leurs cieux, et enfin vers le ciel chrétien. Partout il lui fut donné communication de leur perception intérieure sur Dieu, et il remarqua qu'ils n'avaient d'autre idée de Dieu, que celle d'un Homme, qui est la même que l'idée du Divin Humain ».

    12. Dans le Christianisme l'idée populaire de Dieu est celle d'un Homme, parce que Dieu est nommé personne, dans la doctrine de la Trinité Athanasienne. Ceux qui se croient plus sages que le peuple, déclarent Dieu invisible, parce qu'ils ne peuvent saisir comment Dieu, comme Homme, aurait pu créer le ciel et la terre, et remplir l'univers de Sa présence, ni saisir d'autres choses qui ne peuvent être comprises tant qu'on ignore que le Divin n'est pas dans l'espace. Mais ceux qui s'adressent au Seigneur Seul conçoivent le Divin Humain, ainsi Dieu comme Homme.

    13. On peut voir combien il est important d'avoir une juste idée de Dieu, en ce que cette idée de Dieu fait l'intime de la pensée chez tous ceux qui ont de la religion, car toutes les choses de la religion et toutes celles du culte regardent Dieu. Comme Dieu est universellement et particulièrement dans toutes les choses de la religion et du culte, il en résulte que sans une juste idée de Dieu, il ne peut y avoir communication avec les cieux. Ainsi chaque nation dans le monde spirituel obtient sa place selon son idée de Dieu comme Homme, car dans cette idée, et non dans une autre, il y a l'idée du Seigneur. On voit clairement par son opposé que l'état de la vie de l'homme après la mort est selon l'idée de Dieu confirmée chez lui, car la négation de Dieu, et dans le Christianisme la négation de la Divinité du Seigneur, fait l'enfer.

L'Être et l'Exister dans Dieu-Homme sont distinctement Un

    14. Où est l'Être, là est l'Exister l'un n'est pas sans l'autre, car l'Être est par l'Exister, et non sans Lui. Le rationnel le comprend quand il se demande s'il peut y avoir un Être qui n'Existe pas, et s'il peut y avoir un Exister sinon d'après l'Être. Puisque l'un n'est possible qu'avec l'autre, et non sans l'autre, il s'ensuit qu'ils sont un, mais distinctement un. Ils sont distinctement un comme l'amour et la sagesse. En fait l'amour est l'Être, et la sagesse est l'Exister, car il ne peut y avoir d'amour sans la sagesse ni de sagesse sans l'amour. Par conséquent lorsque l'amour est dans la sagesse, alors il existe. Ces deux sont tellement un, qu'ils peuvent, il est vrai, être distingués par la pensée, mais non en fait ; c'est pourquoi il est dit distinctement un. L'Être et l'Exister dans Dieu-Homme sont aussi distinctement un comme l'âme et le corps. Il ne peut y avoir d'âme sans son corps, ni de corps sans son âme. C'est la Divine Ame de Dieu-Homme qui est entendue par le Divin Être, et c'est son Divin Corps qui est entendu par le Divin Exister. C'est une erreur qui provient d'illusions que de croire que l'âme puisse exister sans le corps, et qu'elle puisse penser et être sage sans lui, car toute âme d'homme est dans un corps spirituel après qu'elle a rejeté l'enveloppe matérielle qu'elle portait dans le monde.

    15. L'Être n'est pas l'Être à moins qu'il n'Existe, parce qu'auparavant il n'est pas dans une forme. S'il n'est pas dans une forme, il n'a pas de qualité ; et ce qui n'a pas de qualité n'est pas quelque chose. Ce qui existe d'après l'Être, fait un avec l'Être parce qu'il vient de l'Être. Ainsi il y a l'union de deux en un, et c'est de là que l'un appartient à l'autre mutuellement, et que l'un est tout dans toutes les choses de l'autre comme en soi.

    16. D'après ces explications, on peut voir que Dieu est Homme, par conséquent qu'il est Dieu-Existant, existant non par Soi, mais en Soi. Celui qui existe en Soi est Dieu, de Qui procède toute chose.

Dans Dieu-Homme les Infinis sont distinctement Un

    17. On sait que Dieu est Infini, en effet il est appelé Infini. Mais il est appelé Infini, parce qu'il est Infini. Il est Infini, non seulement parce qu'il est l'Être Même et l'Exister Même en Soi, mais parce que les Infinis sont en Lui. L'infini sans les Infinis en Lui n'est Infini que de nom seulement. Les Infinis en Lui ne peuvent être appelés ni infiniment nombreux, ni infiniment tous, à cause de l'idée naturelle attachée aux expressions «nombreux» et «tous» car l'idée naturelle d'infiniment nombreux est limitée, et celle d'infiniment tous est illimitée, il est vrai, mais elle tient aux choses limitées dans l'univers. Ainsi, l'homme parce qu'il est dans l'idée naturelle, ne peut par sublimation, ni par approximation venir dans la perception des Infinis en Dieu. Mais l'ange, parce qu'il est dans l'idée spirituelle, peut par sublimation et par approximation venir au dessus du degré de l'homme, sans cependant atteindre cette perception.

    18. Celui qui croit en Dieu peut trouver en lui la preuve que les Infinis sont en Dieu. Puisque Dieu est Homme, Il a un corps et tout ce qui appartient au corps, c'est-à-dire une face, une poitrine, un ventre, des lombes, des pieds, car sans ces parties Il ne serait pas Homme. Puisqu'il a ces parties, Il a aussi des yeux, des oreilles, des narines, une bouche, une langue, et aussi les parties qui sont intérieurement dans l'homme, comme le cœur et le poumon, et celles qui en dépendent, qui toutes prises ensemble font que l'homme est homme. Dans l'homme créé, ces parties sont en grand nombre, et considérées dans leur contexture, elles sont innombrables. Mais dans Dieu-Homme, elles sont infinies, rien n'y manque, d'où découle Son Infinie Perfection. Il est fait une comparaison de l'Homme incréé, qui est Dieu, avec l'homme créé, parce que Dieu est Homme et que Lui-même a dit que l'homme a été créé à Son image et selon Sa ressemblance, - Gen. 1, 26, 27.

    19. Pour les anges, d'après les cieux dans lesquels ils sont, il est bien plus évident que les Infinis sont en Dieu. Le ciel entier, qui consiste en myriades de myriades d'anges, dans sa forme universelle est comme un homme. Il en est de même de chaque société du ciel, tant grande que petite. Il s'ensuit que l'ange est homme, car un ange est le ciel dans sa forme la plus petite. On le voit dans le traité « Le ciel et l'enfer », N°s 51 à 86. Le ciel, dans le tout, dans la partie et dans l'individu, est dans une telle forme d'après le Divin que les anges reçoivent, car autant l'ange reçoit du Divin, autant il est homme dans une forme parfaite. C'est pourquoi il est dit que les anges sont en Dieu, et que Dieu est en eux, et aussi que Dieu est leur tout. Il est impossible de décrire quelle multitude de choses il y a dans le ciel. Comme le Divin fait le ciel, et que par conséquent cette multitude inexprimable de choses procède du Divin, il devient bien évident que les infinis sont dans l'Homme Même, qui est Dieu.

    20. On peut tirer une semblable conclusion d'après l'univers créé, quand on le considère par les usages et leurs correspondances. Mais au préalable des explications sont nécessaires pour une bonne compréhension.

    21. Puisque dans Dieu-Homme, il y a les infinis, qui, dans le ciel, dans l'ange et dans l'homme, apparaissent comme dans un miroir, et puisque Dieu-Homme n'est pas dans l'espace, ainsi qu'il a été montré ci-dessus, N°s 7 à 10, on peut en quelque sorte voir et saisir comment Dieu peut être Omniprésent, Omniscient et Tout-Prévoyant, et comment il a pu en tant qu'Homme créer toutes choses, et peut en tant qu'Homme tenir éternellement dans leur ordre toutes les choses créées par Lui.

   22. D'après l'homme, on peut encore voir comme dans un miroir, que les infinis sont distinctement un dans Dieu-Homme. Dans l'homme il y a unequantité innombrable de parties comme il a déjà été dit, néanmoins l'homme les sent comme un. Par la sensation il ne sait rien de ses cerveaux, de son cœur, de ses poumons, de son foie, de sa rate et de son pancréas ; ni rien des parties innombrables qui sont dans les yeux, dans les oreilles, dans la langue, dans l'estomac, dans les organes de la génération, et dans toutes les autres choses qui le constituent ; et parce qu'il ne sait rien par la sensation, il est pour lui-même comme un. Il en est ainsi, parce que toutes ces choses sont dans une telle forme, qu'il ne peut en manquer une seule, car l'homme est une forme récipiente de la vie qui procède de Dieu-Homme, comme il a été démontré ci-dessus, N°s 4, 5, 6. D'après l'ordre et la connexion de toutes ces choses dans une telle forme, le sentiment et par suite l'idée se présentent comme si elles étaient non pas en quantité innombrable, mais un. On peut donc conclure que ces parties en quantité innombrable, qui font comme un dans l'homme, sont distinctement et même très distinctement un dans l'Homme Même qui est Dieu.

Il y a un seul Dieu-Homme de qui procèdent toutes choses

    23. Tout ce qui appartient à la raison humaine se réunit et pour ainsi dire se concentre pour conclure qu'il n'y a qu'un seul Dieu Créateur de l'univers. Par conséquent, l'homme qui a de la raison, d'après la nature même de son entendement, ne pense et ne peut penser autrement. Un homme qui jouit d'une raison saine éprouvera immédiatement de la répugnance s'il entend dire qu'il y a deux Créateurs de l'univers. Il est donc évident que tout ce qui appartient à la raison humaine se réunit et se concentre pour conclure qu'il n'y a qu'un seul Dieu. Voici quelles en sont les deux causes :

    l° ) La faculté même de penser rationnellement, considérée en elle-même, appartient non pas à l'homme, mais à Dieu chez l'homme. De cette faculté dépend la raison humaine dans sa généralité, et cette généralité fait que l'homme voit, comme par lui-même que Dieu est un.

    2° ) L'homme, par cette faculté, est dans la lumière du ciel, ou tire la généralité de sa pensée de cette lumière ; et l'universel de la lumière du Ciel est que Dieu est un. Il en est autrement si l'homme, d'après cette faculté, a perverti les parties inférieures de son entendement. Un tel homme, il est vrai, jouit de cette faculté, mais par la torsion de ces parties inférieures, il l'a tournée dans un sens contraire, et sa raison cesse d'être saine.

    24. Tout homme, sans le savoir, pense d'une assemblée d'hommes comme d'un seul homme. C'est même pour cela qu'il perçoit aussitôt, quand on dit que le roi est la tête et les sujets le corps, que tous forment partie d'un corps commun qui est le royaume. Il en est du corps spirituel comme du corps civil. Le corps spirituel est l'Eglise, et sa tête est Dieu-Homme. Si on ne pensait pas à un seul Dieu Créateur et Conservateur de l'univers, mais à plusieurs dieux, l'église n'apparaîtrait plus comme un homme, mais comme un corps à plusieurs têtes, donc comme un monstre. Si on disait que ces têtes ont une seule essence, et qu'ainsi elles font ensemble une seule tête, il n'en pourrait résulter d'autre idée sinon qu'une tête a plusieurs faces, ou que plusieurs têtes ont une seule face, ainsi l'Eglise dans cette perception, se présenterait difforme. Mais en vérité, un seul Dieu est la tête, et l'Eglise est le corps, qui agit au gré de la tête, et non de lui-même. Il en est de même pour l'homme. Il en résulte qu'il ne peut y avoir qu'un seul roi dans un royaume, car plusieurs en détruiraient l'unité.

    25. Il en est de même de l'Eglise qui est répandue sur tout le globe, et qui est nommée Communion, parce qu'elle est comme un seul corps sous une seule tête. Celle-ci dirige à son gré le corps, car dans la tête résident l'entendement et la volonté. Ceux-ci mettent en action le corps, à tel point que ce dernier ne fait qu'obéir. Comme le corps ne peut rien faire sans l'entendement et la volonté, de même l'homme de l'Eglise ne petit rien faire sans Dieu. Il semble que le corps agisse de lui-même, que les mains et les pieds se meuvent d'eux-mêmes, que la bouche et la langue en parlant remuent d'elles-mêmes, cependant il n'en est rien, car ils agissent d'après l'affection de la volonté, et par suite d'après la pensée de l'entendement, qui sont dans la tête. Si un seul corps avait plusieurs têtes, et que chaque tète fût indépendante quant à son entendement et à sa volonté, ce corps pourrait-il subsister ? Il n'y aurait pas entre elles l'unité d'action telle qu'elle existe avec une seule tête. S'il en est ainsi dans l'Eglise, il en est de même dans le ciel qui se compose de myriades de myriades d'anges ; si tous et chacun ne portaient leurs regards vers un Seul Dieu, ils s'éparpilleraient et le ciel serait dissipé. C'est pourquoi dès qu'un ange du Ciel pense seulement à plusieurs dieux, il est aussitôt séparé, car il est repoussé jusqu'aux derniers confins des cieux, et il tombe.

    26. Comme tout le ciel et toutes les choses du ciel se réfèrent à un seul Dieu, le langage angélique est tel, que par une certaine harmonie découlant de l'harmonie du ciel, il se termine en une unité d'expression, indice qu'il est impossible aux anges de penser autrement qu'à un seul Dieu, car le langage procède de la pensée.

    27. Tout homme raisonnable doit percevoir que le Divin est indivisible, et qu'il n'y a ni plusieurs infinis, ni plusieurs incréés, ni plusieurs tout-puissants, ni plusieurs dieux. Si quelqu'un, privé de raison, disait le contraire et affirmait que cette pluralité peut exister, pourvu qu'elle soit d'une même essence et forme ainsi un seul Infini, un seul Incréé, un seul Tout-Puissant et un seul Dieu, cette même essence ne serait-elle pas une même chose ? Et une même chose peut-elle être chez plusieurs ? Si l'on disait que l'un procède de l'autre, alors celui qui procède d'un autre n'est pas Dieu en soi, et cependant Dieu en soi est Dieu de qui procède toute chose, voir ci-dessus 16.