XI

 

DU BON USAGE DES ÉPREUVES

 

 

VINCENT : En vérité, mon cher oncle, cette catégorie d'épreuves comporte en soi plus de réconfort que les deux autres.

 

ANTOINE : Indubitablement. Pourtant, je ne vous ai pas encore parlé du plus grand sujet de consolation et celui-là vous pouvez le trouver dans n'importe quel malheur, car je n'ai cité, à propos des épreuves qui nous sont envoyées pour nos péchés, que deux sujets de soulagement : j'ai dit qu'elles nous empêchent de commettre certains péchés, et que par les mérites de Jésus-Christ, elles nous gardent de l'enfer et nous épargnent certaines peines du purgatoire. Mais voici maintenant une autre source de joie. Si, quand nous subissons une épreuve pour nous laver d'un péché, même véniel, même peu apparent aux yeux du monde, nous prions pour avoir la grâce de la supporter avec patience, si, reconnaissant devant Dieu que cette épreuve est peu de chose comparée à nos fautes, nous le supplions non seulement d'être assez miséricordieux pour accepter ce mal en rémission de nos péchés, mais aussi de prendre en considération notre patience à la supporter et de nous en récompenser dans le ciel, alors, je ne doute pas que Dieu, dans sa grande bonté, nous accordera cette faveur. En enfer, toute souffrance est un châtiment et rien de plus, car le moment de la purification est passé. Au purgatoire, la douleur ne peut servir qu'à la purification, car il est trop tard pour acquérir des mérites, mais pendant que nous sommes en ce monde, l'épreuve qui nous est envoyée pour nos péchés n'est pas seulement un châtiment et une purification, elle nous obtient aussi, si nous le voulons, une récompense. J'ai confiance en la bonté de Dieu et je crois qu'il en va ainsi de toute bonne action spontanée, de toute pénitence imposée par un confesseur et accomplie de bon gré. Nous ne pouvons, par nos seuls mérites, obtenir cette faveur, mais les mérites de Jésus-Christ sont aux nôtres ce que le chargement d'un bateau est au contenu d'une cuiller, la bonté et la sagesse de Dieu sont si grandes que notre aveugle nature humaine ne peut en concevoir l'immensité et Dieu, si nous supportons patiemment nos épreuves, si nous le lui demandons avec confiance, nous accordera non seulement de nous laver de nos péchés mais aussi de nous attribuer telle compensation qu'il jugera la meilleure pour nous.

 

Ainsi, vous le voyez, les moindres épreuves comportent de bien plus grandes causes de consolation que je ne l'avais dit d'abord.