XVI
ENCORE UN ARGUMENT POUR NE PAS PERDRE COURAGE EN CAS DE PERTE DES BIENS TERRESTRES
ANTOINE : Il suffirait de bien moins, mon cher neveu, en demandant l'aide de Dieu, sans laquelle tout ceci serait inutile. Mais la ferveur de la foi chrétienne diminue beaucoup de nos jours, c'est comme un feu qui devrait être ranimé.
Or je pense que pour un vrai fidèle, une seule considération suffirait à rendre du courage.
VINCENT : Et qu'est-ce, mon oncle ?
ANTOINE : Il lui suffirait de se rappeler la pauvreté que Notre-Seigneur a volontairement supportée pour nous. Imaginez qu'un grand roi, par amour pour son serviteur, pour le tirer d'un danger se soit dépouillé à la fois de sa fortune et de sa royauté, que le serviteur, peu après, se soit fait quelques économies, il est inconcevable que ce serviteur refuse de risquer de les perdre, si besoin est, pour venir en aide à son maître.
Considérons la grande bonté de Notre-Seigneur envers nous quand nous n'étions même pas ses serviteurs mais plutôt ses adversaires et quelle fortune humaine il a volontairement laissée pour nous, car il était en réalité roi de ce monde. Mais au lieu d'en profiter et afin de nous rendre riches au paradis, il a vécu ici-bas dans la misère et la pauvreté et il n'a voulu ni d'un trône, ni de la fortune. Si nous nous en souvenions, chacun de nous abandonnerait volontiers tout ce que Dieu lui a prêté, plutôt que de lui être infidèle, car c'est lui qu'ils abandonnent s'ils renient la foi chrétienne.
Pour en finir avec ce qui concerne la peur de perdre les biens de ce monde, songeons aux minces avantages qu'ils présentent, de quels durs labeurs ils sont payés, songeons à la brièveté du temps pendant lequel nous en pouvons jouir, de quel chagrin leur plaisir est mêlé, quel tort cela fait à l'âme d'y être attachée, quelle perte cela représente de vouloir les garder en perdant le Christ, quel bénéfice cela représente pour nous de les perdre pour l'amour du Christ, disons-nous qu'il vaut mieux les bien distribuer que de les garder pour un mauvais motif ; et finalement n'oublions pas que ce serait ingrat de notre part d'abandonner pour eux le Christ qui pendant qu'il vécut pour nous refusa le trône du monde. Nous parlerons plus tard de ses souffrances et de sa mort cruelle.
Méditons profondément ces pensées, prions Dieu de les imprimer dans nos curs. Si nous conservons bien ferme l'espoir de son secours, alors, comme dit prophète : « Il nous enveloppera comme d'un bouclier » et nous ne craindrons pas, dans cette persécution du démon de midi, un quelconque arrachement des biens de ce monde. Si nous renonçons au mince plaisir qu'ils nous donnent sur cette terre, nous serons éternellement récompensés par Dieu dans l'éternelle félicité et l'éternelle gloire.