LA RAISON

 

 

Un esprit qui ne se sentirait pas l'attrait d'aimer Dieu et le prochain, s'y laissera facilement convaincre par la raison. Cette voie est d'autant plus sainte et sûre qu'elle est plus directe. Elle est plus directe parce que rien n'est plus pur que l'amour guidé par la raison. La raison se sert de trois considérations pour exciter l'esprit à désirer son Créateur. L'homme doit aimer Dieu parce qu'il le sauve de la damnation ; deuxièmement, parce que son bonheur est d'obtenir de lui la gloire du ciel ; enfin, parce que Dieu nous a aimés le premier et qu'il est juste de l'aimer en retour. L'homme doit désirer Dieu comme son bien, car sans lui il sera toujours malheureux et avec lui, il ne peut être que suprêmement heureux. Qu'il pense aussi que Dieu, n'ayant pas besoin de nos biens, a voulu connaître notre misère.

 

Si l'âme consent à ces raisons, sa volonté s'anime du désir de Dieu, même si elle n'y éprouve aucun attrait. Et la raison continue son œuvre, en lui montrant qu'il est nécessaire d'accomplir les commandements de Dieu, si elle veut atteindre l'objet de son désir. Car c'est la raison encore qui nous fera traduire en actes ce désir qu'elle a fait naître à l'intime de notre cœur. Elle nous fait estimer, comme un très grand commandement, celui qui nous fait nous occuper de notre prochain comme de nous-mêmes. Tout prochain, en effet, est homme, ami ou ennemi. En tant qu'homme, la nature et le précepte nous commandent de l'aimer ; pour l'ennemi, le précepte est également formel ; enfin, comme ami, nous l'aimons à un titre spécial. L'esprit obéit donc à la raison quand il aime son prochain, non seulement ses amis, mais ses ennemis. Et ici encore, l'âme n'a pas moins de charité, si elle n'y trouve aucun attrait.