AMOUR DE SYMPATHIE ET AMOUR DE RAISON

 

 

Nous avons donc distingué un amour qui suivait un attrait et un amour commandé par la raison. L'âme qui progresse et veut un amour ordonné, hésite souvent et s'inquiète lorsqu'il lui semble se donner trop ou pas assez à ceux qu'elle doit aimer. L'ordre de l'amour, en effet, est de ne pas aimer ce qu'il ne faut pas aimer ; d'aimer ce qu'il faut aimer mais pas plus qu'il ne faut : enfin, de ne pas aimer de la même manière ce qu'il faut aimer différemment.

 

Plaçons-nous deux hommes sous les yeux. L'un est aimable, tranquille, agréable et affable, capable de tout partager, d'une conversation attrayante et d'humeur égale, mais il est moins vertueux que le second qui, très avancé dans la vertu, présente au contraire un visage triste, sévère et un front tendu par l'austérité ; il est bon pour tout le monde et généreux mais d'un abord peu agréable. Pour aimer le premier, l'âme n'aura qu'à suivre l'attrait qui l'y pousse spontanément, tandis que pour le second, il faudra que la raison et la loi de la charité la forcent à l'aimer. Quiconque se sent ainsi tantôt éprouver du plaisir à aimer et tantôt rester froid et sans élan, s'inquiète, hésite et craint de passer la mesure de la loi de la charité pour l'un et ne pas faire assez pour l'autre.