Sermon pour la fête de saint Benoit (suite)

 

LES TROIS HEURES DU JOUR

 

 

L'Écriture nous parle souvent des heures du jour. Le matin qui en est le commencement ; le midi, quand la lumière divine est parfaite et le soir, qui est le déclin de la journée. Saint David en parle dans un psaume : « Le soir et le matin et à midi, je me plains et frémis : il entendra mon cri » ( Ps. 54, 18). La lumière commence le matin, c'est le début de la vie, c'est l'humilité ; puis vient l'ardeur du midi, perfection de la vie, c'est la charité ; enfin vient le soir, le temps se fait court, temps d'épreuves, c'est la chasteté.

 

L'humilité ressemble au matin qui fait la division du jour et de la nuit, de la lumière et des ténèbres, car elle aussi distingue les vices des vertus. C'est le début de toute vie vertueuse. Quiconque abandonne les ténèbres des vices, doit commencer par acquérir cette vertu et croître en vertus jusqu'au milieu du jour, c'est-à-dire jusqu'à la charité, splendeur du plein midi. Le soir, s'il est reçu avec reconnaissance, exprime la vertu de chasteté, quand le feu des passions tombe, quand la chair et la volupté du monde et toute sa gloire s'évanouissent avec le jour. Il faut ces trois vertus pour qu'on puisse dire de quelqu'un au soir de la vie, qu'il est rempli de jours (Gen. 25, 8).

 

Et pour ajouter encore quelques passages de l'Ecriture illustrant ces moments du jour (1), c'est en plein midi qu'Abraham exulta de voir le jour du Seigneur. « Il le vit et en fut heureux » (Joa. 8, 56). Il vit ce jour du Seigneur quand il reçut trois anges, figure de la sainte Trinité. Joseph aussi reçut ses frères à midi et prit son repas avec eux (Gen. 43, 34). C'est l'heure à laquelle le Seigneur Jésus monta sur la croix, donnant cet exemple admirable de sa charité. « Personne n'a de plus grand amour, que celui qui donne sa vie pour ses amis » (Joa. 15, 13). Le soir et le matin sont les moments où Moïse offrait les sacrifices quotidiens et c'est aussi alors que les corbeaux apportaient à Elie, sa nourriture. « Les corbeaux lui apportaient du pain le matin et de la viande, le soir »(1 R. 17,6). « Le soir et le matin et à midi, je me plains et frémis, il entendra mon cri. »

 

Celui qui possède ces vertus, l'humilité qui est le début de la conversion, la charité qui est la perfection de la vie, la chasteté qui semble être la récompense de cette perfection, celui-là est le juste et ses lèvres méditent la sagesse. Il peut, comme Isaac, sortir pour méditer au déclin du jour. Le déclin du jour peut signifier les tribulations de ce monde et ses tentations. Car le matin, c'est la tranquillité, le midi, la splendeur de la perfection, et le soir, les difficultés et l'adversité.

 

 

(1) Ce souci de rassembler des textes sur « midi », répond peut-étre à l'invitation d'Origène : « Remarque avec attention les endroits où tu lis : midi ». Et Origène cite les deux textes où il est fait mention d'Abraham et de Joseph ORIGENE. Homélies sur le Cantique des Cantiques, Intr. trad. et notes de Dom O. ROUSSEAU, Sources chrétiennes, 37, p. 76.