ORIGINE DE L'AMITIÉ

 

 

Quelle est l'origine de l'amitié dans l'humanité ? Etait-elle inscrite dans la nature ? A-t-elle été un effet du hasard ou une nécessité ? Ou bien son usage a-t-il été imposé au genre humain par un précepte ou une loi ? À celui qui se pose cette question, il faut répondre, je crois, que la nature elle-même a mis ce sentiment aux cœurs des hommes ; que l'expérience l'a ensuite développé et qu'enfin l'autorité de la loi lui a donné ses normes.

 

Elle peut naître parmi les bons, croître parmi les meilleurs, mais elle ne se trouve en perfection que chez les parfaits. Le Christ lui-même a fixé une limite à l'amitié:  Personne ne peut avoir un plus grand amour, que celui qui donne sa vie pour ses amis » (Joa. 15, 13). Voilà jusqu'où doit aller l'amour entre amis : jusqu'à vouloir mourir les uns pour les autres.

Voyons maintenant comment l'amitié est un degré dans la connaissance et l'amour de Dieu. En amitié, rien de malhonnête, de feint ou de simulé. Tout y est saint, délibéré et vrai. Ce sont également les caractéristiques de la charité, mais l'amitié s'en distingue clairement et voici sa prérogative : pour ceux qu'elle unit étroitement, tout n'est plus que joie, assurance, charme et douceur. La charité nous commande d'aimer des gens qui nous sont à charge et qui nous font souffrir. Nous le faisons en toute sincérité, honnêtement, sans feinte et vraiment avec toute notre bonne volonté. Toutefois, nous ne les admettons pas dans les secrets de notre amitié. Par contre, dans l'amitié, si nous sommes sincères, c'est que cela nous plait ; nous voulons du bien mais ce nous est un plaisir, nous agissons avec une joyeuse spontanéité.

 

Or, tout cela commence dans le Christ, progresse grâce au Christ et trouve sa perfection en lui. Et n'est-il pas normal que du Christ inspirateur de mon amitié pour quelqu'un, je m'élève jusqu'au Christ qui m'offre son amitié. Rien de difficile en cela, c'est un élan de l'âme qui suit un autre élan de l'âme. L'ami qui adhère à son ami, dans l'esprit du Christ, ne fait plus qu'un esprit avec lui. De ce degré d'amour, il accède à l'amitié du Christ lui-même et devient un seul esprit avec lui dans un baiser spirituel. C'est à ce baiser qu'aspirait la sainte âme qui disait : « Qu'il me baise d'un baiser de sa bouche » (Cant. 1, 1).