CHAPITRE XXX

 

La Simplicité

 

 

1. La simplicité véritable et parfaite consiste à ne nuire à personne, mais à être utile à tous, comme le dit la Glose sur les paraboles (1). C'est la première vertu que l'on fait valoir chez Job. « Il y avait, dans le pays de Hus, un homme du nom de Job, et cet homme était simple et droit » (ch. 1, v. 1). Apparemment, cette vertu l'emportait, en lui, sur toutes les autres.

C'est elle aussi que le Seigneur a ordonnée, lorsqu'il envoya ses apôtres dans le monde pour appeler les incrédules à l'unité de la foi catholique : « Soyez prudents comme les serpents et simples comme les colombes » (Matt., ch. 10, v. 16). Dans son commandement, il joint la prudence à la simplicité ; car la prudence sans la simplicité, c'est de la ruse ; la simplicité sans la prudence, c'est de la sottise. La colombe ne blesse ni du bec ni des ongles ; de même, l'âme vraiment simple ne fait du mal ni en parole ni par action.

 

2. Il aime vraiment la simplicité, celui qui ne s'occupe pas, comme Marthe, à une multitude d'affaires, – car le grand nombre entraîne la complication– mais qui n'en cherche qu'une seule, celle dont Notre-Seigneur disait : « Une seule chose est nécessaire » (Luc, ch. 10, v. 42) ; et il en félicitait Marie-Madeleine : « Elle a choisi la meilleure part qui ne lui sera pas enlevée. » Il s'agit du seul Bien, où se trouvent tous les biens, immenses et éternels.

 

3. Les avantages de la simplicité doivent nous exciter à l'amour de cette vertu. Il est écrit que Dieu aime à s'entretenir avec les âmes simples » (Prov., ch. 3, v. 32). Le Seigneur est familier avec elles et il ne dédaigne pas de leur révéler ses secrets. Ainsi, aux apôtres qui empêchaient les petits enfants d'aller jusqu'à lui, Notre-Seigneur disait : « Laissez-les, ne les empêchez pas de venir à moi, car le royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent » (Matt., ch. 19, v. 14). Sans cette vertu, le salut est impossible : « Si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux » (ch. 18, v. 3). Le Seigneur Jésus ne dit pas : Si vous ne devenez petits enfants, mais « comme les enfants », ce qui signifie simples et innocents.

Voici une autre utilité de cette vertu. « Celui qui marche dans la simplicité marche en confiance » (Prov., ch. 10, v. 9). La voie de la simplicité, c'est le chemin le plus sûr dans le royaume des cieux. « Dieu protégera ceux qui marchent dans la simplicité » (ch. 2, v. 7).

 

4. Les preuves de la simplicité véritable sont de bien présumer de tous, loin de tourner en mauvaise part les actions du prochain ; de ne dénaturer le bien de personne ni de le diminuer ; de ne souhaiter le mal à aucun et de désirer le salut de tous, de faire de bonnes actions et de les bien faire, d'avoir des idées justes sur Dieu et de le chercher dans la simplicité du cœur, de se soumettre aussi à sa volonté et de garder ses commandements.

 

5. Il est convaincu de duplicité, celui dont les paroles diffèrent des pensées et des actions. Ainsi Joab s'apprête à baiser Amasa en lui disant : Salut, mon frère ; mais en même temps il tire en secret son épée et le frappe mortellement (IIe livre des Rois, ch. 20, v. 9-10).

Le Seigneur Jésus s'oppose à cette duplicité : « Que votre langage soit : Cela est, cela n'est pas » (Matt., ch. 5, v. 37) ; autrement dit : Ce que vous avez dans le cœur, proférez-le de vive voix et montrez-le par vos œuvres. « L'homme à deux âmes est inconstant dans toutes ses voies » (Jacq., ch. 1, v. 8). Notre-Seigneur maudit les hommes de duplicité qui veulent servir en même temps Dieu et le diable, ou s'exercer au péché et aux bonnes œuvres. Et il disait à leur adresse : « Personne ne peut servir deux maîtres » (Matt., ch. 6, v. 24) ; il s'agit de deux maîtres qui s'opposent : le bien et le mal, la vertu et le vice sont absolument contraires. Et pour ceux qui voudraient plaire à Dieu et au monde, voici la pensée de saint Jacques : « Quiconque veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu » (ch. 4, v. 4).

Se montrer simple, à l'extérieur, dans la manière de se conduire, et porter la fourberie dans son mur, c'est une marque de fausse simplicité. Jérémie s'en plaignait de la sorte : « Que chacun de vous se garde de son ami ; et ne vous fiez à aucun frère, car les frères se supplanteront les uns les autres, et les amis sont des trompeurs » (ch. 9, v. 5).

 

 

(1) On n'a pas trouvé cette glose.