Chapitre deuxième 

Les Anges tels qu ils sont définis par les Dictionnaires

 

     UNE incursion à travers les Dictionnaires de différentes époques nous donnera des vues intéressantes sur la façon de définir la nature des anges et sur la compréhension de leur mission à l'époque de la parution du Dictionnaire. Nous commencerons par reproduire les détails circonstanciés que nous trouvons dans le Grand Dictionnaire historique de L. Moreri, prêtre et Docteur en théologie. Cet important ouvrage en six volumes in-folio, paru à Baie en 1731, reflète bien les notions d'angéologie de cette époque, notions héritées du Moyen Age et de la Renaissance. Etudions donc l'enseignement donné par ce savant Docteur sur les anges:

       ANGE, nom commun à tous les esprits célestes. On l'attribue particulièrement à ceux du dernier Ordre de la troisième Hiérarchie. Ce mot vient du grec Aggelos qui signifie messager ou envoyé. On fait encore une autre différence des Anges aux Archanges, en ce que les Anges sont envoyés pour les choses ordinaires, et les Archanges pour les choses plus importantes. On sait qu'en général les Anges sont divisés en trois Hiérarchies et chaque Hiérarchie en trois Ordres. La première Hiérarchie est des Séraphins, des Chérubins et des Thrônes. La seconde des Dominations, des Vertus et des Puissances. Et la troisième ou dernière, des Principautés, des Archanges et des Anges.

       Les Séraphins sont des esprits brûlant d'un amour plus ardent que les autres.

       Les Chérubins sont plus éclairés que les autres, à qui ils communiquent leur lumière et leur science.

       Les Thrônes sont des esprits qui servent comme de thrône à la majesté de Dieu.

       Les Vertus excellent en force, pour opérer des choses miraculeuses.

       Les Puissances arrêtent le pouvoir et la malice des démons.

       Les Dominations ont emprise sur les hommes.

       Les Principautés ont pouvoir sur les Royaumes pour les garder et les défendre.

       Nous avons marqué la différence des Anges et des Archanges.

       Les philosophes païens, et surtout les Platoniciens, ont enseigné qu'il y avait des êtres spirituels au-dessous de la souveraineté divine, qui avaient part au gouvernement du monde. Ils ont admis de bons et de mauvais génies: c'est ce que l'on appelle Anges et Démons. Les Samaritains même et les Caraïtes ne disconviennent pas qu'il y en ait. Les Mahométans les admettent. Jésus-Christ et les Apôtres ont rendu témoignage à l'existence des Anges et des Démons. Toute l'antiquité chrétienne a cru qu'il y en avait. Mais la plupart des anciens Pères ont supposé qu'ils avaient des corps, quoique subtils. Les Théologiens ont tenu, suivant la définition du Concile de Latran, qu'ils étaient des êtres purement spirituels, que Dieu avait créés avant de créer le monde corporel ou en même temps. Ils ont agité plusieurs questions sur le nombre, l'ordre, la nature et les facultés; questions qui n'ont aucune solidité, et qui ne peuvent la plupart être décidées, ni par l'Ecriture, ni par la tradition. L'Auteur des livres de la Hiérarchie céleste, qui a écrit à la fin du Ve siècle et qui n'est point saint Denys, l'Aréopagite, est le premier qui ait distingué les Anges en trois Hiérarchies, et en neuf Ordres. Les Juifs distinguent aussi différents ordres des Anges, et mettent à la tête des Anges, un premier Ange qu'ils appellent Metraton, qui est le saint Michel des Chrétiens. Ils reconnaissent des Anges tutélaires des nations, et leur attribuent le gouvernement des astres; ils ont honoré les Anges; ils ont même poussé ce culte trop loin: les Juifs modernes les honorent encore, et leur adressent leurs prières...

       Les Chrétiens croient que les Anges sont, comme dit saint Paul, les Ministres de Dieu, qu'il envoyait pour avoir soin des choses d'ici-bas, et que non seulement les Royaumes et les Provinces, mais même tous les Chrétiens en particulier ont des Anges gardiens. Ce sentiment n'est pas universel. Ils enseignent que tous les Anges ayant été créés saints et parfaits, plusieurs sont déchus de cet état par orgueil, et qu'ils ont été précipités dans l'enfer, et condamnés à des peines éternelles, pendant que les autres ont été confirmés en grâce, et qu'ils sont bienheureux pour toujours... A l'égard des bons Anges, on est persuadé qu'ils ne travaillent qu'au bien et au salut des hommes, à moins que Dieu ne leur commande de punir les méchants... Les Catholiques Romains n'honorent que trois Anges: Michel, Raphaël et Gabriel, dont il est fait mention dans les Ecritures Saintes. Pour Uriel son culte est équivoque.

       Dans le Dictionnaire encyclopédique théologique de Migne, nous trouvons, dû à la plume de l'Abbé Bertrand, un article détaillé sur la nature et le comportement des anges. Nous avons là un tableau des croyances des religieux vers 1848, date de la parution de cette étude.

 

ANGES : Messagers, parce que Dieu s'est servi plusieurs fois d'eux pour communiquer avec les hommes et faire connaître à ceux-ci ses volontés.

Il y a neuf Ordres ou Chœurs disposés en trois Hiérarchies. En voici le tableau:

Séraphins

Chérubins

Trônes

Dominations

Vertus

Puissances

Principautés

Archanges

Anges

 

     D'après saint Denys, telles sont leurs qualités et attributions:

          Les Séraphins excellent par leur amour.

          Les Chérubins excellent par leur silence.

          Sur les Trônes règne la majesté divine.

          Les Dominations ont autorité sur les hommes.

          Les Vertus renferment la force des miracles.

          Les Puissances s'opposent aux démons.

          Les Principautés veillent sur les empires.

          Les Archanges et les Anges sont les messagers de Dieu.

 

          Les missions les plus importantes sont réservées aux Archanges. Michel est considéré comme le prince de la milice céleste, le plus redoutable adversaire des démons. Gabriel annonce ce qui a rapport à l'incarnation. Raphaël signifie guérison de Dieu.

          Les Anges prennent forme pour apparaître aux hommes.

          Apparitions en corps: Abraham lava les pieds des trois Anges sous le chêne de Mambré.

          Jacob lutta corps à corps avec un ange qui le blessa pour démontrer que la lutte avait été réelle.

          Raphaël but et mangea pendant trois mois avec Tobie.

          Manifestations en apparence d'un corps qu'on ne peut ni saisir ni toucher.

          Manifestations sans corps, par le son ou la parole; tel fut le cas de Moïse qui entendit l'Ange du Seigneur lui parler au nom de Dieu dans le buisson ardent.

          D'autres fois les Anges parlent à l'occasion de visions extatiques ou dans un songe pendant la nuit. Jamais ils ne sont apparus avec des ailes, mais si on les gratifie d'ailes dans leurs représentations picturales, c'est là un symbole pour marquer la promptitude avec laquelle ils exécutent la volonté de Dieu.

          Pour ce qui est de l’Ange gardien, tout chrétien en a un; Origène dit que cet ange est donné au moment du baptême, tandis que saint Grégoire affirme que tout homme venant au monde a son Ange gardien.

        L'Église célèbre le 29 septembre la fête de saint Michel et de tous les Anges et le 2 octobre celle des Anges gardiens.

        Les Chrétiens orientaux ont une autre classification des Anges:

Anges

Archanges

Dominations

Magistrats

Trônes

Principautés

Puissances

Chérubins

Séraphins

 

        Les Juifs enseignent que quatre anges environnent sans cesse le trône de la Majesté Divine: Michel se tient à droite, Uriel à gauche, Gabriel et Raphaël derrière. Les Juifs également reconnaissent dix classes d'Anges:

 

Khayoth

Animaux

Ophanim

Roues

Erélim

Puissants

Élohim

Les dieux

Béné-Élohim

Fils de Dieu

Chérubim

 

Khaschmalim

Ardents

Séraphim

 

Melachim

Anges

Ischim

Hommes

 

         Les Musulmans professent les mêmes croyances quant aux anges que les Chrétiens. Voici ce que dit à ce sujet le catéchisme musulman: A l'égard de ce que nous devons croire aux anges, notre foi sera complète si nous croyons de cœur et si nous confessons de bouche que le Dieu Très-Haut a des serviteurs ou ministres auxquels on donne le nom d'anges, qui sont parfaitement nets de tout péché, qui assistent continuellement devant Dieu, qui exécutent ponctuellement Ses Ordres et ne lui sont jamais désobéissants. Les anges sont des corps subtils et purs, formés de lumière... Or il est nécessaire de croire à ces anges... et c'est aussi une des conditions absolues de la foi de les aimer. Celui qui ne croit pas en eux et ne les aime pas, qu'il soit tenu pour infidèle! On doit saluer les anges après la prière en se tournant de droite à gauche, et en disant: Que la paix soit sur vous! ou: Que la paix et la miséricorde de Dieu soit sur vous! Les Archanges sont au nombre de six: Gabriel, Michel, Azraïl, Îsrafil, Mounkir, Nékir.

        Si nous consultons dans la vaste encyclopédie théologique de Migne l'ouvrage consacré à la Liturgie catholique, nous y trouvons un utile complément d'instruction sur les anges: La vénération pour les Anges remonte aux premiers siècles de l'Eglise. Nous lisons dans les écrits des saints Pères, que ces Esprits bienheureux sont nos intercesseurs et nos avocats auprès de Dieu... Il n'y a rien d'inconséquent à prier les Anges, à instituer des Fêtes en leur honneur. Il est vrai que dans les quatre premiers siècles de l'Eglise, nous ne trouvons aucune solennité établie pour leur rendre un culte de dulie. Ce culte a été réglé par suite de diverses apparitions de l'Archange saint Michel:

        La première apparition de saint Michel eut lieu à Colosses, en Phrygie. Un temple fut élevé et un culte établi par l'empereur Constantin à Constantinople en souvenir de cette apparition.

        La deuxième apparition eut lieu sur le mont Gargan, en Italie.

        La troisième apparition, en 709, sur le Mont Saint-Michel eut pour témoin Antebert, évêque d'Avranches.

        Au sujet des Anges, saint Grégoire, pape, s'exprime ainsi: «Nous savons par les Saintes Ecritures, qu'il y a neuf Ordres d'Anges, savoir: les Anges, les Archanges, les Vertus, les Puissances, les Principautés, les Dominations, les Thrônes, les Chérubins et les Séraphins.

        Presque toutes les pages sacrées attestent qu'il y a des Anges et des Archanges. Les livres des Prophètes parlent souvent, comme on sait, des Chérubins et des Séraphins. Saint Paul aux Ephésiens énumère quatre sortes de hiérarchies angéliques, lorsqu'il dit: «Au-dessus de toute Principauté, de toute Puissance, de toute Vertu et de toute Domination». Le même écrivant aux Colossiens dit: «Soient les Trônes, soient les Dominations, soient les Principautés, soient les Puissances». Ainsi lorsqu'à ces quatre Ordres on joint les Vertus, on en trouve cinq, et enfin lorsqu'aux Anges et Archanges, on unit Chérubins et Séraphins, on trouve nécessairement neuf Ordres ou Chœurs.

        Le terme Ange exprime moins la nature que la fonction pour laquelle ces Esprits furent créés; aux Archanges sont réservés les messages les plus importants, et cela selon leur nature:

 

Michel

Celui qui est semblable à Dieu

Gabriel

Celui qui a la force de Dieu

Raphaël

Le remède de Dieu

 

        Dans un autre volume de l'Encyclopédie de Migne, traitant des Rites sacrés, nous trouvons le texte d'un Hymne et d'une Prière en l'honneur des saints Anges; il est intéressant de les reproduire ici:

        0 Jésus, qui êtes la gloire et la vertu du Père éternel, ainsi que la vie de nos cœurs, nous vous louons avec les anges attentifs à. recueillir les oracles qui sortent de votre bouche.

        Des millions d'anges se pressent autour de vous, en nombreux bataillons; à leur tête s’avance Michel, déployant l'étendard de la croix.

Michel refoule jusqu'au fond de l'abîme la tête du dragon infernal, et foudroie avec ses complices le chef des anges rebelles.       Rangeons-nous sous la bannière du chef de la milice céleste, et combattons avec lui le prince de l'orgueil, afin de recevoir la couronne de gloire au trône de l'Agneau.

         Gloire soit à jamais, comme elle a toujours été, au Père, au Fils et à vous, ô Esprit-Saint! Amen.

Ant.

         Souvenez-vous de nous, glorieux archange saint Michel; priez le Fils de Dieu pour nous, partout et toujours!

Rp.

         Je chanterai des hymnes en la présence des anges, ô mon Dieu!

 

Prière

         Angele Dei, qui custos es mei, me tibi commissum pietate superna, illumina, custodi, rege et guberna. Amen.

         Ange de Dieu, qui êtes mon gardien et aux soins duquel j'ai été confié par la bonté divine, éclairez-moi, gardez-moi, conduisez-moi, gouvernez-moi. Ainsi soit-il.

 

 

         Si après avoir lu ces notes détaillées nous ouvrons le grand Dictionnaire encyclopédique de Trousset, en six volumes, parus vers 1890-1900, nous voyons que les rédacteurs de cet énorme ouvrage, reflétant la pensée rationaliste de cette époque, n'ont pas cru utile de consacrer à la question des anges plus de quelques lignes très sommaires:

         ANGE. s. m. (gr. aggelos, messager ; lat. angélus). Créature purement spirituelle intermédiaire entre Dieu et l'homme et qu'on représente sous la figure humaine avec des ailes.

         Que voilà bien le reflet d'une époque grisée par ses découvertes scientifiques et peu soucieuse des questions spirituelles, se désintéressant des problèmes de l'Au-Delà et des êtres qui l'habitent!

         Si, par contre, nous ouvrons le Nouveau Larousse Illustré, nous trouverons à l'article Ange une étude détaillée que nous reproduisons ci-après: on y retrouvera des notions déjà énoncées; ce sera une utile répétition et une confirmation de leur acceptation par bon nombre de croyants.

         ANGE. La croyance aux anges, c'est-à-dire à des êtres supérieurs à la nature humaine, est une de celles sur lesquelles la tradition générale de l'humanité montre le plus d'accord. Elle tient une grande place, non seulement dans l'Ancien et dans le Nouveau Testament, mais dans les théories religieuses de l'Inde, de l'Egypte et de la Perse. On explique cette unanimité de deux manières: ou bien l'existence des anges faisait partie de cette révélation primitive que, d'après l'enseignement biblique, Dieu donna au premier homme et dont les peuples emportèrent les notions en se dispersant; ou bien c'est une doctrine qui s'est imposée d'elle-même à l'esprit humain. Il y a parmi les êtres que nous voyons une gradation continue; l'analogie veut qu'elle existe aussi bien parmi ceux et au moyen de ceux que nous ne voyons pas. La création est une échelle, dont les anges forment l'échelon suprême: purs esprits, comme il y a des êtres qui sont pure matière, et d'autres, les hommes, qui sont à la fois matière et esprit, corps et âme.

         Les anges sont donc des substances incorporelles, intelligentes, supérieures à l'âme de l'homme. Suivant une classification habituelle qui remonte aux premiers siècles de l'ère chrétienne, on les partage en trois hiérarchies, distribuées chacune en trois chœurs. La première hiérarchie comprend les Séraphins, les Chérubins, et les Trônes; la deuxième, les Dominations, les Vertus et les Puissances; la troisième, les Principautés, les Archanges et les Anges. Ce dernier nom est employé aussi, on l'a vu, pour désigner tous ces esprits en général. Comme certains philosophes, Clément d'Alexandrie, Tertullien, Origène et quelques autres Pères, croyaient les anges revêtus de corps très subtils. Cette opinion combattue par saint Basile, saint Athanase, saint Jean-Chrysostome, etc., est tombée d'elle-même, sans que l'Eglise ait eu besoin de la condamner.

         L'Église enseigne que les anges n'existent point de toute éternité: ils ont été créés dans un état de bonheur et de grâce, mais avec la liberté de choisir entre le bien et le mal. C'est un article de foi qu'un certain nombre péchèrent et furent condamnés à un supplice qui n'aura pas de fin. L'opinion commune voit dans l'orgueil la cause de cette déchéance. Il y a aussi les anges qui ont persévéré, ou les bons anges et les anges déchus ou mauvais anges, qu'on appelle aussi «diables» ou «démons». Il est de foi qu'il existe des rapports mystérieux entre le monde angélique et le monde humain; les bons anges aident les hommes dans la voie du bien, tandis que les mauvais les poussent dans celle du mal. C'est même pour les Chrétiens une doctrine certaine, quoique non définie, qu'un ange est préposé par Dieu à la garde de chaque homme. On l'appelle ange gardien. Cette croyance est fondée sur l'enseignement des Pères et de divers passages de l'Ecriture... Tout en réservant l’adoration à Dieu seul, l'Eglise catholique rend aux anges des honneurs religieux (culte de dulie, hommage rendu aux anges et aux saints, par opposition au culte de latrie, rendu à Dieu). Les protestants refusent aux anges ces honneurs.

         On représente les anges avec des ailes et un vêtement blanc, pour exprimer leur essence immatérielle et la pureté de leur nature. En Orient la couleur bleue, couleur céleste, a prévalu sur le blanc comme symbole de pureté.

         On peut en juger maintenant, cette consultation de quelques Dictionnaires est déjà riche en enseignements sur la question du mystère et du ministère des anges dans le monde et plus spécialement dans la Chrétienté.