Chapitre Quatrième SECTION II:
Jean Danielou: La croyance des Pères de l'Eglise au ministère des Anges.
Si l'on veut être bien renseigné sur les croyances des Pères de l'Eglise en matière d'angéologie, il faut lire l'excellent livre du P. Jean Danielou: Les Anges et leur Mission d'après les Pères de l'Eglise. Cet ouvrage, paru en 1953, est une riche mine de renseignements; il suffit de prendre connaissance des titres de dix chapitres pour réaliser la valeur de cette étude qui éclaire les croyances des premiers chrétiens sur le mystère des anges et sur leurs missions multiples; qu'on en juge plutôt: I. Les Anges et la Loi. II. Les Anges et la Religion cosmique. III. Les Anges de la Nativité. IV. Les Anges de l'Ascension. V. Les Anges et l'Église. VI. Les Anges et les Sacrements. VII. L'Ange gardien. VIII. Les Anges et la Vie spirituelle. IX. Les Anges et la mort. X. Les Anges et la Parousie. Nous voulons maintenant étudier dans le détail ce vaste programme.
I. Les Anges et la Loi. À ce sujet les Écritures enseignent que l'archange Michel est le protecteur du peuple juif (Daniel X, 13, 20-22). Pseudo-Denys se fait l'écho de cette tradition, car il dit: «Michel est l'ange du peuple d'Israël». Les anges viennent réconforter les serviteurs de Dieu dans l'accomplissement de leur tâche. L'Ancien Testament a été communiqué aux Juifs par l'intermédiaire des anges. Déjà dans le Deutéronome (33,2), on trouve le début du développement de l'angéologie; en effet, au lieu de lire la traduction habituelle: «Yahweh est venu du Sinaï; de sa droite jaillissaient des traits de lumière», le texte grec dit: «À sa droite les anges l'accompagnaient». Le Livre des Jubilés montre Yahweh confiant à l'Ange de la présence la rédaction et la promulgation de la Loi. Yahweh dit: «Écris pour Moïse depuis le commencement de la création jusqu'à l'édification de mon sanctuaire parmi eux pour l'éternité». Josèphe reprend l'idée: «Nous avons reçu de Dieu, par l'intermédiaire des anges, les plus belles des prescriptions et les plus saintes des lois». Saint Paul, dans l'Epître aux Galates tient le même langage: «La Loi a été promulguée par les anges» (3,19). Même affirmation dans les Actes (7,53); Étienne dit: «Vous avez reçu la Loi par le ministère des anges». Saint Augustin écrira: «Les anges publient la Loi d'une voix terrible». Pseudo-Denys précise: «Comme l'enseigne la théologie, la Loi est transmise par les anges. Dans les temps qui ont précédé la Loi, comme au temps même de la Loi, ce sont les anges qui ont guidé nos ancêtres vénérés vers les réalités divines.» Saint Hilaire: «La Loi a été promulguée par les anges et l'homme a mangé le pain des anges»... Il dit encore: «(Lors de la crucifixion) l'honneur du voile est enlevé au Temple, avec la garde de l'ange protecteur». Origène: L'ange veillait sur la sainteté du Temple. Cette protection de l'ange restait attachée au Temple, tant que la présence de Dieu y demeurait; à la mort du Christ le Temple est désaffecté et le voile enlevé. Après la mort du Christ, le rôle préparatoire des anges a varié, car depuis lors ils ont été soumis au Christ. Origène établit un parallélisme entre le rôle des anges dans la préparation historique du Christ et leur rôle dans la formation première de l'âme. * * * II. Les Anges et la Religion cosmique. Clément d'Alexandrie écrit: «Les présidences des anges ont été distribuées selon les nations et les villes». Saint Basile: «Qu'il y ait des anges préposés à des nations entières, c'est là l'enseignement de Moïse et des prophètes.» Pseudo-Denys: «Les anges chargés du soin sacré de chaque nation élevèrent tous ceux qui voulurent bien les suivre vers l'unique principe universel». Il en découle que des anges ont aussi pour mission de conduire les peuples païens à Dieu. Clément d'Alexandrie: «Les anges ont communiqué la Loi aux Juifs et la philosophie aux Grecs». Origène: «Ce sont les anges qui ont donné la philosophie occulte et secrète des Egyptiens, la religion astrale des Chaldéens, les promesses des Hindous relatives à la science de Dieu». Nous avons bien là, nettement indiquée, une alliance cosmique de Dieu avec les peuples par le ministère des anges. Eusèbe: «Dieu a distribué toutes les nations, sauf les Juifs qu'il s'est réservés, aux gouverneurs invisibles des nations, qui sont les anges». Pseudo-Denys voit le grand obstacle à l'action des anges des nations dans la mauvaise volonté des hommes qui n'ont pas écouté la voix des bons anges, mais celle des démons qui essaient de les détourner du vrai Dieu.
III. Les Anges de la Nativité.
À la naissance du Christ la mission des anges ne cesse pas; les armées célestes sont mises à la disposition du Christ. Les anges à qui avait été confiée la direction des choses terrestres l'accueillent avec joie et se mettent à son service, et les anges du ciel descendent avec Jésus pour être les ministres et les témoins de son uvre. Nous avons là déjà une nette indication de la hiérarchie des anges. Au demeurant, le Verbe s'incarne pour venir au secours des anges des nations qui n'ont pu gagner les hommes et les empêcher de faire retour à l'idolâtrie. Eusèbe: «Le Sauveur vint vers les hommes en médecin, apportant secours à ses propres anges pour le salut des hommes». Voilà le grand mystère de Noël: à la naissance du Sauveur, nous assistons à la réunion des anges de la terre et des cieux, car les anges joyeux viennent pour servir le Christ; il y eut à sa naissance, «une multitude de la milice céleste louant et glorifiant Dieu.» Saint Hilaire: «Lorsque le Christ descendit pour assumer la nature humaine, il fut accompagné d'une assistance céleste». Origène: «Quand les anges virent le prince de la milice céleste demeurer dans les lieux terrestres, ils entrèrent par la voie qu'il avait ouverte, suivant leur Seigneur et obéissant à la volonté de celui qui les distribue pour gardiens à ceux qui croient en Lui. Les anges sont au service de ton salut. Ils ont été concédés au Fils de Dieu pour le suivre. Et ils disent entre eux: Si Lui est descendu dans un corps, s'il a revêtu une chair mortelle, que restons-nous à ne rien faire. Allons, anges, descendons tous du ciel. C'est ainsi qu'il y avait une multitude de la milice céleste qui louait et glorifiait Dieu quand le Christ est né. Tout est plein d'anges.» Les anges du ciel apparaissent donc comme les ministres et les serviteurs du Christ. Grégoire de Naziance appelle les anges, «les initiés de l'incarnation». Les anges furent les premiers à recevoir le mystère de l'incarnation, révélé à Marie par l'ange Gabriel. Un autre ange apporte la bonne nouvelle aux bergers. Les anges deviennent les messagers du ministère du Christ auprès des hommes. La fuite en Egypte est annoncée à Joseph de la part du Père par un ange du Seigneur. Les anges des hiérarchies supérieures qui descendent avec le Verbe, ne l'entourent pas seulement de leur adoration, mais ils sont les messagers auprès des anges inférieurs chargés du gouvernement des choses terrestres. Pseudo-Denys en fera le corps de sa doctrine angélique lorsqu'il dit: «L'ordre supérieur, composé des Chérubins, des Séraphins et des Thrônes, plus proche par sa dignité, du sanctuaire secret, initie mystérieusement le second ordre composé des Seigneuries, des Pouvoirs et des Puissances. Celui-là, à son tour, révèle les mystères aux Principautés, aux Archanges et aux Anges.» Nous avons là le processus nettement indiqué de l'illumination des ordres inférieurs par les supérieurs. Il appartiendra à Saint Thomas d'Aquin de développer cette leçon. D'après Origène, les bergers, les pasteurs qui reçoivent la première bonne nouvelle, seraient les anges à qui sont confiés les hommes. * * *
IV. Les Anges de l'Ascension. De la naissance à la tentation, à la mort et à la résurrection, les anges accompagnent fidèlement le Sauveur. Grégoire de Naziance montre le Christ entrant au ciel et convoquant les puissances qui lui sont amies pour les associer à sa joie comme il les avait initiées à son incarnation. Chrysostome: «Tu veux savoir comment les anges se réjouissent à l'Ascension? Ecoute le Seigneur disant «qu'ils montent et descendent continuellement». Se basant sur les Actes des Apôtres (1,10), Cyrille de Jérusalem est fondé d'affirmer: «Les anges assistaient à la montée du Christ». Eusèbe: «Les Vertus célestes, en voyant le Christ s'élever, l'entourèrent pour l'escorter, proclamant: «Levez-vous portes éternelles et le roi de gloire entrera» (PS. 23,9). De tout cela Danielou en tirera les conclusions suivantes: «La relation des anges à l'Ascension a une signification plus profonde. Elle fait partie de la substance du même mystère. Celui-ci n'est pas seulement le fait d'une élévation du Christ dans son corps au milieu des anges, il est théologiquement l'exaltation de la nature humaine, que le Verbe de Dieu s'est unie, au-dessus de tous les ordres angéliques qui lui sont supérieurs. C'est là un renversement de situation qui constitue pour les anges un spectacle inattendu. Dans l'Epître aux Ephésiens (1,20-22), Paul dit que Dieu établit la royauté du Verbe incréé au-dessus de toute Principauté. Si le mystère de la Nativité est aussi celui de la révélation faite par les anges du ciel à ceux de la terre, celui de l'Ascension est le mystère de la révélation faite par les anges de la terre aux anges du ciel. Quand le Verbe est descendu s'incarner, il était accompagné par les anges du ciel, il remonte escorté par les anges de la terre qui rencontrent les anges gardiens des portes du ciel.» Irénée montre le Christ s'élevant parmi les hiérarchies des anges stupéfaites, signifiant l'exaltation de l'humanité que le Christ s'est unie au-dessus de tous les mondes angéliques. Pour Athanase, les anges qui accompagnent le Christ à sa montée ne sont pas les anges de la terre, mais ceux qui étaient descendus avec Lui; il dira: «Les anges du Seigneur, qui le suivirent sur la terre, en le voyant monter, l'annoncent aux vertus célestes, pour qu'elles ouvrent leurs portes. Les puissances sont dans la stupeur en le voyant dans la chair». L'entrée du Verbe incarné au ciel apparaît bien comme une révélation inouïe faite aux puissances célestes. Et Danielou de préciser: «Le vrai mystère de la Nativité est l'abaissement de la personne divine du Verbe, «un peu au-dessous des anges», conformément à ce que Paul dit (Hébr. 2,5-7), «car ce n'est pas à des anges que Dieu a soumis le monde à venir... le Fils de l'homme, tu l'as fait pour un peu de temps inférieur aux anges». Et le vrai mystère de l'Ascension est l'exaltation de la nature humaine au-dessus des mondes angéliques. * * *
V. Les Anges et l'Eglise. De ses nombreuses lectures, le P. Danielou en est arrivé à la conclusion que les Pères de l'Eglise expriment bien la joie des anges en voyant le Christ ramener à l'Ascension l'humanité perdue dans le ciel, et cela en s'appuyant sur la parabole de la brebis perdue; les quatre-vingt-dix-neuf brebis sont les anges qui attendent le retour de la brebis égarée (l'humanité pécheresse), et ils manifestent leur joie à son retour. Grégoire de Nysse: «Le plérôme de tous les anges adore celui qui vient avec le nom de Premier-Né. Il exulte du rappel des hommes... car il y a de la joie chez les anges pour ceux qui sont sauvés du péché.» Le même thème est développé dans la parabole de l'enfant prodigue et dans celle de la drachme perdue. Dans le Cantique des Cantiques, le rôle des amis de l'époux n'est-il pas de conduire l'épouse à celui qui lui est destiné et de s'effacer ensuite? Cette attitude préfigure la conduite des anges attendant le retour du Seigneur ramenant l'Eglise son épouse, dans la maison du Père. Les noces du Verbe et de l'Eglise accomplies, se continuent tout le temps de l'Eglise dans «la chambre nuptiale des sacrements», notamment par le baptême et par l'eucharistie. * * * VI. Les Anges et les Sacrements. «Les plus antiques traditions chrétiennes, dira Danielou, nous montrent l'Église confiée à un ange comme l'était le peuple de Dieu dans l'Ancien Testament. Dans l'Ascension d'Isaïe, il est parlé de «l'ange de l'Eglise chrétienne» et Hermas désigne l'ange Michel comme «celui qui a pouvoir sur l'Eglise et qui la gouverne», et cela par délégation du Christ qui en est le chef suprême. Toute la tradition nous montre les anges veillant sur l'Eglise et la servant. Les anges des nations deviennent les anges des Eglises, ils rassemblent les fidèles dans les nations païennes. Origène: «On peut dire, en suivant l'Ecriture, qu'il y a deux évêques par Eglise, l'un visible, l'autre invisible, qui participent à la même tâche». Les Pères du quatrième siècle continuent cette tradition. Saint Grégoire de Naziance dira: «Le soin de cette Eglise a été confié à un ange. Et d'autres président à d'autres Eglises comme saint Jean l'enseigne dans l'Apocalypse.» On connaît l'adieu de Grégoire aux anges de Constantinople lorsqu'il quitte son diocèse. Les anges des Eglises ont pour mission de préparer les futurs fidèles à bien recevoir le sacrement du baptême. Saint Chrysostome nous apprend que «le diacre invitait les catéchumènes à prier l'Ange de la paix». De même Origène: «Viens ange, reçois par la parole celui qui s'est converti de l'antique erreur de la doctrine du démon; reçois-le comme un bon médecin: réchauffe-le; prends-le pour lui donner le baptême de la seconde naissance». Tertullien: «Purifiés dans les eaux sous l'action d'un ange, nous sommes préparés pour l'Esprit-Saint. L'ange qui préside au baptême prépare les voies du Saint-Esprit par la purification des péchés.» Et Danielou de noter: «Tous les Pères s'accordent à enseigner que les anges assistent au baptême. Ainsi l'Église terrestre des prêtres et l'Église céleste des anges sont-elles l'une et l'autre ministres de la régénération opérée par l'Esprit-Saint. Le baptême est une participation de l'exaltation du Christ au-dessus des anges.» Les anges sont également présents à l'assemblée chrétienne et l'ange du Seigneur circule autour de ceux qui le craignent. Origène: «Les anges sont attirés par la lecture de l'Ecriture et y prennent plaisir». Les anges sont intimement associés au service eucharistique, à la messe. Saint Jean Chrysostome dira à ce sujet: «Les anges entourent le prêtre. Tout le sanctuaire et l'espace autour de l'autel sont remplis de puissances célestes pour honorer celui qui y est présent sur l'autel... Représente-toi dans quels churs tu vas entrer... Voici la table royale. Les anges servent à cette table. Le Seigneur lui-même est présent.» A ce propos, Danielou fera remarquer: «La liturgie de l'Église est présentée dans le Nouveau Testament comme une participation à la liturgie des anges» (Hébr. 12,22-24). Les anges sont associés aux différents moments du sacrifice. Cette unité des deux cultes, la liturgie elle-même l'exprime dans la préface où elle invite la communauté ecclésiastique à s'unir aux Trônes et aux Dominations, aux Chérubins et aux Séraphins pour chanter l'hymne séraphique. Chrysostome: «Réfléchis auprès de qui tu te tiens et avec qui tu vas invoquer Dieu: avec les Chérubins. Représente-toi dans quels churs tu vas entrer. Que personne ne s'associe avec négligence à ces hymnes sacrés et mystiques. Que personne ne garde de pensée terrestre (sursum corda), mais que, se dégageant de toutes les choses terrestres et se transportant tout entier dans le ciel, comme se tenant à côté du trône même de la gloire et volant avec les Séraphins, il chante l'hymne très saint du Dieu de gloire et de majesté.» Chrysostome enseignera encore: «Le gloria in excelsis est le chant des anges inférieurs. Aussi les catéchumènes peuvent s'y associer. Mais le Sanctus est celui des Séraphins. Il introduit dans le sanctuaire même de la Trinité; aussi est-il réservé aux seuls initiés, aux baptisés.» On comprendra mieux alors la sainteté de l'eucharistie qui nous introduit avec les Séraphins, en présence du Dieu Très-Saint, voilé seulement par les fragiles espèces du pain et du vin. Quant au rôle d'intercession des anges dans la prière, il est primordial; ils portent à Dieu nos demandes. Les anges se prosternent devant le Seigneur; les archanges prient. Les anges participent à toutes les fêtes chrétiennes; ils y assistent en foule et se réjouissent avec les fidèles. * * * VII. L'Ange gardien. La croyance à l'existence de l'ange gardien est la tradition la plus constante dans l'Eglise; on la retrouve dans les plus anciens textes chrétiens. Origène: «Chaque fidèle, même s'il est tout petit dans l'Eglise est assisté d'un ange dont le Christ atteste qu'il contemple sans cesse la face du Père. L'ange reste aussi longtemps que nous ne le chassons pas par le péché.» Voici les diverses expressions grecques pour qualifier l'ange gardien: gardien ou garde, préposé, intendant, surveillant, assistant, pasteur, berger. Eusèbe: «De peur que les hommes pécheurs ne soient sans gouvernement et sans présidence, comme des troupeaux sans raison, Dieu leur a donné des préposés et des surveillants, les saints anges, en guise de bergers et de pasteurs.» L'action de l'ange gardien accompagne toute la vie de l'homme; il est donné à la naissance de tous les hommes et non seulement au baptême. A partir du baptême, le rôle de l'ange gardien est tout nouveau; il devient plus puissant par l'assistance du Christ. Origène enseigne que «les apôtres ont les anges pour aide dans l'accomplissement de la prédication, dans l'achèvement de l'uvre de l'Evangile. Il y a même un ange de Pierre, comme un ange de Paul, ainsi qu'un ange pour chaque ministère inférieur. Ce sont des instructeurs.»
Danielou énumère les fonctions diverses des anges gardiens d'après les Pères de l'Eglise. 1. Messagers et instructeurs, ils protègent l'âme contre les troubles extérieurs et intérieurs. 2. Ils sont chargés de reprendre et de punir lorsque l'âme se détourne du droit chemin. 3. Ils assistent le fidèle dans sa prière et transmettent ses demandes à Dieu. Chrysostome recommande de prier l'ange de la paix; Hermas conseille de faire appel à l'ange de la pénitence et Tertullien invoque l'ange de la prière. L'ange de la paix est aussi désigné comme étant le protecteur des voyageurs; l'Ecriture ne nous apprend-elle pas que l'archange Raphaël fut le compagnon et le protecteur du jeune Tobie, tout au long de son voyage; l'ange de la paix protège l'âme contre l'action des démons. Origène: «Le Christ a donné ordre à ses anges de protéger le baptisé. Ce sont les justes qui ont besoin d'être aidés par les anges.» Saint Hilaire: «Dans les combats que nous menons contre les puissances mauvaises les anges nous assistent». L'ange de la paix ne protège pas seulement contre les dangers, il fournit aussi une aide positive, à l'instar de l'ange que Luc nous montre réconfortant le Christ dans son agonie. Ce bon ange est déclaré «doux et paisible» par Hermas. Grégoire de Nysse abondera dans cette croyance: «Le Seigneur des anges procure à ceux qui en sont dignes la vie et la paix par ses anges». Athanase: «La vision des saints (anges) agit doucement et paisiblement, suscitant joie et exultation». Saint Ignace donne la règle du discernement des esprits: «C'est le propre de Dieu et de ses anges, dans leurs motions, de donner la vraie joie et l'exultation spirituelle, en écartant la tristesse et le trouble que suscite l'ennemi». En parlant de lange de la pénitence, les Pères de l'Eglise ne font que continuer la tradition juive. Hermas enseigne que «l'ange de la pénitence tient le diable sous sa puissance». Dans le Livre d'Hénoch, sont mentionnés les archanges Michel, Raphaël et Gabriel; à ces trois premiers s'ajoute Phanuel qui préside au repentir. L'ange de la pénitence excite dans l'âme du pécheur le repentir. Or la pénitence n'est pas seulement punition, mais encore rémission des péchés et restauration de la santé de l'âme. Clément d'Alexandrie, parlant de la nécessité de la prière dira: «Même quand l'homme prie seul, il est mêlé aux churs angéliques». Tertullien recommande de ne pas s'asseoir quand on prie, par respect pour lange de la prière qui se tient à côté de nous. Origène précise: «Les anges se rassemblent près de celui qui prie Dieu pour s'unir à sa prière». Ainsi l'ange circule constamment entre l'âme et le ciel. Danielou rapporte une tradition ancienne ayant trait à l'activité simultanée des bons et des mauvais anges dans l'homme: L'homme a simultanément un ange et un démon qui s'occupent de lui. C'est la doctrine des deux voies. Comment distinguer l'action de ces deux entités? Hermas dira: «L'ange de la justice est délicat, réservé, doux, paisible. Quand il entre dans ton cur, il te parle aussitôt de justice, de sainteté, de tempérance, de toute uvre juste. Lorsque ces pensées s'élèvent de ton cur, sache que l'ange de la justice est avec toi. L'ange du mal est au contraire irascible, plein d'aigreur et de démence. Reconnais-le à ses uvres.» Origène abonde en ce sens. Enfin n'oublions jamais ce que dit saint Paul: «L'homme vit en spectacle aux hommes et aux anges». Cette certitude de la présence continuelle des anges doit nous empêcher de mal agir et nous inciter à faire le bien. * * * VIII. Les Anges et la Vie spirituelle. Danielou résume l'opinion des Pères de l'Eglise: «L'assistance des anges se poursuit durant toute la vie, même les péchés ne la suppriment pas, ils attristent l'ange préposé à l'âme, car il s'efforce de faire progresser l'homme dans sa vie spirituelle». Le mystère chrétien doit être compris comme étant l'exaltation de l'humanité au-dessus de la sphère des anges, comme nous l'avons déjà noté. Cette progression a lieu tout d'abord en passant par les churs des anges selon leur ordre hiérarchique, l'action purificatrice finale appartient aux Séraphins, purification par leur feu fulgurant. Pseudo-Denys enseignera que cette purification est suivie d'illumination. Il ne faut pas oublier qu'il y a aussi une illumination par hiérarchies descendantes; la supérieure communique à l'inférieure ce qu'elle est capable de recevoir de lumière. Danielou fera remarquer, d'après l'enseignement des Pères, que ce qui apparente l'âme aux anges, c'est son dégagement de la vie sensible. Et les hommes sont destinés après la mort à participer à la vie des anges, à imiter leur pureté. Méthode de Philippe: «Les ailes de la virginité conduisent dans le voisinage de la vie des anges». Thomas d'Aquin faisant allusion au processus de l'assomption de l'âme dit: «La grâce d'un homme peut l'amener au degré de grâce d'un ordre angélique, puis à celle de l'ordre supérieur». Cet enseignement est conforme au rôle préparateur des anges. N'oublions pas que toute la mission des anges est de conduire les âmes au Roi des anges et de disparaître devant Lui. L'âme rentrée d'abord dans le monde angélique par la vie illuminative, le dépasse en entrant dans la vie unitive. Ainsi l'âme s'élève de transformation en transformation, jusqu'à l'union à Dieu au milieu des mondes angéliques. * * * IX. Les Anges et la Mort. Les anges jouent un rôle important au moment de la mort. L'Écriture parle de Lazare mourant «porté par les anges dans le sein d'Abraham» Saint Michel est le conducteur des morts; nous en trouvons la notion dans l'Epître de saint Jude (9): «Or, l'archange Michel lui-même lorsqu'il contestait avec le Diable et lui disputait le corps de Moïse...» La Liturgie des morts demande que «les anges te conduisent au Paradas». Les Pères de l'Eglise enseignent tous que les anges assistent l'âme au moment de la mort. Saint Ephrem nous montre «les anges, recevant l'âme à sa sortie du corps et l'emportant». Ces représentations, dira Danielou, se continuent jusqu'au Moyen Age. Ce thème a souvent été repris par les peintres et les sculpteurs; un bel exemple se voit à Arles sur le portail de Saint Trophime. Voici l'opinion de Grégoire le Grand à ce sujet: «Au moment de la mort des saints, les anges apparaissent et leurs hymnes remplissent l'âme d'une joie si divine qu'ils ne sentent pas les souffrances de la mort. Et durant son voyage céleste, les anges écartent de l'âme les démons qui voudraient lui barrer le chemin. Les anges terrestres qui emportent l'âme prient les anges du ciel, gardiens du Paradis, d'y laisser passer l'âme.» Saint Ephrem encore donnera ce conseil: «Priez pour que l'âme quitte le corps en paix. Priez pour qu'elle trouve les anges bienveillants». Un Apocryphe nous donne la Prière de Joseph mourant: «Maintenant donc, ô mon Seigneur, que votre ange se tienne près de mon âme et de mon corps jusqu'à ce qu'ils se séparent l'un de l'autre sans douleur. Ne permettez pas que l'ange qui me fut attaché, depuis le jour où vous m'avez formé jusqu'à maintenant, tourne contre moi un visage embrasé de colère sur le parcours du chemin quand je m'en irai vers vous. Ne laissez pas arrêter mon âme par les préposés à la porte et ne me confondez pas devant votre tribunal redoutable. Ne déchaînez pas contre moi le fleuve de feu, celui où toutes les âmes se purifient avant qu'elles ne voient la gloire de votre Divinité, ô Dieu qui jugez chacun en vérité et en justice!» Dans cette prière, dira Danielou, se trouve résumée toute l'angéologie de la mort, à savoir:
1. Assistance de l'âme pour lui éviter les souffrances de la mort. 2. L'ange gardien accompagne l'âme et la protège durant le voyage. 3. L'ange gardien défend l'âme contre les démons qui veulent l'arrêter. 4. Les anges préposés à la porte du ciel accueillent l'âme. 5. Purification éventuelle de l'âme par le fleuve de feu.
Et Danielou de relever: «Ce dernier service des anges est en rapport avec la doctrine chrétienne du purgatoire; le baptême de feu, administré par l'archange Michel qui conduit ensuite l'âme à Dieu. Devant la porte, les anges examinent les mérites et les démérites des âmes. Quant aux martyrs, lavés dans leur sang, ils n'ont pas besoin de passer par le Purgatoire et ils sont conduits à Dieu avec force jubilations par les anges. Il en va de même pour les vierges. Origène met en parallèle l'ascension du martyr avec celle du Christ lui-même; les anges sont en admiration devant ces ascensions. Chrysostome faisant allusion à l'échelle vue par Jacob, dira; «Souviens-toi de cette échelle spirituelle que le patriarche Jacob a vue, s'élevant de la terre au ciel; par elle les anges descendaient; par elle aussi les martyrs montaient... leurs corps ensanglantés plus lumineux que le soleil. Les martyrs montent au ciel précédés par les anges et entourés par les archanges, comme par des gardes. Puis les Puissances supérieures (churs) forment une immense escorte pour conduire vers le Roi des cieux le martyr; celui-ci se mêle alors aux Chérubins et aux Séraphins, s'unissant aux churs pour chanter les cantiques mystiques. Telle est la liturgie dont les anges entourent les martyrs dans leur ascension.
X. Les Anges et la Parousie. Au moment de la seconde venue du Seigneur, ce sont les anges qui l'annonceront (Matth. 24,30). «Le Seigneur enverra ses anges, qui, au son éclatant de la trompette, rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu'à l'autre extrémité.» Les anges, après avoir assisté au jugement final, sépareront les justes d'avec les méchants. Chrysostome, Ephrem, Cyrille de Jérusalem reprendront et développeront cette thèse: «L'archange fera une proclamation et dira à tous: «Levez-vous pour la rencontre du Seigneur, car la descente du Seigneur est terrible... Les anges seront envoyés de tous côtés, rassembler les élus des quatre vents, selon la parole du Seigneur... Les anges sont foule, ils sont les quatre-vingt-dix-neuf brebis, tandis que l'humanité n'en représente qu'une... Après le jugement, les anges sont les exécuteurs de la sentence. Origène: «Les anges escortent les ressuscites dans le Paradis». Saint Hilaire: «Les âmes une fois établies dans la béatitude éternelle, les anges sont libérés des grands travaux de leurs ministères, alors dans la joie et la paix, ils peuvent célébrer leur Dieu dans le bienheureux royaume de l'éternité. Saint Grégoire de Nysse parle de la «joie des anges en voyant reconstituée l'unité de la création spirituelle», car ils auront enfin conduit au Paradis les âmes des justes qui leur avaient été confiées. De tout ce que nous venons de rapporter il ressort à l'évidence que les Pères de l'Eglise, et avec eux les premiers chrétiens ont cru à la mission des anges; à ce propos la lecture du livre du P. Jean Danielou ne saurait être trop recommandée. |