SECTION II: Saint Philippe de Néri (1515-1595)
Pour ce qui est des manifestations angéliques de l'époque, un épisode de la vie de saint Philippe de Néri, fondateur de l'Oratoire, est à retenir; ce mystique d'une pureté et d'une charité exemplaires, faisait de nombreux miracles, guérissant les malades et même ressuscitant les morts; il eut de nombreuses visions angéliques; il considérait que la pratique de la charité était le premier devoir du chrétien, et il l'exerçait souvent au-delà de ses moyens. Un jour, il fut accosté dans une rue de Rome par un mendiant: Philippe allait lui donner ses derniers sous, quand le présumé pauvre les refusa, en lui disant avec un sourire angélique: «Je voulais seulement voir ce que tu savais faire». Puis il disparut. Saint Philippe, par la suite, racontant cet événement à deux prêtres de ses amis, leur déclara que le mendiant était son Ange gardien qui avait voulu lui faire comprendre combien Dieu et ses Anges appréciaient le geste charitable de l'aumône.
SECTION III: Robert Fludd (1574-1637), «Le Rempart mystique de la Santé»
Dans le Voile d'Isis (janvier 1932, p. 48), on trouve traduit et commenté par Télesphore, un tract de Robert Fludd, intitulé: Rempart mystique de la Santé. Comme il y est question de certains anges cosmiques et de leurs fonctions spéciales, il est intéressant de résumer les données générales de cet opuscule. Moreri, dans son Grand Dictionnaire, nous apprend que Robert Fludd, surnommé le Chercheur, ou De Fluctibus, était un Rose-Croix très zélé et très savant; dans son Rempart mystique de la Santé, Fludd posera en principe que le mal est une résultante de la désobéissance d'Adam et de la révolte des mauvais anges. Cette désobéissance fut cause d'un déséquilibre dans le monde, produisant de nombreuses perturbations, ayant pour conséquences la maladie, la souffrance et la mort. Ce n'est donc pas Dieu qui a créé le mal, ainsi que beaucoup le croient, mais une résultante de la désobéissance de notre premier ancêtre et de l'insoumission des mauvais anges. Ces derniers, à la tête desquels se trouve Lucifer, sont excessivement nombreux et constituent de véritables légions, qui ont pour unique mission de faire le mal. Lucifer commande aux quatre vents principaux, vents malfaisants, qui sont chargés de dévaster la terre, de bouleverser la mer et de détruire les arbres fruitiers. C'est saint Michel qui a déjà une première fois terrassé le Dragon infernal, qui est chargé de contenir les puissances maléfiques et de les empêcher de nuire aux serviteurs de Dieu. C'est la raison pour laquelle les cabbalistes considèrent saint Michel comme le plus grand protecteur de l'âme et du corps de l'homme. On distingue quatre vents principaux: l'aquilon, le vent du midi, le vent de l'Orient et le vent du couchant; les vents ne soufflent pas à leur gré, ils sont surveillés par quatre anges. Michel, plutôt porté à la clémence et à la miséricorde, commande au vent de l'Orient. Gabriel, plutôt enclin à la justice et à la sévérité, commande au vent Borée, vent du Nord ou aquilon. Raphaël, plutôt porté à la clémence et à la miséricorde, régit le vent de l'Occident ou vent du Couchant. Uriel, ayant plutôt une tendance à la justice et à la sévérité régit le vent Auster ou vent du Midi. Dieu agit par son Verbe et ce sont les anges qui exécutent sa volonté. Les mauvais anges sont les instruments de la vengeance qui s'exerce sur les impies. Le viol de la Loi, soit le péché, perturbe notre atmosphère astrale et provoque une rupture d'équilibre à la faveur de laquelle les entités malfaisantes forcent le rempart de la santé. Les anges qui nous défendaient se retirent, alors les germes malfaisants, diaboliques entrent en jeu et c'est, la maladie qui se déclare; elle suit son cours jusqu'à ce que l'homme rentre dans la bonne voie ayant reconnu ses erreurs et demandé pardon à Dieu. Dès ce moment, les agents hostiles et diaboliques ne trouvant plus dans la citadelle organique les éléments et le milieu qui leur conviennent, n'ont dès lors plus qu'à s'en aller. Aussitôt les bons anges reviennent et ils aident la force vitale à réparer les brèches faites dans le rempart de la santé; ils sont tout prêts à repousser une nouvelle attaque des démons lorsqu'elle se présentera. Par ce qui précède, nous voyons que la foi en une action effective des bons et des mauvais anges dans l'économie cosmique et humaine, était partagée par les plus grands savants et par les occultistes de l'époque. En rapport avec cette notion d'Anges ou génies cosmiques, nous donnons deux gravures tirées de l'iconographie péladane qui montrent que cette croyance en l'existence d'Anges, préposés à la surveillance de la marche du cosmos, demeure encore vivace chez certains artistes divinement inspirés. Quand on connaît l'opinion de Péladan en matière de production artistique, soit: «Un chef-d'uvre doit être un coin de ciel descendu sur terre», on comprendra que deux illustrations figurent dans son uvre et qu'elles aient été exposées lors du Salon de la Rose-Croix en 1912. Le premier dessin: Le Rêve, par Puvis de Chavannes, nous montre un homme profondément endormi, alors que son corps subtil s'éveille aux choses de l'Au-Delà et contemple le travail des Anges préposés à la croissance des arbres et des végétaux auxquels ils dispensent force, vie et beauté (voir figure 26)
Le deuxième dessin d'Alexandre Séon est intitulé: Parfum des Fleurs; il illustre une pensée émise par Péladan dans un de ses romans (La Gynandre, 192l): «On dirait des génies vidant les cassolettes de parfums subtils du printemps nouveau». On voit en fait, sur cette gravure, les cohortes des Anges cosmiques répandant leurs parfums sur la nature entière pour l'insigne bénéfice de toutes les fleurs aux senteurs multiples et variées (voir figure 26 a).
À noter encore que cette notion spéciale d'Anges ou de Génies cosmiques est développée tout spécialement dans un ouvrage préfacé par Papus: Au Pays des Esprits ou Roman vécu des Mystères de l'Occultisme (Paris 1903). Caillet, dans son Manuel bibliographique des Sciences psychiques, qualifie ainsi cet ouvrage: «C'est la traduction de «Ghost Land», Traité-Roman si remarquable. uvre qui a eu un profond retentissement dans tous les centres voués à l'étude de l'occultisme, parce qu'elle correspond à des descriptions strictement exactes de visions et d'expériences... L'auteur anonyme (Britten Emma Hardinge) de ce voyage dans les pays merveilleux, nous présente le récit le mieux combiné et le plus captivant pour donner au lecteur une idée bien précise de ce qu'est la Science occulte.» Voici quelques passages où il est plus spécialement question du ministère des Anges. Des deux héros du roman (Félix von Marx et le Chevalier de B.), il est dit: «Son père et lui enseignent que tout ce que nous voyons et entendons est l'uvre des Élémentals qu'ils commandent et des Anges planétaires qui veillent sur eux». Et d'autre part, nous lisons: «Pendant sa vie terrestre, Félix von Marx s'est volontairement soustrait à l'influence des Anges secourables pour descendre dans la sphère des Esprits élémentaires.» Au moment de la mort par inanition du Chevalier B., il est spécifié: «Le Père des Âmes a permis à ses Anges de réparer le mal». Voici un spécimen d'invocation pour appeler l'assistance des Anges des éléments et des planètes: «Donc venez! venez! vous Serapiel, esprit de l'air! Ange des vents du Sud-ouest, venez, venez! Adonaï le commande!» Une allusion particulière est faite à METRON, Esprit tutélaire, analogue aux lohim de la cabbale, êtres qui dirigent les différents règnes de la création; toutes les planètes sont sous la dépendance d'un Ange spécial et Métron lui-même est un de ces vigilants gardiens. Voici un enseignement à retenir: «Chaque Ange planétaire règne sur des régions où différentes qualités mentales et morales se sont développées. Dans les sphères astrales les grands esprits guides sont comme les centres de cercles où tous se rassemblent parce que les pensées et les desseins sont en harmonie. Sur la terre, l'ivraie et le bon grain poussent ensemble. Tous les genres d'esprits sont réunis dans le tourbillon vital appelé Société ou groupés par Nation. Mais dans le monde astral, l'Ange de la mort sépare le bon grain de l'ivraie, dans son classement de tout ce qui spécialise un homme pendant son existence terrestre et sert à son évolution dans l'éternité... Jusqu'à ce que les âmes aient passé par tous les appartements du Cosmos et qu'elles se soient rendues maîtres de tous ses éléments séparés, vous pourrez les voir groupées en cercles présidés par des Esprits élevés. Elles sont aussi amenées vers des centres où leurs dispositions particulières trouvent le plus vaste champ de culture que la vie des esprits procure aux habitants de la terre.» Métron est l'Ange de tous les esprits humains, des élémentals mortels ou immortels qui subissent l'attraction du royaume qu'il gouverne avec ses légions, royaume situé au pôle Nord, pôle d'où découle le magnétisme vital: La glorieuse lumière de l'Aurore, les pouvoirs invisibles de l'aimant, la VIE enfin et la gravitation, ne sont que des différentes phases de cet unique et puissant royaume dont les forces générées au pôle Nord, cerveau de la Terre, sont ensuite distribuées dans toutes les directions; c'est là le centre d'action de Métron et de ses légionnaires. A l'occasion d'une extase provoquée par un haut Initié, le Chevalier de B. raconte ce qui suit: «Je fus environné d'une atmosphère de feu; des éclairs éblouissants flamboyèrent près de moi, une impression d'extase mêlée d'oppression m'accabla; et il me fut cependant permis de contempler un instant une glorieuse forme penchée sur moi. C'était Métron qui me regardait avec tout l'amour qu'un Ange peut ressentir pour le mortel qui lui est confié.» Le Chevalier de B., le visionnaire, nous confie encore: «J'avoue que je perçois seulement, comme un nuage, les mains blanches des Anges tissant la trame de la Vie humaine et les bras des Esprits gardiens à moitié cachés à mes yeux». Puis il nous fait cette déclaration grosse de conséquences: «À mesure que les années sécoulent, et plus je m'efforce de connaître à l'aide de mes sens finis et de mes fugitifs pouvoirs ce qui est Infini et éternel, plus je constate que je ne sais rien,» Comment se fait-il que les magiciens noirs puissent nuire aux hommes? Que font dans ce cas leur Ange gardien? L'Initié répondra: «Les Anges gardiens sont toujours près de nous, disposés à nous aider à nous inspirer; mais ils ne semblent pas y réussir toujours, car les esprits grossiers de la matière sont plus près des hommes que les Anges. Le meilleur moyen de nous préserver des mauvaises influences est de développer en nous la pureté qui est une force très grande pour repousser le mal. La notion d'Anges tutélaires des mondes et des planètes est générale parmi les occultistes avertis.
SECTION IV: Le Traité très docte des Anges du P. Maldonat (1570)
Nous avons eu la bonne fortune de mettre la main sur un livre de l'époque consacré uniquement à l'étude du ministère des anges; le frontispice, finement gravé, nous montre, à la partie supérieure, deux anges agenouillés devant le monogramme flamboyant du Christ; encadrant le titre, nous voyons saint Michel terrassant le Dragon et saint Raphaël le maintenant enchaîné; enfin dans le médaillon du bas, les démons dans l'enfer y reçoivent les âmes pécheresses. Voici le libellé du titre complet de cet ouvrage, bien caractérisé déjà par la figuration de son frontispice: TRAICTÉ TRÈS DOCTE, DES ANGES, escrit, souz le P. Maldonat, Docteur théologien, de la Compagnie de Iésus, en l'an1570. Par M. F. De-la Borie, Archidiacre, et Chanoine, à Périgneux, et traduite en François par le même.
À cette époque les titres longs et détaillés étaient de mode; voici le début de l'ouvrage, exposé en manière de préface, qui situe le livre: La dispute des Anges a deux parties. L'une générale en laquelle on dispute généralement des Anges, bons et mauvais, l'autre spéciale, en laquelle on traite tout à part des bons et des mauvais. La première partie est comprise en six questions. La première, du nom des Anges; la seconde, de leur estre comme l'on dict, c'est-à-dire, s'il y a des Anges: la troisième, de leur origine: quatrième, de leur nature: la cinquième, de leurs puissances: la sixième, des actions et fonctions de leurs puissances et facultés. Par cet exposé, on peut juger déjà que le docte auteur suit fidèlement l'angéologie de saint Thomas d'Aquin; la similitude de pensée, d'exposition et de croyance ressortira encore plus nettement par l'exposé des têtes de chapitre que nous donnons ci-après: Des noms des Anges. S'il y a des Anges. De l'origine des Anges. En quel lieu furent faits les Anges. Si tous les Anges ont été faits ensemblement? De la Nature des Anges. Si les Anges sont composés de matière et de forme. Si aux Anges il y a quelque composition. Si les Anges sont immortels. De la différence des Anges. Comment ils sont différents en espèce. Des facultés des Anges. Des actions des Anges. De la manière en laquelle les Anges connaissent. Si les Anges usent de discours. Du lieu des Anges. Du mouvement des Anges. Des Anges particulièrement bons et mauvais. Si les Anges ont été faits en grâce. Si les Anges furent faits Bienheureux. Si les Bienheureux Anges peuvent pécher. Si les Bienheureux Anges méritent plus grande félicité. De la distinction des bons Anges. De la première Hiérarchie. De la seconde Hiérarchie. De la troisième Hiérarchie. Des offices des Anges. Si les Églises ont aussi leurs Anges gardiens. Des Démons. Si quelqu'un d'eux pécha premier que les autres. Si celui qui pécha le premier fut auteur de péché aux autres. De quel ordre étaient les Anges qui péchèrent. Combien fut grand le nombre de ceux qui péchèrent. S'il a été laissé aux Démons quelque temps de pénitence.
On le voit la question de la nature, de l'état, des fonctions des Anges y est envisagée dans le détail, à la façon et dans l'esprit de saint Thomas. L'auteur posera en principe que lorsqu'on donne aux anges le nom d'Esprits, cela se rapporte à leur nature qui est commune avec celle de Dieu. Ainsi Esprit doit être considéré comme nom de nature et Ange comme nom d'office; en effet l'Ange est tout à la fois un Esprit servant et un messager; il est de plus toute vertu naturelle et surnaturelle. Les Anges connaissent aisément nos pensées et nos désirs. Les Anges se parlent entre eux et leur langage serait plus beau que le nôtre; à l'occasion ils peuvent aussi parler le langage des hommes quand ils ont un message personnel à leur délivrer. L'auteur, s'appuyant sur Damascène, dit que pour les anges, parler entre eux, est l'équivalent de désirer. Ordinairement, les anges ne sont pas dans un lieu physique, exception faite pour le cas où ils ont une action à faire dans le plan physique et où ils revêtent un corps matériel. Les anges «se remuent de lieu en lieu par leur essence propre qui est de se mouvoir»; ce mouvement est indépendant du temps physique humain mesuré par le mouvement du ciel. Une fonction primordiale de l'ange est d'offrir nos prières à Dieu, cependant cet office n'est pas uniquement le fait d'un simple messager, mais il doit aussi inciter les hommes à prier et à bien faire; de plus les anges sont préposés par Dieu pour distribuer des récompenses aux bons et des punitions aux mauvais. Enfin certains anges auraient pour mission de surveiller, d'entretenir le mouvement du ciel et d'en assurer la régularité. Quant à la distribution des anges en trois hiérarchies, subdivisées elles-mêmes en neuf ordres, l'auteur suit textuellement l'enseignement de saint Thomas d'Aquin; il en va de même pour ce qui regarde la mission de l'ange gardien attribué à chaque homme (âme) au moment de la naissance. Le Diable et les démons peuvent à l'occasion se matérialiser et se manifester, mais les évocations magiques effectuées par les sorciers et sorcières sont sévèrement condamnées; il en est de même pour toutes les pratiques magiques; notons qu'il n'est fait aucune distinction entre magie noire et magie blanche. A ce sujet nous citerons un passage curieux, bien typique des luttes entre Calvinistes et Catholiques de l'époque; avec assez de raison, l'auteur fait ressortir que beaucoup de ces histoires de diables relèveraient plus d'une imagination déréglée que d'apparitions réelles; au demeurant voici ce passage: Jadis plus près de France personne n'ignore qu'aux monts Apennins il n'y eut (et encore aujourd'hui) autant de sorcières qu'il y a de femmes. Et c'est d'autant que les Vauldois hérétiques y sont demeurés cachés jusques aujourd'huy. Je ne voudrais pas qu'aucun des Calvinistes s'offençast de ce que je vais dire, auxquels certes j'aymerais mieux estre auteur de salut que de scandale. Au surplus, certainement j'estime que ces illusions de diables desquels nous sommes maintenant souvent travaillés, sont sortis du mesme Lac de Genève duquel sont venues à nous leurs hérésies. Car il a été vérifié que cette ville a commencé la première d'estre troublée par les démons. Et d'autant que la petitesse d'icelle n'estait par aventure pas capable de la multitude d'iceux croissant de iour à autre, j'estime qu'il est advenu qu'elle s'est aussi répandue en nos villes. Enfin pour l'auteur, les arts magiques «suivraient l'hérésie». Avec le Traité des Anges du P. Maldonat, nous avons un tableau précis de la façon dont la majorité des théologiens et les catholiques de l'époque envisageaient le ministère des Anges envers l'humanité.
SECTION V: Un théologien du XVIIe siècle: Guillaume Sherlock, sa conception de langéologie
Un siècle après la parution du Traité des Anges du P. Maldonat, que nous venons d'analyser, nous trouvons les mêmes croyances exprimées dans les ouvrages d'un docte théologien anglais: Guillaume Sherlock, Docteur en Théologie, Doyen de St-Paul, Maître du Temple et Chapelain ordinaire de Sa Majesté. Nous voulons attirer l'attention sur deux ouvrages capitaux du savant Docteur: Traité de la mort et Traité du Jugement Dernier, traduits par David Mazel et parus à Amsterdam en 1696.
Retenons une remarque du traducteur exprimée dans la présentation du premier Traité; bien que vieille de plusieurs siècles, cette remarque est toujours de regrettable actualité: «L'excellence de l'Ouvrage, dont je présente une traduction française, n'aurait besoin d'aucune protection, dans un siècle moins corrompu. Les préceptes qu'y donne le savant et pieux Dr Sherlock seraient lus sans doute avec avidité de tous ceux qui ne négligent pas le soin de leur salut; mais la faiblesse des Chrétiens a besoin d'être soutenue. Les temps sont fâcheux, et les exemples vivants d'une solide et éclatante piété sont difficiles à trouver.» Pour juger de la nature et du ministère des Anges, Sherlock s'en réfère aux paroles de la Bible décrivant le nombre infini des Anges, leur nature, leurs activités et leurs missions diverses. Nous reproduisons le frontispice du Traité du Jugement dernier qui nous renseigne comment l'auteur concevait la parousie dont il est fait si nettement mention dans les Évangiles (v. fig. 28). Dans cet ouvrage un chapitre entier est consacré à exposer, en partant des enseignements de l'Écriture, la manière et les circonstances de l'apparition de Jésus-Christ et de la terrible solennité du Jugement. Donc, il est dit dans l'Écriture: Que le Fils de l'homme viendra avec la gloire de son Père et avec ses Anges (Matth. 16,17). Que le Fils de l'homme viendra avec sa gloire, et avec celle de son Père et des saints Anges (Luc 9,26). Que le Seigneur Jésus sera révélé du Ciel, avec les Anges de sa puissance, avec des flammes, pour exercer la vengeance contre ceux qui ne connaissent point Dieu et qui n'obéissent point à l'Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ (2 Thés. 1,7-8). Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire avec tous les Anges, alors il s'assiéra sur son trône de gloire... Il séparera les uns d'avec les autres... (Matth. 25,31-32). Dans son Apocalypse, saint Jean donne la relation d'une vision prémonitoire qu'il lui a été donné de voir ayant trait à la façon dont se déroulerait la solennité du Jugement (Apoc. 20,11-15). Examinons succinctement, nous dira l'auteur, les particularités de la venue du Christ et du Jugement dernier, telles qu'elles découlent des textes sacrés: Jésus-Christ viendra avec sa gloire et avec celle du Père et des saints Anges. Avec sa gloire; ce qui signifie sans doute la gloire de sa Personne, savoir, la gloire d'un Dieu incarné. Son corps brillera comme le Soleil, et ses vêtements seront blancs comme la lumière... L'Écriture nous apprend que Notre Seigneur est maintenant revêtu d'un Corps glorieux... Jésus-Christ apparaîtra aussi avec la gloire de son Père, c'est-à-dire, comme je l'entends, avec l'autorité d'un Juge universel... Sa Suite contribuera beaucoup à sa gloire et augmentera la terreur et la majesté de cette apparition. Car il viendra accompagné de la troupe innombrable de ses saints Anges, Êtres illustres et glorieux, qui environneront sa Personne, et seront les témoins et les ministres de sa justice... Nous ne croyons pourtant point que cette glorieuse Suite d'Anges soit seulement pour la pompe et pour l'éclat. Ces Anges seront aussi les Ministres de sa Justice. En effet, ils sont appelés les Anges puissants, ou les Anges de sa Puissance. Combien donc sera puissant le Juge qui aura toutes les puissances du Ciel pour le servir... L'auteur commente le passage de 1 Thessaloniciens IV, 16, qu'il traduit comme suit: « Alors le Seigneur lui-même descendra du Ciel avec un cri d'acclamation, avec la voix de l'Archange et avec la trompette de Dieu.» Ce cri est le cri des saints Anges, qui commencera par la voix de l'Archange, lorsque cette troupe céleste descendra avec Jésus-Christ, et signifie ce que signifient parmi les hommes ces sortes de cris, une joie extraordinaire, une grande exultation, une allégresse de valeur et un courage élevé... De même quand Notre Seigneur dira: «Venez, saints Anges, descendez avec moi pour juger le monde», ils crieront de joie pour ce jour enfin venu, qui doit mettre fin au Royaume des ténèbres, et auquel le Diable, ses Anges et tous les méchants hommes seront précipités dans l'étang de feu et les gens de bien seront récompensés, couronnés et admis en la présence immédiate de Dieu dans le Ciel. Ce sera sans doute un très grand sujet de joie pour les Anges... En effet, s'il y a joie au Ciel pour la repentance d'un pécheur, quelle allégresse, quelle exultation, quelles acclamations n'y aura-t-il pas, quand les Anges verront tous les élus de Dieu, ressuscités, revêtus de corps glorieux. Le Fils de Dieu lui-même nous apprend que les Anges ne sont pas seulement les Ministres de son Royaume, mais qu'ils sont encore des Officiers et des Ministres qu'il doit employer au Jour du Jugement. Ainsi s'explique la parabole de l'ivraie: Celui qui sème la bonne semence, c'est le Fils de l'homme. Le champ, c'est le monde. La bonne semence, ce sont les enfants du Royaume. L'ivraie, ce sont les enfants du Malin. L'Ennemi qui l'a semée, c'est le Diable. La moisson, c'est la fin du monde. Les moissonneurs sont les Anges. Tout ainsi donc qu'on cueille l'ivraie et qu'on la brûle au feu, il en sera de même à la fin du monde. Le Fils de l'homme enverra ses Anges, qui cueilleront de son Royaume tous les scandales et ceux qui font iniquité; et les jetteront dans la fournaise du feu; là il y aura pleurs et grincements de dents. Alors les justes brilleront comme le Soleil au Royaume de leur Père. On peut expliquer de la même manière la parabole du filet jeté dans la mer et amassant toutes sortes de poissons qui seront triés selon leur valeur par les pêcheurs quand ils seront arrivés au rivage. «Ainsi, dira Sherlock, les Anges sépareront le bon grain d'avec l'ivraie, le bon poisson d'avec le mauvais, car comme il a été dit, les Anges sont des esprits administrateurs, envoyés pour servir, pour l'amour de ceux qui doivent recevoir lhéritage du salut. Ainsi les Anges peuvent distinguer les gens de bien d'avec les méchants et les séparer les uns d'avec les autres.» Et l'auteur de conclure avec raison, que les hommes conscients du ministère des Anges à l'instant du Jugement, devraient penser sérieusement à ce moment futur, et «cette méditation leur ferait faire un tout autre usage des richesses et de la puissance en ce monde.» Ces quelques citations sont bien propres à nous montrer combien ce docte théologien du XVIIe siècle était profondément convaincu de l'existence des cohortes angéliques et de leur ministère auprès des hommes. |