Chapitre Septième

SECTION VIII:

Les Visions angéliques et divines d'Anne-Catherine Emmerich (1774-1824)

 

       Parmi les mystiques, ce sont ceux ou celles qui ont porté dans leur chair les stigmates du Christ qui ont été favorisés de multiples visions et colloques tant angéliques que divins. Nous allons en donner un exemple typique en résumant la vie extraordinaire d'Anne-Catherine Emmerich, mystique qui, dès son plus jeune âge, fut en rapports constants avec son ange gardien. Il existe une ample littérature nous permettant de suivre au jour le jour le développement spirituel de cette mystique qui finit par recevoir les stigmates avec toutes les douleurs physiques et morales qui les accompagnent, sans oublier les tracasseries et sévices des autorités matérialistes de l'époque.

       Pour être au clair sur ce cas, il vaut la peine de lire les ouvrages suivants:

       Vie d'Anne-Catherine Emmerich, par le P. E. Schmoeger, traduction française par E. de Cazès; 3 vol. in-8. Paris, 1868-1872.

        Vie merveilleuse, intérieure et extérieure d'Anne-Catherine Emmerich, par le P. Thomas Wegener, 0. S. Aug. postulateur de la cause de béatification. Paris 1894.

        Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ d'après les visions d'Anne-Catherine Emmerich, religieuse augustine du couvent de Dulmen, recueillie par Clément Brentano. Paris s. d. (1858), 6 vol. in-12.

        Visions d'Anne-Catherine Emmerich sur la vie de Notre Seigneur Jésus-Christ et de la Très-Sainte Vierge, par le R. P Fr. Joseph-Alvare Duley, trad. fr. par Ch. d'Ebeling; 3 vol in-8, Paris 1930.

       La vie et les tribulations de cette mystique sont si extraordinaires que le lecteur aura tout à gagner en prenant connaissance de ces ouvrages riches en faits bien observés et en documents de première main.

       Anne-Catherine est née le 8 septembre 1774, dans le hameau de Flamske, près de Coesfeld, pays de Munster. Ses parents étaient de pauvres paysans qui avaient de la peine à vivre du produit de leur lopin de terre; la famille, profondément religieuse, assistait régulièrement aux offices.

       Voici comment Anne-Catherine, en une vision du 8 septembre 1821, décrit les sentiments qu'elle eut à sa naissance et lors de son baptême:

        Je me sentais enfant nouveau-né... J'avais honte de me sentir si petite, si faible et d'être cependant si vieille...

        Je me sentis avec la pleine conscience de moi-même portée pendant tout le chemin depuis notre chaumière à Flamske jusqu'à l'église paroissiale de Saint Jacques à Coesteld; je sentais tout et je voyais tout autour de moi. Je vis s'accomplir en moi toutes les saintes cérémonies du baptême et mes yeux et mon cœur s'y ouvrirent d'une façon merveilleuse. Je vis, lorsque je fus baptisée, mon ange gardien et mes patronnes, sainte Anne et sainte Catherine assister à l'administration du saint baptême, je vis la Mère de Dieu avec le petit Enfant Jésus et je fus mariée avec lui par la présentation d'un anneau.

       Imbus de nos idées modernes qui prétendent tout rapporter, la science expérimentale, à la psychologie, à la psychanalyse, il sera tenté de considérer les visions d'Anne-Catherine comme pure confabulation, hystérie ou besoin de faire parler d'elle; et cependant, ceux qui l'ont examinée sans parti pris, notamment Clément Brentano, s'accordent à dire qu'elle était incapable de toute tricherie: «elle disait toutes ces choses, s'accordent-ils à faire remarquer, avec la naïveté d'un enfant innocent qui ferait la description de son jardin». Il ne faut pas perdre de vue cette considération lorsqu'il s'agit d'apprécier les multiples visions de cette mystique.

       La première condition pour être au bénéfice de ces merveilleux dons, est la pureté absolue, et c'est un trésor qui ne peut être acheté que par la patience dans la souffrance; or ce fut toute la vie d'Anne-Catherine; heureusement pour elle, ainsi qu'elle l'a déclaré à plus d'une reprise, dès le début, elle fut dirigée par son saint ange; elle fut parfaitement consciente de sa présence continuelle; il lui donnait jour après jour les directives nécessaires pour la conduite de sa vie et pour ses mortifications. Dès sa tendre enfance, Anne-Catherine, lorsque ses parents étaient endormis, se levait et priait avec l'ange deux à trois heures de suite; quand elle le pouvait, elle aimait à le faire en plein air, dans les champs; tout son comportement était déterminé par l'inspiration de l'ange. Déjà tout enfant, bien que faible et fatiguée, elle obéissait promptement à la voix de l'ange qui l'appelait à la prière; le saint ange la soutenait durant son oraison à tel point qu'elle ne sentait plus la fatigue et que les heures de la nuit lui paraissaient trop courtes.

      La mère recommandait aux enfants de jouer ensemble bien pieusement, car, disait-elle, les anges sont là avec vous et même avec le petit enfant Jésus. «Or, dit Anne-Catherine, je prenais cela pour une vérité certaine, confirmée par la vision de mon ange gardien.» Quand Anne était parmi ses camarades, elle savait parler d'une manière si attrayante de la présence de Dieu, de l'enfant Jésus et de l'ange gardien que les enfants l'écoutaient avec grand plaisir. Quand elle allait avec les enfants le long des sentiers champêtres, elle engageait la petite troupe à marcher comme en procession en se souvenant que les saints anges étaient présents.

      Voici comment Anne-Catherine décrit le souvenir que lui a laissé sa confirmation: «J'avais un sentiment très vif de la solennité qui s'accomplissait dans l'église et je vis ceux qui sortaient chargés intérieurement à divers degrés. Je les vis aussi marqués d'un signe extérieur. Lorsque j'entrai dans l'église, je vis l'évêque tout lumineux; il y avait autour de lui comme des troupes d'esprits célestes.»

      À retenir, cette déclaration, maintes fois répétée: «Elle n'était jamais dans la maison de Dieu sans être accompagnée de son ange et sans voir, dans la manière dont celui-ci adorait le très saint Sacrement, le modèle du respect avec lequel l'homme mortel doit s'en approcher».

      Parlant des visions d'Anne-Catherine, le P. Schmoeger dira:

       Le Seigneur lui-même daignait se faire le guide de cette âme privilégiée dans le cercle immense de ces visions et lui communiquer l'intelligence des mystères les plus cachés. Il parcourait avec elle les lieux sanctifiés par sa présence sur la terre et lui montrait comment il y avait accompli ce qu'il avait travaillé à préparer d'avance dès le commencement des temps pour le salut de l'humanité déchue. Il lui révéla le mystère de la Conception immaculée de sa très sainte Mère.

       Notre-Seigneur voulait être le guide et le maître d'Anne-Catherine, non seulement dans la sphère de la contemplation, mais plus encore dans la pratique de la piété... Quand elle faisait le chemin de la croix, il venait à elle et lui donnait sa croix à porter.

       Anne-Catherine ne craignait pas d'adresser des demandes directes à ses protecteurs divins: le Christ, la Vierge, les anges. «La sainte Vierge, nous dit-elle, quand je le lui ai demandé avec beaucoup de ferveur, a mis souvent l'enfant Jésus dans mes bras.»

      Le P. Schmoeger a consacré tout un chapitre de sa biographie d'Anne-Catherine à relater les rapports journaliers de cette mystique avec son ange gardien; il dira:

       Le commerce intime de l'ange avec Anne est un fait qui se reproduit chez tous les mystiques favorisés du don de l'intuition, si lourd à porter. Dès le sein maternel, tout homme sans exception est accompagné d'un ange comme instrument ou comme serviteur et délégué de la divine Providence. Chez Anne-Catherine, rien n'a terni son innocence baptismale, aussi son ange fut un envoyé des rangs les plus élevés de la hiérarchie.

       Chaque regard que l'ange jetait sur elle était un rayon de lumière et comme un souffle qui augmentait l'ardeur de son amour qui ne pouvait avoir d'autre but que Dieu.

       L'ange ne laissait pas son esprit se dissiper, sa sévère vigilance n'y souffrait pas le moindre attachement à un bien passager... Tout son être, elle le savait, était à découvert devant le regard de l'ange... Elle donna sa volonté à l'ange pour qu'il la gouvernât, son intelligence pour qu'il l'éclairât, son cœur pour qu'il l'aidât à le conserver à Dieu seul, pur de toute attache terrestre.

       Et de fait, Anne-Catherine dira: «L'ange m'appelle et me mène en différents lieux. Je suis souvent en voyage avec lui... Il m'a conduit une fois auprès de la reine de France (Marie-Antoinette) dans sa prison.

      » L'ange est toujours très bref dans ses paroles. Je le vois même à l'état de veille. Quand je prie pour d'autres personnes et qu'il n'est pas près de moi, je l'appelle, afin qu'il aille trouver leur ange. Souvent aussi, alors qu'il est près de moi, je dis que je veux rester; je le prie alors d'aller en tel ou tel endroit porter des consolations, et je le vois partir.

      » L'ange m'exhortait à offrir pour les pauvres âmes toute espèce de privations et de renoncements. J'envoyais souvent mon ange gardien à l'ange de certaines personnes que je voyais dans la souffrance.

      » L'ange me montrait tout d'avance, en visions ou sous forme de tableaux symboliques, de peur que, surprise sans préparation par le changement incessant et souvent subit des circonstances, je ne me rendisse coupable de quelque action ou omission dont ma conscience aurait pu être blessée.

      » L'ange me préparait par ces visions symboliques à des souffrances prochaines ou éloignées, afin que je puisse demander la force de les prendre sur moi... Je recevais des avertissements précis sur la manière dont je devais me comporter envers les personnes avec lesquelles j'entrerais en rapport. Je savais si je devais frayer avec elles ou me tenir à distance.

      » Si les circonstances le demandaient, l'ange me prescrivait jusqu'aux termes dans lesquels je devais m'exprimer.»

      Un point particulier et très instructif de cette direction angélique constante est relevé et mis en lumière par le P. Schmoeger:

       Tant qu'Anne-Catherine n'eut point part à la direction spirituelle qui se donne par les prêtres de l'Église, l'ange fut le seul guide dont les avertissements réglaient sa vie. Mais lorsqu'elle s'en vint à s'approcher des sacrements et par suite à se mettre sous la conduite d'un confesseur, le respect et la soumission qui lui étaient habituels envers l'ange devinrent la règle de ses rapports avec le prêtre; elle fut en cela d'autant plus soigneuse et plus scrupuleuse qu'elle remarqua que l'ange lui-même subordonnait sa direction à celle du prêtre. Il semblait que l'ange n'intervenait plus qu'en sa qualité de protecteur et de gardien de sa pupille... L'ange lui-même paraissait être aux ordres et sous la puissance de l'Église. C'était lui qui portait à Anne-Catherine l'appel du confesseur ou des supérieurs ecclésiastiques quand elle était entièrement séparée du monde extérieur et ravie en esprit dans d'autres sphères, absolument inaccessible à toute impression naturelle... Sur cet ordre, elle revenait immédiatement à l'état de veille.

       Ceci nous amène à parler de la nécessité primordiale de l'obéissance qui, selon le dire d'Anne-Catherine, est «la racine vivante d'où est sorti tout l'arbre de la contemplation». Cependant l'ordre donné par le confesseur de cesser la contemplation n'aurait pas agi si rapidement s'il n'avait été porté par l'ange pour lequel l'obéissance était plus méritoire que la contemplation. Au demeurant, le saint ange ne tolérait en sa protégée aucune imperfection; il punissait chaque faute par des réprimandes et des pénitences qui étaient fort douloureuses et laissaient toujours dans l'âme une profonde humiliation.

      Un exemple montrera quelle était pour Anne-Catherine la valeur de la bénédiction sacerdotale: Quand un prêtre passait dans le voisinage de la demeure paternelle, elle courait au-devant de lui pour lui demander sa bénédiction. Si elle se trouvait occupée à garder les vaches, elle les recommandait à son ange gardien et se hâtait d'aller vers le prêtre pour être bénie, puis elle revenait, certaine que les vaches avaient été bien gardées; ce qui effectivement était le cas.

      L'influence plénifiante et bienfaisante d'Anne-Catherine ne se faisait pas seulement sentir aux personnes qui l'approchaient, les animaux même n'y étaient pas insensibles, preuve en soit le fait suivant: le père avait un cheval méchant dont il avait grand peine à en faire façon; l'animal ruait, mordait et s'enfuyait lorsque son maître voulait l'approcher; par contre il se laissait prendre par la petite Anne-Catherine; il courait même parfois à sa rencontre. «Bien souvent, dit-elle, je montais sur son dos. Il tournait quelquefois la tête et voulait me mordre, mais je lui donnais un coup sur le nez et alors il allait tranquillement jusqu'à la maison.»

      L'enfant dès son jeune âge manifesta son ardent désir d'entrer en religion. Les parents étaient trop pauvres pour payer la somme exigée pour la réception de leur fille dans un couvent. Elle se mit à gages dans une famille pour réunir la somme nécessaire; elle y était déjà presque parvenue lorsque, sur le conseil de son ange, elle donna cet argent pour secourir une famille dans la plus profonde misère. De ce fait, tout était à recommencer et, de plus, les parents s'opposaient au désir de leur fille. Pour faire comprendre cette attitude, le P. Schmoeger dira: «C'était pour eux un précieux trésor. Depuis que Dieu leur avait donné Anne-Catherine, ils n'avaient trouvé en elle que joie et consolation. Cette enfant, guidée par son ange gardien et éclairée d'En-Haut, était devenue pour eux, dès son plus jeune âge, par sa sagesse et son intelligence, ainsi que par le don de conseil qu'ils trouvaient en elle, une ressource dont ils ne pouvaient se passer. » Cependant, à force de supplications et de pleurs, elle parvint à fléchir ses parents et put entrer au couvent des Augustines. Et voici ce qu'elle nous dit de sa vie et de son état d'âme au couvent: «Je n'ai jamais été si riche intérieurement, ni si parfaitement heureuse quelles que fussent mes souffrances et mes peines. Je vivais en paix avec Dieu et avec toutes ses créatures, et, quand je travaillais dans le jardin, les oiseaux venaient à moi; ils se posaient sur ma tête et sur mes épaules et nous louions Dieu ensemble.

      «Mon ange gardien marchait toujours à mes côtés et, quoique le mauvais esprit rôdât partout autour de moi et excitât les passions contre moi, quoique, même dans ma cellule, il m'accablât de mauvais traitements et de coups et cherchât à m'effrayer par un tapage affreux, il ne pouvait cependant me nuire sérieusement et le secours m'arrivait toujours.»

      Dans le couvent, l'office de notre mystique était celui de sacristine, office qu'elle remplissait avec zèle et grande joie, attentive aux plus petits détails, car «elle savait, disait-elle, qu'elle servait le Roi des Rois et que les anges lui portaient envie pour cela». Et souvent elle voyait autour du Saint Sacrement une lumière éblouissante; il y avait une croix sur la Sainte Hostie et des anges en adoration l'entouraient.

      Durant la messe, au Gloria, Anne louait Dieu avec tous les anges.

      Fait remarquable, notre mystique n'appréciait pas les prières en allemand; elle les trouvait «trop insipides et rebutantes»; ce qui n'était pas le cas lorsqu'elles étaient dites en latin. «Les prières latines de l'Église, dit-elle, m'ont paru toujours beaucoup plus profondes et intelligibles.»

      Sujette à tomber fréquemment en extase, Anne-Catherine fut souvent lévitée ou transportée d'un coin à l'autre de l'église; elle fut notamment élevée jusqu'à des corniches inaccessibles; automatiquement, elle profitait de cette situation pour enlever la poussière et nettoyer la pierre. Dans l'état extatique fréquent, de plus ou moins longue durée, Anne-Catherine ne demeurait jamais inactive ainsi que le fait ressortir son biographe: «Sans sortir de la contemplation, dit-il, la main d'Anne-Catherine savait manier adroitement l'aiguille, pendant que son œil était dirigé vers de tout autres objets. Dieu lui donna une telle aptitude pour cette sorte de travaux qu'elle pouvait venir à bout des ouvrages les plus difficiles sans y appliquer son esprit. Ses mains seules étaient actives et, comme conduites par l'ange, elles poursuivaient leur travail avec précision et sûreté. Et lorsqu'elle était dans cet état, chaque fois qu'on s'adressait soudainement à elle, c'était son ange qui lui mettait dans la bouche les paroles nécessaires.»

       Et, mission difficile, fort délicate même, pendant l'extase, l'ange donnait à sa protégée l'ordre de rappeler à ses sœurs la stricte observation de la règle, soit de ne pas manquer au vœu de silence, d'obéissance et de pauvreté, enfin, à toutes les règles, souvent violées, qui se rapportaient à l'office divin et à la discipline claustrale. Il va de soi que ces remontrances étaient souvent très mal reçues et indisposaient les sœurs envers leur camarade.

       Voici comment notre mystique reçut les premiers stigmates: Une fois Anne-Catherine était en contemplation devant le Christ qui se trouvait à la tribune de l'orgue de l'église des Jésuites à Coesfeld; elle vit son fiancé céleste sortir du tabernacle sous la forme d'un jeune homme resplendissant; il tenait de la main gauche une guirlande de fleurs et de la main droite une couronne d'épines. Il les lui présenta pour qu'elle choisisse; elle prit la couronne qu'il posa sur sa tête, elle l'enfonça des deux mains et ressentit des douleurs inexprimables qui dès lors ne la quittèrent plus. Et le vendredi, plus spécialement, les plaies saignaient jusqu'à transpercer le bandeau qu'elle portait pour dissimuler ces marques sacrées.

       Comme tous les mystiques, Anne-Catherine a été en butte aux attaques du diable; nous en avons déjà parlé, mais il vaut la peine d'y revenir et de voir comment elle concevait ces attaques de l'esprit du mal et comment elle y réagissait; voici ce qu'elle déclare à ce sujet: «Dans mon enfance et plus tard, j'ai été exposée très souvent au danger de perdre la vie, mais j'en ai été sauvée par le secours de Dieu. J'ai bien des fois reçu à ce sujet l'avertissement intérieur que ces dangers ne venaient jamais de l'aveugle hasard, mais, que, par une permission divine, ils avaient pour cause les embûches de l'esprit malin, et spécialement dans les moments d'oubli, lorsque je ne me tenais pas en présence de Dieu ou que je consentais à une faute par négligence. C'est pourquoi je n'ai jamais pu croire à un pur hasard. Dieu est toujours notre gardien et notre protecteur quand nous ne nous éloignons pas de Lui; son ange est toujours à nos côtés, mais il faut que notre bonne volonté et notre conduite nous rendent dignes de sa protection...»

       Ce fut lorsqu'Anne-Catherine commença régulièrement l'exercice de la prière nocturne que les attaques de l'esprit malin devinrent plus fréquentes et plus manifestes: grands bruits, apparitions effrayantes, sévices et coups jusqu'au point d'être jetée à terre. C'est avec l'aide de son ange gardien qu'elle se défendait courageusement et qu'elle forçait le diable à se retirer; une fois le malin la jeta, dans le but de la noyer, dans une fosse profonde pleine d'eau; mais l'ange gardien veillait et il la retira de cette dangereuse position; une autre fois elle fut précipitée du haut d'une échelle, mais l'ange veillait encore et, dans sa chute, Anne ne se fit aucun mal. Pourquoi cette protection toute spéciale? Anne-Catherine nous le dira: «J'ai vu spécialement comment la macération et le jeûne affaiblissaient beaucoup l'influence des mauvais esprits et facilitaient l'approche et l'action de l'ange gardien et comment par-dessus tout la réception des sacrements est un moyen de leur résister».

       Mais ce ne fut pas seulement des attaques et des sévices des entités maléfiques de l'Au-Delà dont notre mystique fut victime; elle eut à supporter des hommes des vexations inimaginables; en effet les autorités matérialistes de l'époque ne pouvaient admettre l'existence d'une stigmatisée notoire dans leurs murs; d'après leur jugeote à courte vue, il ne pouvait s'agir que de tromperies d'une hystérique qui voulait se rendre intéressante; aussi une commission officielle fut-elle nommée. Elle était composée de médecins, d'un pharmacien et de quelques notables. Ces hommes foncièrement matérialistes pour la plupart se croyaient capables de dévoiler ce qu'ils appelaient «la fraude»; un certain Dr Rave (au nom prédestiné) se faisait fort d'obtenir l'aveu de la «délinquante»; sa conduite envers Anne-Catherine fut ignoble: grossièretés, injures, menaces, tout fut mis en œuvre pour amener «l'inculpée» à signer un papier préparé de toutes pièces par lequel elle reconnaissait avoir elle-même fait et entretenu ses stigmates. Rien n'y fit, «l'inculpée» se refusa à signer cet aveu qu'elle déclara à la face de ses tortionnaires: mensonger. Voici ce qu'Anne-Catherine raconte de cet internement illégal à tout point de vue: «Les surveillants, la nuit, à de courts intervalles, tournaient autour de mon lit et approchaient la lumière de mon visage. Mon bon ange était toujours présent; je lui obéissais; je l'entendais et lui répondais. Il me disait souvent: «Réveille-toi!» Quand mes persécuteurs me faisaient des questions insidieuses, il me disait ce que je devais répondre.»

       Médecins et pharmacien s'évertuèrent à appliquer lotions et baumes des plus variés afin d'obtenir la cicatrisation des plaies; or, à leur grand désappointement, tous ces lavages, drogues et pansements occlusifs n'eurent comme effet que de causer des douleurs intolérables à leur patiente; mais de cicatrisation, pas trace. Les stigmates persistaient et le sang coulait toujours. C'est alors que le Dr Rave, dans sa haute sagesse, se fit fort de faire avouer à la malade que c'était elle qui entretenait les plaies afin de se rendre intéressante. Il faut lire le compte rendu officiel de ces colloques qui se prolongeaient souvent plus de deux heures pour être édifié sur la triste mentalité de ces examinateurs. De guerre lasse, on fut forcé, au bout de quelques semaines, de laisser Anne-Catherine réintégrer son domicile sans qu'on n'ait rien pu trouver à lui reprocher de positif.

       Mais il est temps d'abandonner le récit des tribulations de notre mystique, face à l'incompréhension et au mauvais vouloir humains, pour en revenir à des expériences plus «angéliques». Voici par exemple une vision d'Anne-Catherine à l'occasion de la Fête des Anges gardiens (en 1820): «Je vis dit-elle, une église de la terre où se trouvaient beaucoup de personnes. Au-dessus d'elle je vis plusieurs autres églises. Toutes ces églises étaient remplies de chœurs angéliques et chacune d'une manière différente. Au point le plus élevé, je vis la très sainte Vierge devant le trône de la sainte Trinité, entourée de la plus haute hiérarchie céleste. C'étaient comme des cieux superposés les uns aux autres et il n'y avait que des anges. Les anges gardiens se complaisaient dans les ordres de Dieu et la prière de leurs protégés augmentait encore leur zèle.»

       En une autre occasion, notre mystique dira: «J'ai vu aussi des anges qui font prospérer les biens de la terre et qui répandent quelque chose sur les fruits des arbres.»

       «J'ai vu des anges au-dessus de certains pays et de certaines villes, les protégeant et les défendant, parfois aussi les abandonnant. Je vois souvent qu'on reçoit un nouvel ange gardien quand on a besoin d'un nouveau secours. Dans plusieurs occasions, j'ai eu un nouveau conducteur, autre que l'habituel. J'ai vu aussi la sainte Vierge obtenir l'envoi de toute une armée d'anges sur la terre avec à la tête un grand ange plein d'ardeur, armé d'un glaive flamboyant.»

       Cette voyante déclara un jour avoir vu les quatre anges ailés, appelés Elohim; ce sont les administrateurs et distributeurs des grâces surabondantes de Dieu; ils se nomment: Raphiel, Etophiel, Salatiel et Emmanuel; ces anges sont très lumineux et entièrement voilés de leurs ailes.

       Anne-Catherine, à plus d'une reprise, a insisté sur le fait que les hommes, s'ils font des progrès dans la vie intérieure, reçoivent des anges gardiens d'une hiérarchie supérieure. Les rois et les princes ont aussi des anges gardiens provenant des hiérarchies les plus élevées.

       Une vision du 29 septembre 1820, jour de la fête de saint Michel, nous apprend qu'Anne-Catherine visita, en corps astral, les lieux de culte consacrés à la mémoire de l'Archange; successivement elle décrivit le mont Saint-Michel, en France, sa situation et son histoire; le miracle de l'apparition sur le mont Gargano, en Italie, puis à Rome au château Saint-Ange; elle y voit saint Michel servant à l'autel en compagnie d'autres anges; enfin elle rappelle que l'Archange est patron de la France et qu'il aida saint Louis dans ses luttes pour faire triompher la Chrétienté.

       Anne-Catherine eut toujours une constitution délicate et fragile. Elle eut à supporter beaucoup de graves et douloureuses maladies, la plupart expiatoires et acceptées comme vicariance pour des âmes en perdition. Or elle savait que dans ce cas les remèdes humains étaient inopérants et même nuisibles; elle les acceptait cependant par obéissance. Écoutons-la plutôt: «Les seuls remèdes qui me fissent du bien étaient surnaturels; ceux du médecin me réduisaient à l'extrémité; cependant il fallait les accepter et les payer très cher, mais Dieu me donnait l'argent et le multipliait pour moi; Dieu m'a donné tout ce dont j'ai eu besoin dans le couvent.» En effet, à plusieurs reprises, la malade trouva l'argent qui lui était nécessaire sur un rayon de sa cellule et l'on n'en pouvait expliquer la présence par des voies humaines.

       Quels étaient ces remèdes surnaturels qui seuls faisaient du bien à notre mystique? Elle va nous le dire: «Les remèdes dont j'avais besoin m'étaient donnés par mon conducteur (ange), quelquefois par mon fiancé céleste (Jésus-Christ), par Marie ou par les bons saints. Je les recevais tantôt dans des flacons très brillants, tantôt sous la forme de fleurs, de boutons, d'herbes, et même de petites bouchées. Au chevet de ma couche était un petit escabeau de bois sur lequel je trouvais ces remèdes merveilleux, soit pendant mes visions, soit même à l'état naturel de veille. Souvent aussi de petits bouquets de plantes d'une beauté indicible et d'une odeur délicieuse se trouvaient placés près de moi dans mon lit, ou bien je les avais à la main quand je revenais à moi. Je savais quel usage j'en devais faire.» Quelquefois l'odeur suffisait à la soulager et à la fortifier; d'autres fois elle devait les manger on encore verser de l'eau dessus et la boire. «Cela, dit-elle, me soulageait toujours beaucoup et je me trouvais capable de travailler pour un temps plus ou moins long». Nous avons déjà mentionné les nombreux apports d'argent qui parvinrent d'une façon extraordinaire, par des voies non humaines, à notre mystique, mais il y en eut d'autres encore plus extraordinaires. Ainsi, un jour, saint Augustin, patron des Augustines, lui apparut et lui donna une petite pierre brillante ayant la forme d'une fève. Elle devait mettre la pierre dans son verre et en boire l'eau. Une fois la guérison obtenue, la pierre lui fut retirée et disparut aussi mystérieusement qu'elle était venue.

       Une autre fois, alors qu'Anne-Catherine se trouvait gravement malade et qu'elle ne pouvait garder aucune nourriture, elle fut nourrie par une grande hostie que lui apporta la Vierge; elle en mangea pendant sept mois jusqu'à entière guérison. «Cette hostie, disait-elle, avait une saveur très douce, mais qui n'était pas à comparer avec celle du Saint Sacrement».

       Un jour, alors qu'Anne-Catherine était en prière dans sa cellule, une forme très lumineuse traversa la porte fermée et vint déposer sur la table une petite statue de la Vierge avec l'Enfant Jésus dans ses bras. Anne portait toujours cette merveilleuse statue sur elle, mais un jour l'ordre lui fut donné de la remettre à un prêtre étranger auquel elle fut du reste retirée au moment de la mort.

       De la Sainte Vierge, Anne-Catherine avait aussi reçu une fleur merveilleuse qui s'épanouissait dans l'eau; elle devait boire cette eau et la renouveler; elle en tirait des forces toujours nouvelles.

       De son ange gardien, elle reçut une fois un flacon contenant une huile épaisse, baume souverain, guérissant toutes les contusions et les foulures; elle en fit l'expérience alors qu'une sœur maladroite avait lâché la corde d'un panier plein de linge mouillé qu'il fallait hisser à l'étendage; heureusement que l'ange veillait et qu'il se saisit de la corde, empêchant Anne-Catherine, qui se trouvait au-dessous d'être écrasée; elle ne fut que gravement contusionnée et blessée; le baume fit merveille, supprima les douleurs et procura une cicatrisation rapide.

       Le P. Schmoeger, dans son étude sur les secours supranormaux, divins, dont fut bénéficiaire Anne-Catherine, par l'entremise des anges, ne peut s'empêcher d'établir un parallèle avec le cas de sainte Lydwine de Schiedam qui eut aussi la faveur de constants rapports avec les cohortes angéliques; cette mystique avouait notamment que «sans le secours et la consolation de son ange gardien elle n'aurait pas pu supporter toutes les graves maladies (vicariances) et toutes les tribulations suscitées par la malice de certains humains. C'était son ange gardien qui la récréait par sa présence visible et constante; il la transportait en Paradis, dans des campagnes merveilleusement fleuries, inondées d'une lumière resplendissante, où l'on n'avait à souffrir ni du froid ni du chaud; site d'une telle beauté qu'elle était incapable de le décrire avec des mots humains. Elle y mangeait des fruits que l'ange lui présentait; de ces sorties, elle en revenait, gardant sur elle le parfum suave des fleurs du Paradis, parfum nettement perçu par l'entourage.

       Lydwine, comme Anne-Catherine, fut au bénéfice de nombreux apports. Un jour, elle reçut de l'ange un bâton merveilleux, d'un bois très dur et fortement aromatique dont on ne pouvait diagnostiquer la provenance. Lors d'un de ses ravissements, l'ange conduisit Lydwine à l'entrée du jardin du Paradis où il lui montra un cèdre majestueux duquel il avait prélevé la branche mystérieuse. Au surplus, il se révéla par la suite que ce bâton bénit avait la propriété de chasser les mauvais esprits du corps des possédés.

       Lors d'un autre ravissement avec visite en Paradis, Lydwine reçut de la Sainte Vierge une couronne de fleurs qu'elle devait garder à son retour pendant sept heures, puis la donner ensuite à son confesseur pour qu'il la suspendît à l'autel de la Mère de Dieu, dans l'église de Schiedam. À son retour de l'extase, Lydwine sentit sur sa tête la couronne qui répandait un parfum des plus suaves; après avoir été suspendue à l'autel de la Vierge, la couronne disparut au bout de quelque temps aussi mystérieusement qu'elle était venue.

       Lors d'une autre visite encore en Paradis, sous la conduite de son ange, elle reçut l'aliment qui devait la réconforter; cet aliment céleste était fourni par un dattier chargé d'une multitude de fruits magnifiques dont les noyaux lui semblaient briller à l'intérieur comme des cristaux.

       L'abbé Coudurier, dans son livre: Vie de la Bienheureuse Lydwine, vierge modèle des malades et des infirmes (Paris 1899), consacre tout un chapitre de sa biographie à relater les rapports constants de Lydwine avec son ange gardien; elle avait une dévotion toute spéciale envers cet ange qui était en même temps son guide durant ses extases et au cours de ses voyages astraux; dans toutes les difficultés, elle avait recours à lui; à son appel, il ne faisait jamais défaut. Le biographe dira: «Lydwine honorait cet ange avec une ferveur que Dieu se plaisait à récompenser par les plus étonnantes communications. Elle appelait son «bon ange» avec une simplicité d'enfant, elle lui parlait, lui faisait part de ses chagrins, le chargeait de messages pour Jésus et la Vierge. L'ange disait au retour de cette mission: «Réjouis-toi, ô bienheureuse épouse du Seigneur, mon Maître. Il a reçu ton salut, ton amour a touché son cœur. Il veut que je t'assure de toute sa divine tendresse. Aie bon courage!»

       Lydwine voyait son bon ange et l'entendait extérieurement, comme on voit et entend une humaine créature; quelquefois même elle recevait de lui les services et les soins matériels dont elle avait besoin. D'autres anges venaient aussi la visiter, et, chose merveilleuse, elle les connaissait tous, elle donnait à chacun d'eux le nom qui lui appartenait, elle savait jusqu'au nom des âmes dont la garde leur était confiée. Tous ces anges lui apparaissaient sous la forme de jeunes hommes d'une éblouissante beauté; ils portaient une croix lumineuse sur le front; c'est ce qui les différenciait des démons qui se présentaient parfois sous l'aspect extérieur d'un ange, mais qui, jamais, n'avaient cette croix brillante.

       Un jour, une pieuse veuve demanda à Lydwine de voir son ange; notre mystique adressa une instante prière à Dieu pour qu'Il autorise cette manifestation; la permission fut accordée et la veuve vit l'ange, vêtu de blancs vêtements, plus blancs que neige; elle fut bouleversée par le regard de l'ange, regard d'une douceur ineffable.

       «Je ne connais, disait souvent Lydwine, aucune peine, aucune amertume, aucune angoisse de cœur qu'un seul regard de mon ange ne dissipe aussi facilement que les chauds rayons du soleil dissipent la rosée du matin.»

       Retenons encore cette déclaration de Lydwine, déclaration qui éclaire d'un jour nouveau le mystère des rapports angéliques avec l'humanité souffrante et avec tous les hommes: «Des humains aux anges, disait-elle, il y a une parenté, un lien; c'est la virginité. Toujours et réellement, une âme pure est leur sœur!»

       J. K. Huysmans a écrit une biographie très fouillée de Sainte Lydwine de Schiedam; lui aussi est amené à mettre en parallèle la vie et les colloques angéliques tant de Lydwine que d'Anne-Catherine; il dit en effet: «Anne-Catherine Emmerich, une Allemande, augustine, la plus grande voyante des temps modernes et qui plus est, bien qu'illettrée, une magnifique artiste. Parmi les réparatrices (par vicariance), cette stigmatisée fut l'héritière directe de Lydwine à travers les âges». Autre similitude relevée par Huysmans: «Avec l'une de ses futures héritières, la sœur Emmerich, Lydwine pouvait dire: «Je vois toujours dans chaque maladie un dessein particulier de Dieu, ou le signe d'une faute personnelle, ou d'une faute étrangère (vicariance) que le malade, qu'il le sache ou non, est obligé d'expier, ou bien encore une épreuve, c'est-à-dire un capital que le Christ assigne et qu'il doit faire valoir par la patience et la résignation à sa volonté sainte.»

       Pour ce qui a rapport aux anges, Huysmans constate: «Lydwine avait coutume de dire: «il sied d'aimer et de vénérer les purs Esprits qui, bien que toujours supérieurs à nous, consentent cependant à nous protéger et à nous servir»; et, elle-même donnait l'exemple à ses fidèles en récitant devant eux cette prière:

       «Ange de Dieu et bien-aimé frère, je me confie à votre bénéficience et vous supplie humblement d'intercéder pour moi auprès de mon Epoux, afin qu'il me remette mes péchés, qu'il m'affermisse dans la pratique du Bien, qu'il m'aide par sa grâce à me corriger de mes défauts et qu'il me conduise au Paradis... pour y posséder la vie éternelle. Ainsi soit-il!»

       Et de fait, comme pour Anne-Catherine, l'ange conduisait Lydwine en Paradis lors de ses excursions astrales; avant le départ, l'ange conduisait Lydwine en corps astral devant l'autel de la Vierge dans l'église paroissiale, puis il la guidait dans les jardins de l'Eden.

       Quand l'âme sortait du corps, durant l'extase, au cours de ces excursions merveilleuses, on constatait que le corps de la mystique devenait froid, insensible, tel un cadavre.

       Ce n'est pas seulement en Paradis que l'ange conduisait sa protégée, mais aussi en Purgatoire. Un jour qu'elle avait été emmenée en ce lieu par son guide, elle entendit une voix lamentable qui, du fond d'un puits, appelait au secours. «C'est, dit l'ange, l'âme de cet abbé pour lequel vous avez adressé tant d'oraisons au Sauveur. » Après de grands efforts pour parvenir au lieu où se trouvait cette âme et avec beaucoup de peine, elle parvint à l'extraire de la fosse et à la délivrer.

       Bien que Lydwine reçût tous ses visiteurs avec bonté et compréhension, elle redoutait ces nombreuses personnes qui voulaient la voir pour parler avec elle de leurs affaires et de leurs soucis matériels; ces visites la crucifiaient, car elles la privaient de celles des anges, avec lesquels, en effet, elle vivait ainsi qu'une sœur.

       Il est à noter de plus que, visiteurs ou visiteuses ne furent pas toujours des plus bienveillants à son égard, témoin la persécution et le martyre que lui infligèrent quatre soldats picards. Ces brutes avinées vinrent un jour dans la chambrette de Lydwine. Ils se déclaraient capables de démasquer «cette simulatrice»! L'un d'eux s'approcha du lit où gisait la malade. Il arracha les couvertures et mit au jour un ventre distendu par l'hydropisie. Il prétendit alors qu'elle était enceinte; il la traita de paillarde. Ces brutes enfoncèrent violemment leurs doigts dans le ventre: la peau éclata: «On va te dégonfler, sale bête!» hurlèrent-ils. Et, en effet, un flot d'eau et de sang jaillissait du ventre de la malade, à tel point que la paille du lit en était tout inondée. Ces brutes périrent quelques jours après de mort violente. Après ces événements, l'ange du Seigneur dit à Lydwine que son Époux céleste l'avait, selon son désir, admise aux tortures de la Passion: injuriée, couverte d'ignominie, rendant eau et sang, et l'ange de conclure: «La scélératesse de ces Picards va aider à compléter les pierres qui manquent à votre couronne».

       Moins macabre fut la visite que fit à Lydwine le Dr Godfried de Haga. Ce médecin, des plus charitables, avait saisi la grande loi de l'équilibre divin. Il vint un jour au chevet de Lydwine. Ce fut le seul qui vit juste dans ce cas. Il déclara sans ambages que la patiente ne relevait pas d'un traitement médical matériel, car avec Paracelse, il estimait et disait: « II faut savoir que toute maladie est une expiation et que si Dieu ne la considère pas comme finie, aucun médecin ne peut l'interrompre... Le médecin ne guérit que si son intervention coïncide avec la fin de l'expiation déterminée par le Seigneur.

       Godfried de Haga examina donc la patiente et il parla de la sorte à ses confrères assemblés, curieux de connaître son verdict: «Cette maladie-là, mes très chers, n'est point de notre ressort; tous les Galien, les Hippocrate et les Avicenne du monde y perdraient leur renom. Et il ajouta prophétiquement: la main de Dieu est sur cette enfant. Il opérera des merveilles en elle.» Puis il partit, ne prescrivant aucun remède. Alors tous les médicastres s'en désintéressèrent et elle y gagna, au moins pour quelque temps, de n'être plus contrainte d'ingérer des remèdes inutiles et coûteux. Anne-Catherine Emmerich, nous l'avons mentionné, fera la même expérience; nouvelle similitude entre ces deux extraordinaires mystiques.

       Lydwine, comme Anne-Catherine, n'eut pas seulement des rapports constants avec les anges, mais encore avec le Christ et avec la sainte Vierge. Témoin en soit le fait suivant: Un jour que Lydwine, ruminant ses infortunes, gémissait accablée sur son lit, un ange parut et lui dit: «Ne pleurez pas ma sœur, vous allez être consolée de vos peines; le Bien-Aimé est proche, vous le verrez de vos propres yeux». Et de fait la vision se réalisa.

       Pour conclure son étude sur Lydwine, Huysmans dit:

       En résumé, les relations de Lydwine avec les anges furent continuelles; elle vivait autant avec eux qu'avec les gens qui l'entouraient. Durant ses ravissements au Paradis, avec son ange, elle eut d'intimes rapports avec les saints et les saintes.

       Or, similitude encore et toujours, il en fut de même pour Anne-Catherine Emmerich que nous pourrons quitter sur ce judicieux conseil et cette mise en garde qu'elle donna un jour:

       Celui qui veut arriver à se convaincre de la vérité par ses propres efforts et non par la grâce de Dieu, peut bien être attaché à son opinion, mais il n'est pas pénétré par la vérité.

       Parmi les auteurs tout à fait modernes, il y en a certains qui se sont occupés d'angéologie. Nous allons en fournir quelques exemples dans le chapitre suivant et nous n'aurons garde d'oublier de prendre connaissance de deux mystiques extraordinaires qui ont eu un commerce constant avec les cohortes angéliques, nous voulons parler du Père Lamy et du Padre Pio.