Chapitre Huitième

SECTION VII A

L'Angéologie du Padre Pio

 

       Avec le Padre Pio, nous assistons à des scènes fréquentes où le ministère des anges, notamment des anges gardiens, en faveur des personnes qui ont recours à leurs bons offices est à l'oeuvre. Avoir recours à l'assistance des Anges est la première recommandation du P. Pio qui nous dit: «Souvenez-vous que Dieu est en nous quand nous sommes en état de grâce, et hors de nous quand nous sommes en état de péché; mais son Ange ne nous abandonne jamais, il est notre ami le plus sincère, même quand nous avons le tort de l'attrister par notre mauvaise conduite

       Le 25 mai 1887, à Pietrelcina, province de Benevento (Italie), naissait, dans la famille des Forgione, un enfant que l'on baptisa François et qui plus tard devint, par sa dévotion, le premier prêtre stigmatisé, gratifié de tous les dons et charismes. Dès son jeune âge, l'enfant était porté à la prière et à la méditation. Comme il voulait devenir prêtre, son père s'expatria en Amérique pour réunir l'argent nécessaire à payer le noviciat; en attendant on confia l'enfant à un prêtre défroqué qui lui donnait des leçons de latin; mais François, qui avait déjà la connaissance directe des âmes, ne put rien apprendre avec un tel maître, en état de péché et de rébellion contre l'Eglise; aussi, au bout de quelque temps, le maître dit à Mme Forgione que son fils était un incapable, bon tout au plus aux travaux des champs. Cependant la mère, qui connaissait le désir ardent de son enfant de devenir prêtre un jour, s'adressa à un religieux qui voulut bien enseigner les rudiments du latin à son fils; et, fait à retenir, celui-ci n'ayant plus de répulsion envers ce maître vraiment pieux, fit de rapides progrès. François n'était plus rebuté par le contact avec une âme sale et noire, selon son expression imagée, c'est-à-dire une âme en état de péché. Au séminaire, François, devenu le Fra Pio, se fit remarquer par son application et sa ferveur; dès l'âge de vingt ans il avait réalisé par expérience personnelle, que les anges sont très obéissants.

       Jamais il ne fermait la porte de la maison lorsqu'il sortait, car disait-il, «c'est mon ange gardien qui garde la maison». Malheureusement, François n'eut pas seulement à bénéficier de l'assistance des anges; il fut aussi en proie aux attaques et aux sévices du démon; il eut de fréquentes visions diaboliques et cela surtout durant son noviciat. Le diable, sous l'aspect d'un hideux chien noir, apparaissait avec un fracas épouvantable à la fenêtre de sa cellule, fracas perçu même par ses voisins de chambre. Les démons molestaient le jeune Frère, cherchant à le détourner de ses mortifications; à l'occasion, ils le rouaient de coups, dont il gardait les marques douloureuses. Quand il rentrait, Fra Pio trouvait tout sens dessus dessous dans sa cellule, des taches d'encre partout et des objets cassés. Mortimer raconte le fait suivant qui illustre bien les ruses du démon: «Une nuit, il vit entrer dans sa cellule un moine qui rappelait par son allure le Padre Agostino, son ancien confesseur. Le soi-disant moine lui donna des conseils, l'exhortant à laisser là cette vie d'ascétisme et de privations, lui affirmant que Dieu ne pouvait approuver un tel mode d'existence. Padre Pio, stupéfait que le Padre Agostino lui tienne de tels propos, lui ordonna de crier bien haut, en même temps que lui: «Vive Jésus?» Alors le diable, car c'était lui, disparut aussitôt en répandant une odeur puante et soufrée.

       Voici encore un des tours diaboliques du malin: «Un jour, P. Pio apporta à Don Salvatore une lettre émanant du P. Agostino, son supérieur. Don Salvatore ne trouva qu'une feuille blanche dans l'enveloppe. Pensant qu'il s'agissait d'une distraction du Padre Agostino, il pria Padre Pio d'écrire à son supérieur pour lui demander ce qu'il lui avait écrit ou voulu lui écrire. Padre Pio répondit: «Oh! c'est un des tours favoris de Satan! Inutile de demander à Padre Agostino ce qu'il a écrit, je le sais. Mon ange gardien me l'a dit.» Et il révéla à Don Salvatore le message que devait transmettre la lettre. Renseignements pris auprès de l'intéressé, les dires de P. Pio furent trouvés parfaitement exacts.

       De ce temps de probation et d'épreuves qu'eut à subir le Padre Pio, Maria Winowska rapporte la judicieuse remarque du père spirituel de Fra Pio: si le démon s'attaque avec une telle insistance à lui, c'est qu'il est destiné à de grandes choses, ce que la suite prouva abondamment.

       «En attendant le jeune Frère devait se débrouiller seul. Eh oui, il y avait, comme de juste, son ange gardien, pour le dépanner! Avec son bon sens robuste, Fra Pio savait recourir à l'aide toujours disponible de ces compagnons de voyage que nos piétés abstraites oublient d'invoquer. Les anges continuent à jouer un très grand rôle dans sa vie.

        À ce propos, on m'a conté une histoire charmante. Une nuit, lorsque la partie avait été particulièrement dure, Fra Pio invoqua son bon ange en vain. Que voulez-vous! Même les anges peuvent avoir quelques distractions... Mais

Fra Pio ne l'entendait pas ainsi. On n'a pas, magari (plût à Dieu), un ange gardien pour des prunes! Lorsque, vers le matin, enfin il se présenta, Fra Pio, fâché, lui tourna le dos. C'est que réellement ses nuits étaient mouvementées.»

 

      Comme le saint curé d'Ars, le Padre Pio fut en butte durant toute sa carrière aux sévices de Satan; mais il avait puissance sur les esprits du mal et en délivrait les possédés. Ainsi une dame, complètement désespérée, avait fait appel au P. Pio. Elle le vit une nuit à son chevet et se sentit immédiatement soulagée. Plus tard, lorsqu'elle fut en présence du Père, elle le remercia et celui-ci de dire: «J'ai chassé les mauvais esprits. Je n'ai pas bouté les diables hors de vous, mais loin de vous.»

 

      En une autre occasion, le P. Pio avait dit: «Le démon est comme un chien à la chaîne; gardez vos distances, vous ne serez pas mordus». Et encore cet autre avertissement: «Tentations, tracas, soucis, sont les armes de notre ennemi. Ne l'oubliez pas; s'il fait tant de bruit, c'est signe qu'il est dehors et pas dedans. Ce qui doit nous effrayer, c'est que la paix et l'harmonie régnent entre notre âme et le démon.»

 

      Voici une scène d'exorcisme à l'actif du P. Pio, telle qu'elle est rapportée par Mortimer:

      En septembre 1947, une pauvre Italienne, possédée du démon, fut emmenée de force par ses fils à la messe du Padre Pio. Dès qu'elle fut dans l'église, elle se mit à pousser des hurlements comme chaque fois qu'elle voyait une église, une croix ou même une croisée de chemins.

 

      Ses cris et ses blasphèmes déchirèrent le silence juste au moment où Padre Pio distribuait la sainte Communion aux fidèles.

 

— Faites-la sortir, commanda Pio.

— On me tuera plutôt, vociféra la possédée.

       Alors, élevant l'Hostie consacrée au-dessus du ciboire, il dit solennellement:

       — Il est temps que cela finisse.

       La femme fut projetée à terre. Morte? Non. C'était le diable qui était knock out. Au bout de quelques secondes, la femme se releva, parfaitement calme, et alla s'asseoir sur un banc, délivrée des chaînes du Malin.

       «Padre Pio est plus puissant que saint Michel», assure-t-elle chaque fois qu'elle raconte sa triste histoire.

       Et Mortimer de conclure avec assez de raison: «Ne nous étonnons pas de ce pouvoir suprahumain accordé par Dieu à l'humble moine du Gargano. Étonnons-nous plutôt que tous les prêtres exorcistes ne le possèdent point.»

       Nous avons dit que le Padre Pio est le premier prêtre portant dans sa chair les stigmates de son Maître, le Christ; le fait se produisit le 20 septembre 1918, alors que le Padre Pio se trouvait en prière et ravi en extase devant le grand Christ de la chapelle; ses condisciples entendirent un cri déchirant (1) et ils virent le P. Pio gisant inanimé sur le sol, ayant aux mains et aux pieds des plaies qui saignaient. Ces stigmates, «blessures d'amour» furent produites par la lance de feu d'un Séraphin.

       Cet incident fait penser à la description de la stigmatisation de saint François d'Assise telle que la rapporte son disciple Celano:

       «Saint François vit au-dessus de lui une apparition ineffable, un homme à six ailes étendues, comme un Séraphin, les pieds joints, cloués en croix... Plongé dans le ravissement, François sentit s'imprimer sur ses mains et ses pieds les marques des clous.»

       En plus des douleurs inhérentes aux lésions qui saignaient continuellement et qui s'exacerbaient le vendredi, le Padre Pio fut livré, c'est bien le cas de le dire, aux médecins, obstinés à découvrir une origine pathologique et non spirituelle à ces lésions, qui cependant ne rentraient dans aucun cadre de la pathologie. On badigeonna les plaies, on scella des pansements occlusifs qui furent très douloureux, naturellement sans aucun succès; les plaies persistaient dans leur état premier; un médecin déclara que le bord des plaies était très douloureux au toucher et qu'on pouvait presque rapprocher la peau du dos de la main avec celle de la paume à travers le canal de la blessure; et, bien que cet examen se fût révélé des plus douloureux pour le patient, il fut renouvelé à plusieurs reprises; dans quel but, on se le demande. Et l'on pense tout naturellement à cette phrase du Dr Encausse disant que les faits, dons et pouvoirs supranormaux «déconcertent et irritent les médecins». Les plaies des mains et des pieds, ainsi que celle du côté gauche (non droit, comme l'ont écrit certains auteurs), ont persisté sans changement jusqu'à présent et continuent de saigner, tandis que des plaies ordinaires de la peau, consécutives à une opération herniaire et à l'extirpation d'un kyste du cou, se sont guéries normalement par première intention, au grand étonnement des médecins. Le Dr Festa, un des examinateurs, le reconnaît loyalement dans son livre consacré au cas du Padre Pio, livre qu'il n'a pas craint d'intituler : Mystère de science et Lumières de la Foi. «Les plaies, tant dans leur aspect que dans leur évolution, dit-il, ne peuvent être expliquées par aucune loi anatomo-pathologique, connue à ce jour par la médecine officielle.» Et, vouloir l'expliquer comme certains matérialistes impénitents l'ont tenté, en ayant recours à l'effet de la suggestion ou de l'autosuggestion chez une personne nerveuse, voire hystérique, n'est, dans le cas du P. Pio, que sinistre plaisanterie ou mauvaise foi insigne.

       Dans le cadre des phénomènes incompréhensibles à la science moderne, mentionnons le pouvoir du P. Pio de se dédoubler et de se rendre invisible au milieu d'une foule qui le recherche. À noter aussi le fait que, jusqu'à ce qu'il en ait reçu l'ordre formel de ses supérieurs, il fut impossible de tirer une photographie du Père Pio, les pellicules les plus sensibles restaient vierges de toute image. Par contre, les nombreux livres, richement illustrés, parus par la suite, ayant pour sujet les faits et gestes du P. Pio, prouvent qu'il était parfaitement photogénique.

       Nous allons maintenant analyser quelques ouvrages d'un jeune littérateur, Giovanni P. Sîena, qui, une fois revenu au catholicisme grâce au Padre Pio, décida de consacrer sa vie à faire connaître le message spirituel de son libérateur; né le 12 décembre 1914, à San Giovanni Rotondo, Giovanni P. Siena manifesta très jeune un certain talent littéraire ainsi que des idées d'émancipation qui l'éloignèrent pour un temps de l'Eglise. Il y fut ramené, comme nous l'avons dit, par le P. Pio. Il existe de G. P. Siena, traduits en français, trois ouvrages que l'on peut consulter avec fruit:

L'Heure des Anges, La Colombe, Paris 1957.

Padre Pio, Faits d'Hier et d'Aujourd'hui, 1. — id. 1958.

Padre Pio, Faits d'Hier et d'Aujourd'hui, 2. — id. 1960.

       Retenons ces aveux de l'auteur que nous trouvons dans Padre Pio 1: «Oui, j'ai vraiment beaucoup de chance, trop de chance, je crois (d'avoir un jour rencontré le Père Pio), Mon ange gardien peut bien témoigner que je me fais souvent cette réflexion: Grande bonté de Dieu!» Et n'allez pas prétendre que c'est le fait d'une coïncidence, car «la coïncidence, surtout lorsqu'il s'agit d'une rencontre de deux hommes, n'est jamais accidentelle ou fortuite. Grâce à l'action invisible de nos anges gardiens, les rencontres sont préordonnées, organisées ou voulues par le juste, l'avisé, le sage esprit divin: ce sont des rencontres providentielles.» Donc pas de destin aveugle, ni de hasard, dans la rencontre du P. Pio avec G. P. Siena, et cette rencontre fut pour l'auteur l'occasion d'une transformation radicale; écoutons-le plutôt:

       «Ainsi pour moi, ce fut une vie nouvelle, une expérience nouvelle et insolite, qui devait me transformer profondément; l'homme que j'avais été, avec ses instincts et ses mauvaises habitudes, devait recevoir les premiers coups salutaires, pour céder la place à un être nouveau, moins indigne du regard de Dieu et du voisinage de son Ange Gardien.»

       Voici quelques épisodes vécus par G. P. Siena auprès du P. Pio:

       «Les pèlerins qui viennent à San Giovanni Rotondo savent que le Père les suit chacun pas à pas, liés à lui par des fils invisibles, solides et sûrs. Ils savent qu'ils ont avec eux les Saints Anges, Messagers fidèles, très obéissants et pleins de persévérance.»

       Un jour, G. P. Siena ressentit une impulsion irrésistible qui le poussait à retourner à la librairie Abrescht où il avait été le matin déjà; une voix intérieure insistante lui disait: «Vas-y! vas-y!» Je fus contraint de suivre cette voix, à contrecœur, pour me rendre compte peu après qu'elle m'était venue de l'extérieur ou plutôt — ce dont je suis absolument sûr — de mon Ange Gardien. Il y avait là un jeune journaliste venu pour «démolir le mythe du Padre Pio!»

       Au cours de l'entretien, le jeune reporter demanda à son confrère: «Pourquoi les communistes ne disent-ils que du mal de Padre Pio?» G. P. Siena répondit par une propre parole de P. Pio: «Ils sont comme certains malades qui ne peuvent supporter la lumière du jour et aiment à rester dans la pénombre d'une chambre aux volets clos».

       Ce jeune rédacteur était venu, payé par deux journaux de tendance fort différente: une feuille communiste et un journal, organe de la maçonnerie. Une forte somme lui avait été promise pour des articles de «démolition» du P. Pio; G. P. Siena remarque à ce sujet que: «Communisme et maçonnerie, ces deux forces qui se combattent sur bien des points, se coalisent pour lutter contre le même inquiétant ennemi: le Padre Pio et, à travers lui, contre Dieu, les valeurs de l'esprit et la religion du Christ.

       On sera frappé d'apprendre, ainsi que le dit G. P. Siena: «que le Père Pio, mondialement connu, respecté, sollicité et aimé, n'est pas aimé à San Giovanni Rotondo, où une moitié de la population se désintéresse des questions religieuses». Sur une population de vingt mille âmes, il y a neuf mille électeurs dont quatre mille communistes. Cependant, ces derniers, comme le P. Pio l'avait prédit, n'eurent pas la majorité. Et G. P. Siena de dire: «II n'est pas aimé de ceux qui, plus que les autres, devraient avoir conscience du devoir sacro-saint de l'aimer, car, au cours de la dernière guerre, grâce aux prières du P. Pio, ruines, massacres et bombardements furent épargnés à la ville. On connaît cette déclaration d'un officier aviateur, en mission de bombardement avec son escadrille: il vit, dans les airs, un énorme fantôme qui l'obligea à faire demi-tour et à lâcher sa cargaison de bombes dans un champ où elle ne fit aucun mal ; après l'armistice, l'officier reconnut en Padre Pio la forme qui lui était apparue dans le ciel.»

       Ce n'est pas sans raison que G. P. Siena déclare: «Padre Pionous a été donné par Dieu en une période particulièrement difficile de l'histoire humaine. Il est, avons-nous dit, à la mesure de notre temps bouleversé. Il n'a pas été suscité par la Providence pour que l'influence de sa grande personnalité se fasse sentir en Italie seulement.»

       Un miracle où G. P. Siena voit l'intervention directe du P. Pio, ou de son Ange Gardien, nous est conté avec force détails: Le frère d'un directeur technique de la mine de bauxite qui se trouve au pied du Gargano, était subitement tombé malade d'une inflammation de l'oreille, avec grave mastoïdite; le médecin proposait une opération immédiate, vu le danger de méningite. Les lésions avaient été décelées par deux radiographies. Ne pouvant se décider à se soumettre à l'opération, le jeune homme écrivit à son frère d'aller voir le P. Pio et de le supplier d'obtenir sa guérison; d'autre part une amie de la famille lui avait donné une photographie de P. Pio et lui avait conseillé de la laisser pendant la nuit sur son oreille. Au matin un pus abondant et chaud sortit de l'oreille; alors les douleurs cessèrent. Une nouvelle radiographie confirma l'entière guérison, et le docteur de reconnaître loyalement: «Voici un fait qui ne m'est jamais arrivé, au cours de ma longue carrière. Vous souffriez réellement d'une mastoïdite, les premières radios l'affirment sans équivoque. Mais vous n'avez plus rien.» Alors le jeune homme parla de la lettre envoyée à son frère et de l'apposition de la photographie du P. Pio sur l'oreille malade. Et le médecin de dire: «J'ai l'impression que vous pouvez remercier le Père Pio. Seul un miracle pouvait faire cela.»

       Le jeune homme vint à San Giovanni Rotondo pour remercier le P. Pio, mais il voulait aussi tenter une expérience pour acquérir la certitude que sa guérison était bien due à l'intercession du thaumaturge. Aussi en abordant le P. Pio, il lui demanda la guérison de sa mastoïdite. Mais le prêtre lui tapota la joue et lui dit en souriant: «Mon fils, va remercier la Madone; tu as déjà obtenu ta grâce». On devine l'émotion du miraculé. De plus, la protection du Père Pio ou celle de son Ange Gardien s'étendit sur le jeune homme encore quelques instants plus tard; il voulait prendre le car pour se rendre à la mine afin de voir son frère pour lui raconter sa guérison spectaculaire. G. P. Siena résume l'incident comme suit: «Les communistes, qui auraient refusé, en temps normal, une place dans leur car au fils du directeur, alors qu'il était piloté par un anti-communiste notoire, de mon espèce, acceptèrent sans rien dire l'hôte nouveau. Il faut croire que le P. Pio était avec nous ou l'Ange du Seigneur, car de tous les ouvriers, aucun ne fronça le sourcil, aucun ne se tourna interrogativement vers son voisin; ils regardaient tous devant eux, dans notre direction, avec la plus sereine indifférence, comme si un voile s'était soudain abattu sur leurs yeux. Quant au conducteur, l'homme le plus discipliné, pointilleux à en être exaspérant, qui n'eût pas accepté, pour tout l'or du monde, de faire le moindre geste susceptible de provoquer la colère des ouvriers, il se mit en quatre pour nous satisfaire et fit une place à côté de lui au jeune homme.»

       Encore une guérison spectaculaire rapportée par G. P. Siena; il s'agit de Gitiseppe Canaponi, un agent des chemins de fer italiens qui avait eu une fracture du fémur occasionnant une immobilité complète du genou; tous les traitements médicaux avaient échoué et le malade risquait de se voir congédié par la Compagnie; sur la demande de sa femme, il accepta, sans grand espoir, de venir à San Giovanni Rotondo réclamer l'assistance du P. Pio.

       Ce dernier le remarqua immédiatement au milieu de la foule et l'appela. Il le fit mettre à genoux au confessionnal, mais Giuseppe avait la langue comme paralysée. Il voulait pleurer et crier. C'en était trop. Le Père lisait en lui comme à livre ouvert, et il ne savait pas s'expliquer. Giuseppe ignorait encore la présence à son côté de son Ange Gardien, invisible témoin de ses actions, de ses paroles et de ses pensées, qui à ce moment, parlait à l'oreille du Père. Il devait apprendre plus tard ce qui concerne les «intrusions » de ces « très aimables délateurs, comme nous avons eu d'autre part l'occasion d'appeler les anges».

       L'impotent, dans son trouble, ne s'était pas rendu compte qu'il s'était agenouillé et qu'il rentrait à son hôtel en portant sa béquille et sa canne sous son bras. Ce fut seulement là, dans sa chambre, qu'il réalisa sa complète guérison. On devine ses sentiments de reconnaissance envers le Père Pio qui lui dit: «Ce n'est pas moi qui ai accordé ta grâce, j'ai seulement prié pour toi. C'est le Seigneur qui t'a accordé cette grâce. Remercie donc le Seigneur, pas moi.»

       Ce cas extraordinaire de guérison fut présenté au Congrès international des médecins, en 1953. Le Prof. Giuntini, en 1947, avait établi le certificat suivant: «Ankylose fibreuse du genou gauche, consécutive à une fracture de la diaphyse fémorale». 

     Comme toute thérapeutique médicale et physique se montrait aléatoire, on tenta la pliure forcée de l'articulation rigide, sous anesthésie locale, mais sans résultat; et même pendant cette intervention, une nouvelle fracture fémorale se produisait. Le malade quitta l'hôpital avec le genou raide, comme lorsqu'il y entra. Et G. P. Siena de rapporter encore:

        Le même Prof. Giuntini voulut examiner encore une fois Canaponi et le radiographier. Les plaques radiographiques furent étudiées attentivement par plus de cinquante médecins et spécialistes participant au Congrès, et tous confessèrent leur incapacité à expliquer le parfait fonctionnement du genou.

        Un genou au caractère bizarre, qui hier ne voulait rien entendre, refusait de céder à la science, préférait se briser plutôt que de subir l'humiliation de l’articulation forcée, et qui, aujourd'hui — comme pour être désagréable, pour confondre et humilier à son tour — se pliait avec une facilitée déconcertante en faisant la nique à la science et aux lois de la nature elles-mêmes.

        En effet, les radiographies parlaient un langage qui n'admettait ni réplique, ni objections: le fémur était et est toujours tordu, et le tissu calleux qui s'était formé autour du genou persistait et persiste encore aujourd'hui.

        Dans les actes du Congrès, le cas fut cité comme étant celui d'un employé des Chemins de fer de Sarteano guéri «après s'être rendu à un sanctuaire fameux d'Italie». Il fallait ménager l'opinion de certains scientifiques qui estiment que «Dieu n'existe pas et qui prétendent que les miracles sont des histoires». Au vu d'un tel cas, il semble que la réaction toute naturelle aurait dû être un acte d'humilité de la part de la gent scientifique, placée devant le mystère, devant le miracle qui transcende nos lois matérielles.

       Pourquoi toutes ces guérisons spectaculaires? Ce n'est pas dans le but unique de rendre la santé au corps physique, mais c'est pour atteindre l'âme et la ramener dans la voie du Christ, car «l'homme sans Dieu est un être mutilé» et souvent le Père Pio s'est écrié:

       «Les âmes! oh! Les âmes! Si l'on savait le prix qu'elles coûtent!» Exclamation qui fait penser immédiatement à une profération similaire du Père Lamy.

       Quant au Padre Pio, son immense charité est constamment en éveil; voici ce que raconte à ce sujet Maria Winowska: «On dirait, m'a confié un de ses fils, que le P. Pio est tout le temps aux écoutes de ceux qui l'appellent». Et il m'a raconté cette anecdote: Ils étaient plusieurs à parler du Père, un soir, car à peine arrivés à Son Giovanni Rotondo, ingénument, ils récapitulaient les grâces qu'ils allaient lui demander et chargeaient leurs Anges Gardiens de les lui présenter au plus vite.

       Le lendemain, après la messe, Padre Pio les rabroua rondement: «Birichini! (Polissons!) Même la nuit vous ne me laissez pas tranquille!» Son sourire démentait ses paroles. Ils se surent exaucés.

(suite de la section 7B)

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(1) Pour ce qui est de la réception des stigmates par notre mystique, voici un récit quelque peu différent donné par Raoul Villedieu dans son beau livre:

          Le Secret de Padre Pio (pp. 31-32):

          «Le Padre Pio, ce jour-là, est à la tribune de la petite église du couvent... il n'y a avec lui qu'une seule personne, un autre moine, le P. Archangelo.»

          »Le Padre Pio s'abîme en Dieu. Il contemple le crucifix... Les minutes s'écoulent. La prière ardente. Le silence... On ne voit rien. On n'entend rien.

          Pas un pleur. Pas un cri. Rien...»

          Les deux moines sortent ensemble. Ils se rendent chez un frère du couvent, malade, à qui Padre Pio faisait chaque jour des frictions.

          » Le P. Archangelo et le Frère voient les deux mains du Père qui saignent:

          « Père, Père, ces taches de sang? Vous vous êtes blessé?» Et cette réponse immense: «Mêlez-vous de vos affaires».

          » C'est tout. Pour l'éternité, dans le silence, est né Padre Pio, le Stigmatisé, le premier prêtre stigmatisé.

          » Et jamais, à personne, il n'en a parlé.»

          Et Villedieu ajoutera en note:

          «Vedete agli affari vostri. Ce récit a été fait à l'auteur par le P. Archangelo, seul témoin oculaire. Précis, formel, il laisse apparaître inexacts tous les récits (cri, évanouissement, transport du corps saignant, etc.) imaginés et reproduits dans divers ouvrages. Moins romantique, mais combien plus beau dans sa nudité terre à terre.»