XIX. Le Discernement des Esprits.

       Il s'agit là d'un chapitre très important de l'angéologie et l'auteur y consacre plus d'une dizaine de pages. Le discernement des esprits est en effet un don gratuit accordé à la plupart des mystiques et il est d'autant plus actif que ces mystiques sont en plus grande intimité avec les Anges, car tous s'accordent à dire que ce sont les Anges qui leur révèlent les faits et gestes, et même les pensées du consultant et, naturellement, le meilleur informateur c'est l'Ange gardien de la personne en cause.

       Ainsi, sainte Marie-Madeleine de Pazzi lisait dans l'esprit de ses novices et leur révélait leurs mauvais penchants; sainte Catherine de Sienne possédait ce don de discernement au point qu'elle connaissait les secrets du cœur de son confesseur mieux que lui-même et que parfois elle l'apostrophait: « Pourquoi vouloir me cacher une chose que je vois plus clairement que vous-même?» Ce fut également le cas de saint Joseph de Copertino qui était renseigné immédiatement sur l'état mental de ceux qui l'approchaient ou qu'il croisait en rue; et il ne manquait pas de le reprendre et de leur dire: «Va te laver le visage». Expression que nous retrouvons chez le Padre Pio. Don Bosco était immédiatement renseigné sur les faits et gestes de ses petits et grands élèves qui ne pouvaient commettre une faute sans que leur Père spirituel en fût informé. Quant au Padre Pio, voici ce qu'en dit G. P. Siena:

       «Des faits de ce genre (discernement des esprits) se produisent avec une fréquence presque quotidienne à San Giovanni Rotondo, dans le secret du confessionnal, à la sacristie, dans les escaliers et les couloirs du Couvent, partout où les pèlerins peuvent approcher le Père Pio et échanger deux mots avec lui.»

       De nombreux journalistes en firent l'expérience à leurs dépens; Angioletti écrivait dans La Stampa de Turin (9 août 1950): «Les hommes ne lui font pas peur, car une stupéfiante capacité de pénétration le met en mesure d'évaluer sur-le-champ leurs vertus et leurs faiblesses.» Artieri, rédacteur au journal romain II Tempo, confesse qu'il fut sévèrement apostrophé par le P. Pio; il fut traité de «catholique chancelant et non pratiquant, très mauvais chrétien, au cœur éternellement en lutte avec l'intelligence.»

       Un autre journaliste, Attilio Crêpas, s'entendit dire: «Pourquoi pensez-vous à votre bureau et à vos feuilles de papier? Vous avez tort de faire du bruit autour d'un prêtre qui prie.» Et cependant le journaliste n'avait prononcé aucune parole.

       Voici à ce sujet une petite histoire qui ne manque pas de piquant, nous la donnons telle que G. P. Siena la relate:

        «Très savoureuse est cette anecdote dont un paysan de Bénévent fut le protagoniste. Celui-ci, un soir, pris d'une violente rage de dents, saisit une chaussure et la lança contre la photographie du Père Pio qui était au chevet de son lit. Pourquoi? Parce que le Père Pio restait sourd à l'insistance de ses invocations désespérées. Quelques mois après, le paysan était à San Giovanni. Il ne pensait plus à ce geste inconsidéré. Une fois au confessionnal, il allait dire ses premières fautes quand le Père, d'une voix dure et les yeux brillants, l'apostropha: «Et tu as cette audace, après m'avoir envoyé ce soulier qui est arrivé jusque dans ma cellule!»

        Ce qui surprend ici, c'est de voir le Père révéler un secret que le paysan avait déjà oublié depuis longtemps.

        Un prêtre de Lille, l'abbé Benoît, avant son départ de San Giovanni, priait le P. Pio de bien vouloir contresigner pour lui une image pieuse qu'il emportait. Au lieu de signer le papier qu'on lui tendait, le Padre Pio demanda à l'abbé son bréviaire. Après avoir cherché une page blanche, le Padre y inscrivit quelques mots. Quelle ne fut pas la stupéfaction de l'abbé en trouvant dans l'écrit du P. Pio, une réponse à un problème spirituel épineux qui, depuis des années, le tourmentait. Et, fait qui surprit doublement l'abbé Benoît, il n'avait plus pensé à son problème depuis qu'il était arrivé à San Giovanni. Et G. P. Siena de noter:

        Le cœur humain n'a pas de secret pour le Père Pio. C'est pourquoi tous, grands et petits, sont si intimidés en sa présence. C'est pourquoi je me sens, moi aussi, toujours pris d'une sorte d'invincible tremblement quand je le rencontre et où que ce soit. Voilà dix ans que je le vois régulièrement presque tous les jours et je n'arrive pas encore à rester devant lui parfaitement tranquille et désinvolte.

        Souvent, pendant la confession, le Père Pio aide à... retirer les marrons du feu, comme on dit; il énumère lui-même les péchés du pénitent et va jusqu'à donner les circonstances exactes dans lesquelles ils ont été commis. Et si le pénitent a oublié une faute, il n'est pas rare que le Père la lui rappelle.

        D'autres fois, il diagnostiquera des maux physiques et suggérera le remède opportun mieux que n'importe quel spécialiste.

        G. P. Siena a fait lui-même, à ses dépens, l'expérience de ce pouvoir de discernement des esprits et des pensées. Souvent le Père l'a traité durement pour lui «apprendre à encaisser» selon son expression imagée.

       Ces facultés extraordinaires de discernement, les mystiques s'accordent à reconnaître qu'ils les doivent à l’action médiatrice des Anges. C'est par les voix ou locutions des saints Anges que les hommes de Dieu peuvent révéler les secrets du cœur humain.

       Souvent le Curé d'Ars disait à un pénitent ou à une pénitente:

       «Ce péché, c'est votre Ange gardien qui me l'a révélé». Thérèse Neumann, de son propre aveu, reconnaît que les renseignements qu'elle a sur les pensées intimes des gens qui viennent à son contact lui sont fournis le plus souvent par les locutions de son Ange gardien qu'elle entend parler tout à côté d'elle.

       Un cas bien typique de discernement du P. Pio est le suivant: Une fidèle qui voulait envoyer au Padre des vœux pour son anniversaire, s'y prit trop tard, la lettre ne put arriver à temps. Cependant son ange, devançant l'envoi, avait averti le Père Pio du contenu de la missive et le Père répondit avant d'avoir reçu le message. Dans un autre cas assez semblable, on avait envoyé une lettre au Père pour lui demander un conseil urgent, mais l'enveloppe ne contenait qu'une feuille blanche, ce qui n'empêcha pas le Padre de répondre à la question qui devait être posée; l'Ange gardien de la personne s'était chargé de transmettre le message au Père Pio. C'est pourquoi souvent le Padre disait à ses fidèles qu'ils n'avaient pas besoin de venir en personne présenter leurs requêtes, mais qu'ils n'avaient qu'à charger leur Ange gardien de transmettre directement leur demande.

       Étant donné ces faits indubitables, observés et vécus par un grand nombre de personnes, G. P. Siena tient à bien souligner l'importance doctrinale et expérimentale d'un si grand nombre d'observations. Il dit:

        «C'est là un fait de révélation véritable et authentique, qu'une fois de plus messieurs les rationalistes ne peuvent expliquer — qu'ils le reconnaissent au moins — et qui fait craquer les structures doctrinales de tous ceux qui nient Dieu, l'immortalité de l'âme et les entités spirituelles amies et alliées des hommes. C'est encore un fait qui ne peut s'expliquer que grâce à la lumière divine transmise aux Anges, et que ceux-ci, à leur tour, transmettent aux enfants de Dieu.»

 

XX. Il est très obéissant.

       Dès l'âge de vingt ans, on voit le futur Père Pio mettre l'accent sur l'action continuelle de l'Ange gardien qui, non seulement, est très fidèle, mais très obéissant. Il se charge avec grande diligence des messages qu'on lui confie. Jamais, nous l'avons déjà signalé, le P. Pio ne fermait la porte de son logis, car, disait-il, «mon Ange gardien garde la maison». Il ne fait aucun doute que le P. Pio soit en rapports constants avec les Saints Anges qui coopèrent avec lui. C'est pourquoi, à tous ses fidèles, le Padre recommande toujours de tenir compte de la présence continuelle de l'Ange gardien qui ne demande qu'à obéir à tous il dit et répète: «Invoque souvent ton Ange gardien!» Un étranger demandait un jour au Père si vraiment son Ange à lui pouvait servir d'intermédiaire, de messager bénévole et obéissant? Il reçut cette simple réponse; «Oui, pourvu que tu me l'envoies».

       À une personne qui avait demandé au Père des directives pour la conduite de la vie, il répondit : «Que ceci te guide: sois toujours en présence de Dieu; travaille et agis en sa présence. Souviens-toi de ton Ange gardien, toujours si proche de toi, que tu sois ou non en état de grâce; quel plus grand ami peux-tu avoir que ton Ange gardien?

       Demande-lui de t'aider à te maintenir dans la charité, l'humilité et la patience.»

       «Quand tu en auras besoin, envoie-moi ton Ange gardien», dit le Père à Mme Banetti, de Turin.

       Conseil donné à Mlle Sturla, de Gênes: «Prie ton Ange gardien et envoie-le moi toujours en cas de besoin».

       L'Ange est très obéissant et plein de sollicitude, enseigne le Padre au Dr Zernar di Motta. À une personne pas encore très convaincue qui demandait au Père si vraiment il entendait ce qu'elle chargeait son Ange gardien de lui communiquer, il s'exclama: «Hé quoi! Me crois-tu sourd?» À une autre qui lui posait la même question dubitative, il répondit: «Est-ce que tu crois que ton Ange gardien est aussi désobéissant que toi?» Et le Père répéta avec une surprenante exactitude le message confié à l'Ange gardien par cette personne.

       Un dernier fait est rapporté par G. P. Siena. L'auteur estime ce fait si extraordinaire, qu'il «ne permet plus aucun doute sur l'obéissance des Saints Anges, venant accomplir leur action de médiateurs entre le Père Pio et ses fils ou filles spirituels». Il s'agit du cas de Mme Banetti, habitant à la campagne, à quelques kilomètres de Turin. C'était en 1945, les hostilités venaient de finir. Le 20 septembre au matin, jour anniversaire de la stigmatisation du Père Pio, elle voulut, selon l'habitude de tous ses enfants spirituels, envoyer des vœux par télégramme à San Giovanni. Mais elle ne put trouver personne pour porter le télégramme en ville. Tout à coup, elle se rappela la recommandation que le Père Pio lui avait faite lors de sa dernière visite au Couvent: «Quand tu en auras besoin, envoie-moi ton Ange gardien». Elle se recueillit alors et adressa une fervente prière à son Ange gardien: «Mon saint Ange, fais parvenir toi-même mes souhaits au Père, puisqu'il n'y a pas d'autre moyen de les lui envoyer». Et l'Ange partit, plus prompt que l'éclair. La preuve? Quelques jours plus tard, cette dame reçut une lettre d'une amie de San Giovanni. Il y était dit expressément: «Le Père vous remercie pour les vœux spirituels que vous lui avez envoyés».

       «Les Anges gardiens sont très obéissants» ne se lassera pas de proclamer le Père Pio, mais il y mettra ce correctif: «à condition qu'on ne les envoie pas dire des stupidités».

 

XXI. Tu as dormi.

       Il s'agit dans ce chapitre d'illustrer l'immense sollicitude de l'Ange gardien et de montrer l'excellence du conseil donné par le Père Pio: «Confie-toi à ton Ange gardien».

       Voici un cas de protection des plus extraordinaires: l'avocat de Sanctis avait une dévotion toute particulière pour son Ange gardien; s'étant endormi au volant de sa voiture, le véhicule parcourut plus de quinze kilomètres en évitant tous les obstacles, grâce à la protection de son Ange qui maniait le volant. Ainsi une terrible catastrophe fut évitée. Deux mois plus tard, se trouvant à San Giovanni auprès du Père Pio, l'avocat fut confirmé dans la certitude qu'il avait été miraculeusement protégé par son Ange gardien. Ayant demandé une explication au Père sur l'événement, l'avocat obtint cette réponse: «Tu as dormi et ton Ange gardien conduisait la voiture pendant ce temps. — Parlez-vous sérieusement, Père? C'est vrai ce que vous dites?» Et le P. Pio de répondre: «Ton Ange te protège». Puis, posant la main sur l'épaule de son interlocuteur, il ajouta: «Oui, tu as dormi et ton Ange gardien conduisait la voiture pendant ce temps». G. P. Siena fait suivre ce récit extraordinaire, illustrant le merveilleux pouvoir de protection de l'Ange gardien par les remarques suivantes, parfaitement justifiées:

       Autrefois, lorsqu'on voulait prouver la vérité d'une sentence, on avait recours à l'autorité du personnage qui l'avait prononcée. On disait: «Ipse dixit»; il l'a dit, et on ne discutait plus. Aujourd'hui un témoignage de cet ordre paraît gratuit et l'on est tenté de se demander, à propos de ce récit: «Devons-nous croire que l'Ange a conduit la voiture simplement parce que le Père Pio l'a dit?» Nous répondons : oui.

        Si nous réfléchissons un peu ce qu'est le Père Pio, si nous le connaissons un peu, si, à l'exemple de saint Thomas, il nous a été permis de toucher pour croire, aucun doute n'est plus permis et c'est le cas de dire: Ipse dixit, il l'a dit.

 

XXII. Les anges et les phénomènes mystiques chez le Père Pio.

       Le Père Pio a indubitablement le don de prophétie et il est en rapport avec le ministère des anges qui le renseignent. G. P. Siena en eut une preuve directe: il avait conçu un projet qui ne 1ui paraissait porter en lui-même ni complication ni danger. Lorsqu'il exposa son idée au Père, celui-ci lui dit seulement: «Qui est-ce qui t'a donné cette idée? Attention! Attention!» Et pas un mot de plus au grand ahurissement de son interlocuteur qui cependant reconnaît l'exactitude de la prémonition du Padre: «Eh bien, le Père n'avait pas eu tort de s'y opposer, car, quelques mois plus tard, les circonstances évoluèrent de telle façon que si j'avais réalisé mon dessein, je me serais trouvé en face de conséquences désastreuses».

       Au début de 1948, s'élevait en Italie, la grande vague du communisme qui semblait devoir tout submerger. Le Vatican était inquiet. Comment allaient se dérouler les élections? L'Italie allait-elle être la proie d'une nouvelle dictature? S.S. Pie XII demanda, par un homme de confiance, l'avis du Padre Pio. Le Père fut des plus affirmatifs: «Dites au Saint Père que la victoire sera pour nous et qu'elle sera éclatante». On le sait, les faits lui donnèrent raison.

       Le P. Pio cumule à son actif quantité de prévisions et de prédictions de toute nature: Retour de soldats du front ou de captivité, décès de telle ou telle personne, sexe des enfants à naître. En voici quelques exemples: Une dame de Venise était venue à San Giovanni pour voir le Padre. Une de ses amies avait chargé la pénitente de poser une question au P. Pio: «Quel nom devait-elle donner au garçon qu'elle allait mettre au monde dans deux mois?» Après un instant de recueillement, comme s'il écoutait un renseignement venu de l'Au-Delà, le Padre répondit: «Un petit garçon! Un petit garçon! C'est une petite fille.» Et il ajouta: «Telle est la volonté de Dieu».

       Encore un fait des plus typiques: Un jour arrive un pèlerin du nord de l'Italie; il se jette aux pieds du Père Pio, et la voix brisée de sanglots, il le supplie d'intervenir pour un parent qui était à fin de vie, condamné par les médecins. Le Père le regarde avec compassion, mais ne dit rien; quand cet homme fut parti, le professeur Merla ne put cacher sa stupeur: «Père! Même pas un mot de réconfort à ce pauvre homme! — Tu ne sais pas, murmura le Père à l'oreille du professeur, tu ne sais pas comme je me suis senti le cœur déchiré en le voyant.» Et après un instant de silence, le Père reprit: «II va vraiment mal». Puis, secouant la tête, il murmura: «II est mort».

       Un autre cas similaire relaté par G. P. Siena est exposé comme suit:

       «Un après-midi, je me trouvais à la sacristie, où j'attendais mon tour... Tout d'un coup le Père se leva du confessionnal et la tête baissée, l'air à la fois soucieux et perplexe, il se dirigea rapidement vers l'une des petites portes de la sacristie donnant sur l'église. Il l'ouvrit et s'arrêta: il y avait devant le maître autel deux femmes qui priaient avec ferveur. Le Père les appela d'un geste: «Retournez chez vous le plus vite possible, et ayez confiance dans le Seigneur», dit-il, les mains et les yeux au ciel, «afin que vous n'arriviez pas trop tard pour le revoir». Étonnement de ces femmes qui venaient d'arriver au Couvent et qui n'avaient encore parlé de leur requête à personne.

        Dans ces cas, le Père Pio l'a confirmé à G. P. Siena, les Anges jouent un rôle effectif. Un jour qu'une de ses pénitentes lui demandait quel était le sort d'une personne décédée, le Père répondit seulement: «L'Ange n'est pas encore revenu».

       Quant aux parfums qui émanent du Père Pio et que perçoivent à de longues distances les fidèles, ils pourraient bien être un artifice des Anges au service du Padre, mais celui-ci n'en a jamais parlé à l'auteur.

       Le parfum se fait sentir par vagues, comme s'il était soufflé; voici ce qu'en dit G. P. Siena:

       Les fidèles lui attribuent des sens différents. Certains affirment ou croient deviner que l'odeur du pain frais, par exemple, est une invite du Père à la Sainte Communion (cette interprétation, mérite considération et je serais assez disposé à l'accueillir); que l'acide phonique est un appel à la mortification ou à la pénitence, et que toutes les odeurs agréables, sans distinction, veulent simplement Indiquer la présence spirituelle du Père, un encouragement à la Foi, ou l'accueil favorable d'une requête. J'ai moi-même senti ces odeurs des centaines de fois, coïncidant toujours avec les moments les plus difficiles de ma vie. Les parfums agréables précèdent ou annoncent une grâce.

        Quant au phénomène d'ubiquité, de dédoublement, il est généralement admis qu'il s'agit d'une intervention angélique. Le Cardinal Lépicier, par exemple, dit que, dans ces cas, un Ange est envoyé par Dieu. Le messager du Ciel prend les traits et l'apparence de celui qu'il doit représenter. Thérèse Neumann a déclaré nettement que ses dédoublements sont le fait de son Ange gardien, alors qu'elle demeure en son corps.

À ce sujet, le Père Pio a dit une fois à un Capucin qui faisait des réserves sur le processus de l'ubiquité: «On ne sait pas si c'est le corps ou l'esprit qui se déplace, mais on sait où l'on va et ce qu'on fait.»

       Enfin dans une lettre du Père Pio, datée du 10 décembre 1914, nous lisons:

       «Il y a quelques jours le Seigneur m'a accordé de rendre visite à Giovina; par mon intermédiaire, le bon Jésus a répandu beaucoup de grâces sur elle... Je vous prie de ne rien faire savoir a Giovina sur ma visite» (il est bon de cacher le secret du roi).

       Une dernière anecdote sur la faculté d'ubiquité du Père Pio:

       II y a quelques années, à Bologne, un jeune garçon rencontre un inconnu barbu et vêtu d’un complet gris. Le jeune homme venait de sortir d'une librairie ou il avait acquis à peu de frais des livres religieux de vieux tirage. L'inconnu s’approche de lui et lui demande avec un sourire très familier les volumes qu’il avait à la main. Le jeune homme les lui tend. L'inconnu regarde les titres, les feuillette pour voir ce qu'ils valent, et dit en les lui rendant-«Avec très peu d'argent, tu as acquis beaucoup de lumière», puis il s'en alla.

        Quelque temps après le jeune Béni Roversi se rendit avec sa mère à San Giovanni et reconnut à sa grande stupéfaction le P. Pio comme étant l'inconnu qui l'avait abordé à Bologne. Alors il s'écria: «Père, c'était vous? — Oui, c'était moi», lui fut-il répondu. Il répéta deux fois sa question et obtint toujours la même réponse. Comme il subsistait un certain doute dans l'esprit de Roversi, sept ans plus tard, il apporta les fameux livres qu'il gardait précieusement. Il demanda au Père: «Vous les reconnaissez?» Et le Père: «Avant, ils me plaisaient davantage. Avec leurs vieilles couvertures, ils avaient une autre saveur...» Et de fait, les couvertures originales avaient été remplacées par de nouvelles en cuir avec des titres d'or.

       En conclusion de ce chapitre traitant des Anges chez le Père Pio, G. P. Silena dira:

       Bref, en ce qui concerne le Père Pio, le rôle prépondérant que jouent les purs esprits dans sa mission terrestre est amplement démontré. C'est de notoriété publique, on n'en fait plus mystère. Et dans l'innombrable famille spirituelle du Père, personne n'ignore que l'Ange est obéissant, parfaitement obéissant. Voilà pourquoi ses enfants ne se plaignent pas trop des mers et des continents qui les séparent matériellement de leur Père. Ils disposent d'un expédient très simple, commode et infaillible: leur Ange est encore le moyen de communication le plus perfectionné. Lorsqu'on en a besoin, un élan de foi suffit pour franchir toutes les barrières spatiales.

       Et à ce sujet, G. P. Siena donne un exemple entre mille:

       Le célèbre acteur italien, Carlo Campanini, lui aussi me racontait qu'il avait envoyé un Ange de Milan à San Giovanni, en de très pénibles circonstances. Le Père Pio, déclara l'acteur, lui est apparu en rêve le soir du même jour où il avait envoyé son Ange, et lui a donné cette réponse inattendue qui s'appliquait exactement à son cas: «Mais tu ne veux donc pas comprendre qu'il est nécessaire que tu souffres et que, si je t'enlève toute souffrance, je t'enlevé aussi tout mérite?»

        À retenir l'identité d'enseignement du Père Pio avec celui de Maître Philippe, de Lyon, qui disait: «On est au bout de ses peines quand on est heureux de ses peines».

 

XXIII. Jusqu'à l'Éternité.

       Une dernière fonction très importante de l'Ange gardien est celle de faciliter la désincarnation de l'âme, à lui confiée, et de la conduire au lieu qui lui est destiné: Paradis ou Purgatoire. Surtout les Anges protègent l'âme qui se désincarne contre l'attaque des démons. Plus que jamais l'âme qui se trouve de l'Autre Côté a besoin d'un guide sûr, pouvant la conduire avec fermeté et en connaissance de cause dans le nouveau chemin qu'elle doit parcourir. L'Ange gardien en facilitant le passage de vie à trépas rend la mort plus douce; les «affres de la mort» cèdent la place à une certaine euphorie; à cet instant le moribond voit souvent son gardien à côté de lui qui lui tend la main. De nombreux prêtres ont été appelés au chevet de mourants par un inconnu qui, après les avoir escortés jusqu'au domicile mortuaire, disparaissait aussi merveilleusement qu'il était venu. Dans ces cas, il s'agit certainement d'une matérialisation temporaire de l'Ange gardien du moribond.

       Et l'auteur de terminer son chapitre par ces mots: «L'Ange reste le compagnon inséparable de l'âme après même qu'il l'a conduite au Ciel, achevant ainsi sa mission de gardien terrestre et de consolateur au Purgatoire.

       «Heureux qui aura tenu compte de cette promesse du Seigneur:

       «Voici que j'enverrai mon Ange pour qu'il aille au-devant de toi, qu'il te protège en voyage et qu'il t'introduise dans le Royaume que je t'ai préparé. Honore-le, écoute sa parole, car en lui est mon nom.»

 

XXIV. «Quis ut Deus?»

       Quis ut Deus? Qui est comme Dieu? On se rappelle que c'est le cri de ralliement de l'Archange saint Michel, rassemblant les légions d'Anges fidèles pour combattre Lucifer et ses cohortes de démons. Et de fait, il est toujours à la brèche avec les bons Anges qui sont présents où la prière de la Foi les appelle. À ce sujet, le Père Pio aimait raconter à ses fils une histoire relatée dans les chroniques du Couvent de San Giovanni Rotondo par le Capucin Bernardini Latiano. Et le Padre exposait l'événement d'une voix chaque fois émue:

       Cette année-là, la neige tomba avec une telle abondance que les portes de l'église et du Couvent étaient bloquées; le frère quêteur ne pouvait donc absolument pas pourvoir aux besoins des religieux.

        On était déjà venu à bout du pain et des légumes et, comme il n'y avait aucun espoir d'aide humaine, on eut recours au Seigneur; vers le soir apparurent quatre jeunes gens de bonne mine, l'un portait du pain l'autre du vin, le troisième et le quatrième différentes sortes de mets.

        Personne au Couvent ne les connaissait, si bien que le portier leur demanda qui on devait remercier de cette aumône. Mais ils répondirent: «Rendez grâce au Seigneur qui n'abandonne pas, dans le besoin, ses fidèles serviteurs». Si ces paroles, ils partirent immédiatement.

        Dans son livre, Père Pio - Premier prêtre stigmatisé. Parente complète ce récit en disant que le narrateur était convaincu qu ces quatre jeunes gens n'étaient autres que des anges envoyés pour secourir les moines à court de vivres. Parente dit en effet: «Quand la tempête cessa et qu'il redevint possible de descendre en villes, les religieux s'efforcèrent de découvrir l'identité de leurs bienfaiteurs, en vain. Comme la neige ne révélait aucune trace de pas tous furent convaincus que quatre anges sous forme humaine étaient venus à leur secours.

       Dans le même ouvrage, Parente raconte un fait digne d'attention; une dame Vairo, convertie par le Père Pio, de mondaine qu'elle était fut complètement transformée. «Elle se soumit à des pénitences si rigoureuses qu'elle faillit ruiner sa santé. Ainsi un matin d'hiver, dans le vent et la grêle, elle alla pieds nus de la ville au couvent. Elle atteignit l'église, transie, trempée jusqu'aux os, les pieds en sang, complètement exténuée. Elle s'effondra en entrant à l'église et on la porta à la sacristie. Le P. Pio lui dit qu'elle allait trop vite sur le chemin de la pénitence. Il lui mit la main sur l'épaule. «Cette sorte d'eau ne mouille pas», dit-il en souriant, et immédiatement les vêtements de Mme Vairo séchèrent.

       Sans être tout à fait similaire, cette disparition instantanée d'un liquide, opérée par les pouvoirs du Père Pio, fait penser à un cas extraordinaire de guérison d'une hydropique au dernier degré, guérison réalisée par Maître Philippe, guérison instantanée également, en présence de trois médecins. Sur le moment, sans qu'on sut où ni comment, l'ascite et l'œdème avaient disparu. Lire à ce sujet dans notre ouvrage, La Réincarnation d'après Maître Philippe au chapitre III, où il est traité des pouvoirs supranormaux du Maître, le récit de cette guérison spectaculaire (v. p. 95 in fine).

       On sait que l'Archange saint Michel est apparu par trois fois sur le Galgano. Sa présence s'y sent encore et ses images sont nombreuses sur les édifices publics et dans les églises. Les représentations modernes ne sont pas étrangères aux suggestions du Père Pio. C’est ce que G. P. Siena fait ressortir en matière de conclusion:

       La présence répétée de ces images de l'archange, ici, ne me semble pas pouvoir être purement fortuite. Il n'est pas à exclure que certaines d'entre elles aient été suggérées par le Père Pio; car ici rien ne se fait sans le consentement du Père. Et l'on sait sa dévotion toute particulière pour saint Michel. Combien de fois m'a-t-il donné des pénitences «en l'honneur de saint Michel Archange».

        Mais quel sens à donner à tout cela?

        Qu'on me pardonne si j'encours les foudres du Saint Office en exprimant une conviction que j'ai depuis fort longtemps: je pense que l'Archange saint Michel est le gardien et le coopérateur extraordinaire du Père Pio. En disant cela, je m'expose sans doute à être accusé de dépasser les limites de la prudence et des convenances, mais je me sens appuyé par la confidence que me fit Mme Anita Zanotti.

        Cette dame, étant à Rome au château Saint Ange, devant la statue de saint Michel avait prié l'Archange de s'envoler vers le Père Pio et de lui porter son salut. À son retour à San Giovanni, elle demanda au Père si l'Archange avait obéi? Elle obtint cette seule réponse: «II est toujours ici».

       Quand on pense à la mission du Père Pio qui est de ramener des âmes, le plus d'âmes possible à Dieu, on comprend qu'il ait un tel protecteur. S.S. Benoît XV n'avait-il pas dit:

       «Le Père Pio est un homme vraiment extraordinaire, de ceux que Dieu envoie de temps en temps sur la terre pour convertir les hommes.»

        Saint Jean Chrysostome exprime la même pensée: «II n'y a rien au monde de plus puissant qu'un homme qui prie. La prière est omnipotente.»

       Que dire de ceux qui veulent à tout prix «expliquer» les miracles qui foisonnent sous les pas du Père Pio? Il suffit de les considérer comme faits surnaturels, transcendant notre appartement de matière et découlant de lois et de forces, provenant des plans supérieurs, notamment du plan du Saint-Esprit. À ce sujet, cette pensée de Franz Werfel sera un trait de lumière: «Pour ceux qui croient, aucune explication n'est nécessaire. Pour ceux qui ne croient pas, aucune explication n'est possible».

       Prétendre vouloir tout expliquer à tous, indifféremment, c'est souvent «jeter des perles aux pourceaux».

       Retenons un dernier enseignement du Padre Pio, enseignement fort curieux, ayant trait aux manifestations des cohortes angéliques lors de la naissance du Sauveur.

       Nous avons trouvé cette pensée dans une brochure: The Voice of Padre Pio (Editions Abresch, S. Giovanni Rotondo, 1954). L'enseignement 68 est libellé ainsi:

       «Une chose est nécessaire: Demeurer toujours près de Jésus.» Vous savez parfaitement qu'à la naissance de Notre-Seigneur, les bergers entendirent les chants angéliques et divins des Chœurs célestes. C'est ainsi que le relatent les Écritures. Toutefois, ce qu'elles ne disent pas, c'est que sa Mère, la Vierge, et saint Joseph, qui étaient auprès du berceau de l'Enfant, entendaient eux aussi, les voix des Anges et qu'ils contemplaient également ces miracles de splendeur. D'autre part, ils entendaient l'Enfant pleurer et voyaient, à la lumière d'une pauvre lanterne, les yeux tout baignés de larmes de l'Enfant divin, qui soupirait et tremblait de froid. Et maintenant, je vous demande: «N'auriez-vous pas préféré être dans l'étable sombre, toute pleine des cris du nouveau-né, plutôt que de vous trouver au milieu des bergers, ravis par les douces mélodies du ciel et par l'éclat de cette merveilleuse splendeur?»

       Cet enseignement du Padre Pio n'est-il pas une douloureuse préfiguration de la croix matérielle inévitable dont tout être se charge au moment de son incarnation terrestre? Croix, c'est-à-dire épreuve et souffrances volontairement acceptées par le Christ, pour montrer aux hommes la voie de l'amour et du renoncement, voie unique qui conduit au royaume du Père.

       Nous ne voulons pas terminer cette étude sans avoir mentionné le reportage de Fernanda Bianco sur le cas du Padre Pio. Son livre: L'Homme qui frappe à la Porte de Dieu, ne traite pas spécialement de l'angéologie du Padre, mais il débute par la relation d'un épisode riche en signification et des plus illuminatifs: Une femme avait demandé au Père Pio la guérison de son père gravement malade; cependant, malgré les prières du Padre Pio, cette grâce ne fut pas accordée et la femme en conçut une profonde amertume, voire une vraie révolte. Elle ne pouvait comprendre que cette guérison tant sollicitée ait été refusée. Or, une nuit, elle rêva:

       «Le Padre Pio tentait d'ouvrir une porte. Il y heurtait avec insistance de ses mains transpercées, mais la porte ne s'ouvrait pas. Il persistait, frappait toujours plus fort; de ses mains blessées, le sang coulait le long de ses doigts et tombait jusque sur le sol. Mais la porte restait close.

» Je suis contente, pensa alors la femme, rêvant toujours. Tu ne m'as pas accordé la grâce demandée pour mon père, tu l'as laissé mourir... Toi aussi tu prends de la peine, n'est-ce pas? Toi aussi tu t'épuises en efforts inutiles?»

       Et le moine continuait de frapper à la porte obstinément close; alors il se tourna vers la femme et lui dit, le regard empreint d'une tristesse infinie: «En ce moment, tu ne comprends pas, mais tu comprendras dans cinq jours». Et, de fait, cinq jours plus tard mourait le Dr Guillaume Sanguinetti, le converti et l'ami du Padre Pio qui avait supplié en vain pour la guérison du malade.

      Et avec G. P. Siena nous terminerons cette étude sur la mission des Anges, dans la vie du Padre Pio, par ces conclusions toutes d'actualité:

«Brandissez l'étendard de saint Michel!»

      Sans doute, les temps se préparent-ils où «Satan sera reconnu pour Satan, où l'Archange reprendra sa mission d'anti-matière et où le Gargano sera le Sanctuaire de la bonté et de la vertu... Nous sommes persuadés que lorsque sonnera la diane de ce jour fatal, éclatera dans les cieux le cri qui fit frissonner les Anges de la révolte:

«Quis ut Deus?»

       et la terre sera pacifiée, et les sacrifices et les élans généreux des justes trouveront leur couronnement dans le début d'une ère nouvelle: celle si longtemps prédite, et tant attendue d'un monde meilleur.

      Arrivés au terme de cette étude sur «l'Heure des Anges» où il y a encore beaucoup à glaner et à apprendre, nous ne pouvons qu'en recommander la lecture; et tous y gagneront une meilleure compréhension du ministère des Anges en faveur des humains.