SIXIÈME PRATIQUE

Faire des neuvaines en l'honneur des neuf chœurs des anges

 

 

Les catholiques enseignent qu'il ne faut pas s'arrêter superstitieusement aux nombres, et c'est la doctrine de la sainte Église ; mais l'on peut dire, sans superstition, qu'il y a de certains nombres mystérieux et consacrés par la piété des fidèles, comme celui de quarante, que les saints Pères remarquent avoir été sanctifié en la personne de Notre-Seigneur, et en celle des anciens prophètes ; celui de trois qui, étant multiplié par trois, compose le nombre neuvième, qui nous représente la très sainte Trinité ; c'est pourquoi dans le ciel il y a trois hiérarchies d'anges, et chaque hiérarchie est composée de trois chœurs ; et c'est parmi ces neuf chœurs que les élus seront placés. L'usage des fidèles a rendu ensuite dans ces vues la dévotion des neuvaines célèbre, et la séraphique sainte Thérèse nous apprend qu'elle pratiquait cette dévotion, qu'elle faisait quantité de neuvaines en ses besoins.

 

C'est donc une louable pratique de faire des neuvaines, et spécialement en l'honneur des neuf chœurs des anges, y ayant des motifs tout particuliers qui nous y doivent exciter. Je suis témoin des grâces extraordinaires qui ont été accordées par cette dévotion. J'ai vu des choses merveilleuses arriver pendant que l'on honorait tous les saints anges par cet exercice, et la puissance des démons ruinée en des choses d'importance ; et c'est un moyen très efficace pour obtenir les secours du ciel dans les calamités publiques et dans les besoins particuliers.

 

Nous avons assez dit que les saints anges nous assistent dans tous nos besoins, soit corporels, soit spirituels, et nous en dirons encore quelque chose dans la suite de ce traité ; et parmi ces troupes célestes, les Archanges et les Principautés doivent être particulièrement invoqués pour le bien des royaumes et des provinces, et pour ceux qui les gouvernent : Les Anges qui prennent le soin plus immédiat des cieux, des éléments et des saisons, dans le temps des guerres, des pestes et des famines, et autres malheurs publics ; les Puissances, contre les sorciers, magiciens et leurs maléfices ; contre les diables, leur rage et leur malice ; les Vertus, pour obtenir de Dieu tout bon les secours extraordinaires en nos nécessités, puisque c'est de ces esprits bienheureux que Dieu se sert souvent pour opérer ses merveilles et ses miracles, selon le témoignage de saint Grégoire, comme il a été remarqué ci-dessus. On peut voir ce que nous avons dit touchant les neuf chœurs des anges, aux trois premiers chapitres de ce second traité, et lire, la veille de chaque jour de la neuvaine, ce qui y est rapporté du chœur que l'on doit honorer le lendemain.

 

Pour en dire ici en peu de mots quelque chose, le premier jour de la neuvaine on honorera les anges du dernier chœur ; on peut leur demander la foi, qui est le commencement et le fondement de la vie spirituelle.

Le second, les Archanges ; l'on demandera le zèle de l'intérêt de celui que la foi nous fait connaître, et on souhaitera la même connaissance par la foi à tous les fidèles et hérétiques.

Le troisième, les Principautés ; on priera pour la conservation et augmentation de la foi dans les pays catholiques ; et comme la foi doit être accompagnée de la bonne vie, on offrira ses vœux pour l'anéantissement du péché, et pour la réformation de l'intérieur.

Le quatrième, les Puissances ; on invoquera leur secours contre la force des démons qui nous combattent dans les voies de la foi, et dans les desseins que nous prenons de la mortification chrétienne.

Le cinquième, les Vertus ; on en implorera l'assistance pour surmonter les difficultés que la chair et le monde nous livrent dans le chemin de la vie spirituelle, et pour obtenir une sainte générosité dans la pratique des vertus chrétiennes.

Le sixième, les Dominations, afin que nous connaissions les ordres de Dieu, ce qu'il demande de nous, et afin que sa divine volonté nous soit manifestée.

Le septième, les Trônes, afin qu'ils nous obtiennent un parfait assujettissement et un entier abandon à la divine volonté, en quoi consiste cette paix qui surpasse tout sentiment.

Le huitième, les Chérubins, pour l'établissement de la lumière de Jésus-Christ en nous, et l'éloignement de toutes les maximes du monde qui lui sont opposées.

Le neuvième, les Séraphins, pour le règne et le triomphe du pur amour dans nos cœurs.

 

L'on peut pratiquer la même dévotion dans les calamités publiques, qui nous arrivent et continuent parce que nous n'en regardons pas assez la cause. L'on s'en prend aux uns et aux autres, et il faut s'en prendre à soi-même et à ses péchés. Dieu ne nous frappe que pour être regardé, et l'on n'arrêta les yeux que sur les créatures. On demande sa paix, et on lui fait toujours la guerre ; nos vies ne changent pas, et nos péchés s'augmentent. Oh ! que le secours des saints anges nous est nécessaire, et qu'il est bon de leur faire des neuvaines, les priant d'apaiser la juste colère de Dieu, et de travailler à la destruction du péché, son cruel ennemi, et à ruiner les desseins des puissances de l'enfer !

 

Cette dévotion des neuvaines est encore très avantageuse pour se bien préparer à la célébration des fêtes de Notre-Seigneur et de sa très sacrée Mère, s'entretenant tous les jours avec les anges du chœur que l'on honorera, leur témoignant les désirs que l'on a de bien aimer notre bon Maître et notre bonne maîtresse, les priant de suppléer à notre peu d'amour, et de les remercier pour nous, de les louer, de les bénir, de nous en obtenir la solide dévotion, et l'augmentation de plus en plus.

 

Or, pour bien faire ces neuvaines, chacun peut suivre l'attrait de la grâce, et le conseil de quelque bon serviteur de Dieu. Cependant, pour en donner quelques moyens, ceux qui en auront la commodité, pourront faire célébrer neuf messes en l'honneur des neuf chœurs des anges, faire brûler neuf cierges, donner neuf aumônes ; au moins l'on entendra neuf messes, l'on fera neuf actes de mortification, soit extérieure, soit intérieure ; neuf génuflexions tous les jours ; l'on récitera neuf fois la Salutation angélique, si l'on n'a pas le loisir de dire neuf Pater ; exercice de piété que le ciel a révélé même à sainte Mectilde ; l'on visitera neuf fois quelque chapelle ou autel dédié à Dieu à l'honneur des saints anges, ou l'autel où repose le très saint Sacrement, qui y est accompagné de ces princes de sa cour. Outre cela, on communiera, selon l'avis de son directeur ; l'on se mettra à genoux trois fois le jour, le matin, vers le midi et le soir, où l'on se prosternera devant les anges du chœur que l'on honore particulièrement ce jour ; on s'adressera à eux le long de la journée, par quantité d'oraisons jaculatoires ; l'on tâchera de s'entretenir quelque temps avec ces esprits d'amour. Si l'on s'unit plusieurs ensemble, il y aura encore plus de bénédiction ; pour lors l'on pourra chacun choisir son jour pour visiter quelque église, quelques pauvres, et si on le peut, pour jeûner, afin que pendant la neuvaine il y ait un jeûne continuel.

 

 

 

 

 

SEPTIÈME PRATIQUE.

Prendre de certains jours tous les mois et toutes les semaines, pour honorer plus spé­cialement les saints anges, et célébrer tes fêtes avec tous les respects possibles.

Je sais une sainte communauté de religieuses carmélites, où tous les mois l'on prend l'un des neuf chœurs des saints anges pour l'honorer ; et comme il en reste trois, y en ayant douze en l'année, l'on applique ces trois mois qui restent à quelqu'un des chœurs qui touche le plus, comme par exemple, à celui des Séraphins. Mon cher lecteur, il ne tiendra qu'à vous de faire la môme chose, et elle est bien facile.

Si vous voulez, vous pourrez choisir les neuf premiers jours de chaque mois, pour rendre vos respects à ces esprits angéliques ; et ensuite quelques jours pour invoquer les anges à qui vous avez plus d'obligation ; ou bien, si vous étiez d'assez bonne volonté, le dimanche vous seriez appliqué aux Séraphins, Chérubins et Trônes ; le lundi aux. Dominations,Vertus et Puissances ; le mardi aux Principautés, Archanges et Anges ; le mercredi, aux anges des infidèles et hérétiques ; le jeudi, aux anges des royaumes et provinces, des églises et autels, et spécialement de ceux qui tiennent compagnie à notre divin Roi, au très-saint Sacrement ; le vendredi, aux anges de vos ennemis, ou dos personnes qui vous font quelque peine, ou de qui vous avez sujet de craindre quelque mal ; le samedi, aux anges de vos parents et amis, de ceux avec qui vous êtes le plus souvent ; si vous demeurez en une communauté, des personnes avec lesquelles vous y vivez, surtout de vos amis spirituels et de votre directeur. Ces anges s'intéressent bien plus à votre bien que vous ne pensez. N'oubliez pas les anges des villes et villages où vous faites voire séjour.

Pour celui qui vous garde, tous les jours de votre vie doivent être des jours de dévotion et de reconnaissance pour ses incroyables bontés. Il y en a qui destinent le jour de leur naissance pour en faire la fête en leur particulier. L'on y fait tout ce que l'on peut faire dans les jours des fêles des saints de sa plus grande dévotion, soit pour s'y préparer, soit pour en faire l'octave. Outre œla, ceux qui le peuvent donnent autant d'aumônes en son honneur que l'on a vécu d'années ; nu bien l'on fait autant d'actes de quelque vertu, ou autant de pratiques de dévotion vers cet aimable gardien.

J'ai connu une personne qui en ce temps partageait les années de sa vie eu plusieurs jours, pour considérer à loisir les miséricordes de Dieu sur elle, les malheurs dont elle avait été ou préservée, ou délivrée, tant pour le corps que pour l'âme ; les grâces qu'elle avait reçues de l'infinie bonté de 1 adorable Jésus, de la protection de la très sacrée Vierge, des anges et des saints. Ces considérations touchent grandement le cœur quand elles sont bien faites ; et comme notre saint ange est le ministre dont Dieu se sert pour nous préserver de tous nos maux et pour nous accorder ses bienfaits, cela donne lieu de le remercier, et de le bénir tout à l'aise et dans le particulier, pour toutes ses charitables assistances en notre jeunesse, dans l'âge plus avancé, dans la vieillesse, si l'on y est, remarquant avec soin les choses les plus considérables qui nous ,sont arrivées durantle cous de la vie. Il faut tout au moins se souvenir que le mardi est un jour dédié en l'honneur des saints anges, et ce jour doit être d'une singulière dévotion à tous ceux qui les aiment'. Le vingt -neuvième de septembre est le jour de la grande fête de saint Michel et de tous les autres anges. Le huitième de mai est la fête de son apparition sur le mont Gargan. Et en Normandie l'on célèbre le Seizième d'octobre l'apparition de ce glorieux archange sur le Mont de Tombe, commanément appelé le Mont-Saint-Michel.

Ce lieu est.très-célèbre par le concours d'un grand nombre de personnes qui y viennent de toutes parts , pour y rendre leurs respects à cet aimable prince du ciel ; et les grands miracles que la toute-puissance de Dieu y a opérés, sont des motifs bien puissants pour exciter de plus en plus la dé­votion des fidèles à rendre ses hommages sur cette sainte wontagne,à ce Dieude toute miséricorde, et implorer les secours de ce premier prince de la cour céleste. L'on peut aller en pèlerinage en ce saint lieu, pour toutes sortes de besoins ; mais particulière tuais pour être délivré des tentations et des attaques des malins esprits, pour y obtenir la pureté du corps et de l'esprit, et une force invincible dans les voies du salut. Ceux qui aiment les intérèts de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de sa très-sainte Mère doivent s'adresser à ce glorieux archange, qui les a si Lien soutenus dès le commencement (lu monde : il serait seulement à désirer que les pèlerins fissent ce voyage avec plus de dévotion qu'on ne le fait pour l'ordinaire, s'entretenant de Dieu le long du chemin, élevant son cœur souvent à Notre-Seigneur et à sa très-digne Mère, implorant les assistances de saint Michel, saint Gabriel, saint Raphaël, et de tous les neuf chœurs des anges ; se donnant de garde de toute sorte , de péché ; et enfin, étant arrivés sur le lieu, ne manquer pas de s'y confesser et coromu­nier. Une voix du ciel a appris que ce lieu était grandement agréable à Dieu, et qu'il était fréquenté des saints anges. En vérité, cet oracle rend bien douces toutes les peines que l'on peut avoir pour visiter cette sainte montagne, et il est plus doux que l'on ne peut dire, et même que l'on ne peut penser, de se trouver en un lieu si chéri de Dieu, et si fréquenté des princes de sa cour.

La divine Providence a même ordonné que ce ne fût pas un homme de la terre, pour saint qu'il pût être, niais un pur esprit du ciel, et le premier de tous les bienheureux esprits qui fit la consécration do l'église ; car saint Aubert, évêque d'Avranches, s'étant mis en devoir de la consacrer, saint Michel l'en empêche, après lui avoir appris qu'il l'avait lui-même consacrée. C'est ce saint évêque à qui l'archange se fit voir, il y a plus de neuf cents ans, lui apparaissant par trois diverses fois, pour lui mar-, quer que le Mont de Tombe était sous sa protection, et celle de tous les autres anges, et que Dieu voulait qu'on bâtit une église en leur honneur : à la troisième fois, le saint archange toucha la tête du bon évêque, et y laissa une marque qui s'y voit encore aujourd'hui. C'est une chose admirable, qu'un rocher empêchant qu'on ne pût bâtit facilement la chapelle de l'eglise, l'archange voulut que l'on apportât un enfant qui était encore au berceau, qui ayant touché de son pied ledit rocher, en même temps ü tomba et laissa la place qui était nécessaire pour la susdite chapelle. Oh ! que bienheureux sont les chastes et innocents, les purs et nets de cueur, puisqu'ils sont si chéris de Dieu et de ses anges 1

Saint Michel, ne se contentant pas de toutes ces merveilles, et voulant de plus en plus donner des marques visibles de sa faveur pour la sainte montagne de Tombe, commanda à saint Auhert d'envoyer mont Gargan demander de sa part une partie du drap vermeil qu'il y avait apporté, et une partie du marbre sur lequel il S'était assis, y paraissant en forme humaine ; ce qui ayant été accordé aux députés du bon évêque, douze aveugles en différents lieux reçurent la vue par l'attouchement de ces choses saintes, et proche du mont de Tombe, la vue fut donnée à une femme aveugle, dont tout le peuple fut tellement touché qu'en mémoire d'un si grand miracle, le village qui s'appelait Asteriat, fut nommé Beauvoir, et c'est de la sorte qu'on l'appelle encore aujourd'hui. J'ai eu l'honneur et la bénédiction de voir cette année 9667, le jour de la fête de l'Apparition du glorieux saint Michel en ce lieu sacré, ces précieux gages de l'amour incomparable de ce grand pince du paradis envers les hommes, comme aussi l'écu et l'épée que l'on y garde dans le trésor, qui sont de nouvelles preuves de ses incroyables bontés, et cet écu est garni de petites croix et de matière d'airain aussi bien que l'épée : ce sont encore des présents de l'archange, qu'il ordonna d'y être apportés de la Grande-Bretagne, en suite d'une merveille qui y fut faite par sa force invincible.

L'histoire rapporte qu'il y avait un dragon d'une grandeur effroyable, qui, empoisonnant les eaux de son venin, infectant l'air de son haleine, et faisant mourir tous ceux qu'il rencontrait, avait rendu le pays où il était inhabitable. Ce mal obligea l'évêque du lieu d'avoir recours à Dieu ; et après avoir ordonné un jeûne de trois jours et fait quantité d'aumônes , tous les habitants prirent les armes, étant accompagnés du clergé qui marchait processionnellement, implorant le secours du ciel pour donner force au peuple de mettre à mort le draaon ; mais ils furent bien étonnés lorsque, étant arrivés près du lieu où il se retirait, ils le trouvèrent mort, ayant auprès de lui l'écu et l'épée dont il a été parlé ; et comme ils ne pouvaient s'imaginer qui était la personne qui avait pu tuer ce monstre avec des armes si faibles, saint Michel parut à l'évêque et lui dit que c'était lui qui avait fait mourir le dragon ; et quoiqu'il n'eût pas besoin de ces faibles armes pour cet effet, cependant il s'en était voulu servir pour laisser des marques visibles de ce secours ; ensuite il commanda que ces armes fussent apportées en l'église du mont de Tombe, où elles sont encore gardées à présent avec une singulière vénération. Comme il a plu à Dieu, depuis environ trois ans ; de manifester en nos jours tout de nouveau le grand saint Gaud, évêque d'Evreux, par l'invention de son saint corps, à cinq lieues proche du Mont-Saint-Michel, j'ai cru que Notre-Seigneur serait glorifié si, parlant des miracles qu'il a opérés en faveur des anges sur le mont de Tombe, je disais un mot de ceux qu'il fait à présent près de ce saint mont en l'honneur d'un homme tout angélique. Cet homme tout de Dieu, ne tenant plus rien de la terre, et ne respirant plus que le paradis, quitta volon­tairement le gouvernement de l'évêché d'Evreux et la conversation des hommes pour ne plus converser qu'avec les anges dans le désert. Après avoir donc laissé son cher peuple, qui l'avait conduit à deux lieues de la ville il 'Evreux, où l'on a édifié, en mémoire de ce dernier adieu, une dévote chapelle en l'honneur de la très-sacrée Vierge, (lame spéciaie et patronne de ce diocèse , et en l'honneur de saint Michel , chapelle appelée vulgairement Notre-Dame du Gaud ; cet éminent prélat se retira dans une solitude près Granville, sur le bord de la mer. et à cinq lieues, comme nous avons dit, du Mont-Saint-Michel, où ayant fini ses jours, et ses précieuses reliques y étant demeurées, Dieu, qui prend plaisir à manifester ceux qui se cachent pour l'amour de lui, ne s'est pas contenté de les glorifier dans le temps de sa précieuse mort, mais encore cinq cents ans après il en découvrit la gloire par la première découverte de son corps, qui fut pour lors trouvé tout entier, et laissé dans le sépulcre où il avait été enterré. Grand nombre de miracles se firent pour lors,, et ce lieu fut un asile pour toutes les personnes affligées. Mais, dans la suite des siècles, environ encore cinq cents ans et plus après cette première invention, la divine Providence a voulu encore révéler les grandeurs de son saint par la seconde invention qui en a été faite il y a un peu plus de trois aus , et qui a été suivie de plusieurs miracles ; ce qui rend à présent ce lieu très-illustre et très favorable à ceux qui viennent implorer les intercessions de saint Gaud. Je serais très ingrat si je ne publiais les secours que j'ai reçus de ce grand saint dans une extrême maladie où les médecins avaient jugé ma mort comme assurée : que Dieu soit à jamais béni pour ses grandes miséricordes , qu'il ne cesse de faire aux hommes par le mérite de sa très-digne Mère , de ses anges et de ses saints. On voit proche le tombeau de saint Gaud celui de saint Paterne, évêque d'Avranches , et de saint Scubilion, abbé, qui avaient été ses compagnons dans sa retraite. Saint Sénateur y est aussi enterré , et plusieurs autres saints personnages. L'on. voit encore quelques restes des ermitages& de ces divins solitaires.

On fait la fête de saint Gabriel le 18 mars, et en quelques lieux le 24 du même mois, veille (le la fête de la sacrée Mère de Dieu.. On célèbre celle de saint Raphaël le 1120 novembre, et en quelques endroits l'un des dimanches qui arrivent entre Pâques et la Pentecôte. Celle des anges gardiens se solennise le premier jour d'octobre non occupé - par une fête de neuf leçons, et elle est encore célébrée le premier jour de mars. Tous ces jours doivent être des jours solennels pour les dévots des saints anges. Il faut y communier, y entendre la messe en leur honneur, y pratiquer quelque mortification, quelque œuvre de charité ; mais, outre cela au moins à. l'une ou plusieurs de ces fêtes, l'on doit s'y préparer avec grand soin. Saint François jeûnait quarante jours pour se disposer à la fête de saint Michel ; et ce fut durant cette quarantaine qu'un séraphin lui imprima les sacrés stigmates. Sainte Élisabeth faisait la môme chose, mais elle jeùnait au pain et à l'eau. J'ai déjà parlé de sainte Mectilde, qui avait demandé à Notre-Seigneur ce qu'elle pourrait faire pour honorer les anges, il lui répondit : « Ma fille, vous direz neuf fois le Pater en l'honneur de leurs neuf chœurs. »Elle en ajouta encore neuf en l'honneur de son bon ange, afin qu'il présentât sa dévotion à ces glorieux esprits : L'on pourrait se préparer par une neuvaine, y faisant les choses que nous avons marquées au chapitre précédent. De plus, il ne faut pas oublier à en faire l'octave, s'acquittant tous les jours de quelques devoirs de piété envers ces princes du ciel.

L'on aura soin de réciter l'office et les litanies deces saints esprits, au moins en de certains jours et temps de l'année.ll y a un chapelet en l'honneur du saint ange gardien. Sur la croix l'on dit le Credo ou le Te Deum, ensuite l'Oraison dominicale, la Salutation angélique ; et puis, sur les gros grains, ou le Gloria Patri, ou l'Ave, Maria ; et sur tous les petits grains l'Angele Dei ; ou, pour ceux qui ne le savent pas, cette courte prière :

Mon bon ange, je vous aime et vous veux aimer. Si on le veut dire en l'honneur de tous les neuf chœurs, l'on se servira de ces autres paroles : Saints anges, je vous aime et vous veux aimer. L'usage des oraisons jaculatoires est d'une merveilleuse utilité. Si l'on aime les esprits célestes, souvent on leur parlera, on répandra son cœur en leur présence ; il n'y a rien de plus aisé, à un cœur qui aime, que de leur dire sa douleur sur les ingratitudes des hommes, son étonnement sur l'oubli où ils sont de leurs perfections et de leurs bontés ; rien de plus aisé que de leur témoigner ses reconnaissances pour leurs soins, les désirs que l'on a d'en 1 ro(iter ; rien de plus facile que de les appeler à notre secours en nos besoins , que de les prier d'agir auprès de Jésus et Marie pour nous les rendre favorables, pour leur (lire ce (lue nous voudrions bien leur dire , et, hélas I ce que nous ne pouvons pas. Nous ne savons rien au langage de la cour du paradis ; ces princes de {a cour nous sont nécessaires pour y parler pour nous. On peut dire cela (Jurant le jour, en deux ou trois petits mots enflammés, tantôt d'une manière et tantôt d'une autre.

l'oublir.is à vous dire une pratique pour faire tantot : la fête d'un ange et tantôt celle d'un autre ; il faut pour cela prendre le dessein, quand vous ferez la fête d'un saint, de faire en même temps celle du saint ange qui le gardait lorsqu'il vivait ici-bas. Cela ne multipliera pas vos pratiques ; il ne faut que prendre l'intention d'honorer le saint ange du saint par toutes les bonnes œuvres que vous ferez en son honneur, et cependant vous passerez l'année de la sorte à faire la fête des différents anges. Vous obligerez les saints de rendre ainsi vos respects à ces glorieux esprits, à qui ils ont tant d'obligations ; vous gagnerez les bonnes grâces de tous ces anges, et vous attirerez toutes les plus douces bénédictions du paradis.

 

 

 

 

HUITIÈME PRATIQUE.

Visiter les églises ou oratoires qui sont consacrés à Dieu en l'honneur des saints anges.

Les hérétiques, à qui toute piété est odieuse, blâment les pèlerinages que la sainte Église catholique approuve, et qui les a en telle considération que le Souverain Pontife, qui en est le chef, dans le temps même qu'il accorde ses pouvoirs, se réserve souvent la dispense des vœux des pèlerinages de Rome, de Jérusalem et de Saint-Jacques en Galice. Dieu fait assez paraître combien ces dévotions lui agréent, puisqu'il y attache tant de grâces et de faveurs particulières, qu'il ne donne pas en d'autres lieux. On peut, à la vérité, et on doit recourir à sa bonté paternelle , implorer la protection de la très-sacrée Vierge, des anges et des saints en toples sortes d'endroits, en toutes les églises et chapelles ; mais on ne peut pas nier qu'il y ait de certains lieux que ce Die ii de miséricorde honore de miracles, ce qu'il ne fait pas autre part, approuvant par ces témoignages d'une puissance et d'une bonté extraordinaires la dévotion des pèlerins qui y viennent en foule de tous côtés. Nous avons des saints reconnus pour tels par l'Eglise catholique, qui ont passé la meilleure partie de leur vie dans ces sortes de dévotions ; et le grand archevêque de Milan, saint Charles Borromée, en avait une telle estime, lion, a fait plusieurs pèlerinages, quoique longs et fâcheux, avec de très grandes peines, tout chargé qu'il était de grandes affaires qu'il avait entre les mains, et avec les contradictions des premières personnes du monde. L'église du mont Gargian, dédiée à Dieu en l'honneur de saint Michel, est l'un de ces lieux célèbres où les pèlerins abordent de toutes parts ; et Othon III, tout empereur qu'il était, y alla nu-pieds de la ville de Rome, quoiqu'elle en soit fort éloignée.

Mais comme il y a peu de personnes qui soient en état de faire de si longs voyages, l'on peut y suppléer en allant en dévotion à quelque chapelle ou autel dédié en l'honneur de ce prince de la milice céleste, ou des autres saints anges. Depuis quelques années,  il a plu à Notre-Seigneur de réveiller dans les cœurs la dévotion à ces bienheureux esprits en la ville de Rouen, capitale de la Normandie, et il s'est servi pour cette fin de ce moyen, donnant le mouvement à quantité de personnes de piété d'aller tous les mois visiter une chapelle qui est bâtie sur une haute montagne assez proche de cette grande ville, en l'honneur de l'archange saint Michel. Voici , selon que je l'ai appris, comme la chose est arrivée. Deux ou trois serviteurs de Dieu, allant faire leurs dévotions à une église célèbre, où la très sainte Vierge est invoquée sous le titre de Notre-Dame de BonSecours, se sentirent incités à aller faire leurs prières à la porte de la susdite chapelle de Saint-Michel, qui n'en est pas fort éloignée, et en même temps furent puissamment touchés devoir cette chapelle. délaissée ; la dévotion y ayant été si grande, à ce que l'on peut apprendre par le témoignage des anciens, et par la vue même d'un chemin pavé de grandes pierres, que l'on y avait fait tout exprès avec beaucoup de dépense et de difficulté, et dont on remarque encore les restes. Cela les obligea à prendre résolution d'y venir de temps en temps, et avant communiqué leur dessein à quelques autres personnes, elles y entrèrent facilement. Or il a plu au I)ieu de toutes bontés d'y donner une telle bénédiction, que dans la suite de peu d'années, y ayant très peu que cette dévotion a commencé, il se trouve un si grand nombre de personnes au jour que l'on prend au commencement de chaque mois, que l'on est obligé de faire le sermon au dehors de la chapelle : l'on est sensiblement touché de voir tout ce monde assis avec modestie sur le sommet de cette montagne, entendre dans un profond silence les discours qui s'y font à la louange des saints anges ; car l'on ne manque pas de s'assurer d'un prédicateur pour tous les mois, comme aussi d'y faire célébrer la sainte messe où il se fait quantité de communions. Cette dévotion ayant été inspirée ensuite d'un voyage à Notre-Dame de Bon-Secours, l'on peut croireavec fondement que c'est une faveur de cette souveraine des anges, et un effet signalé de son bon secours.

J'ai vu dans une autre ville, que vers la fête de Saint-Michel, ou au commencement de mars, l'on députait pendant neuf jours des personnes pour aller rendre leurs respects aux saints anges en l'une de leurs chapelles, et quelquefois même neuf personnes s'aquittaient tous les jours de ce devoir, sans parler de plusieurs autres qui y allaient offrir leurs vœux le matin et le soir ; l'on y faisait célébrer tous les jours le saint sacrifice de la messe, et on y faisait brûler chaque jour neuf cierges.

 

 

 

 

NEUVIÈIIE PRATIQUE.

Avoir une grande confiance en la protection des saints anges, et recourir à eux en tous ses besoins corporels ou spirituels.

Ceux qui se confient au Seigneur seront inébranlables comme le mont de Sion, celui qui a établi sa demeure en la céleste Jérusalem sera à jamais immuable en sa fermeté ; Dieu l'environne de montagnes sacrées, et le Seigneur se met lui-même à l'entour de son peuple. (Psal, CXXIV, 1, 2) Or ces montagnes qui servent comme de boulevards et de forteresses imprenables à l'âme qui met toutes ses espérances au Dieu des miséricordes, ne sont autres que les saints anges ; ce sont ces saintes montagnes du Psalmiste (Psal. XIX, 3), dont il assure que lui venait son secours. Oh ! que bienheureuse est l'âme qui vit sous une telle protection ! elle sera délivrée des pièges des chasseurs, les frayeurs nocturnes ne lui feront aucune peur, elle ne recevra aucun mal de ces flèches qui volent durant le jour, ni des conseils qui se prennent dans les ténèbres, non plus que du démon du midi. Pendant que mille tombent à la droite, et dix mille à la gauche, elle demeurera ferme, parce qu'elle est à !a garde des anges, elle foulera aux pieds les aspics et les basilics, elle marchera par-dessus le ventre des lions et des d ragons, sans en être endommagée. Sa demeure est si sûre et si élevée que le mal n'en peut approcher ; elle volera comme les aigles au milieu nes airs sans aucune crainte, et prendra son essor jusqu'au plus haut des cieux, soutenue de ces glorieuses puissances célestes. Qu'elle aille et qu'elle revienne, les anges partout lui serviront de corps de garde ; ce sont ces soldats dont parle le prophète Zacharie, qui environnent la puissance du Seigneur : ils la tiendront au milieu d'eux, comme autrefois ce généreux Machabée, et la couvriront de leurs armes, faisant main-basse sur ses adversaires, lançant des traits et des foudres redoutables sur tous ses ennemis.

j » Pourquoi donc craindre, disait saint Bernard, ayant des amis si fidèles, si sages et si puissants ? » - La joie soit toujours avec vous, disait saint Raphaël archange à Tobie, je vous conduirai et reconduirai. ( Tob. v, il.) Il est vrai que je ne vois pas comme nous pouvons jamais être tristes, étant assistés en toutes nos voies d'un si puissant secours. Que les monstres sortent pour nous dévorer, nos fidèles gardiens nous en tireront sans peine. Que tout l'enfer conspire contre nous, que tous les hommes s'arment pour nous détruire ; nos cœurs doivent être sans frayeur, si les chœurs des anges nous donnent leur protection. Quelle douceur de penser à ce grand nombre d'anges dont nous avons parlé dans le premier traité de ce petit ouvrage, et de savoir qu'ils sont tous au service des hommes ! Quelque part donc que j'aille, et en quelque lieu que je sois, j'ai les mille millions de ces soldats célestes qui veillent à ma défense. Ô mon âme ! pourquoi te troubles-tu ? Pourquoi toutes ces inquiétudes ? Ne vois-tu pas que tout le ciel combat pour ton salut ? Tu penses quelquefois être bien seule et bien délaissée, bien dépourvue de secours humains ; mais ne sonnes-tu pas que tu as des armées terribles, composées d'une multitude innombrable de soldats invincibles, qui t'accompagnent et te défendent ? Pendant que nous dormons, il y a plus d'yeux ouverts pour notre garde, qu°il n'y a d'étoiles an firmament. L'on nous dit que de tous les côtés les créatures de la terre s'élèvent contre nous : il y a plus d'anges du paradis qui nous soutiennent, qu'il n'y a d'atomes aux rayons du soleil et de gouttes d'eau dans l'Océan. Disons donc, ô mon âme ! Nous en avons plus avec nous, que nos adversaires n'en ont avec eux. Mais, ô aveuglement des hommes ! Rien ne nous touche que ce que nous voyons par les yeux de la chair. Nous sommes tout à fait sensibles aux approches des créatures de la terre ou à leur éloignement ; quand nous en voyons un bon nombre pour nous ou contre nous, nos pauvres cœurs s'ouvrent à la joie ou se trouvent fermés par la tristesse. L'on a beau nous dire et nous parler des secours du ciel, nous n'entendons rien à ce langage : en cela semblables au serviteur d'Elisée, qui, voyant des troupes d'élite et un grand nombre de soldats aguerris de l'armée du prince de Syrie qui étaient venus pour prendre son maître, ne pouvait se rassurer, quelque chose que lui pût direr le saint prophète pour lui ôter sa crainte. 11 avait beau lui dire qu'ils en avaient plus avec eux pour leur défense, ce pauvre valet ne s'arrêtait qu'à ce qu'il voyait ; les troupes invincibles du Dieu des armées ne lui donnaient aucune assurance, parce qu'il ne les voyait pas, bien au contraire de l'homme de Dieu qui agissait par la foi, et dont la contïance en cette rencontre a été si haute­ment louée par saint Ambroise, qu'il s'écrie lorsqu'il la considère : « O la foi du saint prophète ! » Il ne craint pas ses ennemis qu'il voit, parce qu'il sait que les anges de Dieu sont avec lui, quoiqu'il ne les voie pas. Mais, ô la bonté de Dieu 1 la sainteté d'un homme, ajoute ce Père, lui attire plus de défenseurs du ciel, que la malice des hommes ne lui suscite d'adversaires sur la terre. » Qu'il serait nécessaire de nous mettre en prière dans nos ténèbres, comme ce saint homme fit au sujet du peu de foi de son serviteur, et de dire avec lui : O Seigneur 1 ouvrez les yeux, non pas pour en obtenir un rniracle, et découvrir des montagnes pleines de chevaux et de chariots de feu, niais pour nous augmenter la foi et nous en faire vivre et agir en toutes choses par cette vertu.

Il faut que j'avoue ici que je ne sors pas d'étonnement, quand je considère le peu de confiance des hommes en la protection du ciel. « O l'avarice du cœur humain, » dit une fois Notre-Seigneur à sainte Thérèse, « il lui semble que la terre lui manquera 1), L'on ne remarque que des inquiétudes, et pour le temporel, et pour le spirituel. Quand il n'y aurait aucune Providence, l'on ne s'attacherait pas davantage aux moyens humains. Mais quelle pitié de voir des personnes spirituelles, sous prétexte de prudence, être si plongées dans les soins de ce qui les touche, et faire tant d'appui sur leur industriel O maudite prudence de la chair, je te déteste pour jamais ! ô amoureuse prudence de mon Dieu, je m'abandonne sans réserve entre vos mains ! Que les hommes disent et fassent ce qu'ils voudront, qu'ils s'unissent taut qu'il leur plaira contre nous, je sais, mon Dieu, je sais, et je n'en puis douter, et je lo sais plus certainement que je ne connais que j'écris ces lignes, que malgré tous leurs efforts et toute la rage des démons, vos divins conseils s'exécuteront. Celui que vous voulez sauver ne sera jamais perdu, s'il ne le veut lui-même ; les hommes ont beau l'abattre, lorsqu'ils pensent qu'il ne s'en relèvera jamais, c'est pour lors que vous le rendez plus glorieux. Vous l'élevez de la poussière et de la boue, de l'ordure de la terre où ses humiliations le mettent, pour le faire asseoir avec les princes de votre peuple, et lui don­ner un trône de gloire. Oh ! Qui est comme vous, qui habitez dans les cieux, et qui re­gardez avec plaisir de votre sanctuaire les choses les plus viles du monde, ôtant les puissances de leur siège, pour y élever les abjects ? Vous faites bien voir, comme il est écrit en la Sagesse, ce que vous êtes, donnant la mort aux ennemis de votre peuple, et mettant en déroute leurs adversaires avec de simples mouches, pendant que vous rendez victorieux vos enfants et tous vos serviteurs, et que le venin le plus dangereux des dragons ne leur fait aucun mal.

Mettons donc toutes nos pensées au Seigneur et tous nos soins en sa divine providence, qui veille sur nous par ses saints anges, avec des bontés ineffables. Levons nos mains et nos yeux vers ces saintes montagnes, en tous lieux et en toutes sortes d'occasions. Nous avons assez fait voir les puissants secours que nous en recevons, soit pour le spirituel, soit pour le temporel : j'ajouterai seulement ici quelque chose de ce qui a été dit, qu'en mille rencontres les anges se sont rendus visibles pour porter les misérables pécheurs à la confession de leurs fautes, et au sacrement de Pénitence. Ils ont souvent administré le très-saint Sacrement de l'autel, comme à saint Onuste, à qui ils le portaient tous les huit jours dans le désert. Ils assistent au saint sacrifice de la messe en grandes troupes, comme le témoigne saint Nilus ; et il rapporte que saint Jean Chrysostome les a vus aider avec soin les prêtres, lorsqu'ils communiaient le peuple. Ils répondent quelquefois à la sainte messe, comme il se voit en la personne de saint Oswald évêque. Ils s'unissent avec les hommes dans leurs prières, et les récitent avec eux, comme il arriva au grand saint Ouen, archevêque de Rouen, qui a été singulièrement dévot à la très-sacrée Vierge leur reine ; car ce saint homme ayant commencé un verset du Psalmiste dans l'Église de Saint-Pierre de Route, il entendit les anges qui l'achevèrent. Es font voir à ceux qui combattent pour Jésus-Christ, les glorieuses couronnes qui leur sont préparées.

Quand un cœur a de la peine à se donner parfaitement à Dieu seul, il ne faut que s'adresser à eux. Saint Ignace s'en trouva bien, et ce fut le moyen dont il se servit pour gagner saint François Xavier ; ainsi c'est à ces glorieux esprits que le Japon a l'obligation de son apôtre. Le saint ordre des Carmélites a.donné à notre France des âmes admirables en sainteté : l'on en est encore obligé aux anges ; et saint Michel, le premier de ces sublimes intelligences, partit tout armé, et comme une personne qui viendrait du combat, à la vénérable Anne de Saint-Barthélemy, quand la résolution fut prise d'amener ces saintes filles du royaume d'Espagne en notre France, malgré toutes les oppositions que l'enfer y lit, cet archange voulant faire connaître la victoire qu'il avait remportée sur les démons, et sur les obstacles que les hommes y formaient. Enfin, Notre-Seigneur s'étant servi des anges en sa naissance, en sa vie, après sa mort et en son ascension, il nous apprend qu'en toutes nos actions et en toutes nos voies, nous devons recourir à eux, et implorer leur assistance.

 

 

 

 

DIXIÈME Pitz1TIQUE.

Travailler à la conversion des âmes et à leur soulagement dans les flammes du purgatoire, en l'honneur des saints anges.

Que pourrait-on faire de plus agréable aux anges, que de travailler avec eux à l'établissement de la gloire de notre divin Maître ? C'est la vue de cette gloire qui occupe le nombre presque infini de ces purs esprits à veiller avec tant d'attention sur des créatures chétives et mortelles, et qui les arrête tous, selon le témoignage de l'Apôtre (Hebr, r, 1'i), au service des hommes. Celui qui connaît Dieu ne peut trouver rien de bas, quand il s'agit de ses divins intérêts ; et s'il est difficile de comprendre la charité, la patience et les emplois des anges à l'égard de si viles créatures comme nous, cessons de nous étonner, lorsque nous considérons que c'est la gloire de leur Souverain qui leur fait faire et souffrir (les choses si surprenantes. Le moindre petit degré de la gloire de Dieu, l'ombre même de ses intérêts mérite toutes les souffrances du monde et les anéantissements de toutes les créatures. O mon Dieu, que ne vous connaît-on ? Mais que notre terre est bien la terre d'oubli à l'égard de ce que vous êtes et de ce que vous méritez ! L'on ne peut pas y penser sans ressentir de grands désirs d'en sortir bien vite, pour entrer dans le pays des lumières, où l'on verra, mais bien tard, qu'il fallait oublier toutes hoses, ou n'y penser que pour vous.

Regardons donc avec les saints anges l'intérét de Dieu dans les âmes ; et dans ce regard faisons taut pour y faire glorifier notre Souverain. Un Dieu-Homme ayant donné sa vie au milieu d'une infinité de tourments indicibles pour ce sujet, il faut renoncer au christianisme, ou il faut donner tout ce que l'on peut donner dans son ordre pour y établir sa gloire. L'on doit ici s'en prendre à ses yeux, et pleurer inconsolablement dans la vue de ce qui s'y passe. Quelles dépenses ne fait-on pas pour un malheureux corps qui s'en va tous les jours dans la pourriture, pour le nourrir et orner, pour l'ambition et la vanité ? Que de revenus tous les ans employés, que de sommes immenses par toute la terre, pour la terre ! Considérez en passant ce qui en reviendra dans cent ans à tous les hommes qui vivent à présent, et considérez cette vérité à loisir, et dans le recueillement. Après cela, perdons-nous dans un abîme d'étonnement, voyant le peu de part que l'intérêt de Dieu a en toutes ces dépenses. Perdons-nous dans un abîme de douleur, voyant même que les biens consacrés uniquement à l'honneur de Dieu, comme les revenus ecclésiastiques, sont employés, ou pour mieux dire, prodigués en tout autre usage. Ah ! Cieux, déchirez-vous, et soyez grandement étonnés sur l'épouvantable aveuglement et endurcissement du cœur des Chrétiens. L'on a vu imprimé, dans une relation de la Grèce qui a été distribuée dans les premiers lieux du christianisme, que mille écus de revenu suffiraient pour y entretenir toutes les missions nécessaires, et je ne sais si dans tout le christianisme ce revenu s'est trouvé. Ô Chrétiens, il s'agit d'acquérir de nouveaux empires à Jésus-Christ et sa très-sacrée Mère ; je le répète, de nouveaux empires, hélas ! Pour la conquête d'une seule ville, que ne l'ait-on pas !) en contribuant de quelque chose pour les missions étrangères dans les Indes, la Chine, le Japon, ou dans le Canada ; et vous y êtes insensiblesl

Presque toutes nos campagnes sont désolées par le règne du péché et l'ignorance de nos saints mystères : quelque contribution, pour y faire des missions, serait un grand remède, et il y a bien peu de personnes qui s'en mettent en peine. Oui, pour un mouchoir, l'on trouvera des sommes considérables, pour un habit, pour le jeu, pour des chevaux, pour des meubles, pour de la vaisselle, pour entretenir des chiens : il n'y a que pour l'intérêt de mon Dieu que l'on n'a rien, et que l'on rie peut rien. Ô Chrétiens ! niais en vérité, savez-vous ce que vous faites ? Et vous, ô bénéficiers, pouvez-vous vivre ? Pouvez-vous prendre un moment de repos, voyant en vos logis tant de beaux meubles, de beaux tableaux, de belle vaisselle d'argent, voyant les autres dépenses que vous faites du patrimoine des pauvres ? Si vous preniez vingt sous à un pauvre, dix sous même pour vous en réjouir, que diriez-vous ? que dirait-on ? Si vous alliez dans les troncs des églises y prendre un écu pour vos plaisirs, si vous preniez des offrandes que l'on y fait la même somme, n'auriez-vous pas quelque trouble en votre âme ? Et vous prenez tous les ans aux pauvres et aux églises des sommes effroyables au-dessus de votre nécessaire, et vous en avez de réserve en vos coffres ; et vous gardez tous ces buffets magnifiques, ces tableaux, qui sont le prix de cet argent ; et peut-être mourrez-vous dans cet état sans en faire restitution, les laissant à vos héritiers, et pillant de la sorte les biens des églises et des pauvres après votre mort même ; et après cela vous riez, vous passez le temps saris crainte. Ô l'horreur et la désolation ! je vois bien, mon Dieu, la vérité de vos paroles, qu'il y en a bien peu de sauvés.

L'exemple des saints anges est étrangement puissant, non-seulement pour nous faire tout faire et tout donner pour la gloire de Dieu dans les âmes, mais encore pour ne se lasser jamais, pour jamais ne se rebuter des peines que l'on y souffre. L'Ap8tre nous enseigne qu'il faut instruire les âmes en toute sorte de patience et de doctrine. Ce peu de paroles renferme tout - qui dit toute sorte de patience et de doctrine, n'excepte ni peine ni mépris, ni travail, ni aucune instruction, soit en public, soit en particulier, soit par sermons, soit par catéchisme. Hélas ! les anges pensent toujours à nous, quoique nous ne pensions presque jamais à eux ; sans cesse ils nous recherchent, nonobstant nos rebuts et nos mépris, Après avoir offensé Dieu durant tout le cours de.notre vie, ce qui est grandement les offenser, ils ne laissent pas de nous bien faire, et leur amour triomphe en toute rencontre. C'est pourquoi saint Ignace le proposait à ses enfants, pour les encourager quand leurs emplois seraient sans effet. En vérité, toutes nos ferveurs ne sont que glaces, si on les compare aux belles flammes du pur amour qui animent ces esprits. Où trouverez-vous un directeur, un prédicateur qui, après avoir donné cent et cent avis pendant plusieurs années, et n'en ayant reçu que des affronts, continue à en donner avec la même bonté ? Et les anges persévèrent avec une fidélité inviolable, après quarante et soixante années, après les mille millions d'inspirations qu'ils nous auront données. Ils voient bien que tant d'infidèles et hérétiques dont ils prennent soin s'en vont en enfer, et que toutes leurs peines demeureront inutiles ; cela ne les empêche pas de veiller avec amour sur eux jusqu'au dernier soupir de leur vie. Redisons encore ici : Où est le jardinier qui arrosât un arbre avec soin, s'il savait qu'il ne porterait jamais de fruit ? Mais les bontés des anges sont incompara­bles. Tous les directeurs, prédicateurs, confesseurs, missionnaires, et tous ceux qui travaillent en quelque manière que ce suit pour le prochain, doivent leur être bien dévots, pour obtenir quelque part à leur cha­rité et. à leur patience infatigable.

Comme les soins de ces esprits immortels s'étendent même au delà des temps et après la mort, ils sont aussi bien imitables en cet amour persévérant. C'est leur faire un grand plaisir, que d'aider les âmes qui brûlent dans le feu du purgatoire après cette vie ; et ils reçoivent une consolation toute particulière de nous voir portés à leur soulagement. Secourez donc ces pauvres âmes par le saint sacrifice de la messe, par des oraisons ou prières, par des aumônes et visites des pauvres, que vous ferez à leur intention, par des jeûnes et mortifications, par des indulgences que vous leur appliquerez. Si vous avez quelque médaille bénite, examinez les indulgences qui y sont appliquées pour les trépassés ; achetez, pour ce sujet, le petit livre qui les rapporte, et Mites usage souvent de ce trésor pour ces pauvres âmes. Comme il y a plusieurs indulgences accordées aux médailles, je parle des indulgences même ordinaires, et que l'on peut appliquer aux trépassés, quand on récite, les ayant sur soi, cinq fois le Pater et l'Ave, en l'honneur des cinq plaies de Notre-Seigneur ; ou trois fois le Pater et l'Ave, en l'honneur de la très sainte Trinité, devant quelque image de Notre-Seigneur ou de Notre-Dame ; il vous sera facile, plusieurs fois par jour, de donner quelque soulagement à ces âmes si tourmentées.

Je connais des personnes qui, allant à l'église, ne manquent pas à cette pratique, qui ne se couchent pas sans s'en acquitter ; et il est aisé de le faire, puisqu'il suffit d'avoir une de ces médailles, et qu'il est facile de trouver une image de notre Sauveur ou de sa sacrée Mère, qui se rencontrent ; dans toutes les heures et bréviaires et autres livres de piété, quand il n'y en a pas dans la chambre où l'on se trouve, ce qui ne doit jamais être. J'en connais qui passent quelque temps à dire et redire plusieurs fois ces prières, pour gagner davantage pour ces âmes captives de la justice divine : car posons pour exemple qu'il y eût cent jours ou dix ans de rémission de peine à chaque fois qu'on les dirait, ce serait beaucoup d'années qu'on leur ôterait, si on les récitait dévotement pendant une demi-heure, ou une heure. J'en connais qui voulant obtenir quelque chose de Dieu, tâchent (le fléchir sa miséricorde par cette miséricorde qu'ils exercent auparavant.

Hélas ! si un chien brûlait, il vous ferait pitié ; si une maison brûlait, chacun courrait à l'eau pour en éteindre le feu ; il n'y a ni nuit, ni mauvais temps qui en détournent ; tout le monde y vole avec empressement : et après tout, tant l'aveuglement des Chrétiens est prodigieux, ce qui est ordinaire en toutes les choses spirituelles, les âmes faites à l'image de Dieu brûlent impitoyablement, votre père, votre mère, votre mari, votre femme, votre meilleur ami, et l'on n`y pense pas 1 Les premiers jours après la mort, parce que c'est la coutume, l'on y songe, ou durant une année, et après cela on les laisse brûler tout à loisir, ces personnes à qui vous aviez tant témoigné d'amitié. Oh ! qu'elles voient bien pour lors votre infidélité ; et comme c'est une haute folie que de s'arrêter à l'amitié des créatures, et qu'il fait bien bon de s'attacher à Dieu seul, qui est le véritable ami en la vie, en la mort, après la mort ! Il y a des révélations bien authentiques, qui nous apprennent qu'il y a des âmes condamnées aux feux du purgatoire, pour plusieurs centaines d'années, et quelquefois, hélas ! pour une vanité : une dame, pour la vanité de ses habits ; et après cela vous vous en oubliez si tôt et si facilement.

Nous avons dit dans notre livre De l'admirable Mère de Dieu, combien c'est une chose avantageuse de mettre entre les mains de la très-sacrée Vierge toutes nos bonnes couvres, pour les appliquer aux âmes qu'il lui plaira : au moins remettez-lui en sa disposition les bonnes couvres de quelques mois ou années ; vous ne savez pas qu'il ne faut quelquefois qu'une certaine action pour dé :ivrer une âme du purgatoire. Le P. de Coret, de !a Compagnie de Jésus, eu son livre De la dévotion des saints anges gardiens, rapporte sur ce sujet deux histoires très-remarqua­bles. Il dit qu'une âme, souffrant dans le purgatoire, apprit de son bon ange qu'un enfant était né, qu'il serait quelque jour prêtre, et qu'il la retirerait de ce lieu de peines, par le premier sacrifice de la messe qu'il offrirait à Dieu. ll ajoute, et nous en avons déjà parlé, que l'année 1634, en la ville de Vienne en Autriche, trois autres âmes apparurent à un Jésuite, et lui dirent que leurs bons anges leur avaient apporté,

dans les flammes du purgatoire, la nouvelle du jour de sa naissance, les assurant que quelque jour il serait leur libérateur. Sainte Thérèse a écrit qu'elle eut une révélation que l'àme de l'un de ses bienfaiteurs devait sortir du purgatoire le jour que l'on célébrerait la première messe en l'une de ses maisons ; ce qui la pressait grandement de travailler à achever cette maison, sachant que cette âme brûlerait toujours, jusqu'à ce qu'on fût en état d'y pouvoir célébrer le saint sacrifice de la messe. Je vous laisse à faire les réflexions que ces révélations peu­vent vous donner, si vous avez un peu de lumière ; il y a quantité de choses à y re­marquer et de grande utilité.

 

ONZIÈME PRATIQUE.

Pratiquer quelque vertu, ou s'abstenir de quelque vice en l'honneur des saints anges.

Si nous voulons aimer véritablement les anges, il faut aimer ce qu'ils aiment, et haïr ce qu'ils haïssent. De cette manière, il nous faut donc avoir de l'amour pour la vertu, et de l'éloignement pour le péché. « Ils demandent de nous, dit un saint Père, la sobriété, la chasteté, la pauvreté volontaire, de fréquents soupirs vers le ciel, et surtout la vérité et la paix. » Ce jeune gentilhomme nommé Falcon était bien persuadé de ces maximes, lorsqu'ayant promis de ne mentir jamais, en l'honneur de son bon ange, et ayant tué un homme sans qu'il y eût aucun témoin, il avoua franchement la malheureuse action qu'il avait faite, de peur de mentir, aimant mieux perdre la vie que de ne pas tenir sa promesse à son bon ange. Le voilà donc condamné à mort : mais comme le bourreau voulait lever le bras pour lui trancher la tête, il en fut empêché par un ange qui parut, et qui arrêta encore le bras de trois autres qui s'étaient mis en devoir (le le faire mourir. Ce miracle obtint sa grâce, et ensuite il changea son nom de Falcon en celui d'Ange, et quitta le monde, pour avoir plus de lieu de converser avec les anges.

L'humilité, la pureté et l'oraison sont les aimables vertus que ces esprits célestes recherchent dans tous ceux qui font profession de les honorer. Ils ne peuvent supporter les superbes, et l'humilité est leur première vertu, dont ils font un continuel exercice parmi nous.

La pureté est absolument nécessaire pour entrer dans leur amitié ; ils sont les amis des chastes, et spécialement des vierges ; car d'autant plus, dit saint Ambroise, quo les personnes sont pures, d'autant plus les anges les chérissent : aussi appelle-t-on la virginité une vertu angélique, et ceux qui la pratiquent, les anges de la terre ; et avec bien du fondement, puisque ce sont elles qui ont plus (le ressemblance avec ces purs esprits. Ô vierges, qui que vous soyez, souvenez-vous que vous possédez un trésor dont le prix est inestimable, et qui est préférable aux couronnes et aux empires : si l'on en connaissait la valeur, notre terre deviendrait un ciel, et il ne se trouverait personne qui n'en fût saintement passionné. Çà été la chère vertu de Jésus, Marie et Joseph, de saint Jean-Baptiste, le précurseur de Jésus, de saint Jean l'évangéliste son aimable favori, et le grand Apôtre proteste, dans la lumière qu'il en a, qu'il voudrait que tout le monde en fût dans la pratique. C'est le grand conseil de notre Maître, et ses privilèges sont inexplicables, qui dureront autant que l'éternité même. Il n'y a point de vie que l'on ne doive perdre pour sa conservation, point de peine que l’on ne doive souffrir, point de plaisirs qu'on ne doive quitter. Je ne puis m'empêcher ici de dire un mot, en passant, de l'étonnement où je suis de voir quantité de directeurs qui conseillent facilement le mariage à des personnes qui ont inclination pour cette vertu, sous prétexte de quelques difficultés qui peuvent se rencontrer. En vérité, en vérité, il faut tout faire pour la conservation d'une grâce si précieuse. Non, jamais l'adorable Jésus ne manquera à ceux qui pour lui plaire davantage passeront leur vie dans le célibat. C'est le même Dieu qui a assisté tant de vierges, et dans un âge si tendre, qui leur a fortifié le courage, qui les a soutenues contre toute la rage des démons et des hommes. Oh ! gens de peu defoi quenous sommes 1 une mouche nous fait peur, la moindre difficulté nous abat le courage ; il n'y a qu'à prendre une bonne résolution. Dieu ne peut donner que de bons conseils, l'on ne peut mieux faire que de les suivre avec générosité.

L'oraison est encore la vertu qui nous rend plus semblables aux anges ; aussi les a-t-on vus assister d'une manière extraordinaire toutes les personnes qui en sont dans l'exercice. Saint Bernard eut un jour la consolation de les voir marquer les prières de ses religieux, des uns en lettres d'or, des autres en lettres d'argent, de quelqus-uns avec de l'encre, et de quelques autres avec de l'eau, selon la ferveur ou la tiédeur de leur disposition intérieure.

On peint ces esprits célestes nu-pieds et marchant sur les nues, pour nous marquer leur entier dégagement de toutes les choses de la terre. Ils ne respirent que Dieu seu.., et ils sont saintement jaloux des moindres choses qui regardent ses divins intérêts. Saint Jérôme rapporte sur ce sujet une chose bien terrible, et qui fait assez voir que les anges sont jaloux des intérêts de leur Sou­verain. Hymetius, mari de Prétextat, et oncle de la vierge Eustochium, avait commandé à sa femme de parer cette vierge, et de la rendre belle aux yeux des hommes, pensant par là lui faire passer toutes les inclinations qu'elle avait pour la virginité. Mais l'ange du Seigneur, saintement indigné, parut à cette femme, qui avait exécuté les volontés de son mari, et lui dit ces paroles rapportées par le Père de l'Église que je viens de citer : « Vous avez donc été assez hardie que de préférer le commandement d'un mari à celui de Jésus-Christ, et vous avez eu la témérité de toucher le chef d'une vierge avec vos mains sacriléges ? Ces mains sécheront tout maintenant, afin que cette peine vous fasse connaître ce que vous avez fait, et dans cinq mois vous serez conduite dans le chemin des enfers ; et si vous persévérez dans votre crime, vous perdrez tout à la fois votre mari et vus enfants, » Or ce grand docteur de l'Église assure que tout cela arriva comme l'ange l'avait préûit.

Si vous voulez donc être dévot des saints anges, il faut tâcher de leur plaire ; et pour leur plaire, il faut être dans la solide pratique de la vertu. Étudiez-vous particulièrement avec le secours du ciel, à acquérir celles qui leur sont plus agréables, et qui vous sont plus nécessaires, et en même temps apportez tous les soins possibles à détruire en vous tout ce qui peut leur déplaire. Déclarez donc une guerre continuelle au péché, et surtout à l'impureté. Saint Basile disait que ce péché éloignait de nous nos saints anges, comme la fumée chassait les abeilles, et la puanteur les colombes. L'on rapporte de ce saint, qu'étant ordinairement favorisé d'une vision céleste auparavant que de célébrer les sains mystères, en étant un jour privé, il apprit que c'était à raison d'un diacre qui était présent, qui était tombé dans l'impureté ; et l'ayant fait retirer, il jouit aussitôt du même privilége. L'ange de sainte Françoise, la grande dévote de ces aimables favoris de Jésus et de Marie, paraissant en forme visible, se cachait les yeux à la moindre faute ou imperfection qui se commettait en sa présence. Prenez donc bien garde de rien faire qui puisse offenser des yeux qui vous regardent tonjours ; et comme nous avons tous quelque inclination prédo­minante, quelque humeur qui nous attache davantage, et qui est la source de presque tous nos dérèglements, appliquez-vous à combattre cette humeur en l'honneur des saints anges ; faites-en des examens particu­Iiers de temps en temps, voyez si vous vous en corrigez ; prenez à tâche d'offrir tous les jours à votre saint ange quelque ruortifica­tion de cette humeur, de cette inclination ; c'est le présent le plus agréable que vous lui puissiez faire, et souvenez-vous que ce n'est pas une légitime excuse, de dire que c'est notre faible : ceux qui sont en enfer y sont allés par leur humeur qu'ils n'ont pas domptée, par ce faible qui les a l'ait perdre. C'est par où le diable prend les hornmes, et gagne les âmes ; c'est là où il nous laut veiller davantage, où nous avons plus besoin de la protection angélique.

Saint Bernard conseille de nous souven :r souvent de la présence de notre ange gardien, pour ne pas tomber en nos défauts. Cette pensée est grandement utile, et nous aide beaucoup à nous surmonter. C'est une chose merveilleuse, que les anciens philosophes ont même conseillée. Un de ces philosophes rapporte que c'était le sentiment de Platon, selon que je l'ai lu dans le livre De l'ange gardien du P. Drexelius, où ce philosophe dit que tous les hommes ont des témoins invisibles qui sont toujours auprès d'eux, et qui regardent non seulement leurs actions, mais encore leurs pensées ; et qu'après la mort d'un chacun, le témoin qui l'a gardé le conduit au jugement qui se fait (le sa vie, selon le témoignage qu'il en rend. C'est pourquoi, continue cet homme, vous tous, qui en m'écoutant entendez le sentiment divin de Platon, disposez toutes vos actions et toutes vos pensées comme (les gens qui devez savoir que vous n'avez rien de caché à ces témoins ou gardiens, soit au dedans soit au dehors de vous. Ensuite il en marque la protection : mais il faut, déclare-t-il, que ce témoin soit religieusement honoré et connu, comme il l'a été de Socrate, par son innocence et justice. Ne diriez-vous pas que c'est un Chrétien qui parle ? et croirait-on que ces pensées ont été les sentiments d'un infidèle ?

 

 

 

DOUZIÈME PRATIQUE.

Procurer par toutes sortes de voies l'établissement de la dévotion des neuf citmurs des saints anges.

Si les saints auges font tout ce qui se petit faire pour le service des hommes, les hommes sont bien obligés de ne se pas épargner, et de se servir de tous les moyens possibles dans l'ordre de Dieu pour l'augmentation de leur gloire ; et puisque non-seulement les anges du der-nier cheeur, mais les anges de toutes les hiérarchies veillent avec amour sur nous, nos reconnaissances doivent être générales, aussi bien que nos devoirs ; et puis Dieu seul est le grand et pressant motif qui nous doit faire agir et comme il règne dans tousles chœurs des anges, et d'une manière plus spéciale dans ceux qui sont les plus élevés , qui ont plus aimé ce Dieu toutarrnable, et qui en ont été plus aimés, c'est ce qui nous doit suffire pour leur avoir à tous une singulière dévotion, et pour la procurer dans les autres par tou­tes sortes de voies. Un bon cœur entrera volontiers dans ces justes sentiments : il ne faut qu'aimer pour en être persuadé, et prendre de fortes résolutions de travailler de toutes ses forces à l'établissement de la gloire des anges.

Si vous me demandez après cela ce que vous avez à faire, je vous ai tout dit en vous disant que vous devez n'omettre rien, que vous devez tout faire, et travailler de toutes vos forces, dans l'ordre de Dieu, à l'établissement de la dévotion des saints anges. Faites réflexion sur ce peu de paroles, et vins verrez qu'elles vous fournissent une ample matière ; et que si vous les entendez bien et les pratiquez, on pourra croire que votre amour pour les anges est bien sincère ; seulement souvenez-vous d'avoir de l'amour pour des objets si aimables ; car s'il est véritable, je n'ai encore qu'à vous dire le beau mot de saint Augustin : « Aimez, et faites ce qu'il vous plaira. n L'amour est tout plein d'industrie et de riches inventions ; il vous en insinuera tout plein pour faire honorer ces princes du ciel ; car c'est le propre de l'amour cordial et véritable

Cependant, pour vous dire simplement mes pensées, il me semble qu'un des moyens qui peut servir à les faire honorer, c'est de distribuer des images de ces glorieux esprits, et particulièrement dans les campagnes, à ces pauvres gens qui les habitent ; comme aussi aux pauvres des villes, où l'on trouve de l'ignorance plus que l'on ne pense ; l'expérience faisant voir que grande quantité de personnes, même dans les plus grandes villes, ne savent pas les mystères de notre sainte religion. On peut insinuer aux riches et à ses amis d'en avoir dans leurs chambres ; leur vue porte à ce qu'elles représentent, et touche souvent sensiblement le cœur. Saint Chrysostome ayant vu l'image du saint ange qui défit l'armée de Sennachérib, en fut touché jusqu'aux larmes. Si on a le moyen d'en donner des tableaux pour placer dans les églises, en quelque chapelle ou autel, c'est un moyen excellent pour en donner la dévotion aux peuples. Constantin le Grand fit faire quatre images des saints anges ; mais elles étaient d'une grandeur extraordinaire, et toutes brillantes de l'éclat des pierres précieuses dont elles étaient richement ornées.

Un autre moyen excellent, et l'un ce nie semble des meilleurs, est de faire une bonne et ample distribution des livres composés en leur honneur, ou d'inviter doucement à avoir de ces livres. Je ne sais rien qui soit plus capable de procurer leur honneur. Ce moyen renferme presque tous les autres, puisqu'il les enseigne et les donne. Entre plusieurs de ces livres, l'Horloge de l'ange gardien, du P. Drexelius ; la Dévotion aux anges, du P. de Barry ; la Dévotion aux anges, du P. Nouet : la Dévotion des saints anges gardiens, du P, de Coret, tous quatre religieux de la Compagnie de Jésus, inspi­rent avec tant de douceur et de force l'amour et le culte de ces bienheureux esprits, que j'estime qu'il est très-difficile de les lire sans en être vivement touché, et sans concevoir de grands désirs de les honorer grandement le reste de sa vie. On trouve les trois premiers dans la plupart des grandes vilies, ou à Paris ; et le dernier se vend en la ville de Caen, chez Jean Gaultier.

Les personnes qui ont des richesses, contribueront beaucoup à la gloire des anges, de les employer à l'édifice de quelque église, chapelle, ou autel en leur honneur ; et cela d'autant plus qu'elles ne travailleront pas seulement pour les saints anges pendant leur vie, niais autant de temps que ces édi­fices dureront, qui serviront d'occasion à toutes sortes de personnes pour les honorer, et à un grand nombre qui n'y auraient jamais pensé. Ç'a été la dévotion de Constantin, empereur, qui lit bâtir deux magnifiques temples en l'honneur de saint Michel. L'empereur Justinien en fit bâtir six en l'honneur de ce saint archange et des autres anges. Sainte Hélène en fit édifier en l'honneur de ces mêmes intelligences, au lieu où l'on croit qu'apparut l'ange aux pasteurs. Il y en a qui ne pouvant fournir à une si grande dépense , peuvent au moins donner des ornements à leurs chapelles, y faire brûler des cierges, et y donner des tableaux. Nous avons dit en un autre lieu que Joleslll, Souverain Pontife, dédia une église en l'honneur des sept premiers princes qui sont auprès du trône de Dieu.

Les prédicateurs zélés serviront beaucoup à l'établissement de la dévotion des anges, s'ils veulent en instruire les peuples, et de temps en temps les y animer puissamment. J'en connais qui seraient bien fâchés de passer par un lieu sans y donner quelque sermon touchant ces glorieux esprits ; et les effets qui en arrivent font connaître que ce qu'aux l'un des plus avantageux : il ne tiendraqu'aux prédicateurs que Dieu appelle à prêcher en différentes villes et provinces, de s'en servir utilement ; et je ne doute pas, si cela était, que l'on ne vît dans peu, avec consolation, la dévotion des saints anges établie de tous côtés. Qui empêcherait un prédicateur, pendant son Avent et Carême, de destiner un jour ou deux pour y donner des sermons en leur honneur ? Les missionnaires pendant leurs missions pour­raient facilement faire la même chose, y ajoutant quelques catéchismes pour instruire les âmes de leurs perfections et bontés. Les personnes séculières peuvent fonder ces sermons et catéchismes en quelques églises, donnant quelque revenu pour cette fin. Un maître de famille en sa maison, un père parmi ses enfants, une personne à la campagne parmi les paysans, ou en la visite de quelques pauvres, ou lorsqu'on leur donne l'aumône, peuvent établir cette dévotion, en apprenant ce que l'on doit croire des anges, et les secours que les hommes en reçoivent, insinuant quelques pratiques pour leur rendre ses devoirs, les faisant faire par ceux sur qui on a quelque pouvoir, et rapportant quelques exemples qui y portent et y incitent. On peut faire la même chose parmi ceux avec qui l'on voyage, prenant occasion de tant d'anges qui sont dans les lieux par où l'on passe, les saluant même publiquement et devant les autres , pour avoir sujet de s'en entretenir.

Les archidiacres et autres visiteurs des églises paroissiales peuvent exhorter tous les curés de faire tous les ans quelques exhortations ou catéchismes touchant cette dévotion. C'est encore un des plus grands moyens de l'établir de tous côtés. Les visiteurs réguliers peuvent aussi beaucoup y contribuer dans les monastères et couvents y de leurs juridictions ; tous les supérieurs dans les maisons qui dépendent d'eux, mais surtout les prélats dans leurs évêchés, établissant quelque association en l'honneur de ces nobles esprits dans beaucoup de lieux de leurs diocèses, recommandant de temps en temps à leurs curés et aux prédicateurs, pendant l'Avent et le Carême, d'en instruire les peuples, témoignant en cela les désirs qu'ils en ont, et donnant à connaître combien ce leur sera une chose agréable.

Enfin, les personnes zélées peuvent se voir, pour traiter ensemble des moyens d'établir et augmenter cette dévotion ; elles pourront en parler aux prélats avec lesquels elles ontquelque accès, aux curés et autres supérieurs ; elles pourront en écrire dans les provinces où elles ont de l'habitude, y faire de saintes liaisons pour ce sujet, y envoyer quelques livres et'y procurer quelque sainte association.

 

 

 

 

CONCLUSION DE CE PETIT OUVRAGE, PAR LE DESSEIN' D'UNE ASSOCIATION EN L'HONNEUR DES NEUF CHŒURS DES ANGES.

II y a plusieurs confréries ou associations, dont les fins sont bien différentes ; car les unes ont poor fin la délivrance de quelque mal temporel, quoique Dieu y soit considéré principalement et en premier lieu, ce qui est absolument nécessaire ; ainsi l'on volt des confréries en l'honneur de saint Sébas­tien, pour être préservé de la peste , et d'autres en l'honneur de saint Firmin, pour être délivré de la goutte. Il y en a d'autres qui ne regardent que l'intérêt spirituel, comme, par exemple, pour obtenir la grâce d'une bonne mort, et d'être délivré de l'enfer. Or celle dont nous parlons n'aura qu'une seule et très unique vue en toutes choses, le seul intérêt de Dieu seul, dans un entier oubli de tout ce qui n'est pas Dieu : et comme il y va de son intérêt que l'empire de Jésus et de Marie soit établi par toute la terre, elle aurait pour tin cet heureux règne de cet adorable roi, et de cette grande souveraine des anges et des hommes. Il y a tant de gens qui sont occupés par tout le monde de leurs propres intérêts et des intérêts des créatures leurs semblables ; c'est l'intérêt qui donne le branle et le mouvement à toutes choses, qui est la cause de la division des plus proches, de toutes les disputes et procès, des tristesses, des ennuis, des inquiétudes, des guerres dans les Etats, des empressements dans toutes les affaires , du trouble dans les consciences, et enfin de tous les malheurs que nous voyons en cette misérable vie. S'il se trouve quelques personnes dégagées de l'intérêt temporel, elles seront attachées avec imperfection à leur intérêt spirituel et il est bien rare de trouver des âmes qui ne veulent plus que Dieu seul. C'est à quoi cette dévotion tâche (le remédier, ne considérant que le pur intérêt de Dieu. Hélas ! Toutes les rues des villes sont pleines d'une foule de monde, les palais d'une multitude nombreuse de personnes qui vont, qui courent, qui s'inquiètent pour le propre intérêt. On court la poste , on fait de longs et pénibles voyages, on passe les mers, on s'y expose mille fois à la mort, on va,jusqu'aux extrémités de la terre, on abandonne paretrts, enfants, amis, et tout ce que l'on a de plus doux en la vie pour le soutenir ; on lève des armées, on assemble des soldats, on sacrifie la vie pour sa défense, l'on s'engage dans des états sans vocation, exposant son salut éternel pour l'intérêt du propre honneur, pour posséder le revenu de quelqœs bénéfices, pour entrer dans quelque charge : l'on y engage le salut de ses enfants : il n'y a que le seul intérêt du grand Dieu des éternités qui est négligé. Hélas ! que font les hommes pour cet intérêt sacré ? Or cette association tend à lier des âmes pour une si noble fin, et à faire de saintes troupes pour le grand roi Jésus et son aimable Mère, qu'il a associée à ses grandeurs, et rendue partir,ipante de ses couronnes.

L'association serait -en l'honneur de tous' les neuf chœurs des anges, pour les prier de s'unir avec nous, et ,faire une sainte union du ciel et de la terre, pour obtenir l'avénement du règne de Dieu. Comme ce sont des esprits entièrement désintéressés, qui n'ont jamais eu le moindre mouvement pour leur propre intérêt, quiontété toujours tout perdus dans le pur amour, dans l'amour de Dieu seul, qui ont combattu dès le commencement du monde pour l'intérêt de Dieu, et pour la querelle du Verbe incarné ; l'on uepeut choisirdemeilleurs protecteurs, ni des intercesseurs plus puissants pour obtenir la grâce du règne du pur amour de Jésus et de Marie. On les honore tous, on les invoque tous, afin d'appeler tout le ciel à notre secours, et rendre notre union plus forte contre la rage de l'enfer et la malice des hommes, qui travaillent sans cesse à la destructidn de l'empire de Dieu par l'empire du péché.

Les associés, le jour de leur entrée, ou quelques jours auparavant, feraient une confession générale (le toute leur vie, s'ils n'en ont jamais fait, prenant garde, s'ils en ont fait, de ne pas recommencer par scrupule ; ainsi ils ne feront rien en cela que selon l'avis de leur directeur. Ces confessions sont très-nécessaires à la campagne, plusieurs de ces pauvres gens ayant honte de se confesser de leurs péchés aux prêtres avec qui ils sont fort souvent ; c'est pourquoi il est bon que leurs pasteurs, d'eux-mêmes, leur insinuent quelque bon confesseur extraordinaire, prenant garde non-seulement à sa capacité et bonté, mais à la facilité et ouverture de cœur qu'ils y pourront avoir, leur témoignant qu'ils leur i'eront plaisir d'en user de la sorte, et les y invitant doucement et par plusieurs fois, bien loin (le leur en faire froid, et leur en marquer de la répugnance. Outre la honte que l'on a de dire les péchés mortels, le défaut de regret et de dessein de s'en corriger demande une bonne confession générale, par une revue de toute sa vie.

L'on communierait le jour de l'entrée, et tous les ans à la fête de Saint-Michel, le premier jour ou le premier dimanche de mars, et l'on serait exhorté de le faire encore tous les mois au dimanche que l'on aura choisi pour y honorer spécialement les saints anges.

Tous les jours on réciterait neuf fois le verset Gloria Patri, ou neuf fois la Salutation angélique, en l'honneur des -neuf chœurs des saints anges, et l'on se souviendrait de dire de temps en temps, par forme d'oraison jaculatoire, ces paroles du Pater : Adveniat regnum tuum : « Ô Seigneur, que votre règne arrive ! » mais on les dirait bien plus de cœur que de bouche, entrant dans des désirs ardents de J'empire de Jésus et de Marie

On choisirait un dimanche le plus commode dans le mois, et le moins occupé ordinairement aux autres dévotions de confréries, comme, par exemple, le troisième ; et dans ce jour, à l'imitation des autres saintes confréries, l'on célébrerait une messe en l'honneur des anges , si cela se peut commodément, et en cas qu'il y ait plusieurs prêtres en la paroisse, l'office du dimanche ne devant pas être interrompu ; s'il n'y a que le seul curé qui est obligé à la messe paroissiale, on y ferait la procession après vêpres , y chantant des hymnes et répons en l'honneur de ces glorieux esprits, et l'on y pourrait porter l'image du saint ange, que l'on ferait faire à ce dessein : on tâcherait d'y donner aussi quelque sermon , ou petit discours, ou instruction au sujet de cette dévotion,

Tous les ans on prendrait un jour plus particulièrement qui serait la grande fête de !'association, comme le jour de saint Michel à la titi de septembre ; ou parce que souvent en ce temps les personnes des villes sont à la campagne, et celles de la campagne dans les occupations qui leur restent de la moisson ou de la vendange, on pourrait prendre le premier dimanche de mars, qui donnerait occasion d'avoir un prédicateur avec facilité, à raison du carême ; ou le dimanche le plus proche après le huitième de mai, que se fait la fête de l'apparition de saint Michel ; et ce jour on demanderait une permission à l'ordinaire d'exposer le très-saint sacrement, on le porterait en procession, on ferait l'office solennel, il y aurait sermon, et tous les associés rie manqueraient pas d'y communier et de la célébrer avec toute la dévotion possible. La veille, si l'on n'y jeûnait pas hors le temps de carême , au moins l'on y ferait quelque abstinence ; et, pour s'y disposer, l'on ferait la visite de quelque pau­vre ou l'on donnerait quelque aumône , si l'on en avait le moyen. L'on visiterait quel­que chapelle ou autel dédié à Dieu, sous l'invocation de ces princes du ciel.

Tous les mardis seraient des jours d'une dévotion spéciale, consacrés particulièrement à ces bienheureux esprits. On entendrait la messe ce jour en leur honneur, si la commodité le permettait, et l'on se souviendrait de penser à eux avec encore plus d'application qu'à l'ordinaire. De plus, la fête de Notre-Dame des Anges, qui se célèbre le second d'août, serait dans une vénération très-particulière, comme le jour auquel la très-sacrée Vierge est honorée en qualité de leur souveraine et bien-aimée dame et maîtresse.

Il y aurait un registre .ou livre pour Y, écrire les noms de tous les associés de l'un et l'autre sexe qui seraient reçus par le supérieur de l'association, ou par quelque autre député de sa part, sans prendre quoi que ce soit pour la réception des confrères et sœurs, pour donner lieu aux personnes les pl•us pauvres d'y entrer sans difficulté, laissant à la liberté d'un chacun de donner à sa dévotion pour l'entretien des ornements, luminaires et autres choses nécessaires. Je ne doute pas que dans les grandes villes l'on ne trouve toujours suffisamment pour faire célébrer les messes et pour les autres dépenses nécessaires. Mais comme-il est plus difficile dans les villages, on travaillerait à v procurer quelques fondations, ce qui serait aussi à souhaiter pour les villes ; et l'on pourrait recevoir quelque peu de chose, comme, par exemple, deux sous des confrères tous les ans, prenant garde néanmoins à ne rien demander das pauvres ; et pour ce sujet il y aurait un trésorier ou une trésorière qui recevrait ce qui serait donné, et qui en rendrait compte chaque année dans un jour arrêté par la confrérie.

Tous les trois mois, ou au moins deux fois l'année, le supérieur avec les principaux de l'association s'assembleraient pour délibérer des moyens d'établir et d'augmenter la dévotion des saints anges : et pour cette fin on y lirait le chapitre précédent, qui en donne de différentes vues, chacun proposant simplement les lumières qu'il cri aurait.

Tous les confrères se souviendraient que l'association ayant pour fin l'empire de Jésus et de Marie, (lui ne s'établit que par la connaissance et l'amour de Dieu, ils ont une obligation spéciale de faire instruire leurs enfants et domestiques des mystères de la foi, et en apprendre eux-mêmes les vérités les plus nécessaires, qu'ils n'ignorent que trop souvent. Ils ne manqueraient pas de les enseigner aux pauvres qu'ils visitent ou à qur ils donnent t'aumône, de travailler par leurs soins auprès des prélats ou curés, à ce que le catéchisme se fasse avec exactitude ; de procurer, selon leur pouvoir, des missions dans les campagnes, et surtout de contribuer en tout ce qu'ils pourront pour les missions étrangères, qui est le moyen de faire régner Jésus-Christ dans ces pays infidèles assujettis à la tyrannie du démon.

lis auraient grand soin du très-saint sacrement de l'autel et de tout ce qui le regarde, comme des ciboires, calices, tabernacles, ornements, corporaux, autels ; et ils tâcheraient de l'accompagner quand on le porte aux malades, gardant une modestie extrême dans nos églises, ayant en horreur les moindres irrévérences qui s'y commettent, n'y parlant jamais, tâchant d'empêcher les immodesties qui s'y font. Ils seraient exhortés à la fréquentation des sacrements avec la disposition requise, à l'oraison mentale, à la lecture des bons livres, à l'examen de conscience, à prier Dieu en commun tous les soirs avec toute leur famille, à assister les pauvres, et à la solide pratique de toutes les autres vertus.

Ils fuiraient avec horreur le péché et toutes les occasions de péché, surtout l'impureté, qui est le péché le plus opposé à la pureté des anges. Ils éviteraient toutes les choses qui y portent, comme la trop grande familiarité entre personnes de différents sexes , les paroles à double entente, les privautés indécentes, les chansons et lectures qui peuvent choquer le moins du monde les oreilles chastes ; et ils travailleraient à ruitrer ce maudit péché, le plus grand ennemi du règne de Jésus-Christ, non-seulement en leurs personnes, mais en toutes celles où ils pourraient avoir de l'accès. Ils tâcheraient de gagner à Notre-Seigneur les Arnes malheureusement engagées dans ce vice, et leur donneraient, avec douceur et une charité toute cordiale, toute la subsistance nécessaire pour les en retirer, prenant bien garde de leur donner sujet de continuer dans leurs offenses par le défaut de secours, par leurs rebuts ou certaine dureté de cœur, dont plusieurs répondront sévèrement au rigoureux tribunal de Dieu. Toutes les inimitiés, querelles, médisances doivent être bannies (les cœurs des personnes qui font profession d'aimer les anges ; mais elles doivent aimer , ;eux qui les haïssent, et faire du bien à ceux qui ne leur font que du mal.

Enfin, dans les grandes villes, l'on pourrait prendre neuf jours, qui seraient destinés pour faire une grande solennité en l'honneur des neuf chœurs des anges. L'on pourrait pendant tout ce temps-là exposer le tressaient sacrement, à l'exception du temps où le peuple s'assemble pour entendre le sermon (c'est une chose qui est bien digne d'être remarquée, car il s'y fait toujours mille irrévérences) ; si l'on pouvait, il y aurait tous les jours sermon, et l'office des anges s'y ferait les jours qui ne seraient pas empêchés ; il y aurait ehaque jour une rnesse solennelle, et un salut au soir, et l'on n'y oublierait rien de ce qui se pralique dans les plus grandes fêtes, et de tout ce qu'une sainte dévotion peut suggérer. L'on choisirait quelque temps pour ce sujet qui serait le plus libre de fêtes, afin de pouvoir, avec plus de liberté, faire l'office des anges. Il semble que le dimanche de la Quasimodo serait propre pour commencer cette solennité, arrivant souvent dans le mois d'avril, qui est peu occupé, et puis c'est dans ce temps-là que le monde est plus dans les villes, et par suite qu'il y peut se rencontrer un plus grand concours de peuples.

 

 

 

 

ORAISON

*U% NEUF CHŒURS DES SAINTS ANGES.

Esprits bienheureux de la cour céleste, défenseurs invincibles de l'intérêt de Dieu, après avoir adoré, loué, béni et remercié ce Dieu de toute bonté, des grâces incomparables qu'il vous a faites, après vous avoir fait une protestation sincère du meilleur de nos cœurs que nous y prenons toute la part possible,

nous réjouissant de vos joies et de la gloire inénarrable que vous possédez ; après vous avoir conjurés de recevoir bénignement la résolution inviolable que nous prenons de vous avoir le reste de nos jours une dévotion très-spéciale, et d'en procurer par toutes les voies qui seront en notre pouvoir l'établissement et l'augmentation partout où nous le pourrons ; nous implorons le secours de toutes vos troupes glorieuses, pour l'avancement du règne de l'adorable Jésus et de l'aimable Marie , sur tous les infidèles, hérétiques , schismatiques , sur toutes les personnes véritablement soumises à la sainte religion catholique, apostolique et romaine, et particulièrement sur le Souverain Pontife, qui en est l'unique chef visible en terre, et sur tous les autres prélats ; afin que tous les peuples faisant profession d'une même foi , s'attachant à la pureté de ses maximes, menant une vie conforme à ses règles, les sacrés intérêts de Dieu seul vivent et règnent de siècle en siècle dans tous les cœurs. C'est la grâce, ô redoutables princes de la milice céleste, que nous demandons au Père des miséricordes par vos puissantes intercessions ; c'est la consolation que nous demandons au Dieu de toute consolation, que son nom soit sanctifié, que son règne arrive, que sa volonté se fasse en la terre comme au. ciel, que l'empire du péché et des démons soit détruit, que l'Evarrgile soit annoncé à toutes les nations, qu'il soit reçu par toute la terre, que le saint nom de Dieu y soit honoré et glorifié, que tous les esprits y louent le Seigneur, l'y adorent, l'y aiment et soient dans une entière et parfaite soumission à ses divines volontés. Venez donc, anges, archanges, accourez à l'établissement des intérêts de Dieu dans les royaumes et provinces, dans les villes et campagnes, dans toutes les personnes qui y habitent ; sacrées principautés, gouvernez les cœurs, soyez-en les maîtres, pour les assujettir à l'empire de Jésus et de Marie : admirables puissances, confondez les démons qui s'y opposent ; ruinez les desseins de l'enfer et la malice de tous les sorciers et magicien, ;, et autres ennemis de Dieu ; divines vertus, faites marcher les âmes dans les solides voies du divin amour ; glorieuses dominations, découvrez, pour ce sujet, aux hommes la volonté divine sur eux : aimables trônes, établissez dans le plus intime de leurs cœurs la pais que Notre-Seigneur nous a laissée ; chérubins, princes de la science du ciel, communiquez-en les belles lumières en notre terre ; et vous, séraphins, princes du pur amour, faites que les hommes ne vivent que de ses flammes, afin que Dieu seul soit le digne souverain et le maître absolu de tout ce que nous sommes, et de tout ce que nous faisons. Ainsi soit-il, ainsi soit-il. Dieu seul, Dieu seul,, Dieu seul.

 

 

 

 

ADDITION.

Dieu qui a commandé que la lumière sortit des ténèbres, et qui appelle les choses qui ac

sont pas comme relies qui sont, ayant bien voulu tirer sa gloire de mon abjection et de mon rien, a répandu une bénédiction si abon­dante sur ce petit livre de La dévotion aux neuf chœurs des saints anges, que sa divine providence, toujours ma très bonne et très fidèle mère, m'a fait donner au pubic, que les étranger sl'ont traduite en leur langue, et môme un ex-provincial des religieux de la Compagnie de Jésus en Pologne, l'ayant traduite en polonais, s'est encore obligé par vœu de la traduire en langue latine : c'est ainsi, comme parle l'Apôtre aux Corinthiens, que Dieu choisit ceux qui semblent sans es­prit dans le monde pour confondre les sages, et les faibles pour confondre les puissarus, et qu'il se sert de ceux qui sont vils et misérables, et de ceux qui ne sont rien, afin qu'aucun homme ne se glorifie devant lui. (I Cor. t, 27.)

Ayant parlé des profanations qui arrivent à l'égard du sacré corps de Notre-Seigneur, nous croyons -devoir avertir que le grand moyen pour empécher un grand nombre qui arrivent par le détachement des particules, qui souvent tombent par terre, lorsque l'on communie les peuples, est d'attacher le couvercle ai, ciboire, le portant sous la bouche de ceux qui communient, pour les recevoir ; c'est pour ce sujet qu'aux grandes messes le diacre porte la patène, et la met sous la bouche de ceux qui communient.

 

 

 

 

LITANIES DES SAINTS ANGES.

Seigneur, ayez pitié de nous.

Jésus, ayez pitié de nous. Seigneur, ayez pitié de nous. Jésus, écoutez nous. Jésus, exaucez-nous.

Père céleste, vrai Dieu, ayez pitié de nous. Fils de Dieu, rédempteur du monde, ayez

pitié de nous.

Saint-Esprit, vrai Dieu, ayez pitié de nous. Sainte Trinité, un seul Dieu, ayez pitié de nous.

Sainte Marie, reine des Anges, priez pour nous.

Saint Michel, priez pour nous.

Saint Gabriel, priez pour nous. Saint Raphaël, priez pour nous. Saints Séraphins, priez pour nous. Saints Chérubins, priez pour nous. Saints Trônes, priez pour nous. Saintes Dominations, priez pour nous. Saintes Vertus, priez pour nous. Saintes Puissances, priez pour nous. Saintes Principautés, priez pour nous. Saints Archanges, priez pour nous. Saints Anges, priez pour nous.

Vous qui environnez le trône sublime et élevé du grand Dieu, priez pour nous. Vous qui chantez incessamment devant Dieu, Saint, Saint, Saint, Dieu des armées, priez pour nous.

Vous qui dissipez nos ténèbres et éclairez nos esprits, priez pour nous.

Vous qui annoncez les choses divines, priez pour nous.

Vous qui avez de Dieu la charge de garder les hommes, priez pour nous.

Vous qui contemplez toujours la face dit Père céleste, priez pour nous.

Vous qui avez une grande joie de la conversion d'un pécheur, priez pour nous.

Vous qui avez retiré le juste Lot du milieu des pécheurs, priez pour nous.

Vous qui montiez et descendiez par l'échelle de Jacob, priez pour nous.

Vous qui avez donné la loi de Dieu à Moïse sur la montagne de Sina, priez pour nous.

Vous (lui avez annoncé la joie au monde en la naissance nu Sauveur, priez pour nous.

Vous qui lui avez servi dans le désert, après son jeûne de quarante jours, priez pour nous.

Vous qui avez porté le Lazare au sein d'Ahraham, priez pour nous.

Vous qui avez paru en habits blancs auprès du sépulcre de Jésus, priez pour nous.

Vous qui avez parlé au disciple aussitôt que Jésus fut monté au ciel, priez pour nous.

Vous qui accompagnez Jésus en son dernier jugement, priez pour nous.

Vous qui présentez nos oraisons à Dieu, priez pour nous.

Vous qui nous fortifiez au dernier combat, à l'heure de la mort, priez pour nous.

Vous qui tirez du purgatoire les âmes qui sont assez purgées, priez pour nous.

Vous (lui faites les miracles par la puissance divine, priez pour nous.

Vous qui présidez aux Etats et monarchies, priez pour nous.

Vous qui avez délivré les amis de Dieu des prisons et autres dangers, priez pour nous.

Vous qui avez consolé les martyrs dans leurs tourments, priez pour nous.

Vous qui protégez d'un soin particulier les prélats et les princes, et tous les ordres et hiérarchies des bienheureux esprits, priez pour nous. De tout malheur et danger, délivrez-nous, Seigneur.

De toute attaque et malice du démon, délivrez-nous, Seigneur.

De tout schisme et hérésie, délivrez-nous, Seigneur.

D'une mort soudaine et surprenante, délivrez-nous, Seigneur.

De la mort et damnation éternelle, délivrez-nous, Seigneur.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous, Seigneur.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, exaucez-nous, Seigneur.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés dû monde, ayez pitié de nous, Seigneur.

V : Seigneur, exaucez ma prière.

R : Et que mes cris parviennent jusqu'à vous.

Oraison.. Seigneur, qui partagez avec un

ordre admirable les divers ministères et fonctions des anges et des hommes, accor­dez-nous, par votre grâce, que ceux qui assistent toujours dans le ciel en votre présence, pour vous servir, défendent aussi notre vie sur la terre. Ainsi soit-il.

 

 

 

PRIÈRE A TOUS LES ANGES.

O anges si saints et si purs ! esprits véritablement bienheureux, qui assistez devant votre Seigneur et qui contemplez avec une si grande joie le divin visage de ce Salomon céleste, qui vous a communiqué une sagesse si éclairée, qui vous a ennoblis de tant de prérogatives et vous a rendus dignes d'une gloire si éminente ; vous, dis-je, qui êtes ces brillantes étoiles qui paraissez avec tant d'éclat dans le ciel empyrée, répandez, je vous prie, dans mon àme vos bienheureuses influences. Conservez ma foi dans sa pureté, mon espérance dans sa fermeté, mes mceurs dans leur intégrité, et faites que j'avance toujours dans l'amour de Dieu et du prochain ; je vous prie encore, ô bienheureux anges, qu'il vous plaise, par votre céleste pouvoir, me conduire dans la voie de l'humilité, dont vous nous avez montré l'exemple dès vos heureux commencements, afin qu'après cette vie, je mérite de contempler avec vous la souveraine beauté du Père céleste et d'être mis en la place de quelqu'une de ces étoiles qui, par leur orgueil, sont autrefois tombées du ciel.