LA PRIERE

Si on répète mécaniquement des formules on ne produit dans l'atmosphère astro-élémentaire qu'un fantôme vain; aucun acte ne plaît à Dieu sans qu'Il l'ait accompli Lui-même en nous et par nous. La prière est un acte très grave.

Pour bien prier, il nous faut: 1 Considérer si notre coeur est attaché à quelque créature et si ce que nous allons demander est licite, ne porte pas dommage au prochain, ne consiste pas en choses temporelles (ce qui nuirait à autrui, puisque la matière est finie), si nous demandons la concorde, et si nous ne cherchons que notre utilité;

2 Si nous demandons autre chose que la miséricorde divine, si nous n'acceptons les biens temporels que de la main de Dieu, ou si nous voulons simplement demander à Dieu la permission d'user pour cela de notre adresse ou de notre ruse;

3 Nous devons réfléchir à ce que nous ferons de ce que Dieu nous donnera, si nous en tirerons de l'honneur et du profit, ou si nous Lui en rendrons toute la gloire pour l'amour du prochain;

4 Considérons que nous ne possédons rien en ce monde où nous ne faisons que passer, que nous ne travaillons pas seuls, que nous sommes un en Christ, que nous partagerons de tout coeur les bénéfices spirituels ou temporels que la prière va nous donner;

5 Que nous ne pouvons prier seuls: Christ et l'Esprit sont la prière en nous;

6 Pardonner à nos ennemis, prier pour eux et pour tous les hommes.

7 Abandonner en esprit toutes les créatures.

Ensuite il faut nous adresser à Dieu le Père, au nom de Jésus, en vue d'obtenir son Esprit, pour qu'il nous remette nos péchés et nous donne ce qui nous sera bon; qu'on s'en remette à Lui pour tout le terrestre, car on ne sait pas demander; les longs discours sont inutiles; il faut simplement une âme croyante, repentante, disposée du fond du coeur à l'obéissance, qui remette toute sa volonté à la miséricorde de Dieu, qui ait renoncé au monde du fond du coeur, qui vive en Jésus-Christ et tienne ferme devant le diable.

La prière n'est pas semblable à une supplique adressée à un roi de la terre; c'est une sortie de l'être tout entier, avec toutes ses puissances et toutes ses qualités, toutes ses possessions, qui se remet entre les mains de Dieu: car il n'a plus droit au Ciel; il a dilapidé son héritage comme l'enfant prodigue. Il faut donc s'adresser au Père avec la simplicité et la confiance d'un enfant, de toute l'attention dont on est capable: on se met de la sorte en présence de la Trinité et des choeurs angéliques; cet état d'esprit ainsi obtenu, il est inutile de s'inquiéter des suggestions du diable. Le coeur, la raison, les sens peuvent vaciller, s'effrayer: il faut que la volonté reste inébranlablement attachée à la vertu divine comme la cellule de l'arbre absorbe la sève. Dès que cette intention a lieu, le Saint-Esprit vient nous aider en passant par la porte que le Christ a ouverte; c'est de son sang et de sa chair célestes que notre âme se nourrit dans la prière.

A son tour le Christ éternel se nourrit, non d'essences célestes, mais de la foi et de la prière des hommes et de leurs louanges, qu'Il reçoit des mains du Père: c'est Lui qui unit l'homme, la demande et Dieu.

Le culte extérieur, les sacrements, les cérémonies ne sont valables qu'animés par le culte intérieur.

Le son des paroles de la prière part de notre centre lumineux, passe par l'Esprit animal et va coopérer avec la force divine; les mots se forment dans l'essence sainte ouverte par le Christ; la volonté de l'âme modèle ainsi en elle-même le Verbe essentiel de Dieu qui crée en nous la substance de la foi. L'âme génère ainsi un nouveau corps divin, qui règne avec Dieu dans le Ciel, reçoit l'anneau d'alliance et la perle de la Sagesse.

Quand ton coeur est sans force, quand ta langue est muette, soupire et désire comme la femme chananéenne, le diable s'affaiblira d'autant. Applique-toi la passion, la mort et la réparation de Jésus-Christ, enveloppe ton âme dans sa promesse. Avec plus de violence t'élanceras-tu hors du diable et de tes péchés, d'autant plus le royaume de Dieu penétrera-t-il en toi; ne faiblis pas; si le travail est grand le joyau sera magnifique.

La souffrance nous est quelquefois envoyée pour nous pousser à la prière: c'est le pain de l'âme; c'est une faim et une soif sans mesure de la volonté; l'âme sort du centre de l'angoisse en toute humilité et se rend à travers l'esprit de ce monde, brisant les portes de l'abîme, jusqu'au coeur de Dieu incarné en nous. Elle s'en nourrit, engendre le corps spirituel du Christ et l'Esprit s'en exalte quelquefois jusqu'au corps physique.

L'essentiel est de se tenir dans l'humilité: il ne faut rien permettre au corps sans en avoir demandé à Dieu l'autorisation comme si nous étions sans aucune force, car nous sommes les rameaux et notre devoir vital est d'attirer la sève du tronc.

Et si nous sommes par nos désirs dans l'Église antichristique, notre demande sera exaucée par l'Esprit de ce monde; si nous sommes dans l'Église sainte, dont la première est la géhenne, nous serons entendus de Dieu. Le vrai chrétien ne doit donc pas s'occuper des actes d'autrui et n'enseigner que si l'Esprit l'y pousse expressément.

En résumé le mysticisme de Boehme concorde avec la doctrine sous-entendue par les saints du catholicisme. Lorsque nous sommes appelés, Dieu, par le repentir, la pénitence, les épreuves, creuse en nous, un moule négatif, mais nous croyons être les ouvriers de ce travail; et cette terre pantelante et souffrante appelle le positif divin: le Christ.

Quelque ardente donc que soit la lutte, notre adversaire serait-il aussi fort que Dieu, ne laissons pas notre coeur défaillir, puisque ce que nous demandons sera accordé.