RÉCAPITULATION Jetons maintenant un coup d'oeil sur la carrière que nous venons de parcourir ensemble. Nous y voyons l'histoire d'un être divin, débutant par la plus grande faiblesse temporelle, pour arriver, par une ascension ininterrompue, jusqu'à la plus grande puissance spirituelle. Sa vie est la double antithèse de la vie du pouvoir politique, personnifiée par les Césars romains, et de celle du pouvoir intellectuel, personnifiée par cet Apollonius de Tyane que tant de théoriciens ignorants égalent au Maître de Nazareth. Ainsi, le monde marche toujours par ternaires; à tout instant de son évolution se distinguent, dans son état, les fauteurs fatidiques, produits des causes antérieures, les efforts de l'humanité cherchant à saisir les rênes de la suprématie et les secours divins s'offrant à elle sous la forme des envoyés providentiels. Il faut avoir connu ces antiques théophanies jusqu'à leurs extrêmes développements pour oser, sans outrecuidance, les mettre en parallèle avec un livre aussi simple d'aspect que l'Évangile et aussi en désaccord avec ce que la sagesse humaine a toujours enseigné. Si vous ne passez pas de longues années dans l'étude théorique et pratique de l'ésotérisme antique, il vous faudra exercer sur vous-mêmes une violence telle qu'à peine un homme sur cent mille en sera capable pour vous mettre dans l'état intérieur indispensable à la perception de la Lumière évangélique; mais, si douloureuse qu'elle soit, cette seconde méthode est préférable de beaucoup à la première. Les initiés qui élaborèrent les formes rituéliques du christianisme ont construit un admirable monument cérémoniel qui apparaît à l'oeil du connaisseur comme une oeuvre encore plus parfaite que celle des anciens brahmanes. Ils ont employé le même plan du duodénaire connu de temps antédiluvien sous la forme du zodiaque. Le Christ en est le centre; chacun des douze apôtres en est un signe; chacun des sept sacrements en est une planète; les premiers sont les bornes de la monade, les seconds, ses foyers de réintégration. Noël et la Saint--Jean sont les deux pôles; le Carême, Pâques, l'Ascension, la Pentecôte, la Toussaint gardent une correspondance instructive avec les signes zodiacaux où ils tombent. De sorte que sur cette circonférence, divisée régulièrement par le Père, le Fils et l'Esprit, auxquels mène la pratique respective de la Foi, de la Charité, puis de l'Espérance, la vie terrestre du Christ occupe de Noël à Pâques trois signes et une moitié; nombre mystérieux dont on connaît le rôle important dans les textes hindous et dans les prophètes juifs. L'année liturgique reste un chef-d'oeuvre de symbolisme. Qu'on l'étudie dans ses divisions chronologiques, dans ses décors, dans ses formules, elle offre à la sagacité du chercheur une mine d'observations et de découvertes qui est à peine entamée. On ne connaît rien encore de la Kabbale du latin; on ne s'est jamais enquis des vertus occultes du plain-chant; à peine a-t-on comparé quelques nombres architecturaux et quelques symboles de pierre ou de vitraux. On ne s'est jamais aperçu que l'ensemble des cérémonies de la Messe retrace tout le drame cosmique, toute l'épopée de la régénération; on n'a vu dans les sacrements que la lettre ou le symbole moral. Il y a là de quoi faire travailler toute une cohorte d'érudits et de mystagogues. Mais, par l'admirable élasticité de l'Esprit qui en sature les pages, ce livre garde seul ses secrets; il ne les dévoile qu'à celui qui se fond, en quelque sorte de tout son coeur et de toutes ses forces, dans l'Etre de Lumière qui en est le véritable auteur. C'est pour cela, et aussi parce qu'il est à la portée de tout le monde, qu'il n'est besoin ni de longues études ni de pénibles voyages pour se le procurer, que les savants, les philosophes et les occultistes le connaissent peu et le tiennent en général en piètre estime. |