Une autre lettre de Sédir 3
Ce court message n'étant pas daté, il peut se placer vers la fin de la guerre de 1914-1918. Celui qui le reçut, ayant été assez gravement blessé et ne pouvant être transporté, demeurait encore dans une ambulance de la zone de feu.
Comme la troisième édition de l'ouvrage de Sédir « Initiations » venait de sortir, avec ses additions pour les chercheurs de mystères, la primeur en avait tout de suite été faite à l'allongé que la souffrance empêchait de bouger.
C'est donc là la réponse à une lettre exprimant affectueusement sa reconnaissance et marquant son admiration pour le livre dévoré.
Il y a une tendresse assez inattendue de la part de ceux que l'on nomme généralement « les maîtres », puisque le maître, ici, s'effaçait aux reflets d'une phrase que l'on trouve dans les Actes des Apôtres relativement à l'affection que se portaient les premiers chrétiens les uns aux autres.
« Comme ils s'aiment! » Oui, ils s'aimaient et ils s'aiment encore pour peu que le seul Maître soit, suivant leur mérite, présent entre eux.
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Je suis bien heureux, cher Z... des améliorations, si lentes cependant, de votre état. Et je continue ) nous continuons tous ) de demander votre guérison. Cher Z..., je suis très touché de votre affection, d'autant que je n'y ai pas droit et que je n'ai rien fait pour vous, et qu'au contraire vous avez donné à notre idéal bien plus que moi. Les bouquins eux-mêmes sont si maladroits et si anémiques!
Vos souffrances font que notre affection pour vous ( la mienne en particulier ) se teinte de respect; mais si cela peut te faire sentir plus proche ma tendresse profonde, je t'embrasserai comme un frère en souhaitant que le Ciel mette dans cette accolade lointaine tout l'ineffable qu'il peut y verser.
A toi en Lui.
Il y a d'abord l'assurance d'une pensée que le berger a pour chacune des brebis de son troupeau, mais surtout de la prière pour celles qui sont le plus en danger, de cette prière qui peut soulever des montagnes. Ensuite l'effacement devant la souffrance, devant l'épreuve exauçante, que l'on salue, qui que l'on soit. Car Sédir, porteur d'une autorité exceptionnelle, d'un rayonnement incontesté, renonçant ici au droit particulier d'affection et disant n'avoir rien fait pour cela, ne fait pas de la rhétorique ou de la fausse modestie, mais réalise seulement cette loi évangélique du premier prenant la dernière place et se faisant le serviteur de tous.
Connaissance peut-être plus humble encore au regard de ses livres qui, à ses yeux de voyant, ne pouvaient demeurer que très inférieurs aux certitudes qu'il avait du Royaume de Dieu et de la présence du Christ.
Quant aux dernières lignes, c'est l'affectueuse progression pénétrant forcément au coeur de celui qui la reçut, du fait même de l'admiratif respect que nous avions tous pour Sédir. Le passage de la deuxième personne du pluriel, presque déférente, au paternel tutoiement prépare le baiser de paix et l'approche d'une tendresse désincarnée que seul l'amour durable peut donner.
FERNAND MAURICE.